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文章基本信息

  • 标题:Proust ethique.
  • 作者:Hong, Teng-yueh
  • 期刊名称:Fu Jen Studies: literature & linguistics
  • 印刷版ISSN:1015-0021
  • 出版年度:2005
  • 期号:January
  • 语种:English
  • 出版社:Fu Jen University, College of Foreign Languages & Literatures (Fu Jen Ta Hsueh)

Proust ethique.


Hong, Teng-yueh


ENGLISH ABSTRACT

Prior to considering Proust from an ethical perspective, this study defines the meaning of the term "ethics" through descriptions offered by the Encyclopedie d'Alembert, by exponents of rhetoric and style, and by theorists of discourse. It then attempts a small contrastive study of the author Proust and the Proustian narrator in A la recherche du temps perdu. The objective is to see to what extent the author and the intra-diegetic narrator refer to each other in their ethical essence, and how they set out the various subjects that fall under an ethical theme, thereby making readers sensitive to this most particular aspect of Proustian writing: the virtuosity with which the ethical meets the aesthetic.

La definition de l'ethique

Selon la pensee chinoise, la definition possible de l'ethique est intimement liee a l'esthetique, car la qualite esthetique de l'oeuvre d'art reflete la qualite ethique de son auteur. Cette idee est essentielle dans la pensee chinoise. La peinture, comme l'ecriture calligraphique, presente un miroir de coeur. La supreme beaute d'une calligraphie ne releve pas de la beaute precisement, elle resulte de son adequation naturelle a la "verite" que le calligraphe nourrit en lui - authenticite, purete originale, naturel absolu. La perfection de l'oeuvre d'art depend entierement de la verite humaine de l'artiste. Cette notion morale qui fonde toute l'esthetique chinoise se retrouve egalement en Occident, comme le signale Leys, mais elle est plutot le fait de quelques esprits d'exception, dont Stendhal fournit une parfaite illustration: toute son esthetique est passionnement et furieusement morale (Leys 25-26). Qu'en est-il de Proust a qui nous voudrions voir une attribution ethique dans son oeuvre de la Recherche?

Ceci a ete dit par le narrateur de la Recherche: "Je ne sais pas si ce serait une eglise ou des fideles sauraient peu a peu apprendre des verites et decouvrir des harmonies.... Bientot je puis montrer quelques esquisses" (IV: 617). L'intention de l'auteur sur la mise en oeuvre de tout l'edifice scriptoral de la Recherche a ete signalee dans le Temps retrouve, mais c'est la ou l'ecrivain, au lieu de cloturer la Recherche, a laisse parler le narrateur sur son projet initial. Avant d'engager Proust sur la voie ethique, il nous convient de concevoir le sens du terme "ethique" proprement dit.

Premierement, concernant la definition du mot, l'Encyclopedie d'Alembert precise qu'il s'agit d'un terme de philosophie, que l'ethique est une science des moeurs, qui nous prescrit une sage conduite et les moyens d'y conformer nos actions. L'ethique signifie aussi "la morale." Toujours selon l'Encyclopedie d'Alembert, on appelle "vie morale," celle qui s'etend avec gloire au-dela du tombeau. La comparaison de la brievete de cette vie mortelle avec l'eternite d'une vie morale dans le souvenir des hommes etait familiere aux Romains, et a ete chez eux la source des plus grandes actions. Un homme celebre soit a la guerre, soit dans la magistrature, soit dans les sciences et les beaux arts, n'est point oublie. Hatons-nous de dire qu'en fait, cette notion de "vie morale" n'est point etrangere a l'esprit du narrateur proustien, quand il donne ses appreciations sur les oeuvres d'art realisees par des artistes de tout premier ordre, et leurs travaux, dit le narrateur proustien, a la maniere des astres luisants, renvoient leurs lumieres d'etoile a etoile.

La meme encyclopedie expliquant le terme de "religion" le developpe sous deux aspects: la religion naturelle et celle qui est revelee. La religion naturelle est le culte de la raison, laissee a elle-meme, et a ses propres lumieres, qui apprend qu'il faut rendre hommage a l'Etre supreme, auteur et conservateur de tous les etres qui composent le monde sensible, comme de l'aimer, de l'adorer, de ne point abuser de ses creatures. On appelle cette religion aussi morale ou ethique, parce qu'elle concerne immediatement les moeurs et les devoirs des hommes les uns envers les autres, et envers eux-memes consideres comme creatures de l'Etre supreme. (1) Ainsi, selon l'Encyclopedie d'Alembert, l'ethique recouvre un champ semantique tres large: les moeurs, les conduites, la vie morale, la religion naturelle, etc. Ces notions diversement developpees, forment par elles-memes une isotopie solide relevant du terme "ethique."

Publie en 1984, Michel Foucault, dans son troisieme tome de l'Histoire de la sexualite, intitule Le souci de soi, a presente l'inflexion dans la morale des plaisirs que l'on constate pendant la periode romaine: "Le souci de soi a ete, dans le monde greco-romain, le mode dans lequel la liberte individuelle - ou la liberte civique, jusqu'a un certain point -- s'est reflechie comme ethique" (2). Mais apres avoir domine six siecles de philosophie et de reflexion morale, le theme succombera sous la prescription chretienne de la renonciation de soi: s'occuper de soi a ete, a partir d'un certain moment, volontiers denonce comme une forme d'amour de soi, une forme d'egoisme ou d'interet individuel en contradiction avec l'interet qu'il faut porter aux autres ou avec le sacrifice de soi qui est necessaire. Ce petit souci pour autrui en tant qu'element meritoire de l'ethique se revele aussi dans la rhetorique ancienne.

Dans la Rhetorique generale, le mot "ethique," provenant du mot grec "ethos," se definit comme "un etat affectif suscite chez le recepteur par un message particulier et dont la qualite specifique varie en fonction d'un certain nombre de parametres. Parmi ceux-ci, une grande place doit etre menagee au destinataire lui-meme. La valeur attachee a un texte n'est pas une pure entelechie, mais une reponse du lecteur ou de l'auditeur. En d'autres termes, ce dernier ne se contente pas de recevoir un donne esthetique intangible, mais reagit a certains stimuli. Et cette reponse est une appreciation" (Hutcheon 145).

En plus de la chaine communicative etablie entre le destinateur et le destinataire assurant le fonctionnement par l'ethos, Ducrot, linguiste moderne, analyse plus avant ce concept d'ethique et introduit le terme de "locuteur" en y distinguant deux instances: le "locuteur en tant que tel" (note locuteur--L) et le "locuteur en tant qu'etre du monde" (note locuteur-[lambda]). Le premier designe le locuteur considere du seul point de vue de son activite enonciative, en tant qu'etre de discours. Le locuteur-[lambda], en revanche, designe le locuteur en tant que ce dernier possede par ailleurs d'autres proprietes, constituant un etre du monde.

Cette distinction peut sembler byzantine, signale Maingueneau, en fait, elle permet de rendre compte de phenomenes aussi importants que l'interjection ou l'ethos. Toujours selon lui, analysant la theorie de Ducrot, le theoricien moderne affirme ceci: s'interroger sur la specificite enonciative de l'interjection, c'est se demander quelle difference on peut etablir entre "ouf!", par exemple, et un enonce de contenu identique comme "Je suis soulage." Pour Ducrot, en disant "Je suis soulage," on implique le locuteur-[lambda], l'etre du monde designe par le locuteur, on lui attribue une certaine propriete independante de l'enonciation. En revanche, dire "ouf!", c'est proferer une enonciation soulagee, presenter son enonciation comme un effet immediat du sentiment de soulagement ; dans ce cas, c'est le locuteur-L qui est concerne: en tant que tel le locuteur d'"ouf!" ne peut qu'etre soulage (on peut dire "Je suis soulage" sans avoir l'air soulage). On le voit, l'interjection suppose une theatralisation de son propre corps d'enonciateur. Suivant pas a pas cette lignee d'analyse discursive, nous pouvons deja nous imaginer que dans le long recit de la Recherche, le narrateur proustien tient la plupart du temps le role de locuteur-[lambda], l'etre du monde represente par le narrateur lui-meme, du fait qu'il se situe constamment au niveau intradiegetique et assure longuement un recit homodiegetique entoure des personnages les plus divers qui sont constitues de classes tres differentes: l'aristocratie, la haute bourgeoisie, la famille, etc. Le narrateur proustien est trop dependant du recit pour etre pris pour un simple locuteur-L, enonciateur des interjections modales, d'autant plus qu'il est tres rare de lire dans la Recherche des passages purement et simplement monologiques, forme discursive favorisant ce type de discours modal.

Ayant ainsi repris la theorie de Ducrot, la differenciation entre les deux locuteurs nous amene a la logique du discours concernant l'ethos lui-meme. La notion d'ethos provient, comme nous venons de le voir, de la rhetorique antique. Pour Aristote "on persuade par le caractere [??] en grec ethos [??], quand le discours est de nature a rendre l'orateur digne de foi ; car les honnetes gens nous inspirent confiance plus grande et plus prompte sur toutes les questions en general" (Rhetorique 1356 a). "Les orateurs inspirent confiance pour trois raisons ; les seules en dehors des demonstrations qui determinent notre croyance, la prudence, la vertu, la bienveillance" (Ibid. 1378 a). Il s'agit donc pour l'orateur de donner une certaine image de lui-meme, de jouer l'homme prudent, vertueux, bienveillant, pour persuader son auditoire. Cet ethos n'appartient pas a l'individu considere independamment de son discours: ce n'est qu'un personnage adapte a la cause que defend l'orateur. Ce dernier ne dit pas explicitement "Je suis honnete, courageux, etc.," mais il adopte en parlant le ton, les manieres que l'opinion attribue a un homme honnete, courageux, etc. L'ethos est donc attache au locuteur--L, a l'etre de discours, et non au locuteur-[lambda]. Arrive a ce stade d'analyse, nous pouvons nous demander comment le narrateur proustien, originairement attribuable au role du locuteur-[lambda], pourrait toucher a l'aspect ethique a l'interieur de la Recherche.

