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文章基本信息

  • 标题:Celia Forget. Vivre sur la route. Les nouveaux nomades nord-americains.
  • 作者:Bonte, Pierre
  • 期刊名称:Ethnologies
  • 印刷版ISSN:1481-5974
  • 出版年度:2013
  • 期号:March
  • 语种:English
  • 出版社:Ethnologies
  • 摘要:L'ouvrage que vient de publier Celia Forget, issu d'une these dirigee dans le cadre d'une cotutelle des Universites de Provence (Aixen-Provence) et Laval (Quebec), traite d'un monde bien particulier, celui de populations non negligeables numeriquement en Amerique du Nord (Canada et Etats-Unis) qui ont fait le choix d'un mode de vie concu sous le signe de la mobilite a bord de leurs vehicules amenages, significativement appeles << vehicules recreatifs >>. On les designe comme des RVistes et une image forte, qu'il nous faudra reexaminer, les inscrit parfois dans les grandes traditions americaines de deplacement des populations, des pionniers deplacant les frontieres du Far West aux hippies, en passant par les hobos dont la legende s'elaborera avec les chantiers de construction des chemins de fer, et les beatniks ... Cette image, s'agissant des RVistes, reste cependant floue et n'a pas suscite de talents litteraires, tels ceux des Steinbeck, Kerouac et autres, qui illustrent ces mythes de l'errance et du vagabondage, contraints ou choisis.
  • 关键词:Books

Celia Forget. Vivre sur la route. Les nouveaux nomades nord-americains.


Bonte, Pierre


Celia Forget. Vivre sur la route. Les nouveaux nomades nord-americains. (Montreal, Liber, collection Carrefours anthropologiques, 2012, ISBN : 978-2-89578-372-5, 222p)

L'ouvrage que vient de publier Celia Forget, issu d'une these dirigee dans le cadre d'une cotutelle des Universites de Provence (Aixen-Provence) et Laval (Quebec), traite d'un monde bien particulier, celui de populations non negligeables numeriquement en Amerique du Nord (Canada et Etats-Unis) qui ont fait le choix d'un mode de vie concu sous le signe de la mobilite a bord de leurs vehicules amenages, significativement appeles << vehicules recreatifs >>. On les designe comme des RVistes et une image forte, qu'il nous faudra reexaminer, les inscrit parfois dans les grandes traditions americaines de deplacement des populations, des pionniers deplacant les frontieres du Far West aux hippies, en passant par les hobos dont la legende s'elaborera avec les chantiers de construction des chemins de fer, et les beatniks ... Cette image, s'agissant des RVistes, reste cependant floue et n'a pas suscite de talents litteraires, tels ceux des Steinbeck, Kerouac et autres, qui illustrent ces mythes de l'errance et du vagabondage, contraints ou choisis.

La recherche effectuee par Celia Forget n'en est que plus novatrice, menee a l'occasion d'un << terrain >> veritablement ethnologique qui lui a fait partager la vie d'un certain nombre de ces adeptes de nouveaux choix de mobilite, derives des pratiques deja anciennes de mobil homes deplacables, de camping estival associe aux vacances, de vie professionnelle itinerante (routiers, saisonniers, representants, etc.), qui ont investi le monde de la route avec la generalisation et la democratisation de la possession et de l'usage de l'automobile. Cette observation participante dans la longue duree a contribue a la production de fines etudes ethnographiques qui revelent les convergences, mais aussi l'heterogeneite de cette population dont le nombre va croissant avec son vieillissement tendanciel et l'accroissement du nombre des retraites.

La richesse de l'ouvrage reside d'abord dans cette precision des donnees ethnographiques et dans l'interet de leur interpretation pour caracteriser un groupe, repetons-le, profondement heterogene. Faute de pouvoir rendre compte ici de l'ensemble de ces donnees, nous en retiendrons quelques exemples privilegiant les points qui nous apparaissent les plus importants. Le chapitre 2 est ainsi consacre au << vehicule recreatif >>, artefact central dans sa dimension de << chezsoi >>, mais infiniment deplacable, qui perpetue immediatement les differences situationnelles et statutaires de leurs proprietaires, ainsi que les choix de mobilite. Le chapitre 3 cerne l'espace continental des parcours en soulignant la forte differenciation induite par les saisons et la descente massive annuelle des RVistes du nord vers les regions plus meridionales et ensoleillees de Floride, d'Arizona ou encore de Californie. Ces itineraires sont en fait assez strictement codes par les choix de stationnement qui sont plutot recherches sur les autoroutes, les stations-service routieres frequentees par les camions et les aires des grands magasins (la chaine Walmart en particulier) qui offrent des facilites d'installation a des prix reduits. Mais ces itineraires ont aussi leurs objectifs plus ou moins temporaires (chapitre 4), des points de fixation plus ou moins longs, generalement connus des RVistes et ou la plupart effectuent des sejours reguliers. Ceux-ci ne remettent pas en cause le choix de mobilite qui conditionne plus generalement le mode de vie caracterise par le detachement vis-a-vis d'un certain nombre d'objets culturels materiels qui donnent sa signification a la vie sedentaire, a l'ideal anglo-saxon du home et, meme si ce chez-soi en definitive sous cette forme selective continue a etre une reference, par le deracinement qu'implique aussi son deplacement periodique en des lieux differents.

