De generation en generation: identites et projets identitaires de Montrealais de la << deuxieme generation >>.
Meintel, Deirdre ; Kahn, Emmanuel
Cet article s'appuie sur plusieurs recherches menees au cours
des annees 1990 dans differents milieux sociaux et culturels a Montreal
sur la question des identites ethniques des jeunes issus de
l'immigration. Ces divers travaux ont permis de constater que les
parents immigrants, les parents en union mixte et ceux qui adoptent a
l'etranger formulent des projets specifiques quant a
l'identite ethnique de leur enfant et deploient plusieurs
strategies concretes a cet effet. Une etude recente que nous menons sur
les unions mixtes inclut un echantillon de parents qui ont grandi en
milieu ethnique minoritaire a Montreal. Leurs projets identitaires pour
leurs enfants sont compares avec leur propre socialisation et les
projets identitaires qu'avaient leurs parents immigrants pour eux.
Cet article demontre que les projets identitaires actuels des jeunes
parents issus de milieux immigres se distinguent de ceux des cohortes
precedentes a plusieurs egards, notamment en ce qui a trait aux enjeux
de la realite pluraliste.
This article is based on a number of research projects conducted
during the 1990s in various social and cultural environments of Montreal
concerning the issue of ethnic identities among young people who are
products of immigration. These various initiatives have made it possible
to observe that immigrant parents, parents in mixed-couple
relationships, and those who have opted for international adoption formulate specific projects as regards the ethnic identity of their
children and use a number of concrete strategies to this effect. A
recent study that we are conducting involving mixed couples includes a
sampling of parents who have grown up in an ethnic minority environment
of Montreal. The identity projects they have developed for their
children are compared with their own socialization and the identity
projects that their immigrant parents had for them. This article
demonstrates that the identity projects of today's young parents
from immigrant environments are different from those of previous cohorts
in a number of regards, especially with respect to issues linked to a
pluralist reality.
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L'appartenance ethnique, dans le cadre de la sociologie
parsonienne par exemple, a longtemps ete concue comme une
caracteristique innee, transmise par filiation. Cette conception semble
partagee par de larges franges de la population, dans lesquelles les
parents considerent que l'identite ethnique de leurs enfants releve
de l'evidence et ne necessite aucun questionnement. En revanche,
dans le cas des adoptions internationales, comme dans celui des familles
immigrantes ou des couples en union mixte, l'appartenance ethnique
de l'enfant n'est pas concue comme allant de soi, comme donnee d'avance, de sorte que ces parents-la ne la releguent pas au
domaine du travail non reconnu de la mere (voir Juteau-Lee 1983). En
effet, il semble plutot que, dans chacun de ces cas (parents immigrants,
adoptants ou en unions mixtes), l'identite ethnique des enfants
fasse plutot l'objet de << projets >> de la part des
parents, qui mettent en place des strategies concretes visant a realiser
ces projets.
Cette analyse (1) s'appuie sur deux recherches menees par
Meintel en contexte montrealais. La premiere, qui a debute a la fin des
annees 1980 et s'est poursuivie au cours des annees 1990 (2),
traitait des identites ethniques de jeunes adultes montrealais issus de
l'immigration et, entre autres, des aspirations de leurs parents a
leur egard. La seconde recherche, initiee au debut des annees 2000 et
toujours en cours, porte sur les perspectives et les pratiques de jeunes
couples en union mixte en ce qui a trait a l'identite de leurs
enfants (notons la participation d'Emmanuel Kahn a ces recherches).
Parmi les couples touches par cette derniere enquete, certains
comprennent un seul conjoint issu de milieux immigrants montrealais et
d'autres sont composes de deux conjoints dont les parents sont
immigrants, mais d'origines differentes (la methodologie de ces
recherches sera explicitee plus loin).
La confrontation des resultats de ces recherches se fera a deux niveaux. D'une part, nous comparerons les projets identitaires que
des conjoints nes de parents immigres (deuxieme generation) elaborent
pour leurs enfants au debut des annees 2000 (deuxieme enquete), avec les
projets identitaires elabores par des parents immigrants des annees
1980/1990 (premiere enquete). D'autre part, nous mettrons en
lumiere les projets identitaires de ces jeunes parents de deuxieme
generation des annees 2000 (deuxieme enquete) et les comparerons avec la
socialisation de ceux de deuxieme generation rencontres dans les annees
1980 et 1990 (premiere enquete).
En particulier, il s'agira de montrer que les projets
identitaires actuels des jeunes parents de << deuxieme generation
>> (dorenavant identifies par << G2 >> afin
d'alleger le texte), du moins ceux vivant en union mixte, se
distinguent de ceux de la generation precedente a plusieurs egards,
notamment en ce qui a trait aux enjeux de la realite pluraliste de la
societe environnante. Il ne s'agit point de rupture avec les
origines mais, au contraire, d'une revalorisation de ces dernieres
a la lumiere des valeurs mises en avant par les processus de la
globalisation.
Tout d'abord, il importe de decrire le contexte
sociohistorique dans lequel cette generation a ete socialisee et est
arrivee a l'age adulte. Ensuite, nous procederons a une exposition
des concepts clefs de notre analyse et de la methodologie utilisee. Nous
terminerons par une discussion des resultats de ces deux series
d'enquetes, menees a douze ans d'intervalle, sur << les
enfants de la Loi 101 >>.
Le contexte quebecois et montrealais
Montreal, apres Toronto, est la seconde ville canadienne en ce qui
concerne le nombre d'immigrants habitant la region metropolitaine
(3). Il s'agit principalement d'une immigration urbaine. En
effet, plus de 85% des nouveaux arrivants au Quebec se sont etablis sur
l'ile de Montreal et sa region metropolitaine entre 1996 et 2001
(Ministere des Relations avec les citoyens et de l'Immigration
[MRCI] 2004: 63), malgre les efforts du gouvernement du Quebec
d'orienter les immigrants vers les autres regions de la province.