En effet, rien n'empeche que le locuteur-L se mette en valeur en devalorisant le locuteur-[lambda], poursuit ainsi Maingueneau: c'est ce qu'on appelle l'autocritique ; Rousseau, par exemple, dans ses Confessions, evoque avec la plus grande sincerite ses fautes, celles du locuteur-[lambda]. Ce faisant, il offre l'image d'un locuteur-L sincere, veridique, qui tient la promesse qu'il a faite de "montrer a ses semblables un homme dans toute la verite de la nature." Le narrateur proustien en tant que locuteur-[lambda], homme du monde, a-t-il ete pareillement critique par un locuteur-L a l'interieur du recit proustien ? et par la, s'est-il conforme a la promesse rousseauiste de "montrer a ses semblables un homme dans toute la verite de la nature"?

Nous sommes d'avis avec Maingueneau que la prise en compte de l'ethos est d'une grande consequence pour l'etude des textes litteraires. Loin d'etre reservee aux orateurs, elle est constamment impliquee dans l'ecrit meme: les textes sont inseparables d'une "voix," d'un "ton" particuliers. Genette a d'ailleurs consacre longuement ses travaux menes a ce propos sur le recit de la Recherche dans les Figures III. Ce sont, rappelons-le, autant de proprietes attribuables a la figure de l'auteur, nullement a la personne de l'ecrivain ; sur ce point, les travaux de Maingueneau, Genette et Lejeune sont en constante harmonisation. Le meme ecrivain peut adopter d'un texte a l'autre, ou a l'interieur du meme texte, des ethos tres differents. L'ethos de l'homme du monde ironique qui est associe a l'enonciation des premieres Lettres provinciales de Pascal est ainsi vite remplace dans les lettres suivantes par un ethos vehement et quasiment prophetique. Le narrateur proustien de la Recherche, disposant de l'ethos ayant une "voix," un "ton" particulier a reconnaitre, se manifeste dans un tres large parametre ethique allant de la resignation couardiere jusqu'a la critique acerbe mais conduite dans la plus grande sagesse humanitaire. Cet aspect s'avere justement un des domaines d'etude les plus interessants. Mieux nous saisirons la voix et le ton du narrateur proustien, mieux nous saurons penetrer dans l'enonce du recit proustien.

On aurait neanmoins tort, comme le fait la tradition, d'affecter l'ethos au seul sujet enonciateur. En vertu du caractere premier du couple interlocutif, il implique egalement le coenonciateur, ici le lecteur. Ce point de vue presente par Maingueneau rejoint celui de Hutcheon que nous venons de signaler. Ce point est essentiel, notamment dans l'etude de l'ethos sous l'aspect humoristique du recit proustien. Le texte construit un certain ethos de ce lecteur et lui affecte divers traits, en fonction de son enonciation. La place de lecteur n'est pas une case sans specification aucune: le texte suppose telles ou telles caracteristiques chez celui qui le lit. Cela dit, l'ethos du narrateur proustien devrait repondre a l'ethos de son lecteur dans les cas meilleurs, ou du moins, il devrait pouvoir lui apporter une affectation directe ou indirecte. Sur ce chapitre, les travaux conduits par Brunel et de Botton en ont fait une excellente demonstration. (3)

Aussi, cette distinction entre "locuteur-L" et "locuteur-[lambda]" est-elle liee a la distinction entre la dimension referentielle et la dimension modale de l'enonciation: d'un cote l'enonce refere a certains objets, de l'autre il indique quelle relation entretient avec lui son sujet d'enonciation (modalisation). Maingueneau donne un exemple pour illustrer ceci: dans Je suis triste l'embrayeur je refere a un individu ("locuteur-[lambda]") qui se trouve coincider avec le sujet d'enonciation ; mais du point de vue modal, il existe une sorte de rupture entre le sujet d'enonciation comme tel ("locuteur-L") et son enonce puisqu'on refere a je comme on le ferait a une non-personne. En revanche, dans Helas !, le sujet d'enonciation, du point de vue modal, est implique dans son dire. On peut traiter de maniere comparable le contraste entre (1) Je promets de partir (acte illocutoir de promesse) et (2) Je promets tous les jours de partir: en (1) c'est le "locuteur-L" qui est engage dans l'enonciation, tandis qu'en (2) seul le "locuteur-[lambda]" est concerne: dans ce dernier cas l'enonciation implique je en tant qu'individu dont on parle et non en tant que locuteur de l'enonce. (4)

Ce tres long expose tire de l'oeuvre theorique de Maingueneau va nous servir de base pour nous conduire a la recherche d'un Proust ethique, qui n'est autre qu'un narrateur referentiel -- etre du monde dans la realite et dans la fiction, joint a un narrateur modal -- etre d'autocritique et d'auto-reflexion, qui ont reussi a toucher merveilleusement a l'ethos d'un lecteur charme par le magnifique recit de la Recherche.

La reconnaissance du narrateur proustien dans sa dimension referentielle-Proust malade

Dominique Mabin, neurologue et psychiatre, ayant une vaste connaissance de la correspondance du romancier, a publie Le Sommeil de Proust dans lequel la vie de Proust malade a ete clairement decrite. Le Pr. Adrien Proust, eminent hygieniste est alerte sur l'etat de son fils Marcel, alors age de neuf ans, par la premiere crise d'"asthme des foins" apres une promenade au bois de Boulogne. Chez Proust, les crises d'"asthme et le rhume des foins se repetent au cours de son adolescence. Durant pres de dix ans elles s'espacent, mais une recrudescence survient a l'age de 24 ans, en 1895. C'est l'epoque d'une importante vie mondaine, mais c'est aussi le debut de l'aggravation de son asthme. Tres tot, Proust decide de ne plus dormir la nuit dans l'espoir de prevenir ou d'attenuer ses crises d'asthme. Sa Correspondance traduit le temperament anxieux, l'inquietude permanente de ce grand malade a la recherche de la cause de son asthme. L'evolution de la maladie jointe a un mode de vie anarchique, qui a un grand retentissement sur son sommeil, ont entraine Proust a consulter de nombreux medecins en fonction des hypotheses pathogeniques du moment. Les reponses donnees sont assez souvent justes et temoignent d'une bonne perspicacite de leurs auteurs, mais l'indiscipline de Proust ne lui permet pas de tirer profit de ces conseils.

Selon les conceptions de l'epoque qui attribuent une origine nerveuse a cette maladie, il est traite par des calmants, des "nervins," terme designant a la fois des tranquillisants et des toniques du systeme nerveux; il sejourne a la montagne en compagnie de sa mere et au bord de la mer, a Cabourg, et non plus a Illiers ou il souffre d'asthme et du rhume des foins. Il s'enferme dans une automedication aux consequences progressivement irremediables, mais il reste scrupuleux, d'ou ces appels aux medecins. L'asthme s'aggrave au fil des ans. Ce qui frappe le lecteur de sa Correspondance, c'est la longueur des crises, jusqu'a trente heures, pendant lesquelles "tout mouvement (et aussi toute immobilite) toute pensee m'ont ete refuses, crise d'asthme tellement violente que rien n'y resistait". (5)

L'aggravation de son etat est ineluctable a partir de 1910, quand Proust a 39 ans, et elle le rend de plus en plus prisonnier de son lit. L'asthme n'est pas la seule maladie dont souffre Proust. Il est sujet au coryza spasmodique, qu'il appelle "fievre des foins," qui le frappe au printemps, et qui peut s'accompagner de manifestations asthmatiques. Ce rhume des foins se traduit par des eternuements par acces, un larmoiement, une certaine dyspnee, une toux et un "coulage sans interruption;" il previent ce coryza en restant dans sa chambre, et meme au lit, tard dans la journee (7 heures du soir), evitant les promenades dans les bois, sortant dans une voiture fermee, et fumant des cigarettes antiasthmatiques. Ce coryza est evoque tres souvent dans sa correspondance, et progressivement il survient en dehors de la saison habituelle, c'est-a-dire au printemps.

