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文章基本信息

  • 标题:La responsabilisation du patient dans un contexte de telesoins a domicile.
  • 作者:Lemire, Marc ; Pare, Guy ; Sicotte, Claude
  • 期刊名称:Canadian Public Administration
  • 印刷版ISSN:0008-4840
  • 出版年度:2006
  • 期号:December
  • 语种:English
  • 出版社:Institute of Public Administration of Canada
  • 摘要:Cette volonte de transformation du systeme de sante est egalement propice a une recrudescence du discours public sur la responsabilisation du patient. Pour des raisons variees, les decideurs politiques, gestionnaires, cliniciens et specialistes en sante publique en viennent a souhaiter une implication accrue des patients et des citoyens en regard de leur propre sante et de leur bien-etre. (3) Cette idee impregne egalement le discours de promoteurs et specialistes des technologies d'information et de communication (TIC). On soutient que l'utilisation de ces technologies aidera les individus ou leur entourage a exercer un plus grand role dans la prise en charge des questions de sante. (4) Au Canada, tant le Conseil consultatif sur l'infostructure de la sante que la Conference nationale sur l'infostructure de la sante ont abonde dans un sens similaire. (5) De plus en plus de recherches, enfin, s'interessent au role des TIC dans la prise en charge individuelle d'activites relatives a la sante. Ceci en observant, par exemple, les strategies personnelles developpees dans l'utilisation de technologies (6) ou les strategies organisationnelles visant a depasser les obstacles lies aux realites individuelles, en vue de l'adoption des technologies. (7)
  • 关键词:Computers;Home care;Information technology services;Self care (Health);Self-care, Health

La responsabilisation du patient dans un contexte de telesoins a domicile.


Lemire, Marc ; Pare, Guy ; Sicotte, Claude 等


Au Quebec comme ailleurs au Canada, on assiste a la recherche et a la promotion de modes de prise en charge des patients et des questions de sante que l'on veut moins lourds, couteux et centralises que ceux lies au modele hospitalier traditionnel. (1) La continuite des soins vers le domicile represente l'une des avenues privilegiees. (2)

Cette volonte de transformation du systeme de sante est egalement propice a une recrudescence du discours public sur la responsabilisation du patient. Pour des raisons variees, les decideurs politiques, gestionnaires, cliniciens et specialistes en sante publique en viennent a souhaiter une implication accrue des patients et des citoyens en regard de leur propre sante et de leur bien-etre. (3) Cette idee impregne egalement le discours de promoteurs et specialistes des technologies d'information et de communication (TIC). On soutient que l'utilisation de ces technologies aidera les individus ou leur entourage a exercer un plus grand role dans la prise en charge des questions de sante. (4) Au Canada, tant le Conseil consultatif sur l'infostructure de la sante que la Conference nationale sur l'infostructure de la sante ont abonde dans un sens similaire. (5) De plus en plus de recherches, enfin, s'interessent au role des TIC dans la prise en charge individuelle d'activites relatives a la sante. Ceci en observant, par exemple, les strategies personnelles developpees dans l'utilisation de technologies (6) ou les strategies organisationnelles visant a depasser les obstacles lies aux realites individuelles, en vue de l'adoption des technologies. (7)

Une analyse des orientations politiques et technologiques, adoptees par le gouvernement quebecois de 1991 a 2002, a deja mis en lumiere le caractere nevralgique de la responsabilisation dans les initiatives de modernisation du systeme de sante au Quebec. (8) Partant de ce constat, une recherche a ete entreprise afin d'identifier les enjeux sociaux, politiques et ethiques de la responsabilisation du patient au moyen des TIC. Les telesoins a domicile ont ete identifies parmi les axes representatifs de la modernisation en cours et l'une des avenues possibles de responsabilisation du patient. Aussi est-il paru important de cerner le sens de la responsabilisation dans un contexte de telesoins a domicile.

L'objectif de cet article est d'examiner, a partir d'une etude de cas, les possibilites et limites des telesoins a domicile en terme de responsabilisation du patient. La premiere partie identifie quatre paradigmes interpretatifs du concept de responsabilisation et precise l'interet du paradigme professionnel pour cerner la contribution du cas etudie. La seconde partie presente le cas--un projet de suivi a domicile developpe dans une region du Quebec--ainsi que les principaux elements de methodologie. La troisieme dresse les constats et identifie les principaux resultats de l'etude. La discussion qui suit, en quatrieme partie, amene a situer les benefices observes par rapport a l'ideal du << patient-expert >>, evoque dans certaines politiques gouvernementales comme element pivot de la modernisation des services de sante.

Le concept de responsabilisation (et d'autres ayant un sens connexe, comme le concept anglo-saxon empowerment) est aborde dans de nombreuses disciplines et fait l'objet d'interpretations diverses. Il occupe une attention speciale non seulement en sciences de la sante, (9) mais dans des domaines aussi varies que la gestion, (10) l'economie, (11) les sciences de l'education, (12) la sociologie (13) et la philosophie. (14) La diversite de cette litterature revele une notion ambigue, qui ne designe pas forcement l'emancipation ou l'habilitation du patient a laquelle se referent generalement les interventions en sante publique. Elle devoile un plus large eventail de definitions, dont l'amplitude et le caractere contraste apparaissent dans l'enumeration des nombreuses declinaisons qui lui sont associees: competence, confiance, conformite, engagement, emancipation, controle, autonomie, obligation, partenariat, delegation, sens de la communaute, comprehension critique, reddition de compte, coercition, domination, etc. Aussi est-ce difficile d'en proposer une definition simple et unique.

En regroupant les modeles et approches partageant une vision semblable, il est cependant possible de faire ressortir quatre grands paradigmes interpretatifs (professionnel, technocratique, consumeriste et democratique), revelant autant de logiques de responsabilisation personnelle. La responsabilisation apparait des lors comme un terme generique pour designer, au sens large, les differentes formes possibles d'implication personnelle. La logique professionnelle concoit la responsabilisation comme l'habilitation de l'individu a intervenir grace a l'acquisition de competences et d'un sentiment de controle qui, en matiere de sante, sont generalement du ressort des professionnels de la sante. La logique technocratique envisage surtout la responsabilisation en termes de controle des actions et des decisions en fonction des visees de l'organisation ou de l'institution. La logique consumeriste voit dans la responsabilisation la reconnaissance d'une liberte individuelle a decider face a une offre de marche et incite a faire appel aux ressources personnelles pour trouver les options, faire les choix et en assumer les couts/ consequences. La logique democratique, enfin, associe le concept de responsabilisation a l'inclusion du citoyen dans Faction et le changement au sein de la societe et mise notamment a cette fin sur la participation, la solidarite et l'affirmation identitaire et culturelle.

La presente etude s'interesse au paradigme professionnel en raison de la predominance accordee aux pratiques cliniques dans le discours de promotion du systeme de telesoins ainsi qu'aux objectifs enonces par ses responsables en termes de suivi clinique a domicile, de stabilisation de l'etat de sante, d'adhesion au traitement et d'habilitation du patient. La responsabilisation est vue comme un processus a travers lequel le patient est amene a acquerir des connaissances et a les mettre en pratique par ses actions et decisions, de facon a agir efficacement en regard de sa sante. Jones et Meleis, (15) en reference a Gibson, y voient un processus social de reconnaissance, de promotion et d'amelioration des habiletes des personnes a repondre a leurs besoins, a resoudre leurs problemes et a mobiliser les ressources necessaires pour leur permettre d'avoir du controle sur leur propre vie. Il s'agit, selon ces derniers, d'aider les personnes a assurer un plus grand controle sur les facteurs qui affectent leur sante. Cette conception nous permet de cerner les contours de la responsabilisation vue selon le paradigme professionnel. Elle laisse entrevoir, par le fait meme, le genre de problematiques soulevees par une telle conception concernant, par exemple, la portee du controle individuel sur les determinants de la sante (16) ou encore le type de competences pouvant etre developpees par le patient. (17)

Les exigences relatives a une telle conception sont d'autant plus elevees si l'on concoit le patient sous l'angle du << patient-expert >>. C'est ainsi que le decrit la politique gouvernementale de modernisation des services de sante au Royaume-Uni, que Wilson presente comme l'approche etatique de la troisieme voie en sante publique. (18) Suivant cette conception, le patientexpert est cet individu apte a gerer sa maladie et sa condition en developpant les connaissances necessaires pour rester en sante et, mieux encore, prevenir la maladie. (19) Pareille transformation demeure controversee ou peu credible a la lumiere de certaines analyses. Par exemple, certains auteurs insistent sur la preexistence de pratiques et relations de pouvoir solidement ancrees dans le systeme de soins, (20) alors que d'autres y voient surtout l'extension de l'emprise du modele medical jusque dans la sphere privee individuelle. (21) Cette conception du patient-expert n'en demeure pas moins representative d'un niveau tres exigeant de responsabilisation personnelle en terme d'habilitation.

