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文章基本信息

  • 标题:Christopher A. Scales. Recording Culture. Powwow Music and the Aboriginal Recording Industry on the Northern Plains.
  • 作者:Barnat, Ons
  • 期刊名称:Ethnologies
  • 印刷版ISSN:1481-5974
  • 出版年度:2013
  • 期号:March
  • 语种:English
  • 出版社:Ethnologies
  • 摘要:Christopher A. Scales. Recording Culture. Powwow Music and the Aboriginal Recording Industry on the Northern Plains. (Durham et Londres: 2012, Duke University Press. Pp.368. ISBN : 978-0-8223-5338-6)
  • 关键词:Books

Christopher A. Scales. Recording Culture. Powwow Music and the Aboriginal Recording Industry on the Northern Plains.


Barnat, Ons


Christopher A. Scales. Recording Culture. Powwow Music and the Aboriginal Recording Industry on the Northern Plains. (Durham et Londres: 2012, Duke University Press. Pp.368. ISBN : 978-0-8223-5338-6)

Recording Culture. Powwow Music and the Aboriginal Recording Industry on the Northern Plains (1) s'inscrit dans la lignee de recentes contributions d'ethnomusicologues a l'etude du phenomene de l'enregistrement en studio, a des fins commerciales, de genres musicaux << traditionnels >> par des acteurs locaux. Depuis les recherches pionnieres de Jocelyne Guilbault sur le zouk dans les annees 1990, et les travaux de Paul Theberge sur les rapports entre musique et technologie (1997, 2004), plusieurs auteurs ont fait du studio d'enregistrement leur principal terrain de recherche : Louise Meintjes dans des studios de Johannesburg, Beverly Diamond au Canada, Karl Neuenfeldt en Australie, Thomas Porcello aux Etats-Unis, Frederick Moehn au Bresil, Eliot Bates en Turquie, mais aussi Peter Greene au Nepal, et moi-meme en Amerique centrale. Les enjeux methodologiques et epistemologiques lies a l'analyse de cette << boite noire >> de l'ethnomusicologie n'ont certainement pas fini de grossir cette liste--non exhaustive--de recherches ayant pris pour terrain cet espace dynamique de creation, investi par des acteurs divers reunis dans le but precis d'y enregistrer de la musique ...

Ce premier ouvrage de l'ethnomusicologue etats-unien Christopher A. Scales, aujourd'hui professeur associe a la Michigan State University, trouve son origine dans la these qu'il a soutenue en 2004 sous la direction de Bruno Nettl. A la fois musicien, chercheur, ingenieur du son et realisateur (il compte a son actif plusieurs disques, parus chez Arbor Records et War Pony Records), Scales livre ici brillamment les fruits de ses recherches sur la musique powwow nord-americaine, amorcees il y a pres de vingt ans. En se basant sur des donnees extraites aussi bien au cLur du studio d'enregistrement qu'a l'occasion de rassemblements powwows, l'auteur nous plonge dans l'univers meconnu des musiciens autochtones des Prairies, les suivants pas a pas des powwow grounds aux sessions d'enregistrement en studio.

Avec un tel terrain double (a l'interieur et a l'exterieur du studio), ce livre fascinera aussi bien les amateurs de musiques autochtones nord-americaines que les chercheurs s'interessant au role de la technologie dans la creation et la preservation de musiques dites << traditionnelles >>. A partir du cas de l'enregistrement de la musique powwow, Scales decrypte avec lucidite une serie de dynamiques sociales animant l'ensemble du << monde powwow >> (aux niveaux macro et micro), tout en mettant le doigt sur un point cle de la recherche ethnomusicologique depuis les debuts de cette discipline : la rencontre motivee entre des << autochtones musiciens et des enregistreurs non autochtones >> (2). Definissant son livre comme << une etude ethnographique de la culture powwow contemporaine >>, l'ethnomusicologue se lance pour defi d'analyser le lien dynamique entre la pratique de la musique powwow en contexte ceremoniel et son enregistrement en studio. Pour ce faire, il choisit de structurer son ouvrage en deux grandes sections, qui peinent a s'harmoniser. En effet, si la premiere partie (composee de trois chapitres) se consacre surtout a la description minutieuse de la musique et de la culture pow-wow en contexte << traditionnel >>, la deuxieme partie nous fait progressivement penetrer dans le monde du studio d'enregistrement, apres avoir ete familiarise aux rouages de l'industrie discographique autochtone nord-americaine.