Le printemps 1917 aggrave son etat asthmatique. Il limite de plus en plus ses sorties qui occasionnent des crises. Sur un tel terrain la grippe pourrait avoir des consequences redoutables. Ses soucis cardiaques deviennent frequents et l'inquietent, car il parle dans les annees 1910 "d'accidents cardiaques dont j'avais deja eu un commencement et qui semblent un peu d'angine de poitrine". (6) D'autres soucis medicaux inquietent Proust. Ils sont lies soit a sa personnalite, soit aux medicaments pris inconsiderement pour dormir, puis se reveiller, ou pour lutter contre la fatigue. Ainsi en est-il d'une enterite mucomembraneuse traitee, entre autres, par des lavements, ou par une pilule laxative de cascarine Leprince, avec les effets que l'on peut deviner ..., remarque ainsi Mabin. Les maux d'estomac sont souvent contemporains des troubles intestinaux. Mais les maux qui l'inquietent le plus sont ses troubles cardiaques. Son etat asthmatique s'ameliore a Cabourg; mais a Versailles ou a Paris sa vie est tres penible "malgre toutes les cafeines du monde," au point de ne pouvoir monter deux marches. (7) Alors qu'il ecrit A la recherche du temps perdu, les crises incessantes font qu'il "n'a meme plus de cerveau". (8)

Il ressent frequemment une grande asthenie qui est souvent en rapport avec son asthme et qui reduit ses capacites de travail. Sa grande inquietude, qui devient veritablement angoissante, est de ne pouvoir finir son oeuvre, comme il l'ecrit a plusieurs reprises a quelques confidents, dont Gaston Gallimard et Emile Straus. Il est oblige de dicter son courrier a Celeste, et de prendre de plus en plus de medicaments pour sortir de "ses heures de vrai coma, de martyr" ou il "passe quarante-huit heures haletant comme un demi-noye qu'on sort de l'eau, sans pouvoir dire une parole ni faire un mouvement."

Dans la Correspondance, il fait part objectivement de ses insomnies, de leur traitement, et des effets facheux des hypnotiques, tout en admettant, et meme en justifiant, qu'il ne peut s'en passer. Dans ce contexte d'insomnie, Proust presente donc tous les signes de l'asthme a dyspnee continuelle. Dans les dernieres semaines les quintes qui durent tant de jours le laissent dans un etat lamentable; "... Jacques [Riviere], laissez un malheureux qui n'en peut plus" ...; dit Proust a un de ses meilleurs amis; "Nous reparlerons de tout cela, mais je n'en peux plus," ecrivait-il trois semaines avant sa mort. Une telle expression, souvent pathetique, ne traduit certainement pas une derobade, mais elle est celle d'un grand insuffisant respiratoire, et sans doute cardiaque, a bout de souffle, qui vit artificiellement d'excitants puis de somniferes car il ne dort plus.

Les sorties sont aussi l'occasion d'un refroidissement qui peut s'accompagner de fievre. Les allusions sont frequentes dans la Correspondance et, plus particulierement en octobre 1920, ou elles deviennent un refrain: "40 de fievre (pas contagieux) ne rendent pas tres facile d'ecrire ... Si vous voyez Montesquiou a qui j'enverrai aussi mon livre voulez-vous lui dire que j'ai 40 degres de fievre depuis dix jours...), ecrit-il a Mme Straus. (9) "Je sens tout le ridicule de "dicter" une lettre pour vous, mais j'ai 41[grados] de fievre depuis dix jours". (10) Les lettres suivantes ecrites a la meme periode font etat de cette hyperthermie. Le 31 octobre la fievre et la toux ont enfin disparu. Proust avait raison de craindre une surinfection bronchique. C'est a la suite d'un refroidissement suivi d'une pneumonie non traitee qu'il decede.

L'ethique et le choix d'un caractere - etre reel ou etre de fiction

Kristeva en rendant compte que les Grecs ne connaissaient pas le terme de personnage affirme ceci: ce sont des "agissants" (prattontes) qui font le recit, selon la Poetique d'Aristote. Qu'ils soient des "modeles"ou des "copies," etres reels ou etres de fiction, ces "actants" sont toutefois pourvus de caracteres ethiques ("bassesse" ou "noblesse"). Qu'est-ce qu'un "caractere" (ethos)? (11) -- "C'est ce qui est de nature a manifester un choix (l'ethos est proairetique) qualifie ; aussi n'y a-t-il pas de caractere dans les paroles qui ne mentionnent absolument pas ce que choisit ou evite celui qui parle" (Kristeva 2). A partir de cet argument, il nous semble pertinent de mener une petite etude contrastive entre l'ecrivain Proust et le narrateur proustien de la Recherche pour en faire decouler une ethique proprement proustienne.

Proust malade et son narrateur qui s'endort sous l'effet des narcotiques, ses reves

Pour resumer la vie de Proust malade, nous pouvons etablir facilement une liste de ses afflictions physiques declenchees d'abord par un asthme chronique. La riche pathologie rencontree chez lui explique la consultation de specialistes divers car, autour de ses problemes de sommeil et d'asthme qui etaient lies, sont apparu successivement des difficultes cardio-vasculaires, gastro-intestinales, rhumatologiques, psychologiques, etc. Sa vie au lit et ses reveils tardifs se poursuivent: "Je me leverai peut'etre une heure demain. Et puis ce sera de nouveau quinze jours de lit ...," dit-il a un de ses multiples correspondants. Marcel Proust sait bien que les raisons de ses troubles sont dus a un abus de medicaments. Ses appetits sont miserables, genes par de constantes crises d'asthme et ses maux d'insomnie. Cette anorexie est majoree par l'abus de somniferes, d'ou viennent certains troubles psychiques. L'inquietude de Marcel Proust devait etre grande quand il consulte Babinski, neurologue eminent qui lui dit que ces troubles psychiques sont dus a une intoxication medicamenteuse, "explication un peu enfantine pour moi" (12). Pourtant, il les evoque a plusieurs reprises a la meme epoque. L'analyse clinique developpee dans ses lettres au sujet des troubles neurologiques dus aux abus de somniferes est tout a fait fondee selon Mabin. Et en effet, a l'epoque de Proust, les signes qu'il presentait pouvaient orienter vers une complication neurologique tardive de la syphilis appelee paralysie generale et tabes. Pour les somniferes, il prenait deja du Trional quand il n'avait pas encore 18 ans. Des l'age de vingt-cinq ans, il s'etait habitue aux somniferes pour s'endormir, soit a cause de l'asthme, soit tout simplement du bruit.

La toxicomanie est bien reelle avec l'augmentation des doses, voire les exces, qui ont des repercussions sur le psychisme. Mais le somnifere n'est pas sans inconvenient chez un asthmatique, puisqu'il accroit ses crises. En plus du Trional, Proust absorbe d'autres somniferes qui sont a deconseiller chez l'asthmatique parce qu'ils depriment les centres respiratoires: "Ces coups de marteau representent la necessite quotidienne de veronal, d'opium, etc ..." (13)

Les somniferes ne sont pas les seuls medicaments utilises par Proust. Son asthme le contraint a se soigner. Il le fait avec maladresse et exces, parce qu'il est a la fois mal conseille et incredule quant a l'efficacite des traitements. Les effets secondaires nefastes apparaissent et aggravent le mal. Tres tot, il utilise des cigarettes ou des poudres antiasthmatiques qu'il brule dans sa chambre (Escouflaire, Espi, Legras), d'ou les tres nombreuses references aux "fumages," seuls ou associes a la prise d'autres medicaments eupneisants. (14)

Malgre ses denegations, Proust a du consommer de l'opium, de la morphine et de l'heroine, ce derive de la morphine. Au fil des annees, la consommation de poudres deviendra tres importante. A la fin de sa vie, l'obsession de ne pouvoir respirer ou le besoin de calmer les crises entraine "la necessite de faire des fumigations plusieurs heures plusieurs fois par jour ...". (15) Dans ces conditions, il lui est bien difficile de recevoir dans sa chambre, seule piece ou il accueille, puisqu'il vit continuellement au lit.

C'est dans cette dimension referentielle relevant de l'ecrivain malade de longue date que Proust a cree a l'interieur de la Recherche un narrateur qui grandit au fur et a mesure que le recit avance. Quand l'enfant est devenu grand, il s'est deja deplace dans de nombreuses chambres pour passer ses nuits, ou il a experimente plusieurs types de sommeil et d'insomnie, et ou il a fait sa propre decouverte dans le pays du subconscient, tantot visite par des reves delicieux, tantot par des cauchemars. Mais le narrateur adulte trouve le courage de dire que pour un homme habitue a ne dormir qu'avec des drogues comme lui,
 ...une heure inattendue de sommeil naturel decouvrira l'immensite
 matinale d'un paysage aussi mysterieux et plus frais. En faisant
 varier l'heure, l'endroit ou on s'endort, en provoquant le sommeil
 d'une maniere artificielle, ou au contraire en revenant pour un
 jour au sommeil naturel -- le plus etrange de tous pour quiconque a
 l'habitude de dormir avec des soporifiques -- on arrive a obtenir
 des varietes de sommeil mille fois plus nombreuses que, jardiner,
 on n'obtiendrait de variete d'oeillets ou de roses. (16)


Les dormeurs qui ne peuvent entrer en sommeil que sous l'effet des narcotiques sont compares par le narrateur tres courageux a des "jardiniers" qui obtiennent "des fleurs qui sont des reves delicieux, d'autres qui ressemblent a des cauchemars". (17) Le courage d'un insomniaque comme notre auteur est sans rival, d'une part, parce qu'il en parle avec enthousiasme, d'autre part, parce qu'il tire profit meme des maux qui le font souffrir tout au long de sa vie, quand l'insomnie est devenue un compagnon pour le malade souvent alite, et c'est l'insomnie qui l'aide a explorer longuement la richesse du subconscient.