L'atteinte d'une telle expertise supposerait que le patient accede a des connaissances diversifiees sur les differents aspects relatifs a la sante (connaissance holistique), qu'il developpe sur cette base une conscience de soi et de son environnement (reflexivite) et qu'il puisse exercer une influence suffisante pour ameliorer sa situation (role dynamique et proactif). Une conception holistique des connaissances suppose des points de vue diversifies provenant de differentes sources. Dans l'esprit de l'approche canadienne en promotion de la sante, (22) cela peut vouloir dire notamment considerer les determinants de la sante et les differentes approches cliniques et therapeutiques disponibles. Une conception de la reflexivite fondee sur un principe d'autonomie de pensee suppose la presence d'une diversite de points de vue et de sources d'information, de meme que la possibilite de confronter ces diverses connaissances. (23) Dans l'esprit des tenants du modele de responsabilisation psychologique, il s'agit d'encourager le developpement d'une conscience critique de soi et de son environnement. (24) Enfin, une conception du role dynamique et proactif du patient (25) peut vouloir dire la possibilite d'influence a l'ensemble des niveaux d'intervention en matiere de sante: intrapersonnel, interpersonnnel, communautaire, organisationnel et politique. (26) C'est la combinaison de ces trois exigences (connaissance holistique, reflexivite, et role dynamique et proactif) qui permet de definir l'ideal type du patient-expert en tant que vision exigeante de la responsabilisation personnelle.

Au plan empirique, dans la litterature, deux approches sont courantes pour etudier la responsabilisation personnelle selon une logique professionnelle, l'une proposant un regard d'ordre psychologique, l'autre sociologique. Un courant d'analyse s'affirme depuis plus de deux decennies autour de la notion de responsabilisation psychologique. (27) I1 inspire, a des degres varies, differentes etudes et reflexions recentes sur la responsabilisation. (28) Il oriente d'abord le regard vers la perception de l'individu engage dans le processus de responsabilisation. Il reconnait neanmoins qu'un tel processus est indissociable des interactions sociales et du contexte d'action. De fait, ce modele propose de conceptualiser la responsabilisation non seulement selon une dimension intrapersonnelle et comportementale mais aussi interactionnelle. (29) La dimension intrapersonnelle concerne la facon dont la personne pense a propos de sa capacite a exercer une influence. Elle s'observe notamment a travers la perception du controle, la perception de la competence et l'interiorisation des buts, selon le modele d'analyse propose par Menon. (30) La dimension comportementale a trait aux differentes actions posees par l'individu en vue d'exercer l'influence qu'il recherche. Enfin, la dimension interactionnelle refere aux dynamiques et aux transactions entre les personnes et les differents environnements. Elle fait notamment appel aux connaissances de l'individu quant aux ressources necessaires pour exercer de l'influence et aux facteurs qui agissent sur sa situation. Cette derniere dimension nous pousse a concevoir la responsabilisation en fonction des contextes dans lesquels la technologie est utilisee.

A la difference des travaux se concentrant uniquement sur les dimensions contextuelles immediates, le modele de Menon (31) conceptualise ces contextes comme l'interaction de trois elements ou entites : l'individu dans son environnement immediat; le fournisseur (individuel ou institutionnel) de soins et de services; et les politiques regulatoires definissant le systeme de sante. Ce modele est donc adapte a la realite d'un projet de telesoins qui peut s'inserer non seulement dans le cadre organisationnel de la prestation de soins mais, plus largement, dans l'organisation de la prestation au niveau regional et national. C'est en fonction de ces trois dimensions contextuelles que le modele prevoit l'examen des caracteristiques de la responsabilisation personnelle (empowerment). Comme pour la plupart des travaux associes au courant de la responsabilisation psychologique, le modele considere la competence et le controle comme deux caracteristiques cles. Au sens le plus fort, la competence designe les habiletes ou les qualites qui permettent au patient de gagner en autonomie et d'intervenir dans les decisions sur la sante et les soins de sante. (32) Menon definit pour sa part la << competence >> comme un sentiment d'efficacite personnelle par rapport aux exigences qui incombent dans l'exercice d un certain role, ici le role de patient. (33) Le controle se rapporte a l'autonomie et a la prise de decision personnelle. (34) S'ajoute une troisieme caracteristique : l'interiorisation des buts, servant a capter l'influence au plan psychique des objectifs fixes dans les contextes de responsabilisation.

Ces caracteristiques relatives a l'etat psychique de l'individu s'apprehendent par l'analyse des perceptions, selon Menon, mais une telle approche nous semble incomplete pour bien circonscrire l'utilisation des TIC et son influence sur la responsabilisation. Autrement dit, elle parait insuffisante pour capter les actions, les interactions et les environnements qu'offre l'utilisation des TIC. La litterature qui se developpe autour du theme << consumer health informatics >> peut offrir un certain nombre de pistes supplementaires; en particulier lorsqu'elle s'interesse aux strategies personnelles adoptees par les utilisateurs des TIC pour l'accomplissement de taches specifiques et que ces strategies sont apprehendees en fonction des technologies a leur disposition et de l'environnement physique dans lequel ces taches peuvent etre accomplies. (35) En raison des objectifs de la presente etude, c'est la configuration sociotechnique dans sa totalite--incluant le personnel affecte au suivi distant--qui s'avere la plus utile a cerner si l'on souhaite evaluer la capacite du systeme a favoriser, de par les ressources deployees et les conditions d'utilisation, la responsabilisation personnelle. La litterature definissant les concepts de patient informe, (36) de patient competent (37) et de patient expert (38) nous incite plus particulierement a observer les trois conditions suivantes comme autant de vecteurs de responsabilisation du patient: la possibilite que lui offre le systeme d'acceder aux connaissances requises; la possibilite que lui offre le systeme de developper une reflexion autonome; et la possibilite que lui offre le systeme d'exercer des actions consequentes.

En somme, la combinaison des approches sociologique et psychologique nous permet ici d'envisager l'analyse du potentiel d'une technologie qui tienne compte a la fois de la perception de l'acteur sujet a la responsabilisation, de la logique de fonctionnement de cette technologie et du contexte social, technique et organisationnel dans lequel l'acteur en question se situe.

L'etude de cas

Un service de telesoins a domicile

Un projet de telesoins base sur une technologie de suivi electronique a distance a ete entrepris a partir de l'annee 2000 par le Centre hospitalier (CH) Anna-Laberge de Chateauguay, dans la region de la Monteregie, au sud de Montreal. Il permet le suivi a domicile distant de personnes souffrant de troubles chroniques, en convalescence ou a risque. Dans les annees suivantes, le Centre local de services communautaires (CLSC) de Chateauguay amorca a son tour l'experimentation de la meme technologie. Les deux etablissements, fusionnes depuis sous une meme entite administrative (le Centre de sante et services sociaux Jardins-Roussillon), envisagent d'integrer leurs services respectifs de telesoins.

Le projet initial est ne d'un partenariat avec une firme de developpement technologique ayant considere le CH comme un milieu clinique et informatique propice a l'experimentation et a la demonstration de sa technologie. Cette technologie fut envisagee comme moyen de rendre accessibles des soins et services a des patients vuinerables dans un contexte de penurie de ressources et de roulement accru des lits d'hospitalisation. L'intention fut d'organiser l'approche des telesoins selon les principes de gestion de cas (case management) et de gestion de soin (managed care), de facon a substituer le suivi integre et continu au suivi classique par << episode de soin >>. Quant aux objectifs plus immediats, ils ont surtout ete formules en termes cliniques : assurer un suivi clinique a domicile, stabiliser l'etat de sante, susciter l'adhesion au traitement et habiliter le patient.

Le CH a d'abord cherche a tester le fonctionnement, l'acceptabilite et l'efficacite du systeme aupres de femmes suivies pour grossesse a risque. Des protocoles electroniques de suivi cliniques ont ete developpes en vue d'une seconde experimentation lancee en 2002 aupres d'une autre clientele: les personnes agees souffrant de maladies chroniques. Le projet du CLSC de Chateauguay a pour sa part ete developpe sur la base de la meme technologie, mais selon une configuration adaptee a sa mission et a sa clientele. La phase d'experimentation du CLSC fut menee aupres de personnes diabetiques, mais ce sont les problemes d'asthme et la maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC) qui sont vises depuis 2004. Quant au CH, il s'interesse surtout a l'insuffisance cardiaque, au diabete et a la MPOC. De 2002 a juin 2006, pres de 800 patients ont ete suivis par les deux etablissements, essentiellement par le CH, dont 78 % des patients dans le cadre de la clinique GARE (grossesse a risque elevee).

Malgre les differences d'un etablissement a l'autre, le fonctionnement de la technologie (ci-apres systeme ou systeme sociotechnique) se structure autour des memes composantes : un dispositif technique a la disposition du patient (webphone, cybook ou ordinateur personnel); une interface visuelle sous forme d'un questionnaire adapte au suivi et a la situation du patient; des protocoles electroniques interactifs supportes par l'interface et definis selon les pathologies pour lesquelles un suivi est requis--ce qui permet une surveillance automatisee a distance des patients; et une permanence clinique, a savoir un professionnel de la sante qui assume le role de gestionnaire de suivi et que le patient peut contacter directement par messages textes ou par telephone.