Les chapitres 5 et 6, peut-etre les plus eclairants, mettent en evidence deux poles entre lesquels se distribuent les choix de deplacement et les conditions du parcours. Meme s'ils se defendent d'etre des campeurs, en opposant leur liberte de choix s'exercant dans un temps qui n'est pas defini comme celui des vacances, ainsi que leur capacite a remettre en question leur installation, nombre de RVistes frequentent regulierement, souvent de maniere saisonniere, des terrains organises pour accueillir les campeurs, sous la tente ou en RV (chapitre 5). Leurs choix sont alors conditionnes, d'abord, par leur capacite financiere d'acces aux prestations plus ou moins importantes qui leur sont fournies. Ils supposent une organisation prealable qui contribue a renouveler la regularite des sejours, par exemple les reservations qui doivent etre faites longtemps a l'avance.

Une autre categorie est caracterisee par une mobilite plus active et qui est dominee par la reference symbolique au desert comme lieu d'achevement de l'ideal de marginalite normative qui l'accompagne souvent (chapitre 6). C'est au sein de cette categorie que l'on trouve en majorite les RVistes full-timers qui insistent plus precisement sur la liberte que leur permet cette mobilite, voire revendiquent un certain ideal d'egalite que favorise le partage des contraintes plus fortes qu'induit le sejour dans les camps situes dans ce milieu desertique. En exemple, on peut nommer le celebre et tres frequente Quartzite, qui offre une version rustique des terrains de Floride, ou, en bas de l'echelle, les zones de stationnement non amenagees de Slab City ou cette marginalite plus grande encore est consideree comme dangereuse par certains RVistes.

On peut regretter que l'auteure n'ait developpe des analyses plus approfondies de ces donnees qu'au seul chapitre 7 et dans la courte conclusion qui le suit. Revenant sur ces developpements finaux et sur des esquisses d'analyse inscrites dans le corps du texte, nous nous permettrons, a ce moment de notre compte rendu, de ne pas la suivre exactement, mais de soulever quelques questions d'ordre plus general que nous inspire notre lecture de l'ouvrage. Il s'agit en fait de questions simples.

Quelles references identitaires permettent a ce groupe de se definir, comme se sont definis dans de veritables legendes modernes les pionniers ou les hippies par exemple ?

Cela a-t-il un sens de parler de (nouveaux) << nomades >> comme le fait l'auteure des le titre quelle a retenu ?

Dans le contexte moderne de globalisation culturelle quelles significations recouvre ce partage d'un choix de mobilite, fortement oppose a la vie sedentaire, par une population qui presente par ailleurs des traits d'heterogeneite manifestes et une insertion incontestable dans la societe nord-americaine contemporaine ?

S'agissant de la premiere question, on constate que la denomination RVistes, dont on aurait aime quelle soit contextuellement analysee dans ses eventuelles fonctions identitaires locales, n'est pas fortement identifiee par des traits partages par ceux qui possedent ce moyen de deplacement et se representent, semble-t-il en premiere analyse, comme une categorie de consommateurs de biens et de sens. Les donnees rassemblees par Celia Forget ne temoignent pas, d'une part, d'un fort sentiment d'appartenance communautaire et d'identite culturelle que l'on attribuera ou que revendiquaient les << pionniers >> ou les << beatniks >> ; elles se constituent, d'autre part, en opposition a d'autres identites que refusent les interesses. Ainsi, ils ne se considerent pas comme des << touristes >> qui consomment les voyages auxquels ils consacrent un temps precis (vacances, retraite). Ils ne sont pas non plus des << campeurs >> qui reviennent necessairement a leur vie sedentaire et dont ils se distinguent par la revendication de << liberte >> qu'ils assument en renoncant a certains types de possession materielle et en acceptant un certain degre de << deracinement >>. Ils ne partagent pas non plus les representations symboliques de leurs << precurseurs >> a travers le continent nord-americain et ils n'apparaissent pas comme des createurs de mythes semblables, meme s'il existe quelques convergences, en reponse a des attentes religieuses (pelerinages) ou en reference a la symbolique du desert, sur laquelle nous reviendrons. Une certaine identification existe par ailleurs, au Canada du moins, avec les << gens du voyage >>, gitans ou bohemiens, sans assumer les stereotypes negatifs qui leur sont aussi appliques.