Proust asthmatique et son narrateur fin admirateur de parfums

La phobie des parfums est bien connue chez Proust asthmatique. Il craint aussi la fumee: la fumee du chemin de fer, celle du tabac, de la cheminee, "... au moment ou l'allumage du calorifere (1er novembre) dont la cheminee est adossee a mon lit me donne de terribles crises d'orthopnee que l'accoutumance finit par attenuer mais en ce moment sont a en crever". (18) Il craint aussi une chambre trop chaude, mais paradoxalement il fait du feu en plein mois d'aout. Ses visiteurs du soir sont incommodes par ce chauffage, il doit donc se faire excuser, comme dans cette lettre adressee a la princesse Soutzo en juin 1920: "Vous m'avez garde rancune du feu (il n'y avait pas eu une demi-buche de consumee) mais vous n'avez pas fait attention qu'a cause de vous j'ai garde tout le temps la fenetre ouverte". (19)

A partir du theme du parfum, de Botton en a etabli une comparaison du narrateur proustien avec les malheureux snobs: en face de ceux dont l'ame a ete atteinte d'une "maladie grave" parce qu'ils souffrent du snobisme, le narrateur proustien semble plutot admirable face a ses maux physiques. Bien qu'en raison de son asthme il coure un grand danger en se rendant a la campagne, bien qu'il devienne pourpre a la seule vue d'un lilas en fleur, il ne s'est pas laisse aller a suivre l'exemple de Mme de Verdurin, il n'a pas pretendu puerilement que les fleurs sont ennuyeuses et n'a pas vante les delices de passer toute l'annee dans une piece calfeutree. Bien au contraire, le narrateur proustien est alle droit a l'ombre des (...) fleurs pour y humer les parfums les plus subtiles, metaphoriquement aupres des jeunes filles, et imaginairement dans les jardins epanouis: les roses, les aubepines, les lilas, les violettes, les glycines, les pommiers, les poiriers en fleurs, dont les pollens derangeraient sa voie respiratoire ..., toutes ces fleurs disposent pourtant d'un langage poetique pour lui. Les jardins combraysiens sont couverts de mille fleurs embaumantes. Ses villes de reve -- Venise et Florence - sont des villes fleuries.

Proust alite et le soleil

La longue relation de Proust avec les therapeutiques pharmacologiques est detaillee dans le courrier qu'il adresse a certains confidents. Les effets cliniques de ces substances ont ete rappeles. Ils peuvent eclairer certains troubles neurologiques et comportementaux et expliquer des evenements insolites de la vie de Proust. En 1906, a l'age de 35 ans, Proust est arrive a un tel degre de fatigue, de deterioration de sa fonction cardio-respiratoire et d'abus de somniferes que "pour ecrire ce simple mot il m'a fallu une pharmacie ..." (20) ecrit-il a Jacques Riviere en octobre 1919, trois ans avant sa mort.

Quand il est alite et enferme longuement dans sa chambre, tandis que la chambre "protegeait en tremblant sa fraicheur transparente et fragile contre le soleil de l'apres-midi derriere ses volets presque clos," quelque chose d'extraordinaire pourrait se produire pour egayer le malade deja du temps de son sejour a Combray: "un reflet de jour avait pourtant trouve moyen de faire passer ses ailes jaunes, et restait immobile entre le bois et le vitrage, dans un coin, comme un papillon pose". (21) Le narrateur malade voit que "[??]l'[??] obscure fraicheur de ma chambre etait au plein soleil de la rue, ce que l'ombre est au rayon, c'est-a-dire aussi lumineuse que lui, et offrait a mon imagination le spectacle total de l'ete dont mes sens si j'avais ete en promenade, n'auraient pu jouir que par morceaux ; et ainsi elle s'accordait bien a mon repos qui (grace aux aventures racontees par mes livres et qui venaient l'emouvoir), supportait pareil au repos d'une main immobile au milieu d'une eau courante, le choc et l'animation d'un torrent d'activite". (22) Cette voix, si limpide parce qu'elle evoque la beaute estivale composee de lumiere du soleil brillant, d'eaux courantes d'un torrent est celle provenant d'un narrateur-enfant qui se sait prisonnier de ses crises d'asthme chroniques et qui s'amuse a passer du bon temps en lisant de romans. Plus tard, cet enfant ecrira lui-meme, nourri des textes lus et des experiences d'un solitaire mais consolable deja par les rayons de soleil qui arrivent a penetrer par les fenetres sans doute fermees ...

Proust toxicomane et la medecine

L'etat maladif permanent de Proust l'a evidemment conduit a consulter de nombreux medecins dont il parle dans sa correspondance. La "voix" et le "ton" du discours fait par le malade auraient-ils ete marques d'ironie ou de satire ? Le theme de la medecine releverait-il chez le narrateur toxicomane d'un sujet d'amertume ? Il semble que non seulement le narrateur proustien n'en parle jamais sur un ton satirique, mais aussi il s'en sert pour discourir gaiement, sur un ton souvent ludique.

L'aspect ludique se differencie de l'ironique ou du satirique. Tous sont des signes marqueurs de l'ethos: "Comme l'ironie, la satire possede un ethos marque, mais qui est code encore plus negativement. C'est un ethos plutot meprisant, dedaigneux qui se manifeste dans la colere presumee de l'auteur, communique au lecteur a force d'invectives. Cependant la satire se distingue de l'invective pure par le fait de son intention de corriger les vices qui sont presumes avoir suscite cet emportement. Cette notion de derision ridiculisante a des fins reformatrices est indispensable a la definition du genre satirique" (Hutcheon 146).

Pour revenir a notre auteur, le mepris, le dedain, la colere sont simplement absents de son discours, quoique Proust lui-meme, sans etre un malade docile, ne respecte pas toutes les prescriptions medicales proposees. Quant a la satire, la critique acerbe, elles n'ont pratiquement pas fait leur entree dans la Recherche, notamment a propos du sujet portant sur les medecins ou la medecine. Les prescriptions du Professeur Cottard destinees a l'asthme du narrateur de la Recherche, par exemple, ont ete notees textuellement mais c'est pour amuser la famille de la malade:
 Purgatifs violents et drastiques, lait pendant plusieurs jours,
 rien que du lait. Pas de viande, pas d'alcool ... Je n'ai pas
 l'habitude de repeter deux fois mes ordonnances. Donnez-moi une
 plume. Et surtout au lait. Plus tard, quand nous aurons jugule
 les crises et l'agrypnie, je veux bien que vous preniez quelques
 potages, puis des purees, mais toujours au lait, au lait. Cela
 vous plaira, puisque l'Espagne est a la mode, olle, olle! ...
 Ensuite vous reviendrez progressivement a la vie commune. Mais
 chaque fois que la toux et les etouffements recommenceront,
 purgatifs, lavages intestinaux, lit, lait ... (23)


Une autre anecdote vecue par l'ecrivain a son enfance nous amene a lire un passage de la Recherche sous un eclairage nouveau. Il est certain que Proust garde a l'egard des medecins des soupcons. De Botton signale que selon la theorie proustienne du savoir, les medecins sont dans une position delicate, car ils pretendent comprendre le fonctionnement du corps, bien que ce savoir ne leur soit pas venu en premier lieu d'une souffrance dans leur propre chair. Ils ont tout simplement suivi pendant des annees les cours d'une faculte de medecine. C'est l'arrogance de cette position qui irrite Proust l'eternel malade, arrogance d'autant moins fondee que les bases de la science medicale de son temps etaient bien chancelantes. Enfant, on l'avait envoye consulter un certain Dr. Martin, qui pretendait avoir decouvert un remede permanent contre l'asthme. Il fallait pour cela oter par cauterisation les tissus erectiles du nez, en une seance de deux heures. Apres lui avoir inflige cette douloureuse operation, le Dr. Martin, sur de lui, affirma au petit Proust qu'il pouvait desormais aller a la campagne sans risquer le rhume des foins. Mais bien sur, a la seule vue d'un lilas en fleur, Proust fut pris d'une crise si violente et si longue que ses mains et ses pieds en devinrent pourpres et qu'on craignit pour sa vie (de Botton 92).

Dans la Recherche, la presence d'un specialiste X a ete sans doute creee dans l'ombre du docteur Martin. La narration a d'abord ete menee au point ou la grand-mere entre dans la periode de crise d'uremie la plus aigue. Alors apparait comme un saint ce specialiste X qui se disait capable de guerir la grand-mere et de la mettre "hors d'affaire en trois jours". (24) La grand-mere, personnage tres representatif du recit qui illustre intimement et affectueusement toute la personalite et la pensee implicites du narrateur, reagit comme le narrateur l'aurait entendu faire: elle refuse net de se laisser examiner. Ce soi-disant specialiste s'est presente chez la grand-mere gravement malade, sur le conseil des gens du monde, que le pere de Marcel, lui-meme medecin celebre, avait suivi. Les moutons aveugles etaient ces gens du monde qui "disent cela de leur medecin, et on les croit comme Francoise croyait les reclames des journaux." Des qu'il apparait avec son equipement de specialiste, l'aspect ludique mene sur le comique de la situation est aussitot declenche. Sans la moindre ambiguite, le narrateur sait que celui-ci, qui pretend guerir quelqu'un de tres malade, ne va guerir personne:
 Le specialiste vint avec sa trousse chargee de tous les rhumes de
 ses clients, comme l'outre d'Eole (25). Ma grand-mere refusa net de
 se laisser examiner. Et nous, genes pour le praticien qui s'etait
 derange inutilement, nous deferames au desir qu'il exprima de
 visiter nos nez respectifs, lesquels pourtant n'avaient rien. Il
 pretendait que si, et que migraine ou colique, maladie de coeur ou
 diabete, c'est une maladie du nez mal comprise. (26)


L'effet comique le plus drole produit dans une situation hilarante se poursuit dans le recit quand le lendemain le specialiste X a la chance de rencontrer le pere du narrateur dans la rue. Et en voyant qu'il est litteralement secoue par des quintes, le specialiste X "sourit a l'idee qu'un ignorant put croire le mal du a son intervention," sur un ton toujours ludique, le narrateur devient le porte-parole du specialiste X, ignorant et arrogant a l'extreme: "(...) Bref, tous nos nez etaient malades ; il ne se trompa qu'en mettant la chose au present. Car des le lendemain son examen et son pansement provisoire avaient accompli leur effet. Chacun de nous eut son catarrhe."

