Denise Lemieux et Michelle Comeau, Le Mouvement familial au Quebec, 1960-1990. Une politique et des services pour les familles.
Murray, Jocelyne
(Sainte-Foy: Presses de l'Universite du Quebec 2002)
CET OUVRAGE ETUDIE la famille comme lieu d'association et de
militantisme. Ses auteures, Denise Lemieux et Michelle Comeau amorcent
par cette recherche l'histoire du mouvement familial qui prend son
essor au debut des annees 1960 dans la foulee de la Revolution
tranquille. Elles demontrent comment des organismes populaires et leurs
leaders ont contribue non seulement aux grandes reformes de l'Etat,
mais a la definition d'une politique familiale.
Le Mouvement familial au Quebec, 1960-1990, se divise en deux
parties. Dans un premier temps, Denise Lemieux expose le developpement
du mouvement familial, ses objectifs, ses ramifications, ses princiaux
acteurs et surtout les actions entreprises tant par les organismes
familiaux que par l'Etat pour doter cette province d'une
politique familiale. Cette premiere partie comporte cinq chapitres qui,
selon un ordre chronologique, decrivent a la fois les differentes etapes
menant a l'obtention de cette politique et les enjeux defendus par
les [??] familiaux [??], l'Eglise et l'Etat. Dans un second
volet constitue de deux chapitres, Michelle Comeau dresse le portrait de
dix-sept organismes familiaux ou parafamiliaux, chacun etant presente
selon un meme schema : l'emergence de l'organisme, ses
objectifs, sa structure ainsi que les liens et collaborations suscites
par sa participation au mouvement familial. Ce tableau enrichit ou
complete l'information des chapitres precedents et met en lumiere
la polyvalence du champ familial.
L'action sociale aupres des familles telle qu'entreprise
dans les decennies 1930 et 1940, entre autres par l'Action
catholique et l'Ecole des parents, se transforme dans le contexte
de modernisation accElErEe de la sociEtE au dEbut des annEes 1960. La
laicisation de l'Education, de la santE et du bien-etre entraine de
nombreux changements. Un nouveau code civil et les lois sur le divorce
et l'avortement ont, a leur tour, des repercussions sur la famille
et ses membres, les femmes en particulier.
Afin de repondre aux besoins de la famille contemporaine, les
associations populaires developpent des services specifiques allant de
l'implantation des comites d'ecole a l'epanouissement du
couple en passant par l'aide aux familles monoparentales.
D'autres organisent de l'hebergement pour les victimes de
violence conjugale ou des services de garde en milieu scolaire, etc. La
vitalite de ces groupes, qui comprennent des associations feminines et
feministes, repose sur le benevolat, mais la nature des services
offerts, comme par exemple la mission educative chez la plupart
d'entre eux, requiert un financement adequat et tous
s'entendent sur la necessite d'une intervention
gouvernementale.
L'Etat, quant a lui, instaure des services et des organismes
dedies a la famille repartis dans plusieurs ministeres, mais recherche
aussi l'expertise des associations en vue d'elaborer des
programmes pertinents. Il met sur pied le Conseil superieur de la
famille devenu le Conseil de la famille (1988) en vue de recevoir des
avis et sur lequel siegent des militants. Il encourage par ailleurs la
creation d'un mouvement familial qui serait le porte-parole de tous
ces groupes. De son cote, l'Eglise s'engage dans une action
pastorale pour promouvoir la famille chretienne et regroupe les
associations religieuses autour d'une table provinciale.
A la tete du mouvement familial setrouvent des militants pour qui
[??] l'education et la participation des citoyens sont les moyens
sur lesquels on doit miser pour transformer la societe et
l'individu. [??] (p. 25) D. Lemieux retrace l'action de
plusieurs dont Philippe Garigue grandement implique dans le mouvement
qui commence. Ils sont nombreux a partager son idee que [??] le
dynamisme, la stabilite, le degre d'innovation des individus
d'une societe resultent de leur vie familiale. [??] (p. 38) Issus
des nouvelles facultes de sciences sociales, ils prennent la tete de ces
organismes et vont s'interesser a ce qui se passe ailleurs, au
Canada et aux Etats-Unis ainsi qu'en Belgique, en Espagne et en
France. Les echanges sont fructueux.
Au debut des annees 1980, les associations conviennent de la
necessite de mener une action concertee. Le regroupement
inter-organismes pour une politique familiale au Quebec, (RIOPFQ) reunit
une trentaine d'associations ou de federations. Des deux
federations phares du mouvement, seule la Federation des unions de
famille s'y joint tandis que les Organismes familiaux du Quebec
font cavalier seul tout se regroupant en confederation. Le succes des
interventions du RIOPFQ viennent justement du fait qu'il rassemble
ses [??] membres autour de l'obtention des structures politiques
minimales necessaires a la mise en place d'une politique familiale
sans aller dans les contenus de la politique familiale. [??] (105)
Chacun par la suite fera valoir ses propres requetes. Apres plus de
vingt ans de rapports officiels, de forums, de memoires et
d'echanges, une politique familiale est enfin adoptee en 1987. Ce
qu'il faut retenir selon D. Lemieux, [??] c'est qu'a
travers cette action sociale et politique, des groupes de familiaux
repartis a travers la province scrutent les legislations, suggerent des
modifications, formulent des propositions et participent aux changements
sociaux et politiques. [??] (80)
Au terme de cet ouvrage, on constate la complexite de la tache qui
voulait rendre compte de l'engagement social et de l'action
politique d'organismes aussi diversifies reunis autour d'un
interet commun : la famille et ses droits. Le champ familial etant
dorenavant ouvert, plusieurs problematiques de recherche apparaissent
deja comme l'expose D. Lemieux en conclusion du cinquieme chapitre.
Parce que les valeurs vehieulees par les familiaux et les mesures
etatiques n'ont pas toujours ete sur la meme longueur d'onde,
il reste beaucoup d'elements a analyser pour comprendre
l'evolution de notre societe. Cette recherche soignee et bien
documentee temoigne de la vitalite de l'action sociale familiale et
il ne fait aucun doute qu'elle vient enrichir les etudes portant
sur les mouvements communautaires. Il faut en tenir compte desormais.
Jocelyne Murray
Universite du Quebec a Trois-Rivieres