Les individus d'origine immigrante, touches par les deux enquetes
de cette analyse, proviennent surtout de pays et de regions pour
lesquels l'immigration fut importante pendant les annees 1960 et
1970: Amerique latine, Grece, Portugal, Italie. Dans l'enquete la
plus recente, certains sont egalement originaires d'Haiti, de
Pologne, d'Egypte et d'autres pays. Depuis des annees, les
cohortes les plus jeunes sont majoritairement d'origine immigree
dans de nombreux quartiers de la ville, ce qui influe sur les
institutions de sante et d'education ainsi que sur les garderies
(Blanc, Chicoine et Germain 1989). En fait, la ville compte dorenavant
beaucoup d'ecoles, de cliniques et de paroisses ou les immigrants
et leurs enfants sont plus nombreux que les Franco-quebecois.
Un fait important a noter pour cette analyse est que la ville de
Montreal se distingue au niveau de la durabilite des identifications
ethniques. Selon Anctil (1984), l'existence a Montreal d'une
<< double majorite >> permet d'expliquer que des
pratiques telles que la langue et la religion s'y maintiennent plus
longtemps qu'ailleurs au Canada et aux Etats-Unis. Cette <<
double majorite >> renvoie au fait qu'historiquement aucun
des deux groupes -- constitues par les descendants des colons francais
pour l'un et des colons anglais pour l'autre -- n'a
jamais pu jouir d'une hegemonie stable sur tous les plans :
linguistique, demographique et politique. Ceci aurait donc encourage la
durabilite des identites ethniques particulieres. Anctil souligne
d'ailleurs le role de tremplin vers le reste du Canada et les
Etats-Unis qu'a joue Montreal au tournant du XXe siecle, quand de
nouveaux groupes d'immigrants y etablissaient leurs premieres
institutions (eglises, presse, associations, etc.). Selon lui, ce
facteur a considerablement contribue au maintien des marqueurs
ethniques, tout en donnant une profondeur historique aux groupes qui ont
immigre en grand nombre plus tardivement (Anctil 1984: 447).
Painchaud et Poulin (1983) ont montre que les changements des
annees 1970 au niveau de la politique linguistique du Quebec, en
particulier l'entree en vigueur de la Loi 101, ont contribue a
maintenir l'italien comme langue commune aux Italo-quebecois,
phenomene egalement atteste dans le cas des Portugais (Meintel 1998).
Les taux de bilinguisme et de multilinguisme au Quebec sont eleves,
surtout a Montreal ou 22% de la population parle francais, anglais et au
moins une autre langue (Office quebecois de la langue francaise 2004).
Selon Jedwab (1998), les Montrealais issus de familles anglophones sont
de plus en plus bilingues (francais/anglais), surtout les plus jeunes,
tandis que les jeunes francophones, pour leur part, apprennent
l'anglais. En outre, on observe le trilinguisme des enfants
d'immigrants (Lamarre et Paredes 2003 ; Lamarre et Dagenais 2003),
qui apprennent la langue d'origine de leurs parents a la maison, le
francais a l'ecole et l'anglais par le biais des medias, a
travers leurs reseaux sociaux et parfois dans des cours speciaux. Par
ailleurs, le multilinguisme est tres frequent dans les maisonnees
touchees par notre enquete portant sur les unions mixtes.
En fait, le terme << minorite >> prend une resonance
particuliere a Montreal. C'est non seulement un statut associe aux
groupes d'installation recente ainsi qu'a leurs droits et
revendications mais, dans le cas particulier de cette ville, c'est
egalement un statut revendique par tous. D'un cote, les
Anglo-quebecois (soit les Quebecois d'ascendance britannique), dont
le nombre decroit depuis 1977, doivent faire face a l'hegemonie de
la langue francaise officialisee en 1977 (Radice 2000). Pour leur part,
les Franco-quebecois ont le statut de minorite a l'echelle
canadienne et nord-americaine. Par ailleurs, les immigrants disent
souvent qu'ils veulent faire << comme les Quebecois >>
et conserver leur identite distincte (Meintel 2000) (4).
Le paysage social de Montreal est aussi faconne par des facteurs
qui relevent de la mondialisation, en particulier en ce qui a trait aux
modeles migratoires. Les Montrealais proviennent de localites toujours
plus diverses (Piche 2002) et, en meme temps, les processus migratoires
eux-memes se modifient. La migration n'est plus un << aller
simple >>, mais plutot un processus multiforme qui cree des points
de repere et des affiliations multiples lies a une circulation entre
plusieurs pays et regions. Aux trajectoires bipolaires se substituent de
plus en plus des formes de circulation entre des localites multiples, ce
qui influe sur les reseaux de migrants et sur leurs rapports avec la
societe de residence (Fortin 2002 ; LeBlanc 2002).
Le pluralisme quebecois evolue rapidement, tant sous l'impact
de la mondialisation (nouveaux courants migratoires, nouvelles
influences ideologiques transnationales) que des influences locales.
Soulignons aussi l'element de reflexivite (Giddens 1990 ; Hannerz
1996) qui entoure la diversite a l'heure actuelle en milieu
montrealais, c'est-a-dire l'examen de ses propres pratiques et
discours ainsi que le sens critique en ce qui concerne la representation
de soi. Le discours entourant l'ethnicite, l'identite, la
diversite ethnique, la culture et les cultures qui s'entend au
Quebec est fortement impregne par la reflexivite. Cette reflexivite en
matiere de diversite se remarque particulierement au niveau des
institutions telles que les CLSC (Meintel, Fortin et Cognet, a
paraitre), les hopitaux, les ecoles et les entreprises (politiques
d'embauche, sensibilisation des intervenants, politiques
institutionnelles formelles et pratiques informelles mises en place afin
de desservir des clienteles toujours plus diverses). Au niveau familial,
la reflexivite se manifeste, entre autres, dans les projets des parents
en union mixte quant aux identifications ethniques de leurs enfants.
Quelques concepts clefs
Avant de preciser davantage la notion de << projet
identitaire parental >>, il importe de nous situer par rapport a
certains concepts clefs, notamment l'identite ethnique et la
mixite.