Proust devenu litteralement toxicomane au fil des annees a pourtant laisse dire des choses tres sages au narrateur de la Recherche. Sans garder rancune aux effets premiers ou secondaires des medicaments auxquels il se voit oblige de s'accomoder, car il garde sans doute l'espoir de se soulager, sinon de se guerir, la medecine reste malgre tout une science: Proust aime a reveler de temps a autres que les medecins sont ignorants, mais cela est dit avec un esprit de generosite, ainsi le narrateur a tendance a excuser la betise des praticiens meme si ceux-ci aggravent la situation des malades. L'excuse la plus genereuse que le narrateur avance en faveur des praticiens maladroits, c'est l'evolution des sciences: quand une decouverte n'aura pas encore ete faite, un docteur, aussi repute soit-il, n'aura point de recours. Dans le cas du docteur Cottard, sa science, meme si elle est teintee d'un sens de l'humour assez fin, n'aurait pas su rassurer l'entourage de la personne malade. Celui qu'on avait appele aupres de la grand-mere du narrateur les avait agaces en les interrogeant avec un sourire fin: "Malade? Ce n'est pas au moins une maladie diplomatique ?" Cottard essaya, pour calmer l'agitation de la malade, le regime lacte. Mais les perpetuelles soupes au lait ne firent pas d'effet parce que la grand-mere y mettait beaucoup de sel, dont on ignorait l'inconvenient en ce temps-la. "Widal n'ayant pas encore fait ses decouvertes", (27) a pris soin de noter entre parentheses le narrateur qui, vis-a-vis de la prescription du docteur Cottard, a opte pour la comprehension.

Proust et son respect de l'alterite et de l'alternance

Proust est un tendre qui s'attendrit sur la veritable amitie ressentie. Mais, par les rapports qu'il etablit dans son monde, il est triste de constater bien souvent le contraire: "Je suis d'une tristesse infinie de voir combien peu de gens sont gentils au fond," dit-il un jour. Chez la plupart des gens, il y a quelque felure dans leur maniere d'entretenir leurs amities. Lucien Daudet, un de ses amis intimes avait remarque que chez Proust, une extreme delicatesse dirigeait ses conduites envers les amis car il etait doue "[??]d'[??] une divination peu enviable, il decouvrait toutes les petitesses, souvent bien cachees, d'un coeur humain, et il en avait horreur, les mensonges meme insignifiants, les restrictions mentales, les cachotteries, les faux desinteressements, la parole aimable qui a un but utile, la verite un peu deformee par commodite, enfin tout ce qui inquiete l'amour, attriste l'amitie et rend banales les relations etait pour Proust un sujet constant d'etonnement, de tristesse ou d'ironie" (de Botton 151).

Proust etait a la fois extraordinairement franc et extraordinairement affectueux, au point qu'il menat cette double attente jusqu'a son point de rupture et concoctat cette approche originale de l'amitie, qui consistait a juger que l'incompatibilite entre quete d'affection et quete de verite n'etait pas accidentelle mais fondamentale. On peut s'imaginer que cela faisait de Proust un ami bien mediocre, mais paradoxalement cette separation radicale avait en fait le pouvoir d'en faire un meilleur ami, plus loyal et plus agreable, ainsi qu'un penseur plus sincere, plus profond et moins sentimental (de Botton 162). Comme le propose d'ailleurs Zima dans son analyse sur l'enjeu ethique, le fait de maintenir "le respect continu de l'alterite: la reconnaissance de ma propre contingence culturelle, ideologique et theorique rend possible mon respect de l'alterite et de l'alternative" (Zima 20). Appliquee au sujet de l'amitie, l'ethique theorique des sentiments veridiques et sinceres est donc le resultat d'un equilibre toujours precaire et toujours menace entre l'engagement idealiste et la reflexion autocritique de la personne concernee. La personne neglige son devoir ethique lorsqu'elle supprime la reflexion et cede a la tentation monologique d'identifier son discours au reel. Car les mecanismes d'identification tendent a bloquer le dialogue et a supprimer des constructions alternatives en matiere d'echange d'amities. Le respect de l'alterite et de l'alternative existe justement chez Proust alors qu'il s'agit la d'une des tres rares qualites humaines. Sur ce point precis, il a confie au narrateur de la Recherche une qualite d'ame tout a fait semblable a la sienne. Nous pouvons le concevoir par l'evenement diegetique qui suit.

Dans la Recherche, les promenades en caleche a Balbec que Mme de Villeparisis avait proposees au narrateur et a sa grand-mere s'etaient deroulees dans le plus grand bonheur. Leur amitie etait veridique, et ils s'en rejouirent pleinement, jusqu'au dernier jour des adieux: le narrateur, ainsi que sa grand-mere, etaient deux etres profondement attaches a cette sympathie qui se manifestait dans la plus grande simplicite. Lors de leur premier sejour a Balbec, Mme de Villeparisis avait octroye des promenades en voiture, et a la fin de ces journees de delices, celle-ci accepta leurs remerciements avec "un sourire calin, en filant les sons, sur un ton melodieux qui contrastait avec sa simplicite coutumiere." Ainsi, "dans ces moments-la, Mme de Villeparisis n'etait plus naturelle," remarqua aussitot le narrateur: "elle se souvenait de son education, des facons aristocratiques avec lesquelles une grande dame doit montrer a des bourgeois qu'elle est heureuse de se trouver avec eux, qu'elle est sans morgue" (28). Tout ce discours du style descriptif illustrant la pensee interieure de la "trop gentille" marquise fut suivi par l'interpretation du narrateur qui ranima son point de vue moraliste sur la prevenance de l'aristocrate jusqu'ici si bien recue par la grand-mere et lui-meme. En effet, au moment de la separation, puisque la marquise etait dans l'exces de ses politesses, "on y reconnaissait ce pli professionnel d'une dame du faubourg Saint-Germain, laquelle, voyant toujours dans certains bourgeois les mecontents qu'elle est destinee a faire certains jours, profite avidement de toutes les occasions ou il lui est possible, dans le livre de comptes de son amabilite avec eux, de prendre l'avance d'un solde crediteur, qui lui permettra prochainement d'inscrire a son debit le diner ou le raout ou elle ne les invitera pas" (29).

Au retour des promenades en voiture offertes par Mme de Villeparisis, le calcul des aristocrates, et en occurrence, la mise a distance eventuelle des bourgeois par la dame de la noblesse etait signalee vers la fin d'une des plus belles experiences de sa vie: l'amitie liee spontanement entre eux en Normandie se vit sonner le glas comme une note nostalgique au beau sejour de Balbec ! Mais ces promenades en caleche avaient bien laisse leur trace dans le recit redige dans la meilleure esthetique du paysage et de l'ame creatrice du narrateur. Tout le recit du sejour a Balbec aurait semble vain si seulement Mme de Villeparisis n'avait pas offert ses aimables services pour amener le narrateur au lieu ou il avait apercu trois arbres signifiant miraculeusement le lieu d'entree d'un monde romanesque extasiastique.

Proust et ses souffrances

De Botton signale que pour Proust, l'activite mentale semble partagee en deux categories: il y a ce qu'on pourrait appeler les pensees indolores, qui ne viennent pas d'un malaise particulier, ne sont inspirees par rien de plus qu'une envie desinteressee de decouvrir comment fonctionnent le sommeil et l'insomnie, ou pourquoi les etres humains oublient, et puis les pensees douloureuses, qui naissent de ne pouvoir dormir ou se rappeler un nom. Et ce n'est pas un hasard si Proust privilegie cette derniere categorie et en a fait une exploration litteraire et quasi theorique sur la memoire involontaire batie sur les intermittences du coeur. Les pensees douloureuses que les gens evitent tout naturellement et qu'ils se precipitent a classer dans la region de l'oubli sont justement le domaine ou le narrateur proustien aimerait se promener souvent. Proust dit ces propos qui ont ete precieusement recueillis par de Botton: "Si nous lisons le chef-d'oeuvre nouveau d'un homme de genie, nous y retrouvons avec plaisir toutes celles de nos reflexions que nous avions meprisees, des gaietes, des tristesses que nous avions contenues, tout un monde de sentiments dedaignes par nous et dont le livre ou nous les rencontrons nous apprend subitement la valeur" (de Botton 39). De la meme maniere, la decouverte que le narrateur proustien fait dans le domaine des choses meprisees, dedaignees ou oubliees semble etrangement nourrissante.

