Evolution du controle et de la confiance dans un PPP international.
Skander, Dorra ; Prefontaine, Lise
Introduction
Depuis quelques decennies, l'interdependance entre les
organismes publics et les entreprises privees s'est profondement
accrue. Les causes sont multiples : complexite environnementale,
compressions budgetaires et des ressources etant les principales. Sur
l'instigation des pouvoirs politiques ainsi que d'institutions
supranationales telles que l'OCDE ou la Banque mondiale, les
gouvernements se sont peu a peu << reinventes >> (Osborne et
Gaebler 1992). Ils ont adopte des strategies de collaboration hybrides
pour la prestation des services publics : les partenariats public-prive
ou PPP (Prefontaine, Skander et Ramonjavelo 2009).
Evidemment, le recours a ces collaborations intersectorielles et
les enjeux qu'elles suscitent dans les spheres publique et privee,
ont egalement attire l'attention de nombreux chercheurs. Ces
strategies ont amene une reorientation majeure de la recherche en
management public qui, en plus de s'interesser a la gestion
publique intra-organisationnelle, se penche dorenavant sur les defis de
la gouvernance multi-acteurs (Conteh 2013), ainsi que sur les objectifs
de performance publique dans un tel contexte (Hodge et Greve 2007).
Neanmoins, malgre ce renouveau des ecrits en management public, peu
d'etudes ont analyse en profondeur les fondements ou mecanismes de
gestion de ces relations collaboratives, dont la confiance et le
controle, dans le contexte particulier des PPP.
Pourtant, ces strategies se caracterisent par des risques
economiques et sociopolitiques importants, car les partenaires ont des
missions et des logiques institutionnelles differentes. Pour cette
raison, ils adoptent des mecanismes de controle formel afin de garantir
leurs droits et se proteger contre des risques inherents a de telles
ententes. Toutefois, les parties ne peuvents'y engager sans avoir
un minimum de confiance envers leurs homologues, ainsi que dans le cadre
institutionnel dans lequel s'inscrit leur relation. Dans les PPP
internationaux qui impliquent des parties familiarisees avec des
systemes institutionnels differents (Skander et Prefontaine 2014), cette
necessite a la fois de controle et de confiance est primordiale.
De cette reflexion emerge l'objectif de cette recherche qui
est d'identifier les types de confiance et de controle favorisant
le succes d'un PPP conclu a l'international et d'analyser
leur evolution concomitante en cours de projet. Plus specifiquement,
cette etude vise a repondre aux questions suivantes : comment confiance
et controle peuvent-ils et doivent-ils evoluer dans un PPP international
pour en assurer la reussite? En quoi sont-ils complementaires?
En effet, peu d'etudes ont aborde simultanement les deux
concepts de controle et de confiance et aucune, a notre connaissance,
dans le contexte particulier de la collaboration publique-privee. En se
fondant sur la theorie de Tordre negocie, cette etude analyse
l'evolution des interactions entre les parties (acteurs ou
organisations) au partenariat et en explore les dynamiques
collaboratives. Selon les termes de Hafsi (2009), cette recherche
explore << le management du management >>, autrement dit, le
developpement et la gestion des relations collaboratives entre les
partenaires au projet plutot que la gestion du projet lui-meme et ce, en
analysant l'evolution concomitante des types de confiance et de
controle.
Outre l'introduction, cet article comporte quatre autres
sections. La deuxieme section definit les concepts centraux de cette
etude : les PPP, la confiance et le controle. La section suivante decrit
la perspective de recherche ainsi que la strategie empirique, une etude
de cas approfondie. La quatrieme
Dorra Skander, Ph.D, est professeure au Departement de management a
l'Ecole de gestion de l'Universite du Quebec a Trois-Rivieres,
Quebec, Canada. Lise Prefontaine, Ph.D, est professeure associee au
Departement de management et technologie a l'Ecole des sciences de
la gestion de l'Universite du Quebec a Montreal, Quebec, Canada.
section analyse les principaux evenements du projet etudie en mettant
l'accent sur l'evolution des types de confiance et de controle
tout au long du PPP international. Elle debouche sur la proposition
d'un modele conceptuel qui synthetise les principales contributions
de cette recherche. En conclusion, les resultats de l'etude sont
discutes et quelques perspectives de recherche future sont proposees.
Definitions des concepts-cles
Cette etude comporte trois concepts centraux : ceux de PPP, de
confiance et de controle. La revue de la litterature actuelle fournit de
multiples definitions et quelques typologies permettant d'affiner
les analyses subsequentes.
Les PPP
Strategies recherchees et adoptees par de nombreux gouvernements,
les PPP prennent differentes formes collaboratives entre les organismes
publics et les entreprises privees (Mazouz et coll. 2008; Newman et Perl
2014). La Banque mondiale definit le PPP
(http://ppp.worldbank.org/public-private-partnership/
overview/what-are-public-private-partnerships [mai 2014 a fevrier
2016]), comme un accord formel entre des parties des secteurs public et
prive, generalement conclu sur le moyen ou long terme, pour la
prestation de services publics et/ou le developpement
d'infrastructures qui relevent de la responsabilite du secteur
public. Cette strategie se situe entre les modes traditionnels de
prestation des services publics, d'un cote, et les strategies de
privatisation des actifs publics dans lesquelles la partie publique joue
un role limite, de l'autre (Newman et Perl 2014; Skander et
Prefontaine 2014).
Le Conseil national americain pour les PPP (http://www.ncppp.org/
ppp-basics/7-keys/[mai 2014 a fevrier 2016]) et le Conseil canadien pour
les PPP (http://www.pppcouncil.ca/resources/about-ppp/definitions. html
[mai 2014 a fevrier 2016]) soulignent les modalites de partage entre les
parties engagees dans de tels projets. Ils suggerent qu'il
s'agit d'arrangements contractuels entre une entite publique
(federale, provinciale ou locale) et une entreprise privee dans lesquels
les actifs, les revenus et les risques sont partages. Ils ont pour
objectif d'assurer la prestation d'un service de qualite
destine au public (Newman et Perl 2014).