Notre approche de l'identite s'appuie sur plusieurs
recherches sur la question, realisees dans divers contextes nationaux
(au Quebec, aux iles du Cap-Vert et aux Etats-Unis). Pour nous, selon
une definition inspiree de Isajiw (1990: 35), l'identite ethnique
fait reference a l'appartenance, ressentie par les individus, a un
groupe auquel leurs ancetres, << reels ou symboliques >>,
ont appartenu et/ou au devenir partage d'un tel groupe. Des
objections a la notion pathologisante de << double identite
>> ont deja ete explicitees ailleurs (voir Meintel 1992 ; Giraud
1987). Cette notion, souvent invoquee a propos de la << deuxieme
generation >> (5), s'apparenterait en quelque sorte a une
forme de schizophrenie socioculturelle ou, tout au moins, constituerait
une predisposition a la pathologie, sous forme de << crise
>> ou de << malaise >>. L'idee que les jeunes de
la deuxieme generation soient predisposes au << dechirement
>> identitaire est contredite par de nombreuses etudes empiriques
menees en France (Oriol 1984 ; Campani et Catani 1985), en Ontario
(Isajiw et Makabe 1982), ainsi qu'a Montreal (celles de Meintel
mentionnees plus tot).
Tout en soulignant la qualite unique et synthetique de
l'identite (Devereux 1972), nous entendons que l'identite
fonctionne en rapport a plusieurs referents et se caracterise par
plusieurs dimensions et appartenances possibles. Gallissot parle de
<< proces d'identification >>, caracterise par <<
une formidable plasticite >> ; cependant, la <<
disponibilite referentielle n'est pas indefinie >>, etant
<< soumise a des expressions dominantes ... >> (Gallissot
1987 : 16). Les recherches de Meintel (1992) ont montre que les jeunes
<< G2 >> affichaient plusieurs appartenances simultanement
(par exemple Quebecois, Portugais, Canadien et Portugais-de-Montreal).
La tendance au cumul identitaire s'observe egalement au niveau
religieux, chez des spiritualistes (Meintel 2003), ainsi que, comme nous
le verrons plus loin, a travers les projets identitaires faisant
l'objet de cette analyse.
Le concept de << projet identitaire parental >> a
emerge des recherches anterieures de Meintel sur les jeunes adultes de
la deuxieme generation, l'adoption l'internationale (Ouellette
et Methot 2000) (6) et les jeunes parents en union mixte (Meintel 2002).
Il s'est degage de ces recherches que, lorsque des enfants ont
plusieurs affiliations ethniques ou nationales possibles, que ce soit de
par leur ascendance genealogique ou pour des raisons sociohistoriques
telles que la migration, leurs parents formulent des projets qui visent
a orienter les identifications a venir de leurs enfants. Ils mettent en
place des strategies concernant l'enfant et sa socialisation dans
le but de mener a bien leurs << projets identitaires parentaux
>>. En revanche, lorsque l'ascendance de l'enfant est
percue comme homogene et quand elle est appuyee par les institutions de
la societe, les appartenances de l'enfant paraissent aux parents
evidentes et irrecusables (et ne semblent pas a ce moment etre
l'enjeu de strategies parentales particulieres).
Dans le cas des adoptions internationales, comme dans celui des
familles immigrantes ou des unions mixtes, l'appartenance ethnique
de l'enfant n'est pas prise pour une evidence. Au contraire,
l'identite eventuelle de l'enfant devient, dans ces cas,
l'objet de discussions et de strategies de la part des parents.
Nous allons montrer que ces projets sont egalement pluriels, en ce
qu'il est presume que l'enfant developpera un certain degre
d'appartenance canadienne et quebecoise (voir Meintel et Kahn, a
paraitre). Toutefois, les strategies que ces parents mettent en oeuvre
visent principalement a appuyer les appartenances qui ne sont pas
soutenues par les ecoles et les autres institutions de la societe.
Afin d'eclaircir notre discussion sur ces jeunes parents G2
vivant en union mixte, nous apportons quelques precisions sur la notion
de mixite. Nous preferons le terme << mixite >> a ceux
<< d'hybridite >> ou de << metissage >>,
non seulement a cause de la connotation biologisante de ces derniers,
mais egalement parce que cette terminologie tend a occulter la diversite
des formes de mixites possibles en supposant une uniformite synthetique.
Ce faisant, ces termes permettent difficilement de rendre compte de la
variabilite des modalites selon lesquelles les acteurs vivent et
concoivent la mixite.
Dans l'approche que nous adoptons, la mixite se conceptualise comme une construction sociale et historique, de sorte que ce qui
constitue une union << mixte >> varie selon les epoques et
les contextes nationaux (Le Gall 2004). Sur le plan national, les
facteurs historique et politique affectent la construction sociale de la
mixite au niveau du sens que lui attribue la population en general, mais
aussi les chercheurs en particulier. Par exemple, aux Etats-Unis, le
critere de la << race >> predomine dans la litterature
scientifique comme dans la presse populaire (Alex-Assensoh et Assensoh
1998 ; Sanjek 1994). En France, les etudes sociologiques concernent
surtout les unions entre des Francais et des Maghrebins. Quant au
Quebec, jusqu'a la Revolution tranquille, la << mixite
>> a essentiellement fait reference a des differences d'ordre
religieux. Depuis lors, elle est plutot concue en termes ethniques et
linguistiques, tant socialement que par les chercheurs. En outre, comme
le constate Schnapper (1998), la mixite n'est pas une donnee
objective. Au contraire, elle depend de la perspective de
l'observateur, ainsi que des acteurs eux-memes (Varro 1995 : 43).