Pour illustrer comment l'intelligence du createur consisterait a decouvrir dans les choses banales un ton narratif susceptible de faire apparaitre l'unique individualite mise en narration sous l'eclairage d'un monde nouveau, c'est-a-dire, de faire paraitre pleinement l'ethique du narrateur, Proust a donne l'exemple suivant par le biais du narrateur de la Recherche. Cette decouverte a ete revelee au narrateur ambitieux de realiser de grandes oeuvres cependant qu'il a ete longuement torture par l'idee qu'il n'etait qu'un rate. Heureusement, Bergotte, prototype d'Anatole France, lui a apporte la revelation a travers un petit incident:
 Un jour, ayant rencontre dans un livre de Bergotte, a propos d'une
 vieille servante, une plaisanterie que le magnifique et solennel
 langage de l'ecrivain rendait encore plus ironique mais qui etait
 la meme que j'avais souvent faite a ma grand-mere en parlant de
 Francoise, une autre fois ou je vis qu'il ne jugeait pas indigne de
 figurer dans un de ces miroirs de la verite qu'etaient ses ouvrages
 une remarque analogue a celle que j'avais eu l'occasion de faire
 sur notre ami M. Legrandin (remarques sur Francoise et M.
 Legrandin qui etaient certes de celles que j'eusse le plus
 deliberement sacrifiees a Bergotte, persuade qu'il les trouverait
 sans interet), il me sembla soudain que mon humble vie et les
 royaumes du vrai n'etaient pas aussi separes que j'avais crus,
 qu'ils coincidaient meme sur certains points, et de confiance et
 de joie je pleurai sur les pages de l'ecrivain comme dans les bras
 d'un pere retrouve (30).


Nous pensons avoir trouve la un des meilleurs exemples pour expliquer pourquoi le contenu de la Recherche prete assez facilement a l'interpretation ethique, car tous les personnages ont ete choisis deliberement a partir d'un aspect social ayant lien avec les moeurs et la moralite des gens, quelle que soit la categorie socio-culturelle impliquee.

Mabin, par une etude des lettres echangees entre Marcel Proust et ses confidents, a obtenu l'image de la vie quotidienne de Marcel Proust, image qui se presente sous un aspect tres assombri. Ainsi, Marcel Proust est un grand consommateur de cafe. Il prend aussi inconsiderement du cafe que des somniferes. L'association insomnie, somniferes et cafeine est nefaste. Il prend de la cafeine sous forme de cafe, mais aussi sous forme de cachet renfermant 10 cg de cafeine, precise Mabin neurologue et psychiatre. Le cafe lui sert de cardiotonique et est son stimulant nerveux principal. Le cafe est devenu au fil des annees, surtout dans les dernieres, son principal et parfois unique aliment. Il peut en prendre jusqu'a 6 tasses en 1 heure, vers neuf heures ou dix heures du soir, souvent sans avoir mange. Ces exces creent un "ahurissement." Les allusions a ses abus sont de plus en plus frequentes dans les dernieres annees de sa vie, car ils sont la cause des troubles graves qui l'inquietent, alors qu'il consacre cette periode de temps quasiment a la seule activite d'ecriture de la Recherche, quand il dit a ses correspondants: "... je suis, je le crois, tres malade (d'une facon autre que ma maladie habituelle), je dois du reste me tromper sur mon mal, car j'ai voulu me faire trepaner, croyant que la cause de certains phenomenes nouveaux chez moi etait dans le cerveau, et le docteur que j'ai consulte s'y est absolument refuse disant que je me trompais entierement". (31)

Ses malaises physiques etant tres reels, Proust n'a pourtant pas rendu la vie profonde de son narrateur ombrageuse. Bien au contraire, le temps de l'orage, meilleure metaphore a illustrer les souffrances physiques ou psychiques, comme d'autres ecrivains l'auraient fait, a ete transforme en temps de liesse.

Que penser du mauvais temps, au moment de l'orage ? Rien d'autre que le passage furtif d'un petite inconvenance desagreable qui ne durerait pas: "Quelquefois le temps etait tout a fait gate, il fallait rentrer et rester enferme dans la maison ... Mais qu'importait la pluie, qu'importait l'orage ! L'ete, le mauvais temps n'est qu'une humeur passagere, superficielle, du beau temps sous-jacent et fixe, bien different du beau temps instable et fluide de l'hiver et qui, au contraire installe sur la terre ou il s'est solidifie en denses feuillages sur lesquels la pluie peut s'egoutter sans compromettre la resistance de leur permanente joie, a hisse pour toute la saison, jusque dans les rues du village, aux murs des maisons et des jardins, ses pavillons de soie violette ou blanche" (32). Les pluies, les orages, les peripeties de la vie aux yeux du narrateur sont des moments passagers, remplis paradoxalement d'esperance prompte a venir, a l'instar des feuillages du marronnier, quoique ayant l'air abattu a cause de l'orage menacant, restent en pleine poussee de verdure, sachant d'ailleurs par leur allure de "gentlemen" se tenir debout dans les jardins prives ou public et dans les rues du village, voire sur les bords des grands boulevards, transformant entierement le petit village ou la grande ville en etat de fete florissante.

Si nous savions dans quelles conditions physiques et dans quel etat psychique Proust a laisse ces mots equivalents a un morceau de bravoure execute par un virtuose, nous serions tres emus par le contenu du message transmis a travers l'image des marronniers frappes par l'averse !

Proust et son humour

L'humour est une attitude de la conscience en face du monde. Il est une maniere d'apprehender les situations qui a pour effet immediat un accroissement de sens par negation de certains sens. L'humour suppose d'abord une visee ambigue de la situation ou la conscience est engagee. Dans l'humour, il y a a la fois participation et rupture. Il n'y a pas d'humour s'il manque un engagement precritique a la situation, car le propre de l'humour est precisement une sorte d'emergence de la conscience critique a partir d'une participation innocente ou prereflexive (About 351-352). L'attitude consciemment c et inconsciemment critique donne place a la naissance de l'humour, souvent recu comme une surprise agreablement inattendue.

Si l'essence de l'humour est d'etre la contestation d'une essence convenue, cette contestation est serieuse. L'humour s'acheve toujours dans le serieux. L'operation humour faite, tout le monde redevient grave. Le serieux retrouve est le moment de la pensee, l'acces a un nouvel horizon de pensee (About 354). Ainsi l'humour est-il un acte social qui implique l'ethique en tant qu'individu pour celui qui plaisante, en tant qu'entite sociale pour celui ou ceux qui se trouvent amuses ou rendus reflexifs.

Ainsi, l'humour n'interesse pas la conscience solitaire, mais la conscience solidaire. Le concept d'une solitude absolue annule la possibilite meme de l'humour et l'humour est un "s'adresser a" qui implique au moins un temoin possible. Il n'est pas au niveau du sens pur mais au niveau de l'indication, qui vehicule le sens au moyen de signes. De toute facon, l'humour est un type de relation a autrui, qui l'invite a la reconnaissance de sens nouveaux. Lorsqu'il prend l'alter ego pour fin, il l'invite a prendre conscience de sa subjectivite a des niveaux neufs et lorsqu'il s'adresse a des regions mondaines, il invite autrui a une revelation nouvelle de l'etre du monde social ou du monde culturel (About 355). Nous pensons que l'explication d'About donnee ici fait exactement echo aux parametres ethiques tels qu'ils ont ete explicites par les precedents rhetoriciens et linguistes.

L'humour quoique entrepris en principe par quelque acte langagier, se trouve egalement moral. Max Jacob precise en disant ceci sur l'ironie, ou la satire: "Elle vous desseche et desseche la victime; l'humour est bien different; c'est une etincelle qui voile les emotions, repond sans repondre, ne blesse pas et amuse" (Pradier 63). Pour atteindre cet effet de communication basee sur un fondement ethique et avant tout spirituellement ludique, le praticien de l'humour doit se doter necessairement d'une moralite de toute premiere qualite afin de ne pas froisser la conscience individuelle ou sociale. Proust est humoristique, dans ce sens qu'il aime prendre la societe qui l'entoure comme l'objet vise, mais il s'en sert avec gentillesse, il taquine sur des points qu'il sait insensibles a l'amour propre individuel ou collectif. Dans le long recit parseme d'humour, c'est-a-dire, les parties precedant l'episode tragique d'Albertine disparue, le sadisme, la satire, la critique vehemente n'ont jamais paru rationnels aux yeux du narrateur proustien. Bien au contraire, quand il se retrouve devant des gens qui se plaisent a formuler d'acerbes critiques ou s'amusent a provoquer des scenes cruellement humiliantes pour des victimes visees, ce qu'il ressent, ce n'est que la honte envers les affligeants, la compassion envers les affliges, et la colere envers lui-meme, comme il se sent souvent trop lache pour oser s'elever contre ce genre de maux ignominieux.

L'humour de Proust est pleinement revele par son narrateur ludique de la Recherche. A la lecture des passages ou le narrateur ludique excelle, ce sont des moments des plus bienfaisants pour le lecteur, car celui-ci se trouve amuse et renseigne sur certaines lois recurrentes, appelees par Proust des "lois de generalites," donc liees a l'ethique sociale. Ce genre de lecture est encourageante a faire, car Proust lui-meme avoue que son roman, quoique visant l'aristocratie et la haute bourgeoisie du debut du siecle, n'est pourtant pas une oeuvre a classer dans la categorie du roman social et satirique, mais il a permis a son narrateur de degager l'essence des phenomenes sociaux sous l'aspect particulierement ludique.