Il s'agit ainsi d'une forme d'arrangement
institutionnel entre les organismes publics et les entreprises privees
oU la partie publique doit preserver ses responsabilites, notamment en
matiere de gouvernance, quels que soient les defis lies a la performance
de ces projets mixtes (Hodge et Greve 2007). D'ailleurs, dans de
telles strategies, les autorites publiques demeurent << les
responsables >> vis-a-vis des usagers de la disponibilite et de la
qualite des services offerts, ainsi que de l'application des normes
de performance (OCDE 2003).
Parallelement, plusieurs chercheurs suggerent une conception plus
<< collaborative >> des PPP en insistant sur
l'importance de la synergie potentielle entre les entites
impliquees. D'ailleurs, Bovaird (2004) soutient qu'il
s'agit d'un arrangement collaboratif base sur un engagement
mutuel, allant au-dela de l'engagement formel implique par le
contrat entre organisations publiques et privees. Les PPP peuvent
egalement impliquer des entites de la societe civile, telles que les
organisations communautaires et les organisations non gouvernementales
(Ramonjavelo, Prefontaine, Skander and Ricard 2006). Nijkamp et coll.
(2002) suggerent qu'il s'agit d'une forme
institutionnelle entre des acteurs des secteurs public et prive qui,
malgre la diversite de leurs objectifs, cooperent afin d'atteindre
un objectif commun en utilisant conjointement leurs ressources,
competences et forces.
Le succes de ces nouvelles configurations operationnelles de
l'intervention publique (Mazouz et Belhocine 2008) est ainsi
tributaire aussi bien de la compatibilite des objectifs des parties
(Hafsi 2009) que des interets de la societe dans son ensemble.
D'ailleurs, la synergie naissant de la diversite des
caracteristiques institutionnelles des parties constitue l'essence
meme de telles strategies (Prefontaine, Skander et Ramonjavelo 2009).
La confiance
Le concept de confiance a lui aussi ete largement analyse par les
chercheurs de diverses disciplines, dont l'economie
institutionnelle, la sociologie economique et meme la psycho-sociologie.
Selon plusieurs chercheurs (dont Nooteboom et coll. 1997), la
confiance emerge de la croyance en l'habilite d'un partenaire
a repondre aux attentes de son homologue (confiance de competence) ou a
ses intentions de ne pas s'y soustraire (confiance intentionnelle).
Deutsch (1958) suggere que la confiance est basee sur la combinaison des
motivations d'un agent ainsi que sur sa capacite a predire les
risques d'une situation donnee. Selon une telle conception,
confiance et risque sont percus comme les deux facettes d'une meme
piece (Woolthuis et coll. 2005). Il s'agit de la << confiance
calculee >>, largement discutee par Williamson (1993). Giddens
(1990) abonde en ce sens et suggere que la confiance et le risque sont
indissociables et que << la premiere situation exigeant un besoin
de confiance n'est pas l'absence de pouvoir mais
l'insuffisance d'informations >> (p. 40).
Empruntant une approche socio-economique, Zucker (1986) voit dans
la confiance une serie d'attentes sociales partagees par les
personnes impliquees dans un echange economique. Elle suggere que les
membres d'une communaute partagent habituellement certaines normes
et adoptent en consequence un comportement base sur l'honnetete et
la cooperation (Fukuyama 1995).
Par ailleurs, certains chercheurs ont egalement releve differentes
typologies (non etanches) de la confiance. Dans les relations
interorganisationnelles, cadre dans lequel s'inscrivent les PPP,
ces typologies peuvent etre analysees a trois niveaux : institutionnel,
interorganisationnel et interpersonnel (Ramonjavelo et coll. 2006).
Selon Zaheer et coll. (1998), la confiance interpersonnelle est
celle placee par les membres d'une organisation dans leurs
homologues de l'entite partenaire. Elle renvoie aux notions de
dependance et de vulnerabilite d'un individu par rapport a un autre
(Fukuyama 1995), et depend de sa reputation et/ou de ses competences
reconnues. Elle se manifeste par un sentiment de bonne foi, de
bienveillance et de loyaute plutot qu'un comportement opportuniste
(Woolthuis et coll. 2005). Il s'agit d'une confiance
relationnelle qui peut se developper lors de la poursuite
d'objectifs communs necessitant des communications frequentes et
une certaine proximite spatiale entre les individus.
Plusieurs chercheurs considerent d'ailleurs la confiance
interpersonnelle comme etant indispensable a la construction et au
developpement des relations interorganisationnelles (Ramonjavelo,
Prefontaine, Skander et Ricard 2006). Neanmoins, bien que ce soient les
individus qui se fassent confiance et que les echanges impliquent des
personnes physiques, divers chercheurs optent pour le niveau
d'analyse organisationnel en ce qui concerne la confiance accordee
a une entite par une organisation partenaire.
S'il est envisageable que la confiance, une notion qui releve
de la psychosociologie, puisse etre analysee au niveau des systemes
sociaux des organisations, la confiance interorganisationnelle variera
en fonction des sources de confiance interpersonnelle a savoir
l'experience, la reputation et l'expertise de
l'organisation partenaire. Et tout comme la confiance
interpersonnelle, elle se developpera au cours de relations
d'affaires et se manifestera par le respect des regles,
independamment de tout controle formel (Woolthuis et coll. 2005).
Finalement, Zucker (1986) identifie la confiance institutionnelle
issue de la structure formelle garantissant les attributs et les actions
d'un acteur. Elle est impersonnelle (Giddens 1990) et ne depend pas
des relations entre individus ou organisations, mais des systemes et
procedures formant le contexte des echanges. Sa creation n'est pas
le fruit de relations ou d'experiences; il s'agit de la
confiance temoignee envers le cadre institutionnel dans lequel
s'inscrivent les relations d'echange et qui est regi par les
lois, les regles, les normes professionnelles et sociales.
Le controle
Choudhury (2008) soutient que le controle permet de garantir les
interets d'une partie par rapport aux comportements de son
homologue. Il s'exerce par differents mecanismes manageriaux : les
regles et procedures ecrites, les moyens de coercition et les flux
d'information.
Considerant le contexte interorganisationnel, Das et Teng (1998)
soulignent l'importance de ces mecanismes et entrevoient le
controle comme un processus de regulation par lequel les elements
d'un systeme deviennent plus previsibles a travers
l'etablissement de standards. Ce processus peut avoir une empreinte
tant formelle que sociale qui s'exerce par le biais de mecanismes
tacites ou informels permettant d'ameliorer la previsibilite et de
reduire la perception du risque sous-jacent au comportement de
l'autre.