Les unions mixtes ont longtemps ete concues en termes de dynamiques
majoritaire-minoritaire, comme constituant l'etape ultime de
l'assimilation des individus minoritaires et de leur progeniture au
groupe majoritaire et ce, depuis le paradigme de Robert Park et de ses
etudiants de l'ecole de Chicago (par exemple Bogardus 1925). Depuis
les travaux de l'ecole de Chicago, de nombreuses etudes empiriques,
dont celle de Spickard (1989) concernant des Autochtones americaines
mariees a des Blancs, demontrent que les enfants de couples
majoritaire-minoritaire peuvent bel et bien s'identifier au groupe
minoritaire. Quoiqu'il en soit, la mixite conjugale concerne
egalement des couples dont les conjoints sont tous les deux associes a
un groupe minoritaire, comme ceux etudies par Waters (1990) aux
Etats-Unis. C'est d'ailleurs le cas de plusieurs couples
touches par cette analyse.
Ajoutons que certaines etudes presentent les choix parentaux a
l'egard de la socialisation des enfants comme des occasions de
luttes de pouvoir entre conjoints (voir Streiff-Fenart 1989 ; Barbara
1993). Au contraire, pour la grande majorite des couples mixtes residant
a Montreal que nous avons rencontres, les projets identitaires relatifs
a leurs enfants s'orientent plutot vers des affiliations multiples
et coexistantes dans le temps. Comme nous le verrons, ces parents
considerent que ce sera a l'enfant de decider s'il veut mettre
l'accent sur l'une ou l'autre de ses appartenances
(Meintel 2002).
Methodologie
L'analyse presentee ici s'appuie sur des donnees qui
relevent principalement de deux recherches concernant des cohortes
d'age assez proches, sinon identiques, mais realisees a une
douzaine d'annees d'intervalle. Une premiere recherche
(1988-1992) (7) concernait de jeunes adultes (des celibataires entre 18
et 22 ans) dont les parents avaient immigre du Chili, du Portugal, de la
Grece ou du Salvador (en fait, les Salvadoriens et les Chiliens, ainsi
que quelques jeunes Portugais avaient immigre avec leurs parents, mais
ont acheve la plus grande partie de leur scolarite a Montreal).
Dans le cadre de la premiere recherche, suite a trois mois
d'observation participante, les assistants avaient construit une
topographie de chaque groupe (eglises, associations, presse, etc.), ce
qui leur avait permis d'etablir un profil du groupe tout en nouant
des contacts avec divers reseaux de sociabilite en son sein. En meme
temps, les assistants cherchaient a se familiariser avec le groupe et sa
culture, surtout en ce qui concernait les modeles familiaux.
Tous les assistants maitrisaient la langue maternelle des jeunes
qu'ils interviewaient. Les entretiens se deroulaient dans la langue
choisie par le repondant: sa langue maternelle, le francais ou
l'anglais. Pour leur part, les interviewes etaient tous bilingues
ou trilingues. En general, ils parlaient la langue maternelle de leurs
parents a la maison et dans des contextes communautaires, tandis
qu'ils communiquaient en francais ou en anglais dans d'autres
situations.
La premiere serie d'entrevues etait centree sur les choix de
vie lies a la participation des jeunes a la societe quebecoise,
c'est-a-dire sur des questions relatives a l'emploi, aux
etudes, a la sociabilite, aux frequentations et a leurs choix eventuels
relatifs au mariage. Inspires par l'approche << Life Course
Analysis >> (LCA) developpee par des historiens (par exemple Elder
1977 ; Hareven 1974, 1978), nous cherchions a saisir comment les
decisions au sujet des questions d'emplois, d'etudes, etc.,
etaient negociees entre le jeune et sa famille. En general,
l'approche LCA cherche a situer la trajectoire des individus par
rapport a celle de la famille et par rapport au contexte
sociohistorique. Nous voulions mettre en lumiere l'influence de la
famille sur les choix et les demarches de l'individu, notamment au
moment (timing) ou se produisent les transitions importantes (entree sur
le marche du travail, arret des etudes, depart du foyer parental,
mariage). Ainsi, nous avions decide de nous limiter a des jeunes qui
n'etaient pas encore maries ou qui ne vivaient pas encore en
couple. Le groupe d'age des 18-22 ans etait concerne de pres par
les questions qui nous interessaient, tout en maintenant des contacts
etroits avec leurs familles d'origine. En fait, nous avons
decouvert que presque toutes les personnes de ce groupe d'age qui
n'etaient pas en couple vivaient toujours chez leurs parents, ce
qui etait beaucoup moins frequent chez les jeunes du groupe majoritaire
francophone.
Nous avons egalement interviewe cinq parents de chaque groupe
immigrant afin de verifier les representations qu'avaient les
jeunes des perspectives de leurs parents. En fait, les entrevues aupres
des parents confirmaient les dires des jeunes a l'egard des
premiers. Enfin, une autre serie d'entretiens avait ete effectuee
aupres de dix jeunes Grecomontrealais et de dix jeunes Montrealais nes
de parents portugais. Ces entrevues concernaient des themes qui
emergeaient de la premiere serie, notamment l'autonomie, le
respect, l'obligation familiale, le rapport avec le pays
d'origine des parents, qu'ils soient concrets ou imaginaires.
Les observations ethnographiques menees dans les espaces et reseaux
associes aux divers groupes touches par l'enquete, ainsi que les
memoires de maitrise et les publications des assistants, ont largement
contribue a enrichir l'analyse.
L'analyse des entrevues aupres des jeunes a mene a la
problematisation de leurs identifications ethniques, un theme qui
emergeait largement des entretiens, meme si ce n'etait pas la
preoccupation principale initiale. Dans cette premiere enquete, la
perception de ces jeunes G2 des positions de leurs parents coincidait
par ailleurs largement avec les positions des parents de jeunes G2 du
meme age qui ont ete interviewes (8), relativement aux choix de vie et
identifications de leurs enfants (Meintel 1992, 1994 ; Meintel et Le
Gall 1995).
La seconde enquete (9), egalement basee sur des entrevues
semistructurees, est toujours en cours. Elle est centree sur les jeunes
couples en union mixte (10) vivant a Montreal, qui ont au moins un
enfant et qui sont ages pour la plupart entre 25 et 40 ans, la majorite
etant dans la trentaine. Elle a pour objet les projets identitaires de
ces jeunes parents a l'egard de leurs enfants et les strategies
mises en oeuvre pour les realiser.