Le systeme se deploie donc sur deux poles sociotechniques : d'une part, le patient et son dispositif utilise quotidiennement a une ou quelques reprises depuis son environnement domestique; d'autre part, le professionnel de la sante et son poste informatique a partir duquel il assure periodiquement la surveillance des donnees transmises par le patient.

Materiel et methodes

Pour realiser cette etude, une litterature diversifiee sur la responsabilisation et divers documents sur le projet (rapport d'evaluation, rapport sur l'etat d'avancement, etc.) ont d'abord ete analyses. Treize entretiens semi-diriges (dont certains entretiens de groupe) regroupant au total 18 acteurs cles ou utilisateurs du systeme ont ensuite ete menes, entre les mois de mars et mai 2005; soit 10 patients ou proches de patients souffrant de pathologies differentes (diabete de grossesse, maladie pulmonaire obstructive chronique, troubles cardiaques et asthme), deux professionnels de sante attitres au suivi (gestionnaires de suivi clinique) au sein de deux etablissements (CH et CLSC), deux responsables du developpement des projets au sein des deux etablissements et quatre responsables du dossier de la telesante au sein de l'agence regionale de developpement des reseaux de sante et de services sociaux.

Chaque entretien fut transcrit sur support informatique afin d'en faciliter l'analyse pour un total de 210 pages. Une analyse qualitative de contenu a ete menee au moyen d'une grille de reference refletant les differentes dimensions du modele de la responsabilisation personnelle. L'application de cette grille au contenu manifeste des entretiens a permis d'identifier l'occurrence des arguments, leur frequence d'apparition, l'interdependance de certains arguments et la variation selon les repondants et les contextes. De cette facon ont pu etre confrontes les discours des professionnels impliques dans les telesoins et ceux des utilisateurs du systeme concernant surtout la perception du developpement des competences et du controle.

Trois premieres dimensions du modele d'analyse visent a cerner les ressources et conditions d'utilisation du systeme et concernent plus specifiquement les acteurs cles, en particulier les responsables du systeme. Elles relevent d'une approche sociologique et s'appuient notamment sur les reflexions de Henwood et al. sur le patient informe, (39) de Welie et Welie sur le patient competent (40) et de Fox, Ward et O'Rourke sur le patient expert (41) : possibilite d'acces aux connaissances, possibilite de developpement d'une reflexion argumentee, et possibilite d'influence sur l'action ou la decision. Trois autres dimensions cernent la perception des patients et sont empruntees aux travaux de Menon (42): competences percues, controle percu et interiorisation des buts. Le regard jete sur le patient est continuellement elargi pour considerer l'organisation et le contexte d'action dans lequel il se trouve.

Resultats

L'examen de la configuration sociotechnique

Les trois premieres variables permettent de cerner les assises sur lesquelles peut se fonder la responsabilisation du patient par un examen des ressources deployees et des conditions d'utilisation du systeme.

La possibilite d'acces aux connaissances

Favoriser l'acces aux connaissances constitue l'une des premieres etapes en vue d'aider le patient a accroitre ses capacites de reflexion et d'action en matiere de sante. Le systeme etudie contribue en partie a cet objectif en diffusant une connaissance clinique, susceptible d'accroitre l'habilitation a certaines actions pertinentes relatives au probleme de sante.

Le patient retrouve quotidiennement sur l'ecran du dispositif un certain nombre d'informations adaptees a sa pathologie et portant sur la detection des symptomes et des signes de deterioration de son etat de sante (essoufflement, gain de poids, fatigue, etc.); sur les comportements a adopter pour reduire les risques de deterioration (marcher, se coucher, eviter certains aliments, etc.); et sur les actions a poser en cas de deterioration (contacter le gestionnaire de suivi clinique, etc.).

Bien que son importance varie selon l'etablissement, l'education du patient au moyen du systeme constitue un objectif partage tant par le CH que par le CLSC. Ce dernier, conformement a sa mission et a sa culture de promotion-prevention, fait de l'enseignement ou du renforcement de l'enseignement (l'information diffusee a repetition) son principal objectif tandis que le CH, conformement lui aussi a sa mission et a sa culture curative, vise en priorite la surveillance des signes et symptomes et l'incitation a l'observance de la medication.

La possibilite de developpement d'une reflexion argumentee

La diffusion de connaissances ne contribue vraiment a la responsabilisation personnelle que si ces connaissances sont integrees et mises a contribution dans une demarche active et consciente de l'individu. La reflexion et la discussion critique sur soi et son environnement apparaissent parmi les competences centrales auxquelles on associe la responsabilisation personnelle.

Le systeme contribue a cet objectif en incitant le patient a prendre conscience de l'incidence de ses actions sur sa maladie et en lui permettant d'etablir au besoin une forme de dialogue avec le professionnel de sante. Par la repetition des questions posees quotidiennement sur les signes et symptomes de deterioration de sante, et par les conseils repetes qu'il recoit suivant ses reponses, le patient est encourage a developper une connaissance des facteurs immediats de deterioration de sante et des comportements prescrits, afin d'eviter ou de corriger pareille deterioration. Par ce fait meme, il est incite a acquerir des habiletes et une assiduite pour la detection des signes et symptomes.

Par ailleurs, la configuration du systeme accroit la possibilite d'une communication directe entre le patient et le professionnel de sante. Accessible par telephone ou par courriel, le gestionnaire de suivi clinique peut repondre aux questions du patient touchant le dispositif du systeme, les signes et symptomes et les actions a prendre. En l'absence du gestionnaire de suivi clinique, la nuit et les fins de semaine, le patient peut toujours obtenir l'aide d'un professionnel affecte a un service telephonique regional (Info-sante CLSC). (43) Ce dernier rendra compte de cet appel au gestionnaire de suivi clinique attitre.

La possibilite d'influence sur l'action ou la decision

Le concept de responsabilisation peut difficilement etre dissocie de. la notion de controle, de maitrise ou a tout le moins d'influence. Le terme anglo-saxon << empowerment >> refere directement a la notion de pouvoir. A travers ces differentes notions ressort l'idee d'une participation, d'une implication ou d'une presence active du patient dans l'action ou la decision.

Dans le cas present, le systeme est configure de telle sorte qu'il offre au patient la possibilite d'exercer deux types d'influence sur l'action ou la decision. D'une part, il lui permet d'etre plus actif dans la surveillance de son etat de sante et, d'autre part, dans la surveillance de l'influence de ses actions sur sa sante. En fait, le patient se trouve quotidiennement a l'etape initiale d'un suivi pouvant conduire jusqu'a la production d'un diagnostic ou d'une prescription medicale de par l'information qu'il transmet sur les signes et symptomes de sa maladie, et compte tenu de sa possibilite de fournir des renseignements additionnels qu'il juge opportuns sur son etat. En inculquant dans son esprit la vision infirmiere et medicale de la normalite et de la pathologie, le systeme l'encourage par ailleurs a prendre des actions personnelles susceptibles d'eviter ou d'interrompre la deterioration de son etat.

En somme, a ce premier niveau d'analyse, il est possible de constater que le systeme, par son fonctionnement et les ressources mobilisees, offre des conditions pouvant encourager un type de responsabilisation. Mais pour evaluer sa contribution effective, deux autres niveaux d'analyse sont requis. Le premier permettra de voir dans quelle mesure le patient se sent responsabilise. Le second, aborde dans la partie suivante de l'article, amenera a discuter des resultats, en fonction d'une vision plus exigeante et donc d'une lecture plus complexe du phenomene de responsabilisation.

La perception du patient responsabilise

Les trois variables suivantes aident a cerner la perception du patient quant aux retombees du systeme en ce qui le concerne. Elles s'interessent au sentiment de competence, au sentiment de controle et a l'interiorisation des buts de l'organisation chez le patient.

Competence percue

Dans les telesoins, deux types de competences peuvent etre particulierement utiles en raison de la nature du suivi et de letat de sante des patients : eviter la deterioration de l'etat par l'adoption de comportements prescrits et savoir recourir en temps opportun a l'assistance des professionnels. Le modele de Menon incite neanmoins a elargir l'analyse des competences aux trois dimensions contextuelles que sont l'individu dans son environnement, le fournisseur de soins et de services, et les politiques du systeme de sante. Dans ce qui suit, les competences sont examinees en fonction de cinq situations en lien a ces contextes de reference.

Premierement, le patient peut se sentir competent s'il developpe la capacite et la connaissance lui permettant de maintenir un mode de vie conforme aux comportements prescrits. Differents discours tendent a montrer que les patients se trouvent adequatement outilles en ce sens, meme s'ils font rarement cas d'avoir modifie leurs comportements. Les patients semblent davantage interesses a voir comment le systeme peut les aider a suivre leur etat de sante qu'a voir comment il leur permet de modifier des comportements. Cela dit, les responsables de soins observent des progres interessants chez les patients quant a la conscientisation et a l'apprentissage.