Das et Teng (1998) distinguent deux types de controle : le controle
formel et le controle social on clanique. Le premier integre les
mecanismes formels de controle des actions et des objectifs d'une
partie. Ce controle << objectif >> est fonde sur le pouvoir
et la dissuasion par rapport a tout comportement opportuniste (Woolthuis
et coll. 2005) et se traduit par des regles et procedures. Toutefois,
ces regles ne peuvent etre appliquees efficacement dans un contexte
complexe marque par des taches ambigues et difficilement quantifiables.
D'ou la necessite d'un deuxieme type de controle, le
controle social. Il repose sur le partage des normes et valeurs; le
contrat, les regles et lois, sources du controle formel, n'etant
que des references permettant aux parties de repondre aux violations de
l'accord. Les normes informelles, basees sur le sens commun de la
moralite determinent les limites entre les bons et les mauvais choix et
les possibilites de recours aux institutions formelles en cas de litige
(Horwitz 1990). Ce controle social plus ou moins << invisible et
intangible >> s'appuie sur les normes et valeurs internes du
partenariat. Certains chercheurs considerent cette variante du controle
comme une << anomalie >> ou un phenomene sans importance
dans le monde organisationnel (Horwitz 1990); pourtant, cette variante
peut y jouer un role majeur. En effet, au-dela des mecanismes de
controle formel, dans les PPP, la divergence des valeurs et logiques
institutionnelles des parties necessite la mise en place d'un cadre
de reference, un << denominateur commun >> garantissant le
succes de leur relation collaborative.
Perspective de recherche, methodologie et description du cas a
l'etude
Perspective de recherche
Considerant l'objectif de cette recherche, elle se fonde sur
la perspective de l'ordre negocie (Strauss 1991), qui reconnait
qu'un monde social se construit par les interactions entre membres
appartenant eux-memes a divers groupes. Le PPP regroupe des acteurs
partageant certains buts predetermines mais provenant de mondes sociaux
differents, voire divergents de sorte qu'il s'apparente a une
sorte de mariage mixte. Et comme le PPP s'inscrit dans le moyen ou
long terme et se deroule dans un environnement complexe avec de
multiples parties prenantes (Skander et Prefontaine 2014), les acteurs
negocient et renegocient l'ordre qui regit leur collaboration aussi
bien sur le plan formel (contrat et mecanismes de gouvernance) que sur
le plan informel (ajustements en cours de projet).
De ce fait, il semble envisageable que les interactions entre les
partenaires soient a la fois fondees sur les mecanismes de controle
permettant aux parties de defendre leurs objectifs et valeurs, ainsi que
sur la confiance nee de leurs interactions repetees tout au long des
phases du projet. Ces phases sont marquees par l'intensification
des efforts et des interactions entre les acteurs du projet (Pinto et
Slevin 1986) comme le souligne la Figure 1.
Methodologie de la recherche
Sur le plan empirique, la methode adoptee est l'etude
d'un PPP international : le projet de l'aeroport international
de Malte (MIA). L'etude de cas approfondie a l'avantage de
relever les elements contextuels du projet afin d'apprecier le
phenomene etudie dans son cadre reel (Liu et Wilkinson 2014). En outre,
le cas selectionne repondait aux criteres de cette etude : un projet en
phase d'execution et dont les acteurs-cles sont disposes a
collaborer a la recherche.
Divers outils de collecte des donnees ont ete adoptes : recherche
documentaire via les proces-verbaux, correspondances, contrats,
communiques de presse, rapports d'affaires, ainsi que 13 entrevues
semi-structurees d'une duree moyenne de 70 minutes chacune avec les
acteurs-cles et suivant un guide d'entrevue pre-teste.
L'analyse des donnees s'est faite en suivant l'ordre
chronologique des evenements afin de faire ressortir l'evolution de
la confiance et du controle tout au long du projet divise en trois
phases : pre-collaboration, execution et cloture (Pinto et Slevin 1986).
[FIGURE 1 OMITTED]
Les criteres de qualite d'une recherche suggeres par Lincoln
et Guba (1985) ont ete pris en compte : 1) la credibilite de la
recherche a ete favorisee par l'emploi de techniques de
triangulation entre diverses sources de donnees et l'implication de
plusieurs chercheurs; 2) la double codification des donnees pour assurer
l'attestation de l'etude (analyse par le logiciel Nvivo); et
3) la description detaillee de la demarche et des criteres de choix du
cas afin de faciliter la transmissibilite des resultats dans des
<< contextes comparables >>.
Description du projet de MIA
MIA est une concession internationale qui implique le gouvernement
maltais et le consortium prive euro-canadien MML, regroupant trois
organisations privees (voir Tableau 1) qui se sont associees pour
repondre a un appel d'offre du ministere des Transports maltais, a
la recherche d'un partenaire strategique. Au-dela des moyens
financiers, ce partenaire devait etre dote d'une grande expertise
et detenir les ressources manageriales necessaires a l'amelioration
de la performance des installations aeroportuaires de la seule porte
d'entree aerienne sur Tile de Malte. Toutefois, vu
l'importance de cette infrastructure, le gouvernement maltais
voulait garder un certain controle sur l'avenir du projet.
A l'epoque, la republique de Malte etait en phase de
negociation de son entree dans l'Union europeenne (UE) et devait de
ce fait, favoriser le developpement de ses infrastructures
aeroportuaires dans le respect des exigences europeennes. De plus, le
gouvernement maltais cherchait une strategie innovante afin
d'ameliorer ses principaux indicateurs macroeconomiques (PIB, taux
de croissance, etc.), tout en amplifiant le volume de passagers
(particulierement les touristes) et ses echanges internationaux. Tel le
cas de nombreux PPP, le choix de conclure cette concession repose sur un
calcul economique et financier oU toutes les parties recherchaient un
retour sur investissement favorable.