De la cinquantaine d'entrevues menees jusqu'ici avec de
tels couples, seize impliquent au moins un conjoint G2 ayant grandi a
Montreal. Ce sont ces entretiens qui constituent l'echantillon a la
base des analyses presentees ici. La majorite de ces entretiens
concernent en fait des couples dont un des conjoints est G2 alors que
l'autre est Franco-quebecois ou issu d'une union mixte
impliquant un parent franco-quebecois (11). Cinq des seize cas
concernent quant a eux des couples dont les deux conjoints sont G2,
quoique d'origines ethniques differentes. Dans l'ensemble, les
entrevues ont le plus souvent ete realisees avec un seul des partenaires
du couple, generalement la conjointe ; lorsque cela s'averait
possible pour les parents, c'est une entrevue avec les deux
conjoints simultanement qui a ete realisee. La plupart des couples ont
un seul enfant, souvent en bas age, mais certains en ont plusieurs (12).
Les entrevues traitent de la socialisation des enfants des couples
en question par rapport a de nombreux themes tels que la langue, la
religion et, plus generalement, les valeurs et l'identite. Les
parents ont ete interroges au sujet, par exemple, du choix du prenom de
leurs enfants, de l'initiation et de la socialisation religieuses,
des pratiques domestiques alimentaires, des pratiques linguistiques,
etc. Les rapports avec la famille elargie ont egalement ete interroges
(contacts a distance, visites, entraide). Nous cherchions non seulement
a prendre connaissance des pratiques de socialisation des parents, mais
aussi a comprendre le sens que ces choix et pratiques prennent pour eux,
a recueillir les explications qu'ils en donnent.
Ainsi, ces deux enquetes mettent en scene des individus de la
deuxieme generation a des moments differents, sans pour autant se
presenter comme une etude longitudinale. Neanmoins, il s'agit de
cohortes d'ages tres proches, se chevauchant meme, rencontrees a
deux moments differents de leurs parcours de vie et de l'histoire
du Quebec. En plus, nous avons recueilli les temoignages de vingt
parents immigrants, la generation senior par rapport a celle au centre
de nos deux enquetes.
Les donnees qui se degagent de la premiere enquete nous permettent
de saisir la socialisation vecue par les jeunes adultes G2 qui etaient
autour de la vingtaine vers la fin de la decennie 1980, et les projets
parentaux qui avaient inspire leur socialisation. Nous comparerons ces
projets parentaux des annees 1980 avec les projets identitaires
parentaux d'individus qui sont globalement de la meme cohorte et
qui vivent en union mixte. Ces derniers ont entame une autre phase de
leur cycle de vie en devenant parents a leur tour. Nous esquisserons en
quoi les projets identitaires que ces jeunes parents G2 formulent pour
leurs enfants different de ceux que leurs parents immigrants avaient
formule a leur egard.
Il emerge de l'analyse qui sera presentee dans les sections
suivantes que les attaches que les immigrants cherchaient a transmettre
a leurs enfants sont toujours fort valorisees par ces derniers, devenus
parents a leur tour. Cependant, la signification attachee aux origines
acquiert de nouvelles significations dans le contexte actuel. Il
s'agit moins d'un patrimoine et plus d'une ouverture sur
le monde, sur une autre culture, a laquelle l'enfant est cense
avoir un acces privilegie grace au lignage de son parent. Les liens
encourages avec le pays ancestral du parent sont encadres dans une
ideologie resolument pluraliste. D'autres cultures, d'autres
langues sont egalement valorisees et leur connaissance encouragee dans
la mesure du possible. En plus, les strategies que les jeunes parents
deploient afin de favoriser l'identification de l'enfant avec
la culture de ses grands-parents d'origine immigrante accordent une
place preeminente a ces derniers. Les projets identitaires parentaux
s'appuient moins sur l'exemple parental ou sur un habitus culturel et ethnique qui serait inculque a travers les petits gestes du
quotidien que sur des strategies reflechies et decidees en accord avec
le conjoint, dont les origines sont differentes dans les corpus traites
par cette analyse.
La socialisation des G2 et les projets identitaires de leurs
parents
La recherche de 1988-1992 portait sur des jeunes G2, alors ages
d'une vingtaine d'annees, et plus particulierement sur leurs
transitions de vie: entree sur le marche du travail, etudes
universitaires, frequentations, mariage ou etablissement d'un foyer
autonome (Meintel et Le Gall 1995). Cependant, l'enquete s'est
revelee particulierement fructueuse pour l'etude des identites,
dans la mesure ou c'est dans le domaine des valeurs et des liens
familiaux que les jeunes, tout comme les parents immigrants, se
consideraient << differents des Quebecois >>, selon la
phrase maintes fois repetee par nos interviewes (Meintel 1989). Dans ce
qui suit, nous mettons l'accent sur les elements communs aux jeunes
G2 de tous les groupes d'origine, et qui les distinguent, selon
leurs dires, de leurs pairs franco-quebecois. Ce sont en effet ces
aspects qui nous semblent les plus pertinents pour la comparaison avec
les G2 interviewes plus recemment (13).
Ce sont avant tout les valeurs familiales qui les differenciaient
de leurs pairs franco-quebecois, de leur point de vue a tout le moins.
Les jeunes quebecois sont independants, ils pensent surtout a
euxmemes (pas a leur famille). Ils ne sont pas comme nous, ils
n'ont pas les memes valeurs, ils ne sont pas aussi orientes vers la
famille que les Grecs, ils ne sont pas aussi respectueux de leurs
parents (Marcos, 20 ans au moment de l'entrevue, ne a Montreal).
Par ailleurs, ces differences, au niveau du respect pour les aines
et de l'obligation familiale par exemple, jouaient, selon eux, en
leur faveur. Nous reviendrons sur cette question un peu plus loin. Ces
jeunes adultes, toutes origines confondues, avaient deja connu certains
changements relatifs a leurs sentiments d'appartenance. Selon leurs
propos, au debut de l'adolescence, ils voulaient simplement
frequenter d'autres jeunes de leur age, alors que vers l'age
de seize ans, la grande majorite d'entre eux commencaient a
valoriser leur << difference >>, a changer leurs modeles de
sociabilite --pour faire plus de place aux gens de la meme origine
qu'eux --, a developper de nouveaux interets -- musique, politique
internationale -- et a formuler des projets lies au pays de leurs
parents --visites, long sejours, projets de cooperation internationale,
etc. (Meintel, 1992 et 2000).