Deuxiemement, le patient peut se sentir competent s'il pense avoir les habiletes pour gerer les ennuis mineurs ne necessitant pas d'assistance medicalisee. Le discours de certains patients tout comme celui du personnel tend a confirmer que le suivi permet deviter des consultations et des hospitalisations; mais il semble que les patients sont moins portes a s'en attribuer personnellement le merite qu'a reconnaitre l'efficacite du systeme. Les propos de l'une des patientes sont revelateurs a cet egard : << C'est un controle (...), C'est comme une maman qui dit : fais ci, fais pas ca. >>

A un niveau plus technique, troisiemement, le patient peut se trouver competent en sachant utiliser de facon adequate le dispositif technique. Aucun patient n'a expressement dit etre competent en ce sens, mais tous font etat de la simplicite et de la convivialite d'utilisation, ce qui peut etre attribue a la qualite de la conception du dispositif. Le gestionnaire de suivi clinique au CLSC explique : << Le protocole a ete etabli de facon a ce qu'un enfant de [6.sup.e] annee, et meme moins, puisse s'en servir. Il y a donc des questions simples et l'on repond par oui ou non. >> Certains patients disent avoir ete reticents ou inquiets lorsqu'on leur a presente le projet, mais ce sentiment se serait attenue apres avoir assiste a une demonstration, ou apres avoir utilise eux-memes le dispositif. << L'ordinateur, il me l'a montre avant de partir de l'hopital. C'est tellement simple la! J'ai eu peur pour rien. Tu peses sur le bouton et tout se fait. >> A noter que les patients peuvent confier la tache a un aide s'ils ne peuvent utiliser eux-memes le dispositif.

Quatriemement, le patient peut se dire competent s'il sait quand, oU et comment aller chercher l'assistance medicale. Dans le cas present, les utilisateurs temoignent d'une grande satisfaction a l'idee de pouvoir acceder si facilement a une assistance dediee. Selon la responsable du projet au CH, la possibilite d'etre assiste par un professionnel joue fortement dans la satisfaction : << Ce que les patients ont par dessus tout besoin, selon moi, c'est d'avoir acces a un professionnel qui connait leur dossier et qui est capable de les diriger. Et c'est ce qui arrive presentement. Et je pense que c'est ca qui joue. >> Le patient est donc moins porte ici a s'attribuer un quelconque merite qu'a se considerer chanceux de beneficier d'un tel service.

Le gestionnaire de suivi clinique repond non seulement a ses questions mais il l'accompagne dans les rouages administratifs du reseau, pour l'acces aux services et aux professionnels. << Dans le dedale des soins medicaux, on les conduisait par la main >>, indique le gestionnaire de suivi au CH en citant l'exemple d'une femme gravement malade, accompagnee par son mari. De meme, s'il pressent la necessite de modifier la medication du patient, c'est lui qui communique avec le medecin et qui s'assure que les ajustements seront bien faits par le pharmacien. Si un examen est requis, il prendra rendez-vous au nom du patient et tentera meme d'obtenir une place a breve echeance malgre les listes d'attente. Ainsi, meme s'il affirme qu'il privilegierait l'hopital dans les situations urgentes, le patient en vient a considerer ce systeme comme sa principale porte d'entree au reseau de soins et de services. En ciblant cette entree privilegiee, il risque toutefois de perdre contact avec son medecin de famille si ce dernier n'est d'aucune facon implique. Au fait du probleme, les responsables mettent desormais en garde les nouvelles personnes pour eviter qu'une telle situation ne se reproduise.

Cinquiemement, le patient peut avoir un sentiment de competence s'il croit pouvoir gerer avec succes les differents aspects de son interaction avec les professionnels de la sante--comme le fait de pouvoir bien communiquer ses besoins, de savoir quelle question poser, de bien comprendre l'information fournie, de suivre les directives ou conseils et de faire part des progres realises. Dans le cas present, plusieurs patients temoignent de leur satisfaction apres avoir communique avec le gestionnaire de suivi clinique du fait qu'il les ecoute et reponde a leurs questions en termes comprehensibles. Sans avoir l'impression d'avoir modifie leurs comportements, certains font comprendre qu'ils connaissent mieux la maladie, ses symptomes et les signes de deterioration. Plusieurs mentionnent bien suivre la majorite des directives ou conseils. On peut donc supposer qu'un sentiment de competence puisse etre parfois ressenti mais, dans certains cas, l'on semble plutot attribuer cette competence au fait d'avoir obtenu l'information en lisant un depliant ou en assistant a une formation: << C'est souvent des choses que je savais deja >>, dit l'une des femmes suivies pour diabete de grossesse. << Tu rencontres une dietetiste qui t'explique pendant une heure et demie ce qui peut arriver si tu manges telle ou telle chose. >>

Il est interessant de souligner que plusieurs patients semblent tirer une satisfaction de leur participation du fait qu'ils ont le sentiment de pouvoir etre au service d'autrui. Certains ont l'impression d'aider le professionnel de la sante qu'ils savent aux prises avec une lourde charge de travail. D'autres ont l'impression d'aider le promoteur du projet ou la science en se portant volontaire pour une experimentation. Une patiente raconte :

Il y a des gens qui me demandent si je suis fatiguee d'avoir ca? Non! Ca me fait rien moi. C'est pour le progres. Et c'est pour moi aussi (...) Ca n'a pas brime ma vie du tout. Non, je suis contente de le faire. Comme mon garcon me disait : << vous etes comme moi, vous aimez ca rendre service. >> C'est vrai.

C'est comme si certains patients s'etaient appropries l'un des arguments employes initialement par les responsables afin de trouver des personnes volontaires pour l'experimentation. Le gestionnaire de suivi au cH explique ainsi son approche : << Moi je leur dis que ca va etre la medecine du futur (...) Pour eux, c'est un progres. Ils se sentent importants parce qu'ils font partie d'un projet qui n'existe pas ailleurs. >> L'argument fonde sur la participation a l'avancement de la medecine parait trouver un echo particulierement favorable chez les patients dont le niveau d'occupation est limite, par exemple les personnes agees vivant seules.

Controle percu

Comme dans la plupart des modes traditionnels de suivi, le patient ne peut exercer ici de controle sur les aspects techniques touchant les decisions medicales et les procedures a suivre. La plupart des patients suivis ont une sante fragile et recherchent avant tout une plus grande securite. Le modele de Menon nous permet cependant d'identifier quatre types de situations dans lesquelles un patient peut avoir le sentiment d'etre plus en controle.

En premier lieu, le patient peut ressentir ce sentiment lorsqu'il croit mieux controler sa maladie. Cela peut etre le cas s'il a l'impression de mieux detecter les signes et symptomes de deterioration, par exemple, ou s'il adopte les comportements prescrits. Bien qu'une majorite des patients ou proches de patients rencontres reconriaissent une amelioration de la qualite du suivi, il est plus rare de les entendre dire qu'ils ont modifie leurs modes de vie en utilisant le dispositif. Les changements de comportements qu'ils evoquent concernent surtout le fait de pouvoir decider plus facilement de se rendre ou non a l'urgence ou en consultation. La mere d'un enfant asthmatique affirme : << J'ai bien aime ca. Au moins, on ne se cassait pas la tete : mon Dieu, est-ce qu'on doit aller a l'hopital ? Combien de fois je me suis pose la question! Qu'est-ce qu'on fait? On voulait jamais y aller pour rien, mais d'un autre cote ... >> Ceci rejoint une autre observation : le patient semble voir plus facilement les benefices quant a l'efficacite du systeme que de voir son efficacite ou son habilete personnelle.

En second lieu, le patient peut eprouver un sentiment de controle lorsqu'il juge que les professionnels qui l'entourent agissent dans son interet. A cet effet, le discours de plusieurs patients laisse croire qu'ils se sentent bien appuyes, ecoutes et securises par le gestionnaire de suivi clinique. Ce dernier aurait reussi a etablir un contact et un suivi personnalises avec eux. Sa disponibilite serait grande, et son approche humaine et securisante. << La communication ne se fait pas seulement par ordinateur >>, explique un patient gravement malade, << elle se fait avec un intermediaire qui est un infirmier, Monsieur X. C'est un gars merveilleux. Je n'ai que des compliments a lui faire. >> Dans le meme sens, une autre patiente precise : << Il est fin avec tout le monde. Je me suis attachee a lui. J'ai confiance en lui. >> La qualite de presence est comparee avantageusement au suivi normalement offert dans les etablissements, lequel a fait l'objet de critiques repetees dans les medias ces dernieres annees.

A ce titre, le systeme constitue pour certains un moyen de securisation tres important. Quelques patients peu nombreux, disent toutefois les responsables, en viennent meme a developper une certaine dependance au systeme. Leur insecurite, conjuguee a la satisfaction des services recus, les conduit a refuser la fin du suivi, ce a quoi les responsables ont choisi de repondre en proposant de maintenir la possibilite de contact telephonique malgre le retrait du dispositif. La responsable du projet au ch explique :

Quand ils ont vu comment on intervenait, qu'ils ont vu qu'on etait la, ris ne veulent plus perdre l'appareil. Parce qu'ils doivent se securiser. On a meme des patients qu'on a cesse de suivre parce que leur condition etait stable mais qui nous rappellent et disent : bon ca va plus bien, te souviens-tu de moi, tu me suivais? Est-ce que tu peux faire quelque chose pour moi?

