Jeunes, familles et ecoles: Un monde en transformation. (Avant-Propos/Foreword).
McAndrew, Marie ; Ciceri, Coryse
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Dans le contexte de changement global que nous vivons
aujourd'hui et qui touche toutes les dimensions de la vie en
societe, la dynamique d'integration des populations d'origine
immigrante s' avere, sinon plus difficile, du moins plus eclatee et
polymorphe que par le passe. La presence d'une immigration plus
diversifiee sur le plan socio-economique et culturel,
l'intensification des echanges internationaux et des mouvements
temporaires de population, l'eclatement des referents identitaires
simples au sein des societes d'accueil ainsi que la delegitimation
des modeles traditionnels de gestion du pluralisme sont autant de
facteurs invoques pour rendre compte de cette nouvelle complexite, qui
touche, des degres divers, la plupart des democraties occidentales.
Etant donne la position strategique qu'elle occupe dans le
processus temporel d'ajustement et d'acculturation reciproques
qu'exige une integration reussie, la seconde generation, soit celle des enfants d'immigrants, est particulierement interpellee par les
defis actuels, qu'il s'agisse de se tailler une place
equitable au "soleil" ou de negocier, non seulement avec les
autres mais surtout avec soi-meme, une identitee metissee. Cette
generation est aussi celle du premier contact intensif et permanent avec
les pairs et les institutions de la societe d'accueil, ce qui fait
de ses succes et de ses echecs, des revelateurs significatifs de
l'etat de l'adaptation generale au pluralisme.
Les neuf articles presentes dans ce numero special qui regroupe
diverses communications du [XIV.sup.e] congres biennal de la Societe
canadienne d'etudes ethniques tenu a Montreal en novembre 1997,
abordent, chacun selon un angle qui lui est propre, le monde en
transformation que representent aujourd'hui les jeunes, leurs
families ainsi que les ecoles qui les accueillent dans un contexte ou la
pluriethnicite est desormais la norme plutot que l'exception. La
realite privilegiee, mais non exclusivement comme en temoignent les
perspectives comparatives que l'on retrouve egalement dans cet
ouvrage, est celle du Quebec. Ce choix se justifie, de notre point de
vue, par l'interet des travaux quebecois dans le domaine mais
egalement par la meconnaissance dont ils font souvent l'objet
ailleurs au Canada.
La redefinition des frontieres ethniques amorcee au Quebec depuis
la Revolution Tranquille et surtout depuis l'adoption, en 1977, de
la Loi 101 qui dirige les nouveaux arrivants vers l'ecole
francaise, les defis socio-linguisitiques particuliers qu'on y
connait en matiere d'integration des populations immigrantes, ainsi
que son role de carrefour intellectuel ouvert aux influences
nord-americaines et europeennees y ont genere, en effet, un grand
dynamisme en matiere de recherche sur l'immigration et
l'integration. Par ailleurs, le caractere recent, du moins en
milieu francophone, de l'emergence d'une generation
cosmopolite y suscite une curiosite et des debats, sinon plus intenses,
du moins souvent plus animes qu'ailleurs.
L'ouvrage comprend quatre parties. On y discute d'abord
de l'integration scolaire des immigrants, en abordant deux
questions importantes, tant sur le plan scientifique que celui de
l'elaboration des politiques, soit, d'une part, celle de
l'impact de la densite ethnique des ecoles sur l'integration
sociale des clienteles immigrantes qui les frequentent (McAndrew, et
al.) et d'autre part, celle du poids relatif de la mobilite
professionnelle des parents, face a d'autres facteurs, dans le
succes scolaire des eleves issus de l'immigration (Nascimento et
Lefebvre).
Delaissant le systeme formel de scolarisation, la seconde section
s'interroge sur diverses identites en changement et aborde
successivement la situation des jeunes haitiens de seconde generation
coinces entre une culture d'origine dans laquelle ils ne se
reconnaissent plus et une societe d'accueil qui les marginalise (Potvin), les strategies mises en oeuvre par les jeunes meres
immigrantes centro-americaines afin d'assurer leur integration a la
nouvelle societe (Carrasco, et al.) ainsi que l'evolution de
l'imaginaire collectif de la societe quebecoise tel que revelee
dans la transformation du personnage de l'etranger au sein de la
litterature pour la jeunesse (Lebrun).
Poursuivant dans la foulee de cet examen de l'adaptation
institutionnelle au pluralisme, la troisieme section se concentre sur
les defis que presente la diversite pour les professionnels. Qu'il
s'agisse de la menace identitaire ressentie par des professionnels
de l'education et de la sante analysee dans une perspective
comparative en France et au Quebec (Hohl et Cohen-Emerique) ou de la
question de la racialisation des groupes de jeunes par la police
(Symons), les enjeux sont similaires et portent sur la maniere
d'une part, de prendre en compte la diversite sans la figer et la
reifier, avec tous les effets pervers que cela peut induire, et
d'autre part, de former les professionnels aux differences
culturelles sans renforcer leurs prejuges et leurs stereotypes.
Finalement, dans la derniere section, deux articles apportent des
elements de comparaison utiles a l'eclairage des realites vecues au
Quebec et au Canada. Il s'agit d'abord de l'integration
des differentes generations d'immigrants evaluee a travers
l'usage des langues en milieu de travail, a l'ecole et dans
les familles en Suisse (Blaser), une societe a notre avis insuffisamment
etudiee au Canada surtout lorsqu' on prend en compte la
comparabilite tres interessante des contextes de depart sur le plan
socio-linguisitique. Le second article s'interesse plutot a la
place de la diversite culturelle et religieuse a l'ecole publique
en mettant en parallele les obligations juridiques qui existent a cet
egard au Canada et dans trois societes qui font partie de notre contexte
d'influence soit les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne
(Bernatchez et Bourgeault).