Passer ainsi d'une lourde monographie (somme toute tres classique depuis les debuts de l'ethnomusicologie) a une ethnographie pointue du studio (qui inclut des considerations portant sur des parametres technologiques complexes) ne semble pas trop deranger Scales, qui se justifie en avancant qu'il a cherche << a analyser la production et la consommation des enregistrements de musique powwow comme une sorte de boucle fermee, ou chaque contexte influence l'autre et devient de plus en plus interdependant >> (243). Cependant, force est de constater que cette division structurelle ne fait que reproduire une dichotomisation entre << tradition >> et << modernite >>, termes que l'auteur ne manque pourtant pas de critiquer longuement dans son dernier chapitre. Pour lui, la relation entre les enregistrements powwows en studio et la pratique << traditionnelle >> de cette musique serait bien plus complexe : << la force culturellement significative de la tradition est creee au sein, et est d'ailleurs entierement dependante, des conditions structurelles de la modernite >> (261).

Cet ouvrage--qui se veut une premiere recherche sur la musique powwow en studio, faisant suite a de nombreuses etudes portant sur le powwow en tant qu'acte performantiel en contexte << traditionnel >> prend pour point de depart un questionnement concernant les raisons qui motiveraient les acteurs des powwows a vouloir enregistrer leur musique. En analysant les differences entre des pieces jouees lors de ceremonies et d'autres enregistrees en studio, l'auteur va chercher a comprendre quels seraient les principes esthetiques qui gouvernent la musique powwow nord-americaine. Au niveau social, ce sont plutot les liens entre competitions de powwow (qui pullulent en ete sur les Prairies) et les enregistrements discographiques de musique powwow (qui se vendent et se trouvent surtout dans ces memes competitions) qui serviront de fil conducteur a l'ensemble du livre. Tout cela dans le but de decrypter le << reseau complexe d'interactions sociales et d'allegeances esthetiques generees par la participation autochtone dans le circuit powwow des Prairies >> (4).

La premiere partie, intitulee << La culture powwow des Plaines du nord >>, comporte trois chapitres, abordant tour a tour des considerations sur la pratique de la musique powwow, sur l'esthetique de cette musique, et enfin sur les acteurs qui la font vivre. Malgre quelques longueurs (dues a la densite des informations fournies), ces trois premiers chapitres offrent une claire definition de la ceremonie powwow et de la musique qui l'accompagne. On rentre ainsi progressivement dans le monde peu mediatise des musiciens autochtones nord-americains, avec tout d'abord une description ethnographique precise d'un powwow de competition, ou differents groupes de tambours (drum groups) s'affrontent pour gagner des prix pouvant aller jusqu'a 20 000 $. Apres la << grande entree >>, sorte de parade ou tous les acteurs impliques (musiciens, chanteurs, danseurs ...) defilent selon des normes preetablies, des juges s'affairent durant trois jours (generalement en fin de semaine) autour des groupes de tambours afin de designer les laureats de differentes categories (regroupees par tranches d'age). Ce systeme de recompenses pecuniaires est au contraire absent des powwows << traditionnels >>, detailles dans la deuxieme partie de ce premier chapitre. Presentes comme d'importance moindre (en terme d'achalandage et de retombees financieres), les powwows << traditionnels >> demeurent prises par l'ensemble des groupes de tambours pour qui la participation benevole a ces ceremonies represente une facon de << rester modeste >>, de se << sentir bien autour du tambour >>, de << rendre les gens heureux >>... sans entrer dans une logique capitaliste de competition : << Dans les powwows "traditionnels" on chante pour le "plaisir" et non pas pour l'argent qui peut etre gagne a travers la competition >> (59).

Apres ce premier chapitre de contextualisation, Scales nous propose de rentrer plus en details dans les << chansons powwows >> que l'on entend dans les powwows de competition. Se placant du cote des juges charges d'evaluer les performances des groupes de tambours inscrits aux competitions, on decouvre une serie de criteres esthetiques definissant ce qui constituerait une << bonne >> performance. Un premier tableau, page 86, nous renseigne sur les six differentes categories de danses structurant le deroulement d'un powwow de competition, categories elles-memes regroupees en quatre classes d'age. D'autres criteres esthetiques sont ensuite mis en evidence--cette fois-ci a partir du point de vue des musiciens--apres l'analyse d'extraits d'entretiens extremement vivants, qui temoignent de la dynamique des echanges entre le chercheur et les musiciens interviewes.