A cette relative absence d'une identite partagee, le chercheur sera tente de compenser en proposant ses propres classements. Celia Forget evoque au Quebec l'usage du terme << itinerance >> pour finalement se resoudre a mettre en avant celui de nomadisme et en evoquant dans le titre de l'ouvrage de << nouveaux nomades >>.

Peut-on parler de << nomades >> pour designer ceux qui pratiquent ce mode de vie, ceux qui ont fait le choix de cette mobilite ? Utilisent-ils d'ailleurs eux-memes cette appellation ? Nous aurions a vrai dire mauvaise grace a en juger trop rapidement de maniere negative ayant nous-meme classe des populations de ce type parmi les << derniers nomades >> auxquels nous avons consacre une etude (Bonte : 2004). Sous certains angles de l'analyse, cette convergence des traits caracterisant ces << nouveaux nomades >> avec ceux reperables dans les grandes civilisations nomades de chasseurs-collecteurs ou de pasteurs en particulier, est loin d'etre de fait depourvue de sens. C'est le cas des traits de morphologie sociale. La distinction entre les modes de vie sedentaires semi-nomades, sous forme de transhumances regulieres en particulier, et nomades proprement dit, associes a l'usage d'un habitat mobile, s'impose dans un cas comme dans l'autre. Ces differences sont liees a des modes d'exploitation des ressources qui presentent une dimension collective, mais sont appropries par des groupes plus restreints (bandes de chasseurs-collecteurs, campements pastoraux). Le fait qu'il s'agisse de ressources productives dans le nomadisme historique classique ou de la consommation de biens culturels spatialement disperses chez les << nouveaux nomades >> ne modifie pas fondamentalement ces traits morphologiques, mais releve de significations bien differentes. Pour simplifier l'argumentaire, je me refererai a distinction etablie par Louis Dumont entre societes holistes et individualisme moderne (Dumont : 1983).

Les societes nomades auxquels se referent le plus souvent les travaux anthropologiques ont une dimension holiste qui donne sens a leur organisation sociale. Dans l'ouest saharien, chez les Maures et les Touaregs, cette morphologie oppose des espaces bien distincts : le sahra, zone vide, dangereuse pour les hommes qui l'affronte et peuplee par les jinn, la badiya, espace domestique par les hommes qui le parcourent et en exploitent les ressources vegetales et hydriques, et la khayma, tente-famille, univers feminin qui resume le cosmos dans son organisation et son utilisation. Les variations saisonnieres au sein de ces societes, analysees par Marcel Mauss dans le cas des Inuits (Mauss : 1997), s'inscrivent dans ces representations holistes par les rites calendaires et les agregations festives qui concernent ici la saison des pluies, periode de la cure salee et des mariages.

Ces variations saisonnieres se retrouvent formellement chez les RVistes, mais avec des significations bien differentes et dans le cadre de pratiques qui mettent en avant les traits d'individualisme que Louis Dumont associe a nos societes modernes. Elles en revelent les formes les plus radicales, a l'heure de la globalisation qui remet en question de maniere plus generale la territorialisation des faits sociaux et culturels, la notion de local et, dans ce cas, celle de sedentarite.

Les imprevus du terrain m'ont fait decouvrir recemment, au Sahara occidental sous gouvernance marocaine, des faits proches de ceux decrits par Celia Forget dans le cadre du continent nord-americain. Entre Dakhla et Tantan, sur plus de 1000 kilometres, la cote atlantique de cette partie du Sahara est en hiver occupee par des milliers de << caravanes >> et surtout de camping-cars (termes usites en France), qui sont disperses le long de l'Ocean, mobilisant les sites les plus spectaculaires, et faisant l'objet de regroupements plus importants dans la presqu'ile << touristique >> de Dakhla en particulier.

