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文章基本信息

  • 标题:On Historicizing Epistemology. An Essay.
  • 作者:Noel, Patrick-Michel
  • 期刊名称:Ethnologies
  • 印刷版ISSN:1481-5974
  • 出版年度:2010
  • 期号:March
  • 语种:English
  • 出版社:Ethnologies
  • 摘要:L'epistemologie et l'histoire entretiennent une << reciprocite engageante >>, pour reprendre l'expression employee par Dominique Lecourt dans L'Epistemologie historique de Gaston Bachelard. L'histoire, comme discipline, peut etre l'objet d'une analyse epistemologique. L'epistemologie, comme philosophie des sciences ou theorie de la connaissance (gnoseologie), peut etre l'objet d'une analyse historique plus souvent qu'autrement effectuee par des philosophes. On Historicizing Epistemology s'inscrit dans la seconde declinaison en s'interrogeant sur un << decisive moment >> (1) de la philosophie des sciences au XXe siecle, l'historicisation de l'epistemologie entendue comme reflexion sur les conditions de la connaissance scientifique. L'historicisation de l'epistemologie vient complexifier la relation histoire-epistemologie. L'histoire est non seulement objet de l'epistemologie, elle est aussi une de ses approches pour aborder l'ensemble des sciences. Une approche importante selon Anastasios Brenner qui, dans un article la Revue de metaphysique et de morale auquel Rheinberger ne se refere pas, soutient que << l'evolution de l'epistemologie a conduit a donner a l'histoire plus de substance >> (2006 : 11).
  • 关键词:Books

On Historicizing Epistemology. An Essay.


Noel, Patrick-Michel


On Historicizing Epistemology. An Essay. Par Hans-Jorg Rheinberger (Stanford, Stanford University Press, 2010 [2007]. Pp. 128. Coll. << Cultural Memory in the Present >>. Traduit de l'allemand par David Fernbach. ISBN 0-8047-6289-9)

L'epistemologie et l'histoire entretiennent une << reciprocite engageante >>, pour reprendre l'expression employee par Dominique Lecourt dans L'Epistemologie historique de Gaston Bachelard. L'histoire, comme discipline, peut etre l'objet d'une analyse epistemologique. L'epistemologie, comme philosophie des sciences ou theorie de la connaissance (gnoseologie), peut etre l'objet d'une analyse historique plus souvent qu'autrement effectuee par des philosophes. On Historicizing Epistemology s'inscrit dans la seconde declinaison en s'interrogeant sur un << decisive moment >> (1) de la philosophie des sciences au XXe siecle, l'historicisation de l'epistemologie entendue comme reflexion sur les conditions de la connaissance scientifique. L'historicisation de l'epistemologie vient complexifier la relation histoire-epistemologie. L'histoire est non seulement objet de l'epistemologie, elle est aussi une de ses approches pour aborder l'ensemble des sciences. Une approche importante selon Anastasios Brenner qui, dans un article la Revue de metaphysique et de morale auquel Rheinberger ne se refere pas, soutient que << l'evolution de l'epistemologie a conduit a donner a l'histoire plus de substance >> (2006 : 11).

L'ouvrage se presente comme un parcours chronologique retracant le developpement de l'historicisation de l'epistemologie. L'auteur soutient que cette historicisation a pour source principale la revolution scientifique par laquelle la physique classique se transforma en physique relativiste au tournant du XXe siecle. C'est de l'activite scientifique elle-meme, ou plutot de ses praticiens, qu'est venue l'impulsion de l'epistemologie historique. L'auteur examine la reflexion philosophique des scientifiques Emil Du Bois-Reymond, Ernst Mach et Henri Poincare qui ont tous mis en cause la possibilite, d'une part, d'une epistemologie mecaniste ou la science pourrait rendre compte d'elle-meme par elle-meme et, d'autre part, d'un modele unique de scientificite. Ils ont aussi souligne le role des conventions dans la pratique scientifique et la pertinence de l'approche historique pour philosopher sur les sciences. On decouvre par ailleurs non sans etonnement qu'un membre du cercle de Vienne, Otto Neurath, a cherche a formaliser l'histoire des sciences pour qu'elle puisse devenir une discipline << that itself deserved the name of science >> (17).