Le troisieme chapitre, << Groupes de tambour et chanteurs >>, se consacre a << detailler les arrangements sociaux qui se forgent pendant un powwow >> (113), a partir des cas de deux groupes de tambour que l'auteur a cotoye pendant les etes 1999 et 2000 : les Spirit Sand Singers et les Northern Wind Singers. En suivant leurs pas sur le << sentier du powwow >>, on comprend l'importance de la << culture du voyage >> pour ces musiciens, pris dans une logique financiere dans laquelle l'acces a des prix lors de competitions conditionne le remboursement de leurs frais de voyages. Ce chapitre s'acheve sur des precisions sur l'organisation sociale d'un groupe de tambour, avant de faire un bref lien entre la participation a des competitions et l'apparition de labels et de studios dedies a l'enregistrement de musique powwow.

La deuxieme partie du livre s'ouvre sur un historique de l'industrie de l'enregistrement discographique de la musique powwow dans l'Ouest canadien. Scales pose ensuite deux objectifs : d'une part, << decrire et caracteriser la structure institutionnelle et economique des labels de musique powwow >> (145), et de l'autre, de comprendre les mecanismes des interactions au sein d'Arbor Records, un label independant manitobain specialise dans les musiques autochtones.

Pour l'auteur, la naissance de ces labels coincide avec l'apparition des grands powwows de competition, subventionnes par des casinos implantes dans des reserves amerindiennes. En effet, l'entree d'argent generee par ces institutions se trouve repercutee sur toute l'economie de la communaute powwow, les groupes de tambours desireux de remporter des prix etant tenus d'avoir realise des enregistrements discographiques commercialises, garants pour leur public de leur << professionnalisme >> et de leur << reputation >>. Empruntant un marche tres restreint, la commercialisation de musique powwow passe par un circuit de distribution specialise et en marge des musiques mainstream nord-americaines, notamment a travers le reseau des vendeurs ambulants qui se deplacent de powwow en powwow, ainsi que dans les petits magasins independants (appeles one-stops ou mom-and-pop stores) qui jonchent les Prairies canadiennes.

C'est finalement dans le cinquieme chapitre de ce livre que sont abordees de front les problematiques liees a l'enregistrement en studio de la musique powwow << traditionnelle >>. L'accent y est mis sur le processus creatif en studio, lieu de << mediation >> et de negociation entre des personnes aux interets esthetiques et commerciaux differents. Scales base tout son argumentaire sur l'observation ethnographique de deux enregistrements de musique autochtone, realises par Arbor Records et auxquels l'auteur a largement participe en tant qu'ingenieur du son. Cette proximite du chercheur avec son objet d'etude donne ici lieu a une description precise et vivante du processus de creation discographique en studio, avec une serie d'anecdotes croustillantes sur des sessions d'enregistrements, definies comme << hautement interactives >> (202) entre les musiciens, ingenieurs du son et realisateurs impliques.

Dans le chapitre suivant, egalement centre sur ce qui se passe en studio, on rentre encore plus en details dans l'univers de l'enregistrement discographique de la musique powwow. A partir de ses observations in situ, Christopher Scales fait ressortir l'importance du concept de liveness aussi bien pour les musiciens autochtones que pour les employes non autochtones d'Arbor Records. En effet, une des caracteristiques fondamentales du << son >> d'un enregistrement powwow residerait dans sa capacite a faire entendre et ressentir les aspects propres aux performances en direct et en contexte ceremoniel. Cela va sans dire que la transplantation de la musique powwow de la reserve au studio ne se realise pas sans difficultes, les sollicitations esthetiques des musiciens ne coincidant pas forcement avec les imperatifs techniques qui conditionnent le travail des ingenieurs du son et du realisateur.

Le septieme et dernier chapitre avant la << Coda >> reprend la question qui avait intrigue Scales au debut de sa recherche : pourquoi les musiciens powwow veulent-ils s'enregistrer? Operant un retour sur l'ensemble de son livre, l'ethnomusicologue degage ainsi trois moteurs de cette dynamique : l'argent (meme si les gains occasionnes par la vente de disques servent surtout a couvrir les frais de subsistance des groupes de tambour), la reputation et le prestige (le fait d'avoir sur le marche plusieurs disques represente pour la communaute powwow un gage de qualite et de professionnalisme) et la preservation de la culture et de l'histoire (une chanson enregistree devenant une partie integrante du patrimoine culturel powwow).