Deja, en 2000, le gouvernement maltais avait mandate une entite
gouvernementale afin qu'elle realise l'etude et la mise en
place d'operations de concession et de privatisation : le Bureau
national de privatisation et de PPP. Parmi ces operations figurent la
vente de 35 pour cent des parts de Malta-Post en 2002 et de 65 pour cent
de Malta-Telecom en 2006. Parallelement, entre 2002 et 2005, le
gouvernement a aussi vendu 80 pour cent des actions de MIA par le biais
d'une vente directe (pour MML et VIE) et sur le marche des actions
mobilieres. Ainsi, la concession de MIA faisait partie d'une
strategie gouvernementale globale et jouissait d'un support
politique important (voir Figure 2).
Par ailleurs, l'evolution de la dynamique collaborative et des
types de confiance et de controle dans ce projet a ete forgee par
quelques evenements majeurs. Le Tableau 2 liste ces evenements qui ont
marque les relations partenariales dans MIA.
Analyse du cas MIA
L'analyse du projet est presentee en trois phases : 1) le
lancement de l'appel d'offre et la constitution du consortium
MML; 2) la selection de MML, la negociation et la signature du contrat
de concession; et 3) l'execution du mandat.
Lancement de l'appel d'offre et constitution de MML
Le tout debute en 1999-2000, lors de l'appel d'offre
lance par les autorites maltaises pour la gestion et le developpement de
sa seule porte d'entree aerienne : MIA. Si a l'epoque,
plusieurs options avaient ete considerees, la decision de collaborer
avec un consortium prive etranger, consideree comme une strategie
innovante a l'epoque, a ete retenue bien qu'elle soulevait
diverses polemiques et necessitait de ce fait, un appui politique
important.
A l'ete 2001, le gouvernement maltais opte pour la concession
en cedant 20 pour cent de ses parts dans MIA au grand public et 40 pour
cent a un consortium prive sous forme d'une concession sur 65 ans.
Il s'agit d'un contrat de services techniques et manageriaux
pour le developpement des infrastructures, des operations de fret et la
mise en place d'un systeme de transport des passagers entre
l'aeroport et les paquebots de croisiere en escale a l'Ile de
Malte.
Les decideurs de VIE, interesses par ce projet, cherchent un
partenaire ayant les competences complementaires aux leurs pour
soumissionner a l'appel d'offre de MIA. Ayant collabore dans
le passe avec SNC-Lavalin, ils font appel a cette derniere pour former
un consortium prive.
Il existait deja une confiance prealable entre SNC et VIE. Cette
confiance interorganisationnelle etait principalement basee sur les
experiences passees et la reputation sur le marche des deux
organisations. Un gestionnaire de SNC le note d'ailleurs :
Si VIE n'avait pas confiance en nous, ils ne seraient pas
venus nous voir ... il y avait eu des projets avant qui avaient permis
aux deux societes de se connaitre, de voir un peu comment l'autre
se comporte ... C'est par cette phase-la, je pense, que la
confiance s'est developpee.
En outre, conscients de l'importance d'un tel projet pour
les autorites maltaises, VIE et SNC ont opte pour la collaboration avec
une firme locale, AIL, recommandee par des relations d'affaires.
Les interactions entre les acteurs des trois firmes ont permis aux
parties de developper davantage leur confiance mutuelle. Un responsable
de SNC explique a cet effet :
C'est toujours bon d'avoir un partenaire local; il nous a
ete recommande. On l'a rencontre ... Et ca a bien ete, puis on a
appris a se connaitre; dans une transaction, c'est un bon
revelateur. Bien sur, ceci etait avant meme la soumission car apres,
c'est trop tard!
Au debut, la confiance interorganisationnelle temoignee envers AIL
etait principalement basee sur sa reputation. Par la suite, en
interagissant avec ses proprietaires, les acteurs-cles de SNC et de VIE
ont reussi a comprendre les << facons de faire >> et les
valeurs maltaises. Ils ont developpe une certaine confiance
relationnelle interpersonnelle envers eux. La confiance
interorganisationnelle, nourrie par la communication, a favorise le
developpement de la confiance interpersonnelle. Tel que signale par
Zaheer, McEvily and Perrone (1998), c'est par le processus
d'institutionnalisation que la confiance interpersonnelle
s'est developpee au niveau interorganisationnel. Un gestionnaire de
SNC ajoute : << C'est clair qu'il faut se parler. Si on
ne se parle pas, ca va aller mal ... Il faut avoir rencontre la
personne, l'avoir regardee dans les yeux et avoir discute des vrais
enjeux, puis voir comment elle reagit. >>
Naturellement, la mise en place de MML a fait l'objet de
divers cycles de negociations entre les acteurs-cles en vue de la
redaction du contrat regissant ce consortium. Mecanisme de controle
formel, ce contrat vise a clarifier le mode de collaboration des parties
et les mecanismes de prise de decision et de gouvernance dans MML. A
l'evidence, les termes de ce contrat sont bases sur les compromis
entre les parties au consortium.
Selection, negociation et signature du contrat de concession
En novembre 2001, suite a l'etude des dossiers des
soumissionnaires a ce projet, la commission maltaise chargee de la
selection du partenaire prive retient deux choix : un consortium
europeen (premiere position) et le consortium MML (seconde position).
Entre temps, sont arrives les evenements du 11 septembre 2001. Et bien
que le premier consortium ait offert un meilleur prix, les negociations
avec celui-ci ont echoue. Les autorites publiques ont juge bon
d'abandonner la negociation avec ce consortium qui, suite au
9/11/2001 remettait en question les conditions du contrat.
L'offre de MML concordait davantage avec les attentes et
exigences du gouvernement maltais. Les competences manageriales et
techniques de MML, mais aussi sa bienveillance et ses intentions
positives (Ramonjavelo, Prefontaine, Skander et Ricard 2006) ont
convaincu le gouvernement du bien-fonde de leur choix. AIL etait deja
active dans le domaine des services aeroportuaires maltais, VIE etait un
operateur d'aeroports reconnu dont la mission convergeait avec
celle de MIA, et SNC etait une firme d'ingenierie reconnue a
l'international pour ses competences techniques et manageriales.
Outre l'interet de leur offre, c'etait la confiance
interorganisationnelle envers les competences des parties de MML et leur
reputation sur le marche qui ont favorise la preselection de ce
consortium par le partenaire public. Il s'agit non seulement de la
confiance de competence mais egalement de la confiance basee sur la
reputation. Le 15 decembre 2001, les decideurs de MML sont appeles a
enoncer leur offre definitive et les parties entrent en interaction afin
de negocier le << nouvel ordre social >> (Strauss 1991) qui
regirait leur concession. Un gestionnaire de MML note :
Je dirais que ca prend absolument une confiance au debut; sinon, on
ne fait pas equipe ... Une relation comme ca, c'est une relation ou
on met nos oeufs dans le meme panier avec une autre organisation ...