Avant je n'avais pas cette mentalite, j'etais plus jeune
et je me tenais seulement avec des Quebecois, je n'etais pas
vraiment ami avec les jeunes chiliens. Mais apres tu commences a te
tenir plus avec des Chiliens, tu te sens plus Chilien ... (Miguel, 18
ans a l'epoque, ne au Chili).
Dans une etude a grande echelle sur plusieurs groupes ethniques
americains, la sociologue Mary Waters trouve que ces changements
d'orientation identitaire sont typiques et reguliers, apparaissant
a certains moments du cycle de vie (1990: 36-46).
Le sentiment d'appartenance au groupe des parents
n'empechait aucunement les jeunes interviewes dans l'enquete
debutee en 1988 de se sentir Quebecois et/ou Canadiens. En somme, leurs
attaches plurielles ne semblaient pas poser de probleme, bien au
contraire. C'est ce qu'expliquait l'un deux en disant :
<< Je suis Quebecois plus >>. Une femme de 23 ans a
l'epoque, nee au Portugal et arrivee au Quebec a 10 ans,
s'exprimait de la meme maniere.
Nous avons beaucoup plus que les Quebecois. Je suis Quebecoise mais
aussi Portugaise. La culture quebecoise plus la partie de la
culture portugaise que nous avons, ca nous fait des personnes plus
riches et plus ouvertes.
Notons l'utilisation de la categorie << Quebecois
>> pour designer les << Franco-quebecois >>, ce qui
etait generalise parmi les jeunes interviewes dans le cadre de cette
enquete. Toutefois, lorsqu'ils s'identifiaient a des
Quebecois, ils apportaient souvent des nuances du type, << [les
Francoquebecois] ne me voient pas comme ca >>, ou <<
Quebecois, mais pas un vrai Quebecois >> (nous reviendrons sur ce
point dans la conclusion).
Dans plusieurs discours, les Quebecois etaient vus comme plus
<< insecures >> par rapport a leur identite que les groupes
immigrants et, d'un autre cote, les Quebecois etaient objets
d'admiration parce que, comme le disait une etudiante
greco-montrealaise : << ils sont patriotes envers le Quebec. Ils
sont comme les Grecs dans un sens >>. Plusieurs citaient les
Quebecois comme un exemple a suivre pour les minorites immigrantes, a
cause de leur lutte pour conserver leur langue et leur identite.
Ces enfants d'immigrants croyaient qu'ils possedaient
tout ce qu'avaient les Quebecois << de souche >> et
plus encore : l'acces a un ou plusieurs pays ou ils avaient de la
parente proche, la connaissance de plusieurs langues et la proximite de
plusieurs cultures et groupes ethniques (Meintel 1994). En raison de
leurs multiples facons de se situer, ils gardaient une distance critique
par rapport a tous les milieux culturels ou ethniques auxquels ils
participaient. Par exemple, les jeunes latino-americains (tout comme
leurs meres) critiquaient vivement le machisme.
La-bas (au Salvador), c'est le machisme partout ... Il y a des
latinos qui sont arrives jeunes ici et qui pensent la meme chose. La
femme doit tout faire dans la maison, puis lui, c'est le macho, il
frappe la femme ... Je hais ces stupidites ... (Francisco, 18 ans, ne au
Salvador, arrive au Quebec a 12 ans).
D'autre part, le milieu ethnique a Montreal etait souvent
critique, notamment par les jeunes Grecs et Portugais qui le trouvaient
plus conservateur, moins << moderne >> que ce qu'etait
devenu le pays d'origine de leurs parents. Plusieurs formulaient le
projet, un peu paradoxal, de faire un long sejour dans le pays
d'origine de leurs parents dans l'espoir de connaitre une plus
grande liberte personnelle, pour echapper a << l'etouffement
>> ressenti dans le milieu immigre local. Precisons toutefois que
ces jeunes ne s'orientaient pas vers les villages d'ou
provenaient leurs parents, mais plutot vers les milieux urbains et
cosmopolites ou ils envisageaient une vie plus autonome qu'a
Montreal -- la possibilite de vivre seul en appartement, par exemple
(voir Peressini 1988, en ce qui concerne les jeunes d'origine
italienne).
J'aimerais vivre seule ou avec quelqu'un avant de me
marier, mais je ne le ferais pas ici, avec ma famille autour ...
C'est la raison pourquoi j'aimerais aller en Grece (Angela, 21
ans lors de l'entrevue, nee a Montreal de parents grecs).
L'ethnicite comme ouverture sur le monde
Lors de la premiere enquete, nous etions un peu surpris de
constater l'importance du pays d'origine des parents pour les
jeunes repondants, meme pour ceux qui etaient nes au Quebec. La plupart
d'entre eux y etaient alles (ou retournes) en visite et auraient
aime y passer plus de temps, sans necessairement s'y installer. Par
ailleurs, ces solidarites transnationales ne se limitent pas au pays
d'origine des parents. Par exemple, les Salvadoriens connaissent
les Etats-Unis et gardent des contacts etroits avec leur parente de
la-bas. Le cas est le meme pour les Haitiens de Montreal qui circulent
entre New York et la Floride. Parmi les Libanais chiites etudies par Le
Gall (2002, a paraitre), les familles nucleaires sont souvent dispersees
a travers plusieurs espaces nationaux (France, Quebec, Liban et autres).
En plus des liens transnationaux, les jeunes interviewes dans le
cadre de la premiere enquete temoignaient aussi de solidarites et
d'affinites avec d'autres groupes ethniques locaux, soit de la
<< transethnicite >> (Meintel 1994). Les Chiliens et les
Salvadoriens sentaient qu'ils faisaient partie d'une <<
communaute latino-americaine >>, partageant la musique, la langue
espagnole, des modeles de sociabilite et des preoccupations politiques.
