Solidarite et determination. Histoire de la Fraternite des policiers et des policieres de la Communaute urbaine de Montreal.
Dagenais, Michele
Jacques Rouillard et Henri Goulet, Solidarite et determination.
Histoire de la Fraternite des policiers et des policieres de la
Communaute urbaine de Montreal (Montreal, Boreal 1999)
PUBLIE A L'OCCASION du 50e anniversaire de fondation de Ia
Fraternite des policiers et des policieres de la Communaute urbaine de
Montreal (FPPCUM), Solidarite et determination retrace l' histoire
de ce syndicat dont l'origine remonte a 1918. Bien que
l'ouvrage nit commande par la Fraternite, les auteurs soulignent,
d'entree de jeu, qu'ils n'ont pas redige une histoire
officielle. Ils precisent aussi qu'ils ont pu ecrire leur livre en
toute liberte. L' ouvrage n' en decrit pas moms l'
histoire de la FPPCUM avec grande empathie. Pour l'essentiel, il
souleve le dilemme auquel Ia Fraternite est confrontee depuis sa
naissance, tout comme d'autres syndicats de policiers sans doute
comment parvenir A concilier le devoir de maintien de I' ordre
auquel sont astreints les policiers avec Ia mission premiere du syndicat
qui consiste A travailler a l' amelioration des conditions de
travail de ceux-ci?
Cette histoire de Ia FPPCUM repose sur un travail de recherche
imposant et minutieux, effectue dans les archives du syndicat et celles
de l' administration municipale de Montreal ainsi que dans les
journaux. Les informations recueillies ont ete organisees de maniere
chronologique et regroupees a l' interieur de cinq grandes periodes
correspondant aux differentes phases de developement du syndicat. Les
cinq chapitres du livre traitent chacun d'une de ces periodes. Le
premier, couvrant les annees 1918 A 1950, relate les debuts difficiles
du syndicat jusqu' a la reconnaissance du droit A la negociation
collective. Les annees 1950 A 1965, etudiees dans le deuxieme chapitre,
correspondent A une periode ou l' activite de la Fraternite est
dirigee vers la fourniture de services A ses membres. Au cours des dix
ans suivants (chapitre 3), cependant, la FPPCUM se radicalise, recourant
notamment A la greve meme si cela lui est formellement interdit par le
gouvernement provincial. Le militantisme de la Fraternite demeure
vigoureux entre 1975 et 1988 bien que cette decennie, traitee dans le
chapitre 4, soit marquee par une decroissance des services de Ia police,
desormais integres dans la Communaute urbaine de Montreal. Intitule Une
forteresse assiegee [much greater than] la dernier chapitre demontre
comment, au cours de la periode 1988-1998, le syndicat a travaille a
maintenir son dynamisme malgre les nombreuses critiques de l'
opinion publique a l' egard des policiers. Chacun de ces chapitres
est sensiblement organise de la meme facon on y traite de la vie inteme
du syndicat, des relations avec les autres associations syndicales, de
Ia conjoncture affectant les policiers, des negociations de leurs
conditions de travail at des resultats de celles-ci.
Comment donc resumer l'evolution du syndicalisme chez les
policiers au cours de ces cinquante ans? Un premier constat
s'impose: ceux-ci ont eu beau-coup de difficulte obtenir le droit
de Se syndiquer etant donne la specificite de leur fonction.
Farouchement opposees a l'idee, les autorites municipales
estimaient que le syndicalisme risquait d'affaiblir la discipline
dans les rangs des policiers, d'abord consideres comme des [much
less than] serviteurs du public et [much greater than] et des [much less
than] protecteurs de leurs biens et de la moralite [much greater than]
(p.54) Il n, empeche que ceux-ci ont definitive-ment obtenu gain de
cause au debut des annees 1940, dans un contexte par ailleurs tres
favorable aux travailleurs. La situation particuliere des policiers les
a cependant empeches de pouvoir s'affilier une centrale syndicale
et la Fraternite a donc du faire cavalier seul. Les autorites
craignaient dans ce cas que les policiers se fassent dicter leur ligne
de conduite par des intervenants exte rieurs l'administration
municipale et aillent ainsi a 1'encontre de ses interets. On
s'inquietait aussi que l'affiliation influence le travail des
policiers et les conduise a prendre parti pour les grevistes appartenant
la meme federation qu'eux, plutot qu'a assurer l'ordre
public. Bref, puisqu'ils n'ont pu faire front commun avec
d'autres syndicats ou centrales syndicales, les policiers ont eu
tendance se replier sur leurs pro-pres interets.