Avant de conclure son livre, Christopher Scales se lance dans un vibrant plaidoyer (262-267) pour une ethnomusicologie de l'enregistrement en studio, qui viserait a balayer les velleites ethnocentristes des << enregistrements ethniques academiques >> (d'apres les termes de Kay Shelemay). Suite a son experience double en tant qu'ethnomusicologue et ingenieur du son engage par une maison de disques independante, Scales soutient en effet que l'exercice actuel de l'ethnomusicologie peut (et devrait) se faire a travers la realisation d'enregistrements commerciaux qui << challengent le discours du realisme documentaire caracteristique [des disques ethnico-academiques] : un discours qui relie la performance en direct a l'authenticite >> (266). Pour lui, il est important de depasser ce paradigme epistemologique severement ancre dans la discipline, en reconnaissant que la pratique du << realisme documentaire [...] n'est qu'un choix parmi d'autres, choix qui est historiquement et culturellement determine >> (267).

Au final, l'ouvrage Recording Culture. Powwow Music and the Aboriginal Recording Industry on the Northern Plains pointe du doigt une serie de propositions epistemologiques a meme d'operer un changement de paradigme pour l'ensemble de la discipline ethnomusicologique. Tout d'abord, en passant de l'analyse du materiau musical (l'oeuvre, le disque, le concert ...) a celle du processus

createur en studio, on arriverait a mettre en evidence les dynamiques sociales a l'origine de tout acte createur : << comprendre le processus de l'enregistrement en studio en termes musicologiques permet de cerner la specificite des relations sociales au sein d'un contexte plus large >> (203). En ce qui concerne le role et la place du studio d'enregistrement dans la recherche ethnomusicologique, Scales affirme que le studio << existe a l'intersection de la creation musicale et de la commercialisation >>, etant << une institution commerciale visant a creer des produits esthetiques >>. De plus, l'auteur soutient que la fabrication de l'esthetique des enregistrements de musique powwow, basee sur la notion de liveness, << se trouve a l'intersection entre la technologie et la "tradition", un "entre-deux" [...] entre les terres du powwow et le studio d'enregistrement >> (255). L'importance centrale des enregistrements residerait donc dans leurs facultes de << synthetiser une serie de valeurs esthetiques et de positions sociales >> (256).

Malgre une premiere partie assez lourde (offrant tout de meme un panorama detaille de la musique powwow avant son entree en studio), l'emploi de donnees un peu depassees (datant de dix a quinze ans) et le manque notoire de liens vers des pages internet (et surtout vers des videos, absentes du disque compact), ce premier livre de Christopher A. Scales represente une excellente contribution aux etudes ethnomusicologiques focalisees sur l'analyse du role de la technologie du studio d'enregistrement dans la creation, la transformation, la preservation et la diffusion de genres musicaux << traditionnels >>. Clairement passionne par sa recherche, l'ethnomusicologue-ingenieur du son-realisateur expose avec grand discernement les defis qui lui ont ete poses durant la tenue de sa recherche doctorale, defis qu'il a su surmonter avec brio. Plus encore, les questionnements epistemologiques auxquels il a ete confronte sauront trouver echo aupres des nouvelles generations de chercheurs qui experimentent sur leurs terrains des situations identiques, n'etant desormais plus les seuls maitres a bord de la technologie--comme cela a toujours ete le cas jusqu'a tres recemment.

La miniaturisation et la diffusion mondiale des appareils technologiques (aussi bien dans l'enregistrement sonore qu'audiovisuel ou photographique), couplees a une augmentation frenetique des echanges et des communications (via l'omnipotent internet), ont aujourd'hui pour effet de decupler les possibilites creatrices de

l'homme contemporain. Dans un monde ou la technologie semble ainsi changer les vies de plus en plus d'humains, il y a de quoi penser que l'ethnomusicologie--bien que nee en revolte a la suprematie ethnocentrique de la musicologie historique europeenne--n'a pas fini de se developper, pour tenter de repondre aux questions que nous pose la musique, ce << supreme mystere des sciences de l'homme, celui contre lequel elles butent et qui garde la cle de leur progres >> comme le devisait si savamment Claude Levi-Strauss (1964 : 26), il y a pres de cinquante ans dans Le cru et le cuit.

References

Levi-Strauss, Claude, 1964, Le cru et le cuit, Paris, Plon.

Ons Barnat

Universite de Montreal

(1.) A ne pas confondre avec l'ouvrage Recording Culture. Audio Documentary and the Ethnographie Experience, paru en 2009 chez Sage.

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