Souvent, les jeunes s'identifiaient comme << nous les
mediterraneens >>, ou bien << nous les latins >>,
designation qui pouvait englober les Franco-quebecois a l'occasion.
Regulierement, on entendait la phrase << nous les ethniques
>>, pour se referer aux membres de minorites immigrantes. En fait,
la plupart des jeunes frequentaient surtout d'autres enfants
d'immigrants, de leur propre groupe d'origine ou d'autres
(Meintel 1994).
Projets des parents, valeurs des jeunes
Les entretiens avec les parents des jeunes portaient sur leurs
aspirations et intentions pour l'avenir de leurs enfants et
laissaient entendre qu'ils avaient des preferences assez marquees
quant a l'identite de ces derniers. Comme nous l'avons dit,
les valeurs et orientations identitaires des parents qui ressortaient de
ces entrevues confirmaient ce que les jeunes avaient dit au sujet des
attitudes de ces derniers. De plus, les recits des jeunes permettaient
de saisir les grandes lignes des strategies mises en place par leurs
parents immigrants pour orienter leurs appartenances. (La notion de
projets identitaires parentaux s'est developpee suite a
l'analyse des donnees de cette recherche, en lien avec
d'autres recherches qui portaient sur l'identite.)
Pour les parents immigrants que nous avons interviewes, la
migration etait souvent liee a des aspirations pour leurs enfants,
notamment pour les Grecs et les Portugais, dont la majorite etaient des
paysans avant d'emigrer. Pour ces parents, les etudes de leurs
enfants etaient importantes dans la mesure ou elles assureraient la
securite economique de ces derniers.
Pour mes deux garcons, je voulais qu'ils etudient dans un domaine
qui rapporte de l'argent, pour qu'ils ne passent pas par ou je suis
passee. Ils vont se marier un jour, avoir une maison, un bel
environnement, pour etre capable de donner a leur famille tout ce
dont elle a besoin. Leur femme ne doit pas avoir a travailler parce
qu'ils n'ont pas assez d'argent (mere de famille grecque).
D'autre part, les choix des refugies chiliens et salvadoriens
de rester au Canada plutot que de retourner dans leur pays se justifiait
par le besoin de scolariser leurs enfants et d'assurer leur avenir
le mieux possible. Comme le dit une mere de famille salvadorienne, qui a
ete emprisonnee pour des raisons politiques avant de quitter son pays,
je veux demeurer le temps necessaire pour permettre a mes filles
d'etudier, qu'elles aient une profession ... Si je suis ici, c'est
pour elles, ma vie est la-bas ...
Presque tous les jeunes G2 rencontres dans le cadre de cette etude
affirmaient s'accorder avec leurs parents sur les << valeurs
familiales >>, valeurs que ces jeunes decrivaient en opposition a
celles qu'ils attribuaient aux Quebecois (Meintel 1989). En
realite, ils faisaient frequemment etat de desaccords avec leurs parents
sur des questions precises, par exemple le demenagement du jeune du
foyer parental avant le mariage, ou la cohabitation avant le mariage
(Meintel et Le Gall 1995). Pourtant, ils expliquaient qu'ils
partageaient exactement le meme point de vue qu'eux sur les valeurs
qu'ils consideraient plus fondamentales (comme la preeminence de la
famille et de l'obligation familiale ou encore, le mariage comme
etant l'union de deux familles et non pas seulement de deux
individus).
Par ailleurs, les G2 accordaient beaucoup d'importance a
<< l'esprit de famille >> qu'ils trouvaient
typique de leur groupe d'origine et qu'ils consideraient
important de transmettre a leurs eventuels enfants. Souvent le jeune
contribuait aux depenses du menage ou donnait de son temps pour
travailler au sein de l'entreprise familiale. Dans certains cas,
les parents exigeaient des contributions financieres, pour inculquer le
sens des responsabilites a leur enfant.
S'ils ont cent dollars, ils vont les depenser, mais s'ils n'ont que
cinquante dollars en main, ils ne vont pas depenser le reste ...
C'est pour qu'ils aient le sens de la responsabilite ... (mere de
famille portugaise).
Parfois, la contribution du jeune etait necessaire a la survie du
menage.
[Ma fille] me donnait son cheque pour les depenses ... parce qu'on
gagnait peu d'argent. Et [mes deux filles] etaient bien conscientes
que si quelque chose leur manquait, j'allais les aider ... Je
prenais mon cheque et celui de ma fille et je le redistribuais pour
les besoins de la maison, achetant les choses necessaires et
gardant un peu de cote pour les urgences (mere de famille
salvadorienne).
Pour leur part, les jeunes contribuaient de bon gre dans la
majorite des cas. Soulignons que ceux qui consideraient que leurs
parents leur demandaient une contribution financiere assez elevee
(certains Portugais et Grecs) ne remettaient pas en question le principe
du partage economique.
Des fois tu te dis, << Bien, voila un gros morceau de ton
salaire ... >> [mais] ils m'ont elevee et maintenant
c'est mon tour de les aider (Portugaise, 23 ans, etudiante a temps
partiel, secretaire a temps plein).
Pour ces parents immigrants, comme pour leurs enfants, le mariage
se presentait comme l'union de deux familles et non seulement de
deux individus. Les parents grecs et portugais tenaient au mariage
(plutot qu'a la cohabitation a long terme), a la difference des
Chiliens et Salvadoriens, tandis que les jeunes tendaient a
s'accorder avec la position de leurs parents sur cette question.