Donc ca prend une base de confiance. Ensuite, il faut qu'on prenne
le temps de se connaitre et de se comprendre, puis de valider nos
philosophies respectives.
Par ailleurs, signer une entente avec un partenaire public comporte
un risque, particulierement a l'international. Les partenaires
prives ne concluraient pas ce contrat s'ils n'avaient pas de
garanties d'etre couverts par le systeme juridique du pays hote.
Tel que souleve par un gestionnaire de MML :
L'analyse juridique fait partie de l'analyse de
n'importe quel investisseur qui va dans une terre differente et qui
signe un contrat avec un gouvernement. C'est sur que ces
investisseurs-la, il faut qu'ils soient confortables avec the rule
of law, que the rule of law existe dans ce pays. Que tu puisses
poursuivre le gouvernement et avoir un traitement equitable ... Si tu
n'as pas cette confiance-la, tu ne mets pas un sou dans le pays.
En effet, parce que le partenaire public jouit egalement du pouvoir
legislatif, l'investissement en sol etranger souleve plusieurs
enjeux quant au cadre institutionnel du projet. D'ailleurs, toutes
les parties de MML avaient considere ces enjeux et leur decision de
soumissionner reposait sur une certaine confiance envers les lois et les
reglementations regissant ce projet. Il s'agit la du fondement meme
de la confiance institutionnelle (Zucker 1986). Un autre repondant de
MML le confirme :
Il faut toujours faire attention lorsqu'on fait affaire avec
un gouvernement parce que ce n'est jamais une relation d'egal
a egal. Un gouvernement a toujours les pouvoirs et les moyens qui ne
sont pas a la disposition d'un partenaire prive. Il a le pouvoir de
legislation, de nommer les juges, de taxation, de te faire la vie dure
en reglementant, de te bloquer; le pouvoir de t'exproprier tout
simplement.
Pour contrer ce risque, les parties de MML ont integre dans le
contrat une clause pour se proteger au cas oU la partie publique
legifererait de facon discriminatoire envers eux. L'acceptation
d'une telle clause demontre la bonne foi et les intentions
positives du gouvernement maltais. Le consultant juridique de MML
affirme :
La facon dont les partenaires prives se protegent, c'est par
la presence dans les conventions de dispositions contre les changements
de loi a effets discriminatoires ... Ca, c'est un ticket moderateur
qui viendrait viser ce qui pourrait etre un jour ou l'autre
qualifie de nationalisation ou d'expropriation deguisee.
Bien que les negociations aient deja ete entamees a la fin 2001, le
contrat de concession n'a ete effectivement signe qu'en
juillet 2002. Suite a ces cycles de negociation, les parties sont
arrivees a trouver une base commune oU convergent leurs interets
respectifs. En definitive, ces negociations auront dure presque neuf
mois. D'ailleurs, vu les implications d'un tel contrat,
au-dela des partenaires public et prive, divers acteurs, dont les
crediteurs et les avocats des parties etaient impliques dans ces
negociations (voir Figure 3).
Parmi les termes negocies, figurent les strategies de gouvernance,
les types d'actions emises et les droits qu'elles procurent
aux detenteurs, les strategies de remuneration de MML, les regles de
tarification des services aeroportuaires, les clauses relatives au droit
de revente par les parties, etc. Le contrat de MIA represente la piece
maitresse de la collaboration entre le gouvernement maltais et MML. Ce
contrat n'est autre que l'operationnalisation des negociations
conduites entre les parties. Tel que suggere par un repondant de la
partie publique :
I think that the contract or the legal documentation is just the
legal basis of that is what next ... that is what sets the foundation
stone. And one cannot change those parameters. The parties have to agree
as how they will act. There are certain basis. It has to be observed.
Etant donne qu'un bon gouvernement est un gouvernement
efficace et responsable (Hodge et Greve 2007) et vu l'interet
strategique de MIA, la partie publique a aussi veille a la mise en place
d'une action distinctive, source de pouvoir a sa disposition en cas
de necessite majeure. Un responsable de MML explique ce mecanisme :
Avant de vendre, le gouvernement s'etait protege a
l'epoque par ce qu'on appelle une golden share ... Pour
bloquer toute decision allant a l'encontre de l'interet
national ... Une seule action qui est non votante, non participante mais
c'est un droit de veto si on veut sur des questions bien precises
... la defense nationale, la securite, etc.
Comme les contrats ne peuvent jamais tout prevoir a l'avance
(Williamson, 1993) et que les PPP s'inscrivent generalement dans le
moyen ou le long terme, l'evolution de l'environnement general
de la collaboration et les crises pouvant y surgir ne peuvent etre
previsibles. Les dynamiques collaboratives etaient donc sujettes a
negociation comme le mentionne un gestionnaire de MML : << Le
contrat, c'est une chose mais la maniere dont le contrat se
deroulera est inconnue parce que le contrat ne peut jamais tout prevoir
et il n'est jamais parfait. Alors, une fois qu'on a signe le
contrat, il va arriver des imprevus. >>
Execution du mandat
Une fois le contrat signe, il faut determiner comment mettre en
place un << modus operandi >>. Qu'il s'agisse des
chefs de projets ou meme des membres du Conseil d'administration,
ces ressources representent les principaux << joueurs >> du
projet et le succes depend de leur capacite a collaborer en instaurant
de saines relations interpersonnelles. Selon l'avocat de la partie
publique :
I think that once the documentation has been signed and the deal
closed, everybody forgets about documentation and gets all in this
business. Then it is a personalised relationship ... And in a way, you
consider most appropriate solutions, but you never go back to read the
documentation, not really.
Toutefois, tout changement de la dynamique entre les acteurs
demeure circonscrit par les termes du contrat, tel que le souligne un
repondant de la partie publique :
They have their parameters and they work within the parameters ...
Those parameters are obviously covered by rules of governance and there
are things like audit committees in place and other aspects to make sure
that things work.