La periode de l'entre-deux-guerres fut particulierement feconde dans l'historicisation de l'epistemologie. Des penseurs provenant de traditions differentes programmerent une epistemologie historique. Rheinberger dresse un parallele interessant entre Gaston Bachelard et Ludwik Fleck qui ont souligne la mediation technico-experimentale et l'enracinement social de toute connaissance scientifique, son caractere collectif et communautaire, la pluralite des savoirs scientifiques de meme que l'importance pour l'epistemologue de considerer la pratique effective des sciences et leur histoire, veritable laboratoire de l'epistemologue, comme le dirait Larry Laudan, penseur qui ne figure pas dans le parcours de Historicizing. Bachelard et Fleck s'eloignent d'une conception cumulative de la connaissance scientifique en insistant sur les ruptures qui marquent son developpement et qui lui donnent une historicite propre. L'auteur s'arrete sur quatre autres penseurs qui a priori ne semblent pas etre lies a l'historicisation de l'epistemologie, mais qui ont neanmoins reconnu l'importance de la question du developpement des connaissances. Karl Popper s'est penche sur la question de la dynamique scientifique a travers une analyse de la logique de la recherche. Il recuse le positivisme et delaisse le contexte de decouverte, qui releve de la psychologie de la connaissance, pour se concentrer sur le processus formel par lequel on teste la validite de la connaissance. A cette fin, il elabore un modele deductif de scientificite, a savoir la << falsification >> qui pretend que tout enonce scientifique doit pouvoir etre potentiellement refute par l'experience. Edmund Husserl se distancie aussi de l'epistemologie positiviste en plaidant pour une comprehension historique des sciences afin de retrouver l'intention de signification ayant preside a leur naissance. Activite intellectuelle, le phenomene scientifique ne peut etre elucide que par les sciences humaines, notamment l'histoire. C'est ainsi que, selon Rheinberger, chez Husserl << [e]pistemological grounding and historical explanation must coincide >> (42). L'auteur de Historicizing remarque par ailleurs que Martin Heidegger a peut-etre etonnamment souligne un des leitmotivs de l'epistemologie historique : la science est recherche experimentale qui, en progressant, se regionalise en differentes sciences ayant chacune leurs conditions procedurales specifiques. Ernst Cassirer considere, pour sa part, la science comme une forme symbolique. Pour etre bien comprise, elle doit faire l'objet d'une histoire culturelle. Seule cette voie permet une comprehension d'ensemble du phenomene scientifique. La possibilite d'une philosophie qui tenterait de systematiser et d'organiser toutes les sciences est mise en cause. Soumettre les sciences au regard historique oblige le philosophe a s'interesser a la pratique effective des scientifiques, autre mot d'ordre de l'historicisation de l'epistemologie.

L'apres-guerre, selon Rheinberger, est marquee par des << attempts at epistemologizing history of science >> (51). C'est moins la pratique contemporaine des sciences qui est mobilisee pour une interrogation philosophique que leur developpement historique. Quatre penseurs sont examines. Alexandre Koyre a synthetise philosophie et histoire des sciences a travers une demarche relevant de l'histoire des idees. Il cerne les presuppositions et les visions du monde orientant le regard scientifique. Thomas Kuhn s'est servi de l'histoire des sciences pour briser leur image officielle, sinon traditionnelle, vehiculee dans les manuels. Le developpement scientifique est profondement discontinu, car il est scande par des revolutions qui transforment la << science normale >> ou le << paradigme >>, concepts kuhniens designant le modele regissant la pratique collective des scientifiques. Rheinberger souligne deux elements ayant souvent echappe aux autres << exegetes >> de Kuhn. Kuhn etait un internaliste : la pratique scientifique est avant tout determinee par la communaute des chercheurs et non par une quelconque autorite externe ; et Kuhn ne niait pas le progres scientifique meme s'il soulignait que les differents paradigmes ayant traverse l'histoire des sciences etaient incommensurables. Les sciences progressent a partir de ce qu'elles ont ete sans jamais cependant savoir vers quoi elles se dirigent, comme le voudrait une conception teleologique de leur histoire. Stephen Toulmin recuse le logicisme et le formalisme en philosophie des sciences. Ces dernieres sont plutot a ses yeux, selon Rheinberger, << an ensemble of ideas and techniques, whose components and goals constantly change in a mobile intellectual and social environment >> (60). Pour etre comprises, elles doivent etre soumises a une analyse historique fondee sur des etudes de cas empiriques pour respecter leur evolution diachronique et leur diversite synchronique. Rheinberger souligne que pour Touhnin, les sciences ne sont jamais en etat de stabilite, leurs fondements sont constamment en question, une these que reprendra Pierre Bourdieu pour qui l'enjeu du jeu scientifique est constamment en jeu. L'anarchisme epistemologique de Paul Feyerabend radicalise cette these en recusant toute forme de methodologie normative explicite elaboree par les logiciens. Dans la pratique scientifique effective, ce type de methodologie est << counterproductive >> puisqu'il genere de la confusion et non de la clarte (63).