Autre caracteristique marquante de l'histoire de la FPPCUM,
les policiers ne disposent pas du droit de greve et ce, sensiblement
pour les memes raisons que celles enumerees au paragraphe precedent. Par
consequent, ceux-ci ne peuvent negocier leurs conditions de travail
qu'au moyen de 1'arbitrage obligatoire. Cette procedure force
les deux parties a s'entendre sur la fixation des conditions de
travail des policiers et, a terme, sur leur renouvellernent. En cas
d'impasse, elles doivent avoir recours a un tribunal
d'arbitrage. Si cette facon de proceder prive effectivement les
policiers du droit de greve et allonge la duree des negociations au
moment de renouveler les conventions collectives, elle va tout de meme
leur permettre de faire des gains considerables tant au niveau au
salaire que des conditions de travail. Certes, durant les decennies 1960
et 1970, marquees par de nombreuses graves, les policiers vont se sentir
leses Mais partir des annees 1980, alors que le recours Ia grave diminue
considerablement e t est de plus en plus mal percu par Ia population, us
vont mesurer la position extremement avantageuse dans laquelle us se
retrouvent. De fait, sans faire la grave et sans perdre leur salaire,
ils sont toujours assures de pouvoir negocier leurs conditions de
travail puisque Ia procedure d'arbitrage exige des deux parties,
syndicale et patronale, d'en venir a une entente. A terme,
l'arbitrage va donc representer une protection significative pour
les policiers qui, contrairement aux autres categories de travailleurs,
vont voir leurs conditions de travail s' ameliorer constamment. A
preuve, depuis 1950 l' ecart entre le salaire annuel moyen des
policiers et celui de Ia main-d'cuvre montrealaise n'a
pratiquement pas cesse de s'accroitre en faveur des premiers (voir
tableaux presentes aux pages 128, 252, 305).
Pour cette raison mais aussi a cause des pouvoirs qu'ils
detiennent de par leur fonction, les policiers jouissent, depuis les
annees quarante, d'un rapport de force face a leur employeur qui
leur est grandement favorable. Bien que les auteurs de solidarite'
et determination le reconnaissent dans de rares passages du Iivre, ils
ont tendance sur-valoriser le caractere combatif du syndicat pour
expliquer Ia position avantageuse des policiers. Dans ce cas comme dans
certains autres, l'ouvrage manque, mon avis, de distance critique.
C'est particulierement vrai quand il traite des critiques qui ont
adressees aux policiers depuis une vingtaine d'annees propos de cas
de [much less than] brutalites policieres [much greater than] Certes,
les auteurs ont raison de dire que les journalistes ont eu tendance
grossir les evenements pour attirer des lecteurs, mais force est tout de
meme de reconnaitre que le probleme existe et qu'il n'a pas
resolu, ce que Ics auteurs ne font pas.
En somme, il est dommage que J. Rouillard et H. Goulet n'aient
pas saisi l'occasion de cette histoire du syndicalisme policier
pour amorcer une reflexion sur l'evolution du role des policiers et
de leurs responsabilities sur le plan social. En insistant
essentiellement sur les conditions de travail des policiers, les auteurs
presentent un portrait d'une Fraternite surtout preoccupee par
cette question. Tout se passe comme si le syndicat n'avait pas
aussi ete le lieu d'une reflexion sur le travail meme de policier.
Estce vraiment le cas? De meme est-ce cause de cette tendance des
auteurs mettre en valeur le caractere combatif du syndicat, au detriment
d'autres facettes de son histoire, que la question des loisirs
organises par la Fraternite n'est abordee que par le biais de
photographies et dans de rares encarts? Et que dire de la place des
femmes policieres? Gertes les auteurs soulignent la difficulte pour
elles de s'integrer mais l'analyse n'est pas tres
approfondie clans ce cas non plus. Ces remarques n'en levent
evidemment rien a la qualite du travail de recherche et de synthese
effectue par les auteurs de Solidarite et determination Cela temoigne
cependant de la difficulte de faire une histoire critique quand on
respond a une commande.