Dans ce cas, semble tout particulierement intervenir l'appreciation de la qualite du suivi exerce par le professionnel de sante. La fille d'une utilisatrice explique: << Tu te sens en securite, tu sais que le monde est la, qu'il t'ecoute. Ils savent que c'est grave. Ils vont venin Ils vont re-telephoner tout de suite. >> C'est d'ailleurs en touchant a cette corde sensible que s'articule une partie du discours de promotion du systeme aupres de la population : r On leur presente le systeme un peu comme ca : avec lui, on va pouvoir vous surveiller plus etroitement, on va pouvoir repondre plus rapidement a des signes de decompensation, on va pouvoir initier les traitements a la maison plus facilement >>, indique la gestionnaire de suivi au CLSC.

Troisiemement, le patient peut sentir qu'il controle mieux sa situation s'il estime que l'on respecte ses souhaits et sa dignite. Bien que les discours ne fassent pas directement etat de cet aspect, certains propos s'y rapprochent un peu lorsqu'ils evoquent la satisfaction d'etre suivi a domicile plutot qu'a l'hopital. Le respect des souhaits et de la dignite est susceptible d'etre ressenti de facon particuliere dans le cas d'un suivi en fin de vie. Une personne agee gravement malade evoque l'effet positif que genere le suivi a domicile sur le moral, alors que son etat lui inspirait le decouragement et le refus de traitement :

Il vient un temps ou on ne veut pas continuer d'avoir une vie comme ca. A ce moment-la, on refuse tout traitement, on refuse d'aller a l'hopital. On refuse tout, tout, tout. on n'a plus le gout de vivre de facon anormale (...). Mais (le systeme) a aide. Ca m'a aide beaucoup, ah oui!

Enfin, le patient peut sentir qu'il controle davantage d'elements s'il estime qu'il beneficie de toute l'information pertinente et que cette information lui presente, en termes comprehensibles, les diverses options menant a des choix eclaires. Or, le systeme n'a pas ete configure pour offrir toute cette information, compte tenu des objectifs qu'il supporte. Quant au discours des patients, il n'indique pas un besoin de plus d'information. Conscients, peutetre, des objectifs de suivi, les patients manifestent plutot une satisfaction quant a la clarte et a la simplicite du contenu informationnel.

Interiorisation des buts

Les comportements attendus d'un patient ont generalement pour but de maintenir une bonne sante, d'eviter une deterioration de la maladie ou de requerir l'assistance medicalisee pertinente au moment opportun. Dans le cas present, oU l'intention de suivi est moins d'ameliorer la sante que d'eviter la deterioration d'une maladie diagnostiquee, c'est l'interiorisation des deux derniers buts qu'il est important d'observer.

La plupart des patients paraissent avoir une idee plutot claire des objectifs d'utilisation du systeme en ce qui concerne la detection des signes et symptomes de deterioration de la maladie, le respect de la medication et la decision de recourir en temps opportun a l'assistance medicalisee. Par contre, l'objectif de formation ne semble pas aussi present dans leurs esprits. Les patients voient moins le systeme comme un outil pedagogique, c'est-a-dire un outil leur permettant de developper des habiletes nouvelles, qu'un outil de detection. Cela rejoint un constat note precedemment a l'effet que plusieurs paraissent ne pas percevoir les changements de comportements qu'ils ont adoptes grace aux conseils fournis sur le systeme. En fait, le regard des patients porte davantage sur l'efficacite de la detection operee par le systeme que sur l'efficacite du systeme a leur inculquer de nouveaux comportements.

Enfin, malgre les commentaires majoritairement positifs a l'egard du systeme, quelques-uns se questionnent sur sa pertinence reelle en ce qui les concerne, renvoyant plutot a une pertinence pour l'organisation ou pour la recherche. Leur interet de poursuivre malgre tout le suivi est explique par le sentiment de pouvoir etre au service d'autrui, un phenomene souligne plus tot. D'ailleurs, comme en temoignent les propos de l'un des patients interviewes, un facteur humain entre parfois en ligne de compte dans ce genre de decision : la relation etablie entre cet individu et la gestionnaire de suivi clinique est a ce point personnalisee qu'il n'ose lui exprimer son appreciation mitigee de la pertinence du systeme. << Moi j'ai perdu l'interet. Je lui reponds pareil parce qu'elle m'a bien aide au commencement (...) Mais je vois pas comment ca peut m'aider. >> La crainte de decevoir ou de nuire a l'experimentation expliquerait cette retenue.

Discussion

L'analyse des ressources deployees et des conditions d'utilisation du systeme a permis de constater qu'un service de telesoins a domicile ainsi configure offrait des conditions pouvant encourager une certaine responsabilisation du patient. Les derniers constats laissent cependant voir la difficulte que represente toute ambition de qualifier de facon univoque la contribution d'un tel systeme quant a la responsabilisation du patient.

Quelques remarques s'imposent pour saisir cette complexite. Le systeme de telesoins a domicile conjugue differents types de suivi par differents types d'etablissements pour differents types de clienteles. Notre analyse revele que cette diversite peut faire varier le sens, la forme ou la portee de la responsabilisation du patient. On observe en particulier que la situation varie selon le contexte de suivi (ex. seul ou assiste par un aidant naturel), la pathologie (ex. insuffisance cardiaque ou diabete de grossesse), l'intention du suivi (ex. preventif ou palliatif), la duree du suivi (ex. chronique ou temporaire), la qualite percue de l'interface (ex. formulaire personnalise ou non) et la qualite percue du suivi (ex. presence humaine ou non).

Sans pouvoir qualifier la contribution du systeme en termes absolus, on peut souligner les caracteristiques favorables a la responsabilisation, selon une logique professionnelle : le systeme contribue a la diffusion aupres du patient d'une connaissance clinique sur des aspects specifiques relatifs au suivi de sa maladie; il l'incite a une prise de conscience de l'incidence de certaines actions sur le traitement de sa maladie; il lui permet d'etablir a ce sujet une forme de dialogue avec le professionnel de sante; il le rend plus actif en le faisant participer a la detection

des signes et symptomes et en lui faisant adopter des comportements conformes a la normalite. Autrement dit, le systeme releve directement de cette tendance a la normalisation qu'encouragent les ideologies professionnelles. (44)

On peut egalement relever des incidences favorables fondees sur la perception des patients : les patients sentent habituellement qu'ils controlent mieux la detection des signes et symptomes grace au dispositif--en particulier ceux dont le probleme entraine une instabilite de l'etat de sante--; ils ont generalement l'impression que le professionnel responsable de leur dossier agit dans leur interet; ils savent plus clairement quand, oU et comment aller chercher l'assistance medicale; ils paraissent satisfaits de pouvoir mieux communiquer avec le professionnel, de pouvoir bien comprendre l'information qu'on leur fournit et de sentir que les renseignements livres par l'intermediaire du dispositif ou par telephone produisent des resultats.

Le Tableau 1 fait la synthese des possibilites et benefices percus, en terme de responsabilisation personnelle du systeme de telesoins a domicile etudie.

Est-ce suffisant pour dire que le systeme conduit a l'habilitation du patient dans le sens du developpement d'une vaste expertise? Un developpement d'une telle portee supposerait une demarche par laquelle l'acteur apprendrait et mettrait en pratique le savoir devant lui permettre d'agir par lui-meme et efficacement en matiere de sante. Au sens fort, nous l'avons vu plus tot, le patient << expert >> designe cet individu qui devient habile dans la << gestion >> de sa maladie et de sa condition en developpant l'ensemble des connaissances appropriees. La technologie qui supporterait une telle demarche devrait donc contribuer a la valorisation du caractere holistique des connaissances, du principe d'autonomie de pensee et du potentiel d'influence sur une variete de decisions, tel que nous l'avons precise dans la premiere partie du texte.

Une vision holistique des connaissances suppose des points de vue diversifies provenant de differentes sources. Dans le cas present, le souci de convivialite, d'intelligibilite, d'efficacite et de conformite aux objectifs du programme et de l'institution oriente plutot le contenu du systeme vers la simplicite, la selectivite et la validite consensuelle de l'information, selon une vision infirmiere et medicale de la normalite et de la pathologie.

Une conception de la reflexivite fondee sur un principe d'autonomie de pensee suppose la presence d'une diversite de points de vue et de sources d'information, de meme que la possibilite de confronter ces diverses connaissances. Ici, le patient fait face a une logique de fonctionnement prescriptive plutot que dialogique. Par souci d'efficacite et de conformite aux objectifs du programme et de l'institution, on vise moins a developper l'autonomie de pensee qu'a renforcer, dans la conscience du patient, la vision infirmiere et medicale de la normalite et de la pathologie.