Des les debuts du mandat, les acteurs ont commence a interagir de
plus en plus intensement et leurs divergences se sont dissipees au
profit de leur objectif commun, celui de MIA. Ce changement de dynamique
est lie au developpement de l'esprit collaboratif entre les parties
et a la reduction de la distance relationnelle qui les separait durant
la pre-collaboration; le tout favorise par le developpement de la
capacite partenariale et la naissance d'une certaine familiarite
entre les acteurs (Gulati 1995). Une repondante de MML exprime cette
idee :
[FIGURE 3 OMITTED]
During the bidding processes, obviously it was stressful and it is
normal ... So after the contract was signed, it became smoother because
you go from basically a competition to management, so the process
changed.
Naturellement, l'evolution de la collaboration depend aussi
bien des interactions formelles au sein des conseils
d'administration de MML et de MIA que des interactions informelles
au cours des relations quotidiennes entre les membres, ce
qu'exprime un gestionnaire de MML : << Il demeure que la
partie informelle est importante aussi. L'esprit de collaboration
fait une grosse difference dans le succes de ces projets ... Ceux qui
sont des succes, generalement, c'est parce que il y a eu un tel
esprit. >>
En realite, ce sont les dynamiques interpersonnelles qui
influencent les relations partenariales (Christ et coll. 2008). Un
repondant de la partie publique explique l'institutionnalisation de
la confiance au niveau interorganisationnel:
So we tend to think in terms of corporate, corporate are still
native people ... Corporate doesn't speak; doesn't feel;
doesn't care; doesn't listen and doesn't think. They only
think through humans. I firmly believe that it is the humans that make
projects work.
Evidemment, plus les acteurs apprennent a connaitre leur homologues
et tentent de comprendre leurs motivations et << facons de
fonctionner >>, plus la confiance interpersonnelle, en particulier
celle dite cognitive (McAllister 1995), se developpe et favorise le
succes de la relation partenariale. Selon un repondant de MML :
Dans un partenariat, il faut que les gens aiment travailler
ensemble. Ils vont avoir beaucoup d'heures a travailler ensemble.
Ils ont des points a discuter. Ils vont etre sur les memes conseils
d'administration, dans les memes bureaux. Donc on essaie de'
maximiser les chances de reussite du partenariat.
Meme si les relations interpersonnelles ne sont pas toujours
harmonieuses, l'analyse des donnees empiriques demontre que le
succes de MIA repose sur les relations interpersonnelles generalement
tres positives comme l'exprime un gestionnaire de MML ; << On
a reussi a se comprendre, a developper suffisamment de comprehension et
de valeurs communes pour que ce soit fonctionnel et efficace. >>
En phase d'execution, la confiance interpersonnelle nee des
interactions entre acteurs a nourri la confiance interorganisationnelle
par le biais du processus d'institutionnalisation. Ces types de
confiance ont egalement evolue grace au partage des valeurs et des
visions entre les acteurs et fondements du controle social. Le
developpement de la confiance entre les organisations ou les acteurs ont
permis aux parties de former un monde commun, un << monde MIA
>> (Strauss 1991). De plus, la reduction de la distance
relationnelle a incite les parties a developper une certaine familiarite
(Gulati 1995) et a << construire >> et nourrir la confiance
aux niveaux interpersonnel et interorganisationnel, ce que signale un
avocat de la partie privee :
Une fois que les gens savent et aiment travailler ensemble, on ne
parle plus de parties publiques, parties privees. On parle de MIA dans
lequel y a du personnel qui a ete parachute par l'actionnaire
gouvernemental et par l'actionnaire prive et du personnel qui est
engage directement. Donc, c'est une equipe qui se developpe et qui
travaille ensemble.
D'ailleurs, lors du Forum economique international des
Ameriques de 2006, le vice-president principal de SNC-Lavalin
Investissement prononcait une conference sur les defis des PPP; il a
insiste sur l'importance de la confiance en tant que cle du succes
de ces projets. Etant lui-meme l'un des acteurs-cles de MIA et un
des repondants de la presente recherche, ses propos montrent clairement
la perception de la dynamique collaborative de la haute direction de
SNC-Lavalin :
Je crois fermement que la confiance est essentielle aux marches
complexes a long terme car les parties ne peuvent en preciser a
l'avance les droits et obligations comme elles le feraient dans le
cadre d'un marche standard a court terme. Dans les marches
d'une duree de 25 a 30 ans, il est plus que certain que le climat
politique et economique, ainsi que les politiques proprement dites,
auront beaucoup change au terme de la periode couverte ... Je soutiens
que ce principe s'applique egalement aux partenariats public-prive,
c'est-a-dire que seuls les entrepreneurs et les fonctionnaires
capables d'instaurer une confiance mutuelle reussiront a surmonter
les defis qui se poseront pendant la duree de leur partenariat ... Au
fil du temps, la comprehension informelle entre les partenaires acquerra
autant d'importance, sinon plus, que l'entente formelle.
Finalement, comme dans tout projet d'une telle envergure, les
acteurs de MIA ont rencontre quelques difficultes. Neanmoins, tous les
repondants s'accordent pour avancer que si a chaque fois
qu'une crise surgissait dans leur collaboration, ils s'en
remettaient aux mecanismes de controle formel, le climat general serait
ebranle et le succes du partenariat serait en peril. Ceci concorde avec
les idees de Ramonjavelo, Prefontaine, Skander et Ricard (2006) ainsi
que (Christ et coll. 2008). Malgre sa perspective ancree dans le champ
juridique en tant qu'avocat de la partie publique, ce repondant
note :
It is always a lawyer's nightmare when a client goes back to
read a contract. For us, once you close the deal, you should put that
contract in a drawer and never look at it again. If you start to look at
it again, then there is a problem somewhere ... And that is when alarm
signals start popping up.
L'analyse des donnees montre que malgre les enjeux rencontres
dans cette concession, les parties ont toujours su communiquer afin de
les resoudre au mieux. L'adhesion des acteurs a un objectif commun
a suscite le developpement de l'esprit collaboratif et le partage
des normes et des valeurs fondements du controle social entre les
partenaires. La communication a egalement favorise le developpement de
la confiance interpersonnelle et, indirectement, de la confiance
interorganisationnelle. Un repondant de la partie publique resume le
climat general dans le projet :
It doesn't mean that there aren't issues, or issues
don't come up between the airport and government ... But there are
ways and I think that people who came here from Vienna Airport and from
Canada have understood the way that things work. And when there were
problems, they were never escalated and that, to me, is very important.