Nous esperons que ce numero special saura interesser les fideles
lecteurs de la revue mais qui'il incitera egalement de public
travaillant aupres des jeunes ou de leur famille a explorer davantage la
question des relations ethniques et les recherches qui ont court
actuellement dans ce domaine. Nous tenons, en terminant, a remercier
tout particulierement la direction de la planification strategique du
ministere des Relations avec les citoyens et de l'Immigration
(MRCI) du Quebec qui a soutenu financierement la realisation de ce
document, ainsi que Messieurs Morton Weinfeld et Pierre Anctil,
respectivement de l'Universite McGill et du MRCI, qui ont accepte
de partager avec nous le role, parfois ingrat mais combien necessaire,
de comite aviseur aupres des auteurs.
RELATED ARTICLE: Youth, Families and the School: A Changing World.
In the context of the global change occurring today which affects
all aspects of life in society, the dynamics of integrating populations
of immigrant origin is, if not more difficult, at least more fragmented
and multiform than in the past. The presence of a more diversified
immigration in socioeconomic and cultural terms, the intensification of
international trade and temporary movements of populations, the
fragmentation of single identity referents in host societies and the
delegitimation of traditional models of managing pluralism are all
factors invoked to explain this new complexity affecting, in varying
degrees, most Western societies.
Given its strategic position in the temporal process of reciprocal
adjustment and acculturation required for successful integration, the
second generation, i.e., the children of immigrants, is particularly
confronted by current challenges, be it a matter of creating a place for
themselves "under the sun," or of negotiating a hybrid
identity, both with others and with themselves. This generation is also
the first one to have an intensive and permanent contact with peers and
institutions in the host society, thereby making its successes and
failures significant indicators of the general state of adaptation to
pluralism.
This special issue brings together various papers presented at the
XIVth biennial Canadian Society for Ethnic Studies conference held in
Montreal in November 1997. Each from its own perspective, the nine
articles examine the changing world of youths, their families and their
schools in a context in which multi-ethnicity has become the rule rather
than the exception. The primary focus is on Quebec reality, though this
focus is non-exclusive, as can be seen in the comparative perspectives
of some of the articles. In our view, this choice is justified not only
because of the interest in Quebec research in itself, but also because
it is often not fully known and appreciated in the rest of Canada.
The redefinition of ethnic boundaries began with the Quiet
Revolution in Quebec, especially since the adoption of Bill 101 in 1977
which requires new arrivals to attend French schools, its particular
socio-linguistic challenges with regard to immigrant populations, and
its role as an intellectual crossroads open to North American and
European influences have indeed generated considerable dynamism in
research into immigration and integration. Moreover, the recent, in
francophone milieus at least, emergence of a cosmopolitan generation has
fostered curiosity and debate which, if not more intense, are often at
least more animated than elsewhere.
This issue is divided into four sections. It begins with a
discussion of the educational integration of immigrants by raising two
important scholarly and policy issues: the impact of the concentration
of immigrant population in specific schools on the social integration of
students who attend such schools (McAndrew, et al.); and the influence
of parental professional mobility, relative to other factors, on the
educational performance of students of immigrant background (Nascimento
and Lefebvre).
Moving away from the formal educational system, the second section
examines various changing identities and deals respectively with the
situation of young second-generation Haitians caught between a culture
of origin in which they no longer recognize themselves and a host
society that marginalizes them (Potvin), the strategies adopted by young
Central American mothers to ensure their integration into a new society
(Carrasco, et al.), and the evolution of Quebec society's
collective imagery as revealed by the transformation of the persona of
the Foreigner in youth literature (Lebrun).
Continuing in the vein of this analysis of institutional adaptation
to pluralism, the third section focuses on the challenges of diversity
for professionals. Whether it be the identity threat felt by education
and health professionals, analysed comparatively in France and in Quebec
(Hohl and Cohen-Emerique), or the issue of police racialization of youth
groups (Symons), the issues are similar and deal with taking diversity
into account without fixing or reifying it (with all the perverse
effects that this can lead to) on the one hand, and with informing
professionals about cultural differences without reinforcing their
prejudices and stereotypes, on the other.
In the final section, two articles contain comparative elements
useful for shedding light on the realities of Quebec and Canada. The
first deals with the integration of different generations of immigrants
examined through the lens of the language used at work, in school, and
in the family in Switzerland (Blaser), a society which, in our view, has
been insufficiently studied in Canada, especially when one considers the
quite interesting comparability of their respective socio-linguistic
contexts. The second article focuses on the place of cultural and
religious diversity in public schools by conducting a parallel
examination of the legal obligations in this regard in Canada and in
three societies which influence educational policies and debates in our
society; the United States, France, and Great Britain (Bernatchez and
Bourgeault).
We hope this special issue will not only be of interest to regular
readers of the journal, but also that it will induce other people
working with youths or their families to explore further the issue of
ethnic relations and current research in this domain. In closing, we
would like to thank in particular the Direction de la planification
strategique du ministere des Relations avec les citoyens et de
l'Immigration du Quebec (MRCI) who financially supported the
production of this issue, as well as Morton Weinfeld of McGill
University and Pierre Anctil of the MRCI who agreed to share with us the
sometimes difficult but ever so necessary task of reviewing and
suggesting revisions to the authors' texts.