Une conception du patient dans un role dynamique et proactif peut conduire a envisager sa participation jusqu'a l'ensemble des niveaux d'intervention et d'influence en matiere de sante. Or, si l'on peut dire que le systeme de telesoins contribue a l'emergence d'une certaine expertise chez le patient et d'une certaine influence sur la decision ou l'action, c'est en fonction d'une vision circonscrite de sa place dans le processus de suivi. Le patient exerce une influence lorsqu'il alimente le systeme en information et lorsqu'il adopte ou non les comportements conformes a la normalite prescrite par le systeme. Le systeme favorise donc l'habilitation du patient a prendre la mesure de certains signes lies a sa pathologie (tension, taux de glycemie, etc.) et certains symptomes significatifs (essouffiement, toux, etc.), a communiquer l'information au moyen d'un dispositif concu pour etre convivial, et a suivre les conseils qui en decoulent et qui sont affiches a l'ecran du dispositif. Le Tableau 2 fait la synthese de ces dernieres observations.

En somme, on peut dire que le systeme de telesoins a le potentiel de << produire >> un patient mieux informe, plus obeissant et en partie plus competent sur certains aspects relatifs au suivi de sa maladie. Toutefois, la configuration sociotechnique du systeme etudie ne permet pas le developpement d'un patient influent et encore moins d'un patient expert tel que nous l'avons defini. Du coup, notre recherche confirme ce que certains ont deja observe relativement a la valorisation de l'expertise du patient dans le discours politique et les politiques de modernisation du systeme de sante (45) : la dynamique de responsabilisation dans ce type de service favorise le renforcement des messages normatifs du modele medical et donc l'extension du modele medical jusque dans la sphere privee individuelle, le domicile. Voila d'ailleurs, paradoxalement, l'un des atouts majeurs d'un tel systeme, strictement du point de vue de l'autorite medicale.

Ceci nous renvoie a la problematique evoquee dans la premiere partie du texte concernant la faisabilite et la desirabilite de cet ideal du patient-expert. Comme certains l'observent, il existe peu de consensus dans la litterature scientifique et encore moins parmi les cliniciens pour savoir ce que signifie la competence du patient dans les decisions a prendre. (46) On fait parfois valoir que la notion de patient-expert suggere une transformation problematique de la relation medecin-patient en ce qu'elle se traduirait par un nouveau rapport fonde sur la negociation; une telle notion ignore les pouvoirs professionnels et les contraintes structurelles en presence; elle combine de facon simplificatrice experience et education; et elle presuppose a tort que tous les patients veulent prendre la responsabilite de leur sante ou posse: dent la competence technique pour devenir expert. (47)

Notre etude ne peut pas totalement clarifier l'enjeu, mais elle offre l'occasion d'apporter un eclairage pertinent sur quelques aspects de la problematique. Elle permet d'abord d'insister sur le poids des pouvoirs professionnels et des contraintes structurelles dans la conception et la mise en oeuvre d'un projet susceptible d'aider au developpement des competences du patient. Elle permet ensuite d'illustrer l'influence des realites objectives et subjectives des patients sur leur volonte et leurs possibilites d'acquerir une expertise en matiere de sante.

Premierement, le poids des pouvoirs professionnels est particulierement visible dans la relation du medecin avec l'infirmiere et avec le patient. Pour certains types de suivis offerts dans le cadre du systeme, le medecin est invite a valider des protocoles de suivi ou des plans d'action therapeutiques qui impliqueraient--pour un fonctionnement optimal du systeme--la delegation a l'infirmiere de certaines responsabilites assumees traditionnellement par le medecin, en particulier l'ajustement de medication. Pour d'autres types de suivis, c'est une modulation de la relation entre le patient et le medecin qui est souhaitee dans la mesure oU l'on invite le medecin a confier au patient une prescription de medicaments << ouverte >>, c'est-a-dire remplie par anticipation et a utiliser au besoin sous supervision du gestionnaire de suivi clinique. Dans les deux cas, la reaction des medecins est souvent defavorable, ce qui constitue selon les responsables un frein majeur dans le developpement de protocoles de suivi a distance. La responsabilite professionnelle constitue le principal argument invoque par les medecins, mais d'autres aspects sont identifies par les responsables rencontres--comme le degre de confiance que le medecin a developpe envers le patient, la faible volonte de s'engager dans une relation de collaboration mutuelle dite << alliance therapeutique >>, et la remuneration qui serait un autre enjeu important.

Deuxiemement, les contraintes structurelles exercent a leur tour un poids non negligeable. Les objectifs specifiques pour le suivi des patients varient selon les etablissements impliques et cette difference tient en grande partie a la mission, au champ d'action et aux ressources professionnelles dont chaque etablissement dispose. L'absence de medecin et d'acces a un plateau medical, de meme que l'importance de la prevention-promotion dans sa mission ont conduit le CLSC a accentuer le volet formation et a reduire l'importance du suivi clinique. A l'inverse, la pensee medicale et hospitaliere et l'accessibilite aux ressources techniques et professionnelles ont oriente le developpement du systeme du CH vers un suivi plus intensif ainsi que la valorisation chez le patient de competences plus specifiques en matiere de mesures techniques et de communication des signes et symptomes.

Enfin, troisiemement, les realites objectives et subjectives des patients exercent une influence sur leur volonte et leur possibilite d'acquerir une competence en matiere de sante. Au moins quatre facteurs peuvent etre releves, dont certains ont deja ete discutes plus tot : l'age, la situation sociale, la pathologie et l'etat psychologique. D'une part, il semble plus difficile de provoquer une prise en charge chez les personnes agees du fait justement de leur age. Une majorite des personnes interrogees se dit incapable d'utiliser le clavier du dispositif pour formuler une demande ou une question; le telephone constitue pour elles le meilleur moyen a leur portee. Cette situation contraste avec les utilisateurs plus jeunes--comme les femmes enceintes pour qui l'utilisation du dispositif semble etre d'une grande simplicite. Nonobstant le Clavier, les personnes agees n'ont generalement pas de difficulte a utiliser le dispositif pour repondre quotidiennement aux questions de base, en cliquant sur << oui >> ou << non >>.

La situation sociale du patient peut aussi intervenir. Le cas d'une patiente soumise a des pressions psychologiques de la part d'un aidant naturel est a cet egard revelateur: son conjoint ayant signifie son agacement devant la charge supplementaire que lui occasionnait les directives de suivi, la personne a cesse de suivre les consignes prescrites par le systeme, tout en feignant de s'y conformer au regard du gestionnaire de suivi, par crainte de la reaction du conjoint. Dans ce cas, ce ne sont pas les capacites de developper des competences mais celles de les mettre en pratique qui sont en cause. Dans d'autres cas, c'est la fiabilite des aidants naturels et leur niveau de conscientisation a l'egard, par exemple, de la gestion des medicaments qui joue un role determinant dans le suivi du patient. Ces cas de figures illustrent bien le fait que la responsabilisation peut etre limitee par des facteurs qui depassent la simple volonte du patient.

La nature de la pathologie represente un autre facteur important. Dans le cas du systeme, certains problemes permettent plus facilement la prise de mesures objectives de signes de deterioration (l'insuffisance cardiaque et le diabete), d'autres necessitent un suivi sur une periode relativement courte et surtout pour une duree maximale connue (la grossesse a risque), certains requierent un suivi dit de confort plutot que d'habilitation (la fin de vie) et d'autres generent un niveau d'anxiete particulierement eleve (la maladie pulmonaire obstructive chronique).

Le quatrieme facteur, deja evoque dans ce qui precede, a trait a l'etat psychologique du patient. Le sentiment de detresse ou d'inquietude decoulant de l'historique de la maladie peut directement intervenir dans le developpement de competence ou, au contraire, de dependance. Si pour certains, le systeme permet de contrer le decouragement et le desir d'abandon, il constitue pour d'autres un moyen de securisation tres important. Conjuguee a la satisfaction des services recus, l'insecurite conduit quelques individus a refuser la fin du suivi. Tout indique que la presence humaine du personnel, au-dela du dispositif, constitue la dimension la plus securisante pour le patient.

Ce dernier point permet de conclure la discussion en soulignant l'importance centrale que revet, aux yeux des patients, la presence du gestionnaire de suivi clinique. Invites a enoncer les principaux avantages qu'ils attribuent au systeme, les patients sont davantage portes a evoquer la qualite de la relation qu'ils etablissent avec le gestionnaire (infirmier) que la qualite du dispositif technique en lui-meme. Le principal benefice quenoncent une majorite de patients concerne surtout le sentiment de securite que leur procure le suivi en continu par un professionnel de sante. C'est probablement pourquoi le sentiment de securite ressenti par certains patients semble moins venir du fait qu'ils croient avoir developpe de nouvelles habiletes que de l'appreciation du type de suivi auquel ils ont droit. Une patiente raconte : << Il me met tellement en securite cet homme-la! Ce n'est pas explicable. J'ai confiance en lui. Puis quand ca n'allait pas et qu'il m'appelait sur mon ordinateur, j'etais bien. C'etait comme une securite. >> Ainsi, sans aller jusqu'a sous-estimer l'importance du dispositif et de l'interface, qui sont deux composantes essentielles du systeme deploye, il nous faut donc considerer l'environnement social comme faisant partie des facteurs les plus favorables a la responsabilisation du patient. La notion de systeme sociotechnique exprime justement l'idee d'un systeme organise oU s'articulent des techniques et des logiques ou pratiques sociales.