Evolution des types de confiance et de controle
La complexite des PPP internationaux est principalement due a la
multiplicite des acteurs et a leur caractere interorganisationnel et
institutionnel. Astley et Fombrun (1983) parlent meme de collaborations
<< inter-especes >>. L'analyse des interactions entre
les parties permet maintenant de mieux visualiser l'evolution des
types de controle et de confiance dans ce PPP au cours de deux des trois
phases du projet, pre-collaboration et execution. La phase cloture est
omise, le PPP etant toujours en cours.
En phase de pre-collaboration
Au debut du projet, c'est la confiance dans le cadre
institutionnel qui determine l'interet a conclure une entente
partenariale (Ramonjavelo, Prefontaine, Skander et Ricard 2006), surtout
pour les PPP conclus a l'international. En effet, la partie privee
doit avoir confiance dans le cadre reglementaire du pays partenaire,
d'autant plus qu'indirectement, le partenaire public jouit
egalement du pouvoir legislatif. Ces enjeux relies a la confiance
institutionnelle priment sur tous les autres aspects dans un contexte
international.
Durant la phase de pre-collaboration, les partenaires potentiels
tentent d'influencer le cours des negociations, d'inscrire
leurs exigences formellement dans le contrat et d'imposer leur
pouvoir par des mecanismes de gouvernance appropries. Dans la
perspective de l'ordre negocie (Strauss 1991), leurs exigences
seraient basees sur les objectifs et valeurs sous-jacentes a leur monde
social, ainsi que sur leur propre culture sectorielle et nationale.
A l'evidence, l'adoption des strategies du << faire
ensemble >> accentue la vulnerabilite des parties aux
comportements opportunistes de leurs homologues. Les contrats, comme
tous les mecanismes de controle formel, representent les <<
remedes legaux >> aux risques percus par les parties (Williamson
1993). Ces mecanismes se basent sur la confiance que chacune des parties
temoigne envers le cadre dans lequel s'inscrit la relation. Ce
risque calcule est fonction de la confiance institutionnelle specifique
au PPP (Zucker 1986), qui constituera l'assise meme du partenariat.
L'acceptation de s'engager dans ces cycles
d'interactions suppose que les parties manifestent non seulement un
minimum de confiance institutionnelle mais aussi une confiance envers
l'organisation partenaire. Cette confiance interorganisationnelle
est basee sur la reputation et l'experience du partenaire
potentiel. Lors d'une premiere experience, elle se base sur la
presomption positive envers la bonne foi du vis-a-vis. Ainsi, tout
autant que la confiance institutionnelle, un minimum de confiance entre
les entites potentielles au projet representerait le point de depart de
leur collaboration. Cette derniere repose en partie sur la confiance
interpersonnelle entre les acteurs engages dans les negociations et ce,
par biais du processus d'institutionnalisation du niveau
interpersonnel au niveau interorganisationnel.
En phase d'execution
Selon l'optique de l'ordre negocie, au fur et a mesure
que les acteurs interagissent, ils developpent un cadre de reference
commun impliquant un ensemble de normes, de valeurs et de regles tacites
sur lesquelles ils s'accordent implicitement (Liu et Wilkinson
2014). Celles-ci sont negociees dans un processus plus ou moins
conscient et representent les fondements du controle social pouvant etre
exerce par les parties pour orienter leurs actions collaboratives.
Cette convergence des priorites et valeurs favorise
l'emergence d'une certaine familiarite et la reduction de la
<< distance relationnelle >> entre les parties. Les
partenaires adoptent des mecanismes de controle social permettant
d'orienter leurs actions et de favoriser le developpement de la
confiance interorganisationelle (Zaheer, McEvily et Perrone 1998).
Toutefois, a ce stade, il ne s'agirait plus simplement de la
confiance interorganisationnelle basee sur la reputation ou les
competences, mais d'une confiance relationnelle nee de
l'interaction entre les acteurs. Le developpement des mecanismes de
controle social et la naissance meme de la confiance
interorganisationnelle sont le fruit de l'emergence de la confiance
interpersonnelle. Comme le preconise la theorie des mondes sociaux, ce
sont les individus qui, de par leur statut, representent leur monde
social dans les processus de collaboration et de negociation et qui
construisent le << monde PPP >>. La confiance
interorganisationnelle et les << outils >> necessaires a
l'exercice du controle social ne sont autres que le produit de la
confiance nee entre les personnes et traduite, au niveau
interorganisationnel par un processus d'institutionnalisation
(Zaheer, McEvily et Perrone 1998).
En cours de projet, les mecanismes de controle social peuvent
supplanter les mecanismes de controle formel; la confiance
interorganisationnelle et/ou interpersonnelle se substituant a la
confiance institutionnelle (Ramonjavelo, Prefontaine, Skander et Ricard
2006). Toutefois, les mecanismes de controle formel demeurent le cadre
de reference fondamental de leur collaboration, fruit de
l'operationnalisation de la confiance institutionnelle des parties
dans le contexte de leurs interactions. Cette dynamique fait
l'objet du modele presente a la Figure 4 ci-dessus qui souligne
l'importance relative des types de confiance en fonction de la
phase du projet.
[FIGURE 4 OMITTED]
Conclusion
Dans le monde des PPP qui sont souvent critiques, voire decries, le
projet MIA ressort comme un succes et ce, sur plusieurs plans. En effet,
non seulement l'approche PPP est-elle une approche <<
innovante >> dans ce cas precis, mais la gestion du projet regorge
egalement de pratiques novatrices qui meritent d'etre soulignees.