La prochaine escale du parcours est les annees 1960 en France. La figure de Georges Canguilhem y est centrale. Successeur de Bachelard a la Sorbonne, il aura une ascendance sur des penseurs comme Michel Foucault, Louis Althusser et Jacques Derrida, tour a tour examines par Rheinberger. Canguilhem contribua a l'epistemologisation de l'histoire des sciences. En s'interessant aux filiations conceptuelles, notamment en biologie et en medecine, il programma une histoire recusant a la fois l'internalisme et l'externalisme en vue d'apprehender la specificite des sciences dans leur << dialectical unity of continuity and change >> (69) mediatise par leur contexte de production. Rheinberger se penche ensuite sur un autre programme d'epistemologie historique, soit l'archeologie du savoir foucaldienne. Recusant l'histoire des idees et son anthropocentrisme, cette archeologie repose sur trois principes, selon Rheinberger. Son objet est le discours saisi dans sa positivite comme pratique et non les idees auxquelles il renvoie. Elle l'aborde dans son horizontalite synchronique et non dans sa verticalite diachronique. Elle recuse la notion d'auteur pour structurer son apprehension du discours au profit de celle de conditions permettant et limitant son enonciation, conditions formant l'episteme qui prend la forme d'un a priori historique. Louis Althusser, dans une perspective marxiste, concoit aussi les sciences comme un mode de production inseparable de son contexte. Rarement cite dans les ouvrages traitant de philosophie des sciences, Jacques Derrida, par ses reflexions sur l'ecriture, a participe a l'historicisation de l'epistemologie. Rheinberger montre en effet -- et cela constitue une these autant originale qu'importante de son essai -- que l'ecriture est essentielle a la connaissance des procedures pour obtenir de la connaissance scientifique. Derrida a forge a cet egard le concept d'<< historialite >> pour penser comme le remarque Rheinberger, l'<< iterative-recursive production of meaning in the irrevocable exteriorization of a generalized writing >> (76).

Dans les << recents developments >> (79) de l'historicisation de l'epistemologie, Rheinberger s'interroge sur le programme de l'anthropologie historique des sciences a travers les reflexions de Ian Hacking et de Bruno Latour. Le premier s'interesse a la pratique scientifique et son << interventionary character >> (80). Loin de se reduire a un ensemble de theories representant la realite, la science est avant tout experimentation sur cette derniere. La representation est egalement a ses yeux une pratique qui a necessite la creation du concept de realite pour donner un sens a l'objet des representations et qui, avec le temps, s'est pluralisee : chaque science se dotant de son systeme de representations par lequel elle se constitue. On regrette que Rheinberger ne se soit pas refere a l'ontologie historique (2002) que Hacking programme comme une << meta-epistemologie historique >> examinant la trajectoire d'objets << that play a certain role in thinking about knowledge >>. Latour aborde le phenomene scientifique comme un anthropologue en prenant pour terrain le laboratoire, son lieu de production par excellence, en vue, selon Rheinberger, d'examiner ce que les scientifiques << actually do in their work, how they proceed when they experiment, how they handle and transform their materials >> (83). L'etude des sciences doit se loger sous l'enseigne de ce Latour nomme une << anthropologie symetrique >> qui, selon Rheinberger << puts into question the separation between the natural, the social, and the discursive aspects >> (83) des sciences, de meme que les categories (historique, sociologique, philosophique, etc.) divisant leur etude. Hacking et Latour participent d'un << practical turn >> (87) de l'epistemologie qui l'amene a se focaliser sur la question des modalites de la resolution des controverses scientifiques et sur celle de l'elargissement du territoire scientifique.