Conclusion

La presente etude met en lumiere l'un des quatre paradigmes d'interpretation de la responsabilisation du patient : le paradigme professionnel, qui est oriente vers l'habilitation en matiere de sante. Elle montre certaines possibilites et limites d'une technologie de telesoins a domicile par rapport a six variables principales : d'une part, possibilite d'acces aux connaissances, possibilite de developpement d'une reflexion argumentee et possibilite d'influence sur l'action ou la decision; d'autre part, controle percu, competence percue et interiorisation des buts.

Les resultats indiquent que la responsabilisation varie notamment en fonction du contexte d'utilisation, de la pathologie, de l'intention du suivi, de la duree du suivi, de la qualite percue de l'interface et de la qualite percue du suivi. Ils permettent egalement d'observer le haut niveau d'exigence que representerait une initiative technologique visant a encourager l'emergence de patients informes, competents et surtout experts, selon une vision de la responsabilisation fondee sur la reconnaissance du caractere holistique des connaissances en matiere de sante, du principe d'autonomie de pensee et du potentiel d'influence du patient sur une variete de decisions le concernant.

Les implications de ces resultats au plan de la gestion du systeme public de sante sont d'au moins trois ordres differents. D'abord, ils montrent le piege dans lequel la fascination technologique peut conduire si elle vient a occulter l'importance de la relation clinique et therapeutique dans les projets de modernisation du systeme de sante. L'etude du service de telesoins a domicile indique de facon tres nette que la presence humaine constitue la dimension du systeme sociotechnique la plus securisante pour le patient et l'un des principaux avantages percus a l'adoption de ce type de technologie.

Les resultats revelent a quel point il est risque de considerer la responsabilisation du patient comme une simple << mecanique >> d'habilitation. L'initiative etudiee rend compte de la complexite psychique, sociale, materielle et organisationnelle d'un tel processus. En outre, on peut rappeler que l'acces a l'information n'est pas une condition suffisante, bien qu'essentielle, et que toutes les informations ne sont pas d'egales valeurs dans l'atteinte d'un tel objectif. De meme, la competence en tant que sentiment d'efficacite personnelle n'est significative qu'en fonction des diverses exigences qui incombent dans l'exercice du role de patient. De ce point de vue, le sentiment d'efficacite peut difficilement n'etre envisage que dans une perspective d'autodiscipline et de normalisation des comportements, a moins de faire de la responsabilisation un mecanisme de controle sur le patient.

Enfin, dans le meme esprit que ce qui precede, les resultats laissent entrevoir le piege que peut representer le fait de confondre visees manageriales et visees cliniques dans un processus de responsabilisation du patient. Au-dela des objectifs cliniques se dressent, dans le developpement des TIC, des objectifs d'organisation et de gestion, dont la recherche de solutions a la penurie de ressources et la volonte d'accroitre la performance et l'efficience des pratiques et des services. Comme ces differents objectifs influent dans la definition de projets et dans la facon de configurer et d'operer le systeme sociotechnique, il y a lieu de croire qu'ils modelent par ce fait meme la facon de soutenir et d'orienter la responsabilisation du patient.

Nous percevons donc la necessite de mener des recherches approfondies sur des periodes d'utilisation relativement prolongees pour pouvoir produire des resultats probants, notamment pour mieux encore cerner la responsabilisation du point de vue du patient lui-meme. Une autre avenue interessante consiste a recourir a une grille d'analyse couvrant differents paradigmes interpretatifs de la responsabilisation; en particulier le paradigme technocratique en ce qui concerne un projet de telesoins a domicile comme ce dernier. Ainsi pourraient etre etudiees les formes plurielles de responsabilisation auxquelles peut conduire de facon concomitante un meme systeme sociotechnique et les contradictions que cette coexistence de logiques pourrait generer.

Notes

(1) Quebec, Comite de travail sur la perennite du systeme de sante et de services sociaux du Quebec, Pour sortir de l'impasse : la solidarite entre nos generations (Quebec : Gouvernement du Quebec, 2005); Canada, Commission sur l'avenir des soins de sante au Canada, Guide par nos valeurs : l'avenir des soins de sante au Canada--Rapport final (Ottawa : Gouvernement du Canada, 2002) ; Quebec, Commission detudes sur les services de sante et les services sociaux, Les solutions emergentes. Rapport et recommandations (Quebec: Gouvernement du Quebec, 2000).

(2) Christel A. Woodward, Julia Abelson et Bilan Hutchison, "My home is not my home anymore": Improving continuity of care in homecare (Ottawa: Canadian health services research foundation, 2001); Joan M. Anderson, << Home care management in chronic illness and the self-care movement : An analysis of ideologies and economic processes influencing policy decisions >>, Advanced nursing science--12, no 2 (2001), pp. 71-83.

(3) Meredith Minkler, << Personal responsibility for health? A review of the arguments and the evidence at century's end >>, Health Education & Behavior--26, no 1 (1999), pp. 121-40; Jacques Beauchemin, << La regression du public >>, Ethique publique--1, no 1 (1999), pp. 91-101; Leonie Segal, << The importance of patient empowerment in health system reform >>, Health Policy--44 (1998), pp. 31-44.

(4) Wanda Pratt, Kenton Unrush et al., << Personal Health Information Management >>, Communications of the ACM-49, no 1 (2006), pp. 51-5; Johan G. Beun, << Electronic healthcare record; a way to empower the patient >>, International journal of medical informatics--69 (2003), pp. 191-6; Frank Ueckert, Michael Goerz, Maximilian Ataian et al., << Empowerment of patients and communication with health care professionals through an electronic health record >>, International journal of medical informatics--70 (2003), pp. 99-108; Christopher M. Masi, Yolanda Suarez-Balcazar, Margaret Z. Cassey et al., << Internet access and empowerment. A community-based health initiatives >>, Journal of General Internal Medicine--18, no 7 (2003), pp. 525-30; June Forkner-Dunn, << Internet-based patient self-care: the next generation of health care delivery >>, Journal of Medical Internet Research--5, no 2 (2003), p. e8; Charles Roussel et Paul F. Nunes, Home healthcare electronics: Consumers are ready, willing and able (Cambridge: Accenture Institute for Strategic Change, 2002); Sheila Neysmith, << Would a National Information System promote the development of Canadian home and community care policy? An examination of the Australian experience >>, Canadian Public Policy-Analyse de politiques--21, no 2 (1995), pp. 159-73.

(5) Canada, Conference nationale sur l'infostructure de la sante, Rapport final de la Conference nationale sur l'infostructure de la sante (Ottawa : Sante Canada, 1998); Canada, Conseil consultatif sur l'Infostructure de la sante, Inforoute Sante du Canada; Voies vers une meilleure sante. Rapport final (Ottawa: Sante Canada, 1999).

(6) A. Moen et P. Flatley Brennan, << Health@Home: The work of Health Information Management In the Household: Implications for Consumer Health Informatics Innovations >>, JAMIA-12, no 6 (2005), pp. 648-56.

(7) Paul C. Tang, Joan S. Ash, David W. Bates et al., << Personal health records: definitions, benefits, and strategies for overcoming barriers to adoption >>, JAMIA--13, no 2 (2006), pp. 121-26.

(8) Marc Lemire, << Le politique dans le projet de modernisation technologique du service public de sante. Le paradigme des autoroutes de l'information face a la democratie >>, These de doctorat, science politique (Montreal: Universite du Quebec a Montreal, 2003).

(9) Voir par exemple Fenella Starkey, << The 'empowerment debate': consumerist, professional and liberational perspectives in health and social care >>, Social Policy & Society--2, no 4 (2003), pp. 273-84; Nina Wallerstein, << Empowerment to reduce health disparities >>, Scandinavian Journal of Public Health--30, Suppl. 59 (2002), pp. 72-7; Joan M. Anderson, << Empowering patients : issues and stategies >>, Social Science and Medicine-43, no 5 (1996), pp. 697-705.

(10) Voir par exemple Luc Wathieu, Lyle Brenner, Ziv Carmon et al., << Consumer control and empowerment: A primer >>, Marketing Letters--13, no 3 (2002), pp. 297-305; Fiona O'May et James Buchan, << Shared governance: A literature review >>, International Journal of Nursing Studies--36, no 4 (1999), pp. 281-300; Ian Chaston, << Assessing strategic behaviour within the acute sector of the National Health Service >>, Journal of Management in Medicine--8, no 5 (1994), pp. 58-67.

(11) Voir par exemple Wilfried Prewo, << Consumer Empowerment as a Solution to Health System Financing >>, Pharmacoeconomics--18, Suppl. 1 (2000), pp. 77-83; Leonie Segal, << The importance of patient empowerment in health system reform >>, Health Policy--44 (1998), pp. 31-44.