Ainsi une echelle de valeur ethique pourrait tres bien se faire en regroupant des exemples significatifs pour l'illustration. Et il en resulte que tout en haut de l'echelle, a l'endroit justement le plus inadmissible pour le narrateur a l'esprit chaudement genereux, se trouvent des cas de cruaute, de grotesque, de vulgarite qui choquent le bon sens. Tandis qu'en descendant vers le bas de l'echelle, nous pouvons nous trouver graduellement dans le domaine finement amusant. C'est la ou le mimetisme et la jovialite interviennent pour reveler les traits d'esprit du narrateur, comme les aurait entendus l'ecrivain qui excelle en plaisanteries sur des sujets aussi bien droles que graves, - ceux qui touchent a la vanite, la pretention, la maladie, l'agonie ou meme la mort.

La noblesse relevee chez les residents notables et snobs du Faubourg Saint-Germain a prete au narrateur un milieu d'etude exceptionnel. Ce groupe social particulier, dont le mobile a ete finement analyse et hierarchise, a fait de l'oeuvre proustienne une brillante etude sociale parsemee d'humour. L'aristocratie parisienne allant de la fin du XIXeme siecle a la Belle Epoque a ete observee et repertoriee selon deux axes-pivots: celui recouvrant les categories du comique essentiellement mimetique, et puis celui recouvrant les categories qui rompant avec le pacte de la vraisemblance et negligeant l'effort du reel, fait ressortir d'autres personnes a denigrer a cause de leur vulgarite et de leur ridicule.

Parmi les cas les plus representatifs de l'aristocratie, le duc de Guermantes a demontre par sa gestuelle aristocratique un exemple ludique qui a atteint, a notre sens, un paroxysme du genre. Selon la pensee de l'auteur, les personnages, comme les gens en societe sans doute, sont susceptibles d'etre classes en deux categories: d'un cote, ceux qui sont porteurs des signes au sens plein, d'autres au sens vide. En principe, les signes au sens plein servent a valoriser, tandis que ceux au sens vide a prohiber. Il se trouve que chez les aristocrates, les signes d'accueil, d'adieux ou de salutations dans les occasions diverses sont richement elabores, a tel point que chaque famille dispose d'un registre tres interessant a remarquer, comme des danseurs sur des scenes de ballet russe, ainsi nous decrit le narrateur teinte d'humour.

Or, il s'est passe que pour denigrer ce cote vain des signes de salutations culturellement sophistiquees chez les aristocrates, le narrateur proustien a eu l'honneur dans la diegese de tomber nez a nez avec le duc de Guermantes venu presenter a l'avance ses voeux de condoleances quand celui-ci apprend que la grand-mere du narrateur se trouve en phase d'agonie. Alors commence une serie de gestuelles comiquement incongrues par lesquelles le duc essaie de forcer la porte pour se faire presenter, comme un visiteur notable pourrait s'y attendre, a la malheureuse mere en larmes, toute occupee a sauver l'agonisante. Mais le narrateur joue de son cote son jeu d'interdiction a l'eventuelle presentation et salutation du duc, afin de bien preserver sa mere des signes sociaux vides de sens, il se passe alors une scene de "duel," voire de "violence" entre un homme fort qui desire et une soi-disant "jeune fille" qui refuse ardemment ce desir irrationnel. Quand le plus fort a reussi, le narrateur tout embarasse dit pour sa mere: "Je ne pus faire autrement que de le nommer, ce qui declencha aussitot de sa part des courbettes, des entrechats, et il allait commencer toute la ceremonie complete du salut. Il pensait meme entrer en conversation, [...] ". (33)

En guise de conclusion

En 1901, a l'age de trente ans, le jugement que Proust fait de lui-meme, c'est "... sans plaisirs, sans but, sans activite, sans ambition, avec ma vie finie devant moi, et le sentiment de la peine que je cause a mes parents, j'ai tres peu de joie." Lorsqu'il donne des nouvelles de sa sante, Proust s'empresse de declarer qu'il est au bord de la tombe, il repete cette information avec une conviction inebranlable pendant les seize derniere annees de sa vie (de Botton 83). Douze ans apres, en 1913, le premier volume de la Recherche -- Du cote de chez Swann -- est publie . En 1918, le deuxieme volume -- A l'ombre des jeunes filles en fleurs parait. Et a partir de 1920 jusqu'a l'annee de sa mort en 1922, le travail laborieux de l'ecrivain se poursuit, jusqu'a la publication de son dernier volume -- Le Temps retrouve -- en 1922. Pendant environ neuf ans, depuis l'age de 42 ans, l'ecrivain travaille pour ainsi dire sans arret. (34)

Comme Kristeva le precise, il faudra sans doute la puissance individualiste du christianisme, sa plastique passionnelle au croisement du subjectif et de l'universel, telle que la manifeste le "sujet absolu" qu'est le Christ -- pour que le "caractere" (prenant la releve de l'ethos) perde la valeur d'une option morale et qu'il s'incarne dans un corps greffe par l'ame. Marque, empreinte, signe ou monnaie, le terme "caractere," en grec, suggere l'incision qui tranche et forme. Il passera par le latin et les recits bibliques, evangeliques, puis medievaux, avant de se confondre avec la "figure": avant que la morale ne se module en representation (Kristeva 3).

Qu'en est-il alors de Proust au sujet de l'ethos - le caractere - incisant, tranchant et formant sa vie a la maniere d'une piece d'argent sur laquelle est marquee un signe, un symbole de valeur ? Lui, dont la vie a d'abord ete tant marquee par des souffrances a tel point qu'il se considere encore comme un rate a l'age de 38 ans ?

Un episode vecu dans la vie reelle de l'ecrivain et transforme en recit descriptif par l'auteur de la Recherche va nous donner une des meilleure reponse a la question. Cette experience a eu lieu en 1913, l'annee ou Proust a 42 ans, lorqu'il traverse le Bois pour aller a Trianon, pendant un "des premiers matins de ce mois de novembre ou, a Paris, dans les maisons, la proximite et la privation du spectacle de l'automne qui s'acheve si vite sans qu'on y assiste, donne une nostalgie, une veritable fievre des feuilles mortes qui peut aller jusqu'a empecher de dormir". (35)

La fin de l'ete et le debut de l'automne est une periode pleine de charme pour un ecrivain-paysagiste, parce que pour celui qui possede un regard d'artiste, c'est l'heure et la saison ou la multiplicite des scenes de la grande nature donne lieu a de riches interpretations.

En automne, c'est la grande saison des feuilles mortes. Mais sans lui inspirer la tristesse, le bois lui propose avec les feuilles jaunies une perspective: il porte son regard a des endroits toujours plus loin que lui offre sa vue. Il contemple le grand jardin public a la maniere d'un architecte sachant rendre compte des zones constituantes de l'espace et a la maniere d'un artiste qui apprecie une grande variete des couleurs: de tres riches jeux de lumiere s'etendent devant lui, presque a perte de vue - une variete de couleurs composees de jaune, rouge et vert, en meme temps qu'il voit le soleil jouant avec l'ombre dans le Bois:
 Plus loin, la ou toutes leurs feuilles vertes couvraient les
 arbres, un seul, petit, trapu, etete et tetu, secouait au vent une
 vilaine chevelure rouge. Ailleurs encore c'etait le premier eveil
 de ce mois de mai des feuilles, et celles d'un ampelopsis
 merveilleux et souriant comme l'epine rose de l'hiver, depuis le
 matin meme etaient tout en fleur (36).


Tout a coup, la grande nature semble s'offrir a la benediction du soleil qui lui donne du feu passionnel, a la maniere d'une vie a ressusciter de ses ombres de la nuit, et cela en un seul instant du matin. Le reveil est benefique, voire glorieux pour toutes les plantes, et toutes ont l'air de s'appreter a un hymne de gloire qu'on entendrait a l'occasion d'une grande fete. Puisque l'heure des splendeurs de la vie est presente, tout s'y prepare a coeur joie: formes, couleurs, ame du narrateur artiste sont en parfaite liesse. A ce propos, une epaisseur esthetique s'est materialisee a la maniere d'une brique, consistante et pesante a la fois, pour souligner la splendeur du Bois visite par le soleil du matin:
 Ici, elle epaississait comme des briques, et, comme une jaune
 maconnerie persane a dessins bleus, cimentait grossierement contre
 le ciel les feuilles des marronniers, la au contraire les detachait
 de lui vers qui elles crispaient leurs doigts d'or (37).


Une telle description est eblouissante, parce qu'elle se presente au regard du narrateur comme un tableau dont le contenu consiste a celebrer la vitalite naturelle du monde cree par un doigt celeste qui d'une simple touche, a mis le Bois entier en disposition pour une fete somptueuse. Le Bois magnifiquement peint par le narrateur demanderait que quelques beautes s'y promenent.