Ces mouvements hivernaux de populations originaires de differents pays europeens ont pris de l'ampleur ces dernieres annees avec l'amelioration du reseau routier cotier et la relative securite qu'assure la presence marocaine. Quelques entretiens, qui ne remplacent pas une etude plus detaillee qui reste a faire, revelent qu'il s'agit d'un phenomene qui concerne des populations europeennes de plus en plus nombreuses, en majorite des retraites a la recherche des depaysements du voyage, de l'aventure sous controle dans le desert, et d'un changement de modes de vie sous le signe de la mobilite et de la liberte quelle apporte. L'argument economique est aussi fortement mis en avant, comme dans le cas de l'achat de residences par des retraites toujours au Maroc (Marrakech et Essaouira), le sejour, etant donne le pouvoir d'achat de l'euro, revenant peu cher et permettant d'economiser sur les frais qu'aurait entraines le cout de l'energie pour affronter les saisons plus froides en Europe. Ces migrations, en grande partie saisonnieres, commencent a avoir certaines retombees sur l'economie locale, bien moindre cependant, que l'installation sedentaire des retraites europeens, generatrices d'emplois a domicile recherches pour des raisons de confort et de sante.

C'est en ayant a l'esprit cette experience trop rapide d'un autre terrain que nous tenterons, pour conclure, d'approfondir l'analyse des significations de cette adoption de la mobilite par des populations, que, ni leurs situations anterieures ni leur projection dans un avenir identitaire pratiquement absente et ne traduisant pas une convergence des interets communautaires - comme le remarque justement Celia Forget a propos de la << sortie >> de la mobilite - ne predisposaient clairement a ce choix.

Les donnees presentees par l'auteure soulignent, parfois un peu en creux plus que de maniere explicite, que le phenomene RViste s'inscrit clairement dans la culture globalisee dominante. S'il presente une specificite certaine, il peut aussi etre rapproche d'autres phenomenes qui impliquent des sous-cultures de la route avec leurs rites et leurs regroupements. Nous l'avons releve a propos des mouvements europeens vers le Maghreb et le Sahara. On pourrait aussi evoquer les grands rassemblements montagnards de camping-cars a l'occasion du Tour de France par exemple, etc.

L'organisation RViste nord-americaine s'inscrit dans des reseaux sociaux et commerciaux efficaces qu'enumere au fil des pages Celia Forget, elle accompagne les parcours personnels, gere les situations administratives, les stationnements et les occupations, etc. Elle obeit aussi a des imperatifs economiques, marchands en particulier. Si ce choix de mobilite impose un certain depouillement de la culture materielle domestique, les interets economiques sont visibles dans l'investissement que representent les vehicules, de classe et de cout financier tres variables--marche important si on note que dans ces deux pays un foyer sur douze dispose d'un vehicule de ce type mais aussi dans l'utilisation, compensant les deficits de sociabilite, des nouvelles technologies de communication, etc. Les differences statutaires apparaissent clairement dans l'exercice de cette mobilite. Cependant, il ne s'agit pas seulement de retraites ou de rentiers mais aussi de personnes qui sont obligees d'exercer des activites professionnelles, souvent saisonnieres, pour financer ce mode de vie qui necessite de disposer de revenus reguliers (aux investissements initiaux s'ajoutent les charges importantes que representent les frais de transport par exemple).

Les charges qui accompagnent le choix de ce mode de vie sont, dans les discours des interesses rapportes par Celia Forget, essentiellement compensees par la liberte qu'il apporterait. Ce choix de liberte n'est pas cependant exempt de contraintes que reconnaissent les personnes interrogees. Il implique en particulier une evolution des formes de sociabilite, en particulier dans un domaine ou elles repondent aux valeurs les plus pregnantes de la societe nord-americaine : celui des valeurs familiales. Le constat est souvent effectue et parfois regrette, tout en essayant de trouver des compromis qui permettent (visites periodiques et saisonnieres, technologies de communication moderne, etc.) de maintenir ces relations familiales. La necessite de ces compromis, auxquelles echappent une partie des RVistes--celibataires, couples avec des enfants plus jeunes, etc.--contribue peut etre a expliquer un trait qui apparait souvent dans le texte de l'ouvrage : le relatif deficit des relations communautaires nouvelles dont on pourrait attendre qu elles accompagnent ce mode de vie partage. Ces communautes, autres valeurs importantes de la societe nord-americaine, apparaissent souvent transitoires, n'impliquant que des relations episodiques et qui preservent l'intimite du << chezsoi >>, du home, dont les portes restent generalement fermees, en contradiction avec la contiguite des VR au sein des camps et des lieux de stationnement.

