Jean Sexton, Initiation a la negociation collective.
Paquet, Renaud
(Sainte-Foy: Presses de l'Universite Laval 2002)
CET OUVRAGE VISE, selon son auteur, a presenter les premiers
elements, les valeurs, les principes de base, les postulats et les
principales composantes de la negociation collective pour en comprendre
la nature et le role. Cette presentation, elle est faite a
l'intention de lecteurs de la pratique professionnelle et du milieu
universitaire interesses par la negociation collective. Comme tout
ouvrage a publics multiples, on constatera a sa lecture qu'il y en
a un peu pour tous mais pas assez pour chacun. Le lecteur universitaire
y manquera un cadre d'analyse permettant de rassembler le contenu
et le praticien, les nombreux trucs du metier aussi appeles les
savoir-faire du negociateur. Mais cette derniere lacune constitue aussi
la force de l'ouvrage car les deux types de lecteurs tireront
benefice de la lecture de cet ouvrage. Apres tout, en 174 pages, on ne
peut s'attendre a faire le tour de la question sur un sujet aussi
complexe que la negociation collective.
Les chapitres 1 et 2 presentent et definissent la negociation
collective. La negociation, dans son sens large, est tout d'abord
consideree comme un processus social naturel et un mecanisme efficace de
prise de decisions entre des intervenants aux interets differents. Puis,
la negociation est analysee (la et dans le reste de l'ouvrage) dans
le contexte particulier des relations patronales-syndicales. Elle
s'inscrit dans la logique pluraliste de l'economie de marche
nord-americaine et de ses institutions, exige un certain equilibre des
forces en presence et vise a regler des problemes pratiques au travail.
Ses impacts depassent cependant ce cadre etroit en favorisant une
certaine democratie salariale et un meilleur partage de la richesse.
Alors que les chapitres 3 et 5 examinent la relation psychosociale
entre les parties, les chapitres 4 et 7 comportent une forte composante
institutionnelle car ils portent sur les processus. Nous les aborderons
donc a partir de ces deux regroupements.
L'auteur rappelle au chapitre 3 que le pouvoir occupe une
place centrale dans l'etude de la negociation collective. II
fournit un modele original d'estimation du pouvoir de negociation
de chacune des parties en prenant en compte les facteurs financiers, les
facteurs economiques, les facteurs psychologiques, les facteurs
sociopolitiques et, ce que l'auteur qualifie de facteurs residuels.
Le chapitre 5 passe en revue les strategies et les tactiques utilisees
en negociation collective en presentant plusieurs liens entre ces
elements et la notion de pouvoir. Meme si le contenu du chapitre reflete
bien la pratique professionnelle, l'auteur aurait eu avantage a y
etre un peu moins prescriptif en proposant 15 lecons a tirer de son
analyse. Le chapitre souffre aussi du fait que l'auteur a omis de
puiser dans la litterature americaine recente, pourtant riche sur le
sujet des strategies de negociation.
Le chapitre 4 sur les structures de negociation reprend, quoique de
facon beaucoup plus sommaire, l'explication descriptive presentee par Hebert en 1992 mais y ajoute une dimension analytique qui aide a
mieux saisir les choix des parties. L'auteur aborde tour a tour la
nature, la definition et les composantes des structures formelles de
negociation. Puis, il evalue les avantages et inconvenients de quatre
formes de structures : etroite et decentralisee, etroite et centralisee,
large et decentralisee, large et centralisee. Au chapitre 7,
l'auteur decrit, puis analyse l'intervention des tiers dans la
gestion des conflits qui se produisent lors des negociations
collectives. A juste titre, la mediation et la conciliation sont
abordees comme des interventions aidantes ou facilitantes alors que
l'analyse montre bien que l'arbitrage agit souvent comme un
substitut a la negociation. Cette derniere analyse est particulierement
tres bien presentee, forte sans doute de la vaste experience de
l'auteur.
L'auteur rappelle au chapitre 6 que la dynamique meme de la
negociation collective rend indissociable les questions de pouvoir de
negociation, de structures de negociation et de strategies de
negociation. Il decide donc dans un chapitre separe de traiter des
interrelations entre ces trois notions. Meme si le chapitre comporte
quelques redondances avec les chapitres precedents et que les sujets
sont abordes un peu rapidement, l'effort de synthese valait la
peine et les liens presentes sont tout a fait pertinents.
En guise de conclusion, l'auteur ferme la boucle au chapitre 7
avec ses reflexions sur les limites de la negociation collective et les
defis qui lui sont poses. Ces dernieres ont trait a l'etendue et a
la portee de la negociation, aux droits residuaires de la direction, a
l'etroitesse des protections qu'elle offre et aux difficultes
inherentes a la non fluidite de l'information. Quant aux defis,
l'auteur se limite a une breve description des elements contextuels
les plus importants qui influencent les objets de negociation
collective.
L'ouvrage de Sexton constitue une contribution interessante a
la litterature de langue francaise sur la negociation collective. Au
praticien, l'auteur offre une analyse bien ecrite de son metier,
lui permettant un certain recul sur son quotidien. A l'etudiant des
sciences de la gestion, il suffit pour introduire ce champ d'etude
a l'interieur d'un cours general sur les relations du travail.
Renaud Paquet
Universite du Quebec en Outaouais