(12) Yann Le Bosse, << De l"habilitation' au 'pouvoir d'agir' : vers une apprehension plus circonscrite de la notion d'empowerment >>, nouvelles pratiques sociales--16, no 2 (2004), pp. 30-51; Bernard Roudet, << Entre responsabilisation et individualisation : les evolutions de l'engagement associatif >>, Lien social et Politiques--51 (2004), pp. 17-27; Joan Wharf Higgins, Citizenship and empowerment: a remedy for citizen participation in health reform >>, Community Development Journal--34, no 4 (1999), pp. 287-307.

(13) Voir par exemple Eric Gagnon et Francine Saillant, << Sources et figures de la responsabilite aujourd'hui >>, Ethique publique--6, no 1 (2004), pp. 41-55; Danito Martuccelli, << Figures de la domination >>, Revue francaise de sociologie--45, no 3 (2004), pp. 469-97 ; Ian

Shaw et Alan Aldridge, Consumerism, health and social order >>, Social Policy & Society--2, no 1 (2003), pp. 35-43; Frederic Lenoir, Le temps de la responsabilite (Paris: Librairie Artheme Fayard, 1991); Kathleen Johnston Roberts, << Patient empowerment in the United States: A critical commentary >>, Health Expectations--2 (1999), pp. 82-92.

(14) Voir par exemple Michel Metayer, << Vers une pragmatique de la responsabilite morale >>, Lien social et Politiques--46 (2001), pp. 19-30; Jennifer A. Parks, << A contextualized approach to patient autonomy within the therapeutic relationship >>, Journal of Medical Humanities--19, no 4 (1998), pp. 299-311.

(15) Patricia S. Jones et Afaf I. Meleis, << Health is empowerment >>, Advanced nursing science--5, no 3 (1993), pp. 1-14.

(16) Meredith Minkler, << Personal responsibility for ... >>, op. cit.

(17) Jos V.M. Welie et Sander P.K. Welie, << Patient decision making competence: Outlines of a conceptual analysis >>, Medicine, Health Care and Philosophy--4 (2001), pp. 127-38.

(18) P.M. Wilson, << A policy analysis of the Expert Patient in the United Kingdom: self-are as an expression of pastoral power? >>, Health and Social Care in the Community--9, no 3 (2001), pp. 134-42.

(19) J. Shaw et M. Baker, << Expert patient: dream or nightmare ? >>, British Medical Journal--328 (2004), pp. 723-4.

(20) S.Y.S Tang et J.M. Anderson, << Human agency and the process of healing : Lessons learned from women living with chronic illness--re-writing the expert >>, Nursing Inquiry--6 (1999), pp. 83-93.

(21) N.J. Fox, K.J. Ward et A.J. O'Rourke, << The 'expert patient': empowerment or medical dominance? The case of weight loss, pharmaceutical drugs and the Internet >>, Social Science & Medicine--60, no 6 (2005), pp. 1299-1309; P.M. Wilson, << A policy analysis ... >>, op. cit.

(22) Meredith Minkler, << Personal responsibility for ... >>, op. cit.

(23) Flis Henwood, Sally Wyatt et al., << 'Ignorance is bliss sometimes': Constraints on the emergence of the 'informed patient' in the changing landscapes of health information >>, Sociology of Health and Illness--25, no 6 (2003), pp. 589-607; Charles H. Kieffer, << Citizen empowerment: A developmental perspective >>, Prevention in Human Services--3 (1984), pp. 9-36.

(24) Marc A. Zimmerman, Barbara A. Israel et al., << Further explorations in empowerment theory: An empirical analysis of psychological empowerment >>, American journal of community psychology--20, no 6 (1992), pp. 169-77.

(25) Peter Salmon et George M. Hall, << Patient empowerment and control: A psychological discourse in the service of medicine >>, Social Science & Medicine--57 (2003), no 10, pp. 1969-80.

(26) K.R. McLeroy, D. Bibeau et al., << An ecological perspective on health promotion programs >>, Health Education Quarterly--15 (1988), pp. 351-78.

(27) Julian Rappaport, In praise of paradox: A social policy of empowerment over prevention >>, American journal of community psychology--9, no 1 (1981), pp. 1-25; Marc A. Zimmerman, Psychological empowerment: Issues and illustrations >>, American journal of community psychology--23, no 5 (1995), pp. 581-99; Marc A. Zimmerman, << Taking aire on empowerment research: On the distinction between individual and psychological conceptions >>, American journal of community psychology--18, no 1 (1990), pp. 169-77; Nina Wallerstein, << Powerlessness, empowerment, and health: Implications for health promotion programs >>, American Journal of Health Promotion--6, no 3 (1992), pp. 197-205.

(28) Kathleen Johnston Roberts, << Patient empowerment in ... >>, op. cit., Paul W. Speer, Intrapersonal and interactional empowerment: Implications for theory >>, Journal of community psychology--28, no 1 (2000), pp. 51-61; E. Summerson Carr, << Rethinking empowerment theory using a feminist lens: The importance of process >>, AFFILIA--18, no 1 (2003), pp. 8-20.

(29) Marc A. Zimmerman, Barbara A. Israel et al., << Further explorations in ... >>, op. cit.

(30) Sanjay T. Menon, << Toward a model of psychological health empowerment : Implications for health care in multicultural communities >>, Nurse Education Today--22 (2002), pp. 28-39.

(31) Ibid.

(32) Jos V.M. Welie et Sander P.K. Welie, << Patient decision making ... >>, op.cit.

(33) Sanjay T. Menon, << Toward a model ... >>, op. cit., p. 30.

(34) Ibid.

(35) A. Moen et P. Flatley Brennan, << Health@Home ... >>, op. cit.

(36) Flis Henwood, Sally Wyatt et al., << Ignorance is bliss ... >>, op. cit.

(37) Jos V.M. Welie et Sander P.K. Welie, << Patient decision making ... >>, op.cit.

(38) N.J. Fox, K.J. Ward et A.J. O'Rourke, << The 'expert patient'.. >>, op. cit.

(39) Flis Henwood, Sally Wyatt et al., << Ignorance is bliss ... >>, op. cit.

(40) Jos V.M. Welie et Sander P.K. Welie, << Patient decision making ... >>, op.cit

(41) N.J. Fox, K.J. Ward et A.J. O'Rourke, << The 'expert patient'.. >>, op. cit.

(42) Sanjay T. Menon, << Toward a model ... >>, op. cit.

(43) Service regional infirmier d'intervention telephonique accessible a toute heure et tout jour, et en operation dans toutes les regions du Quebec. Selon la nature des appels, il permet d'offrir des conseils, des evaluations sommaires et des renseignements sur les ressources appropriees.

(44) Joan M. Anderson, Helen Elfert et Magdalene Lai, << Ideology in the clinical context: Chronic illness, ethnicity and the discourse on normalisation >>, Sociology of Health & Illness--11, no 3 (1989), pp. 253-78.

(45) N.J. Fox, K.J. Ward et A.J. O'Rourke, << The 'expert patient'.. >>, op. cit.; Jos V.M. Welie et Sander P.K. Welie, << Patient decision making ... >>, op.cit.

(46) Jos V.M. Welie et Sander P.K. Welie, << Patient decision making ... >>, op.cit.

(47) Pour une presentation de ces differents arguments, voir N.J. Fox, K.J. Ward et A.J. O'Rourke, The 'expert patient' ... >>, op. cit.

Marc Lemire et Claude Sicotte font partie du Groupe de recherche interdisciplinaire en sante (GRIS), Universite de Montreal. Guy Pare oeuvre a la Chaire de recherche du Canada en technologie de l'information dans le secteur de la sante, HEC Montreal.
Tableau 1. Possibilites du systeme et benefices percus par les patients

Possibilites du systeme Benefices percus
socio-technique

Implication du patient dans Meilleure detection de
 l'identification des certains, signes et
 signes et symptomes symptomes grace au
 dispositif
Inculcation d'une Sentiment de securite accru
 connaissance sur les grace a la presence du
 facteurs a risque dispositif et surtout du
 professionnel
Incitation a l'adoption Meilleure connaissance des
 des comportements actions a poser grace au
 prescrits dispositif et au profes-
 sionnel
Etablissement d'une Meilleure communication
 communication rapide et avec le professionnel
 directe entre le patient charge du suivi.
 et le professionnel.

Tableau 2. Limites du systeme de telesoins par rapport a l'ideal type
du patient-expert

Dimensions Constats

Diffusion d'une pluralite Connaissance ciblee et
 de connaissances simplifiee representant
 la vision infirmiere et
 medicale de la normalite
 et de la pathologie
Valorisation des Fonctionnement selon une
 capacites reflexive et logique prescriptive
 discursive enjoignant a des actions
 et comportements normes
Valorisation de la Participation circonscrite
 participation active a la production
 aux differents niveaux quotidienne d'information
 d'intervention sur l'etat de sante
 sur la sante. personnelle et au suivi
 des consignes.
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