Ce trait est sans doute a rapprocher des traits d'individualisme affirme qui se traduisent en particulier a propos de ce point sensible qu'est la transgression des roles familiaux, concue comme une consequence assumee de ces choix de mode de vie : celle des roles de grands-parents, la participation aux manifestations de sociabilite familiale festive a l'occasion de Noel, Thanksgiving, etc. L'objectif de cette liberte est generalement considere et affirme comme la legitime recherche d'un hedonisme qui apparait comme un choix individuel, ou de couple, s'exercant au detriment de ces autres roles sociaux. L'eclatement de la cellule familiale est un risque, que l'on tente certes de limiter, mais qui correspond a l'evolution des rapports de solidarite fondes sur la filiation.

Le phenomene presente en fait une certaine generalite. Le vieillissement de la population aboutit a la constitution d'une classe de population de plus en plus importante qui estime avoir rempli ses fonctions sociales d'elevage et d'education des enfants, mais qui dispose encore des moyens physiques, psychologiques et financiers pour poursuivre des objectifs plus personnels, vivre sa vie sans avoir besoin par ailleurs de l'assistance de leur descendance.

L'heterogeneite des situations et des comportements personnels a l'origine du choix de ce mode de vie mobile que nous soulignions des le depart de cette recension trouve aussi la l'une de ses explications.

Une partie des RVistes apparait cependant avoir choisi cette vie de deplacement pour d'autres raisons, en se referant a d'autres choix ethiques et ideologiques. Ceux-ci s'observent surtout, semble-t-il, chez les RVistes full-timers et se retrouvent plus particulierement parmi ceux qui choisissent le plus regulierement les stationnements dans le desert. C'est moins cependant le mythe du desert, quasi religieux a travers les references bibliques, l'evocation de l'ascetisme et de la solitude dans des paysages mineraux depouilles a l'extreme, tel qu'il justifie l'attirance des Europeens pour le Sahara, qui semble alors prevaloir (cf. Bonte : 2009-2010), que l'inscription aux marges, soulignee par la situation du camp de Slab City aux peripheries d'un terrain militaire ! La depossession materielle, accentuee par une vie depourvue des moyens habituels de confort apparait, dans une certaine tradition nord-americaine, comme la promotion d'un ideal d'egalite restaurant des valeurs anciennes de cette tradition auxquelles repondaient deja les formes precedentes de mobilite spatiale qui ont marque l'histoire du peuplement de ce continent.

L'ouvrage de Celia Forget, outre le fait qu'il aborde des terrains inconnus, l'attention des chercheurs s'etant portee plutot sur les << gens du voyage >> et leurs traditions, voire sur des groupes tels que les SDF ou des formes anterieures d'<< errance >> ou de << vagabondage >>, souleve des questions importantes qui interpellent l'anthropologue sur les formes sociales et culturelles nouvelles qui apparaissent avec la globalisation contemporaine. Le choix d'une presentation ethnographique des faits que l'auteure a longuement observes est une contribution notable a l'ouverture de ces recherches nouvelles, meme si l'on peut regretter que certaines de ces questions n'aient pas ete posees explicitement. Nous nous sommes permis une relecture de l'ouvrage qui leur donne leur place dans l'analyse. On ne peut en definitive que souhaiter de nouvelles recherches sur des phenomenes du meme ordre qui elargiraient et permettraient sans nul doute d'approfondir l'etude engagee.

References

Bonte, Pierre, 2009-2010, << 'La Sorbonne du desert'. La production de l'authenticite culturelle dans le cadre du tourisme saharien >>, dans Katia Boissevain (dir.), Maghreb et Sciences sociales 2009-2010. Socio-anthropologie de l'image au Maghreb. I. Nouveaux Usages touristiques de la culture religieuse, Paris, L'Harmattan-Institut de recherche sur le Maghreb contemporain : 89-102

Bonte, Pierre, 2004, Les derniers nomades, Paris, Editions Solar.

Dumont Louis, 1983, Essai sur l'individualisme. Une perspective anthropologique sur l'ideologie moderne, Paris, Le Seuil.

Mauss, Marcel, 1997, (1905-1904), <<Essai sur les variations saisonnieres des societes eskimos. Etude de morphologie sociale>>, dans L'Annee sociologique, Paris, PUF : 387-478.

Pierre Bonte

Directeur de recherche emerite au CNRS

Laboratoire d'anthropologie sociale, College de France, Paris
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