Pour tout dire, historiciser l'epistemologie force a penser le phenomene scientifique moins comme un systeme abstrait que comme une pratique temporalisee et regionalisee. << La >> science est remplacee par des sciences ayant leurs propres normes historiques de fonctionnement. L'epistemologue cherche moins a determiner ou a prescrire la bonne (et unique) methode scientifique valable dans tous les contextes qu'elle transcende, qu'a comprendre ce que les scientifiques ont fait, et font effectivement, dans leur pratique quotidienne.

Le merite de Historicizing reside avant tout dans les confrontations et comparaisons que l'auteur effectue entre les differents auteurs qu'il examine. Celles-ci permettent de mettre en perspective des reflexions provenant de differentes traditions ayant concilie philosophie et histoire des sciences. On doit egalement souligner la concision dont fait preuve Rheinberger pour rendre intelligible un corpus s'etendant sur plus d'un siecle. Enfin, on apprecie qu'il ait etaye son argumentation sur les textes << primaires >>, c'est-a-dire ecrits par les auteurs en fonction duquel il structure son essai sur l'historicisation de l'epistemologie.

Ce merite est cependant aussi une faiblesse. Rheinberger ne se refere pas a l'immense litterature secondaire produite sur les auteurs qu'il a selectionnes ni meme a des recherches s'etant penchee sur l'histoire de l'epistemologie historique (cf. Brenner). On aurait par ailleurs apprecie que l'auteur explicite davantage sa propre demarche pour interroger et thematiser l'histoire de l'historicisation de l'epistemologie, notamment les principes qui ont guide la selection des << key texts >> (4) balisant son essai. On aurait alors peut-etre ete en mesure de comprendre en quoi il a pu inclure dans son parcours des auteurs comme Heidegger et Derrida et exclure des auteurs ayant pourtant ete des sources majeures de l'historicisation de l'epistemologie comme W. O. Quine avec son programme de la naturalisation de l'epistemologie, Imre Lakatos et sa theorie des programmes de recherche pour rendre compte du developpement historique des connaissances scientifiques ou le rationalisme historiciste de la theorie des champs scientifiques de Pierre Bourdieu par laquelle ce dernier cherche a contourner deux ecueils de la philosophie des sciences, soit le logicisme essentialise et le relativisme absolu. Ce manque de reflexivite est surprenant, sinon paradoxal, venant d'un praticien de la discipline cherchant a expliciter les demarches scientifiques. L'histoire, comme semblent l'oublier bon nombre d'epistemologues recourant a l'approche historique pour analyser les sciences, est une science au meme titre que la physique, la biologie, la chimie ou les mathematiques, qui retiennent en bonne partie l'attention des recherches en epistemologie historique. Bien que l'epistemologie historique, comme le souligne bien Rheinberger, ait consiste en bonne partie en une << epistemologization of the history of science >> (3-4), ses praticiens ont mobilise et continuent de mobiliser la demarche historique sans tenir compte de l'epistemologie des historiens de metier qui, notamment depuis sa transformation disciplinaire au XIXe siecle, n'ont cesse de s'interroger sur ses preceptes. Ceux-ci ne forment en rien une essence, contrairement a ce que laisse entendre Yves Gingras dans une recente note de recherche du CIRST sur la genealogie et les emplois de l'etiquette << epistemologie historique >> dans laquelle il nous invite pourtant a << historiciser tout >>. L'epistemologie historique, de meme que son histoire esquissee par Rheinberger, ne peut se permettre d'ignorer l'epistemologie (historienne) de l'histoire au risque d'une historicisation spontanee des sciences qui pourrait sombrer leur philosophie dans le gouffre positiviste duquel elle voulait la faire sortir, soit celui d'une image ne correspondant pas a la science qui se fait.

References

Brenner, Anastasios, 2006, << Quelle epistemologie historique ? Kuhn, Feyerabend, Hacking et l'ecole bachelardienne >>, Revue de metaphysique et de morale 49 (1) : 113-125.

Hacking, Ian, 2002, Historical Ontology. Cambridge, Harvard University Press.

Patrick- Michel Nogel

Universite Laval
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