Le choix du mode << concession >> convenait
parfaitement aux objectifs du gouvernement maltais et a la nature de ce
projet : introduire de nouveaux acteurs experimentes afin
d'insuffler un plus grand dynamisme a la gestion de l'aeroport
tout en gardant un certain controle. L'instauration du jeton
d'or, assurant un controle gouvernemental constitue un autre
element novateur. Finalement, le temps pris pour negocier
l'entente, aura permis aux principaux acteurs d'interagir et
de mieux se connaitre. La gestion de ce projet est elle-meme riche en
enseignements. Les conversations tenues avec les gestionnaires cles des
parties demontrent leur ouverture d'esprit, leur volonte de
travailler en equipe et surtout, de regler leurs differends par une
franche discussion. Leur esprit de collaboration a toujours guide leurs
actions et les a aides a garder le cap vers le succes de MIA plutot que
vers leurs propres interets. Contrairement aux etudes de recherche qui
soutiennent l'antagonisme confiance-controle dans les relations
interorganisationnelles, cette etude montre au contraire qu'ils se
completent et representent les fondements de la capacite partenariale
entre les acteurs d'un PPP international.
L'analyse des resultats montre que tout au long du cycle
partenarial, trois types de confiance (institutionnelle,
interorganisationnelle et interpersonnelle) et deux types de controle
(formel et social) coexistent, se completent et se substituent. La
confiance et le controle pourraient etre consideres comme les garants du
developpement de la capacite partenariale entre les parties; leur
complementarite au cours du projet represente, en elle-meme, la cle du
succes. Autant de pratiques innovantes qui ouvrent la voie a une
collaboration publique-privee reussie et qui devraient etre considerees
par les acteurs de ces projets internationaux, que ce soit dans le
secteur public ou prive.
D'ailleurs, un repondant de MML resume bien toute la dynamique
partenariale dans le projet MIA et met l'accent sur le duo
confiance/controle :
Il faut un equilibre entre la confiance et le controle. Le contrat
donne les regles de base. La confiance aide a interpreter le contrat ...
Parce que les contrats, on a beau essayer qu'ils prevoient tout,
ils ne prevoient jamais tout ... Mais dans les zones grises, c'est
la confiance qui va importer plus que le contrat pour s'entendre
... Donc, le contrat va toujours servir de base et la confiance va aider
a sa mise en application et a son interpretation.
Sur le plan academique, les portees de cette recherche sont
multiples. A un premier niveau, elle permet de mettre a contribution les
apports en administration publique (vision de la partie publique) et les
ecrits en sciences de la gestion (vision de la partie privee) afin
d'offrir un portrait plus complet des PPP. A un second niveau,
decoulant de l'approche multidisciplinaire adoptee (dont le
management public, les alliances internationales et la gestion de
projet), cette recherche vise a approfondir les connaissances sur les
PPP internationaux dans une perspective dynamique qui integre des
variables psychosociologiques. Elle permet ainsi d'enrichir les
connaissances accumulees dans le champ des PPP, un champ encore
embryonnaire particulierement dans le contexte international, mais qui
suscite divers questionnements, tant de la part des parties publiques et
privees que de la societe en general. En troisieme lieu, cette etude
permettra d'alimenter la reflexion sur les alliances strategiques
internationales, et ce, en considerant conjointement l'evolution
des types de controle et de confiance a travers les phases du projet.
Au niveau pratique, cette recherche offrira aux praticiens publics
et prives interesses par les PPP l'occasion de comprendre les
dynamiques sous-jacentes a leur collaboration ainsi que les fondements
de leurs interactions avec leurs partenaires. La prise en compte des
contraintes et objectifs de leurs homologues pourrait les aider a agir
promptement sur le terrain et a prendre conscience de l'importance
des types de controle et de confiance dans ces projets complexes. Le but
est de favoriser non seulement la reussite de leur projet commun, mais
egalement d'atteindre leurs objectifs respectifs tout en rehaussant
le succes de leur relation partenariale.
Finalement, comme toute recherche empirique fondee sur un cas
unique, la generalisation des resultats represente une de ses
principales limites. Neanmoins, cette etude qualitative offre
l'avantage d'explorer de facon approfondie les donnees
contextuelles encadrant les dynamiques partenariales dans le PPP etudie.
D'ailleurs, il faut noter que le but n'est pas la
generalisation des resultats mais plutot d'explorer
l'evolution de la confiance et du controle dans ces projets en
mettant l'accent sur la trajectoire des interactions entre les
acteurs. Et tel que souligne par A. Einstein : <<Not everything
that can be counted counts and not everything that counts can be
counted.>>
Note
(1) line premiere version de cet article a ete presentee au 29eme
congres international des sciences administratives organise
conjointement par l'International Association of Schools and
Institutes of Administration (IASIA) et l'International Institute
of Administrative Sciences (HAS), 2013.
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Dorra Skander, Ph.D, est professeure au Departement de management a
l'Ecole de gestion de l'Universite du Quebec a Trois-Rivieres,
Quebec, Canada. Lise Prefontaine, Ph.D, est professeure associee au
Departement de management et technologie a l'Ecole des sciences de
la gestion de l'Universite du Quebec a Montreal, Quebec, Canada.
Caption: Figure 1. Evolution des interactions entre les
parties/acteurs tout au long du projet
Caption: Figure 3. Principaux acteurs institutionnels de la
negociation du contrat de MIA
Caption: Figure 4. Evolution des types de controle et de confiance
dans les PPP conclus a l'international
Tableau 1. Description sommaire des partenaires de MML
Parts dans
les actions du
Organisations Description consortium MML
VIE Constructeur et operateur europeen 57,10 %
de l'aeroport international de
Vienne
SNC-Lavalin Compagnie canadienne d'ingenierie et 38,75 %
de construction lourdes
AIL Filiale d'un groupe de compagnies 4,15 %
locales qui se specialise dans la
gestion des actifs mobiliers et
immobiliers
Tableau 2. Evolution des evenements dans le projet MIA
Ete 2001 Lancement de l'appel d'offre et reception des
soumissions
Septembre 2001 Detournement d'avions qui percutent les deux tours
aux etats-Unis
Novembre 2001 Selection de deux soumissionnaires et debut des
negociations
Decembre 2001 Le consortium MML est appele a soumettre sa derniere
offre
Juillet 2002 Signature du contrat de concession (vente de 40 % des
actions a MML)
Decembre 2002 Vente par le gouvernement de 20 % des actions au
grand public
Novembre 2005 Vente par le gouvernement de 10 % additionnel
d'actions dont 90 % au grand public et 10 % a VIE
(independamment de MML)
Figure 2. Repartition des projets de concession ou privatisation
inities a Malte selon le secteur d'activite
Infrastructures 50%
Services 33%
Finances 17%
Source: OCDE p. 25.
Note: Table made from pie chart.