Se dirigeant vers l'allee des Acacias, le narrateur s'apercoit que ce jour-la, ce n'est ni l'heure ni le moment de voir reparaitre de belles femmes. Pourtant, il trouve de quoi egayer ses yeux de fin esthete, les rayons de soleil du matin continuent a lui faire decouvrir d'autres aspects divertissants sur des futaies.
 Je traversais des futaies ou la lumiere du matin qui leur imposait
 des divisions nouvelles, emondait les arbres, mariait ensemble les
 tiges diverses et composait des bouquets. Elle attirait adroitement
 a elle deux arbres ; s'aidant du ciseau puissant du rayon et de
 l'ombre, elle retranchait a chacun une moitie de son tronc et de
 ses branches, et, tressant ensemble les deux moities qui restaient,
 en faisait soit un seul pilier d'ombre, que delimitait
 l'ensoleillement d'alentour, soit un seul fantome de clarte dont un
 reseau d'ombre noire cernait le factice et tremblant contour (38).


Vie en constante ranimation, representee par la presence et l'absence du rayon de soleil ; en contrepartie, vie en declin, voire en disparition des beautes feminines, contraste soigneusement mis en relief a ce propos pour faire venir, a notre avis, le grand theme de l'Eternite et de l'Ephemere.

En fait, il nous semble que ce grand passage consacre a la description automnale du Bois de Boulogne equivaudrait au passage d'exaltation eprouvee par Bergotte devant "le petit pan de mur jaune" de La Vue de Delft de Vermeer. Les deux experiences, celles de Bergotte et du narrateur Marcel, ont permis aux deux percepteurs des paysages matinaux de se referer a la vie eternelle, imperissable, et pourtant saisissable par des peintres, tels que Vermeer et Michel-Ange l'ont tres bien demontre. Elle est reproduisible egalement par les ecrivains, tels que Bergotte, prototype d'Anatole France, et le narrateur Marcel, qui n'est que Proust lui-meme. Toutefois, selon la diegese de la Recherche, l'experience de Bergotte est suivie par la Mort. Tandis que celle de Marcel predit la Vie, car le narrateur proustien, sans tomber mort devant l'oeuvre du grand maitre -- Michel-Ange -, a peint lui aussi par des mots extremement poetiques, le magnifique tableau de sa Creation, presque a la maniere d'un esthete qui fixe ses yeux sur la peinture faite au plafond de la chapelle Sixtine au Vatican:
 Quand un rayon de soleil dorait les plus hautes branches, elles
 semblaient, trempees d'une humidite etincelante, emerger seules de
 l'atmosphere liquide et couleur d'emeraude ou la futaie tout
 entiere etait plongee comme sous la mer. Car les arbres
 continuaient a vivre de leur vie propre et quand ils n'avaient
 plus de feuilles, elle brillait mieux sur le fourreau de velours
 vert qui enveloppait leurs troncs ou dans l'email blanc des spheres
 de gui qui etaient semees au faite des peupliers, rondes comme le
 soleil et la lune dans la Creation (39) de Michel-Ange (40).


Proust a touche a la dimension d'ethique concevable dans la religion naturelle ou la creature entend rendre hommage a l'Etre Supreme, sa vision de la Vie eternelle et ephemere est si clairement concue dans son ame qu'il se dit un jour que "La vraie vie, la vie enfin decouverte et eclaircie, la seule vie par consequent pleinement vecue, c'est la litterature. Cette vie qui, en un sens, habite a chaque instant chez tous les hommes aussi bien que chez l'artiste. Mais ils ne la voient pas, parce qu'ils ne cherchent pas a l'eclaircir" (41). Au retour de la promenade au Bois de Boulogne, en novembre 1913, et jusqu'au 18 novembre 1922, Proust sera litteralement plonge dans l'ecriture fievreuse de la Recherche. Il n'aura jamais arrete de perfectionner son oeuvre de telle sorte que sa Recherche est un glorieux temoignage de sa passion -- dans le sens de l'amour et de la souffrance vecus -- pour la realisation d'une vie d'ecrivain-artiste finalement bien remplie !

Note

(1) Voir l'article "religion" in Encyclopedie d'Alembert : Si l'ethique est la religion naturelle, la religion revelee est celle qui nous instruit de nos devoirs envers Dieu, envers les autres hommes, et envers nous-memes, par quelques moyens surnaturels, comme par une declaration expresse de Dieu meme, qui s'explique par la bouche de ses envoyes et de ses prophetes, pour decouvrir aux hommes des choses qu'ils n'auraient jamais connues, ni pu connaitre par les lumieres naturelles. C'est cette derniere qu'on nomme par distinction religion. La religion naturelle et la religion revelee supposent un Dieu, une providence, une vie future, des recompenses et des punitions ; mais la derniere suppose de plus une mission immediate de Dieu lui-meme, attestee par des miracles ou des propheties. Proust, ne d'une mere juive et d'un pere catholique, ne penche cependant pas beaucoup vers la religion revelee, son ecriture du sacre opte principalement pour la religion naturelle. Notre remarque.

(2) Voir p. 712, Foucault, Michel. Le Souci de soi, Paris : Gallimard, 1984.

(3) A ce propos, nous renvoyons a deux publications de valeur : - Botton, Alain de. Comment Proust peut changer votre vie. Paris: Denoel. Traduit de l'anglais par Maryse Leynaude; titre original: How Proust can change your life. Picador: London, GB. 1997. - Brunel, Patrick. Le Rire de Proust. Paris : Honore Champion/Litterature de notre siecle, 1997.

(4) D. Maingueneau, Elements de linguistique pour le texte litteraire, Paris : Dunod, 1993, 3eme edition, pp. 80-83.

(5) Cor., V, 200-201, no 101, a Robert de Montesquiou., cite par Mabin, in Le Sommeil de Proust, Pairs : puf/ecrivains, 1992. Toute les notes sur la Correspondance de Proust avec ses proches se referent a celles utilisees dans l'ouvrage de Mabin. Notre remarque.

(6) Cor., X, 71-72, no 30, a Robert de Montesquiou; Cor., X, 72-75, no 31, a Georges de Lauris.

(7) Cor., VIII, 236-240, no 128, a Georges de Lauris. Ibid.

(8) Cor., VIII, 240-242, no 129, a Robert de Flers. Cor., VIII, 325-27, no174, a Georges de Lauris.

(9) Cor., XIX, 530-532, no 280, a Mme Straus.

(10) Cor., XIX, 534-536, no 284, a Mme de Maugny.

(11) Ethos : sejour habituel, gite des animaux (Homere) ; depuis Hesiode, signifie maniere d'etre habituelle, coutume, caractere. Note de Kristeva.

(12) Cor., XVII, 148-150, no 58, a la princesse Soutzo.

(13) Cor., X, 51-52, no 19, a Robert de Montesquiou.

(14) Cor. II, 129-131, no 69, a sa mere; Cor., II, 137-140, no 74, a sa mere.

(15) Cor., XVIII, 544-549, no 319, a Rosny aine.

(16) M. Proust, A la recherche du temps perdu, tome III : La Prisonniere, Pairs : Gallimard/Pleiade, p. 631. Les oeuvres de M. Proust sont transcrites avec l'abreviation suivante : Sw : Du cote de chez Swann, J.F. : A l'ombre des jeunes filles en fleurs, C.G. : Le Cote de Guermantes ; Pr. : La Prisonniere, T.R. : Le Temps retrouve.

(17) Pr., p. 631.

(18) Cor., IX, 203-204, no 106, a Antoine Bibesco.

(19) Cor., XIX, 300-301, no 141, a la princesse Soutzo.

(20) Cor., XVIII, 442-444, no 255, a Jacques Riviere.

(20) Cor., XVII, 282-284, no 114, a Clement de Maugny.

(21) Sw., I, II, I, p. 82.

(22) Ibid.

(23) J.F., I, p. 489.

(24) C.G. II, I, II, p. 620.

(25) Eole (en gr. Aiolos), Fils d'Hellen, ancetre eponyme des Eoliens. Sisyphe etait l'un de ses fils. -- Fils de Poseidon, maitre des Vents, pere d'Alcyone. Il remet a Ulysse une outre renfermant tous les vents sauf un qui devait pousser son bateau a Ithaque. Mais les compagnons d'Ulysse, pendant son sommeil, ouvrent l'outre et les vents s'en echappent. Voir Petit Robert 2.

(26) C.G., II, I, II, p. 620.

(27) C.G., I, II, p. 594.

(28) J.F., II, II, pp. 83-84.

(29) Ibid.

(30) Sw., I, II, I, p. 95.

(31) Cor., XVII, 282-284, no 114, a Clement de Maugny.

(32) Sw., I, II, I, pp. 150-151.

(33) C.G., II, I, II, pp. 633-635.

(34) Les annees de publication pour la suite des volumes de la Recherche sont les suivantes : Le Cote de Guermantes I en 1920, Le Cote de Guermantes II en 1921, Sodome et Gomorrhe en 1922, La Prisonniere en 1922, La Fugitive en 1922, et Le Temps retrouve en 1922.

(35) Sw., III, I, p. 414.

(36) Ibid, pp. 414-415.

(37) Ibid .

(38) Ibid ., p. 416.

(39) Allusion a La Creation des astres, deuxieme des fresques representant des scenes bibliques, que Michel-Ange a peintes au plafond de la chapelle Sixtine au Vatican. Voir << Notes et variantes >>, in Sw. , III, I, 1987, p. 1280.

(40) Ibid., p.416.

(41) T.R., IV, p. 474.

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Tome II : A l'ombre des jeunes filles en fleurs (suite); Le Cote de Guermantes.

Tome III : Sodome et Gomorrhe; La Prisonniere.

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