Bon nombre des parents interroges se disaient en faveur de
l'endogamie ethnique pour leurs enfants, sans pour autant en faire
un imperatif en tant que tel. Plutot, ce desir concernant le choix de
partenaire de leur enfant etait explique en termes d'espoir de
valeurs partagees -- valeurs culturelles et, dans certains cas,
religieuses -- entre les conjoints et entre les familles. Pour leur
part, les jeunes G2 voyaient un avantage a l'endogamie ethnique
essentiellement au sens ou ils percevaient que ce type d'union
faciliterait les relations entre les deux familles. Par ailleurs, la
notion d'endogamie a laquelle souscrivaient ces jeunes etait plutot
flexible et incluait l'union avec un partenaire d'une origine
ethnique concue comme etant << proche >> en termes culturels
ou religieux. Par exemple, des Portugais peuvent ainsi parler des
Italiens ou des Grecs, rappelant la proximite << transethnique
>> que nous venons de decrire. Les groupes consideres comme
proches incluaient donc ceux qui provenaient de la meme region du monde,
comme par exemple l'Amerique latine ou la Mediterranee. Parfois
meme, ils parlaient, d'une facon plus large, de << peuples
latins >>, categorie qui englobait les Quebecois. Ajoutons que
certaines meres et jeunes latino-americains ont exprime une preference
pour l'exogamie de ces derniers, a cause du machisme attribue aux
hommes de leur propre groupe.
En general, les parents immigrants voulaient transmettre leur
langue maternelle a leurs enfants et, sans exception, c'etait la
langue principale (et souvent la seule) pour la communication entre
parents et enfants. Bien souvent, les parents cherchaient egalement a
transmettre leur religion a travers leur propre frequentation des lieux
de culte, le bapteme des enfants et leur education religieuse. De telles
pratiques sont souvent interpretees comme des evidences d'un desir
de garder l'enfant a l'interieur du groupe (<<
communaute >>) ethnique mais, en fait, ces pratiques
s'inscrivaient plutot ici dans des projets a caractere pluriel. En
definitive, ils exprimaient leur volonte de transmettre une appartenance
a leur groupe d'origine, tout en soulignant leur desir que leurs
enfants reussissent dans leurs etudes et sur le plan economique, et
qu'ils soient << bien integres >> a la societe
quebecoise. Cependant, les parents n'avaient pas developpe de
strategies particulieres pour assurer l'identification quebecoise
et canadienne de l'enfant, celle-ci etant constamment renforcee par
le systeme scolaire et par les autres institutions de la societe
environnante.
Les parents G2 en union mixte
Nous abordons ici les projets identitaires des adultes de la
deuxieme generation, qui sont devenus parents a leur tour et qui vivent
en union conjugale mixte. Precisons que la grande majorite des couples
qui impliquent un partenaire G2 sont maries, peut-etre a cause des
preferences des parents de ces derniers, bien que la cohabitation a long
terme sans mariage soit tres courante au Quebec (Lapierre-Adamcyk et al.
1999). Par ailleurs, la cohabitation sans mariage concerne un peu moins
de la moitie des couples touches par l'enquete plus large sur les
unions mixtes (environ cinquante cas a present). Nous explorerons a quel
point les projets des jeunes parents de la deuxieme generation
reproduisent leur propre socialisation ou en quoi ils divergent de
celleci. Les projets identitaires de leurs enfants seront aussi examines
: nous nous demanderons si ceux-ci entrainent de nouvelles valeurs et de
nouvelles strategies de socialisation par rapport a celles qui ont
marque leur propre education.
Les individus G2 touches par l'enquete sur les unions mixtes
ont rencontre leurs conjoints, le plus souvent des Franco-quebecois,
dans des contextes scolaires, generalement au college ou a
l'universite (ce qui montre assez clairement l'impact de la
Loi 101 sur cette cohorte). Par ailleurs, la normalisation de la
diversite a Montreal au cours des dernieres annees est invoquee par
plusieurs de nos interviewes pour expliquer l'absence de reaction
negative a leur union de la part de leur entourage (amis, parente).
Ainsi, ils font reference soit au caractere multiethnique de la ville ou
au fait que leur reseau d'amis incluait deja des gens
d'origines diverses.
Il n'y avait pas de problemes d'ordre racial ou quoi que
ce soit, ni pour ma mere, ni pour mon pere, je crois pas. Je pense que
c'etait normal, une normalite montrealaise-la, la diversite ... Sa
famille a lui prone aussi des valeurs d'ouverture puis
d'ouverture sur le monde, et de voir la personne etant ce
qu'elle est et non la couleur de sa peau ... Son frere est marie a
une Juive new-yorkaise, non ce n'est pas une famille qui tient
absolument a ce que ca reste entre Haitiens, de meme que dans ma famille
(Sara, de mere franco-quebecoise et de pere italo-quebecois, dont le
conjoint ne au Canada est d'origine haitienne).
Ces facteurs sont invoques tant par les repondants dont les parents
sont immigrants que par les autres. Dans certains cas, le couple a du
faire face a quelques reticences, soit de la part de parents immigrants,
soit de la part de la parente quebecoise. Souvent, les reactions
negatives quant a l'union se sont estompees peu a peu, une fois le
mariage prononce ou lors de l'arrivee d'un premier enfant.
Comme le dit Adelaide (29 ans) de son mariage avec Jorge (34 ans), dont
les parents sont nes au Portugal :
Je suis la premiere Quebecoise a entrer dans la famille [...]. Il a
fallu qu'on se marie pour que sa mere finalement m'accepte dans la
famille.
Dans certains cas ou les deux conjoints sont G2, mais
d'origines differentes (le cas du tiers de notre echantillon
environ), leurs parents ont egalement manifeste certaines reticences
initiales face a l'union de leurs enfants, comme pour le mariage de
Mark, fils d'immigrants grecs, avec Carla, fille d'immigrants
italiens. Toutefois, lorsque les parents de Mark ont fait la
connaissance de Carla, ils l'ont acceptee avec enthousiasme parce
que, selon Mark, << ils voyaient que les Grecs et les Italiens ont
pratiquement les memes vies culturelles >>.
Ce dernier cas rappelle la notion d'endogamie elastique que
nous avions trouvee chez les jeunes interviewes lors de la premiere
enquete. Il importe de souligner que la tendance a minimiser les
differences se remarque aussi dans les unions entre G2 et
Franco-quebecois. Elle se constate d'ailleurs dans le discours de
ces derniers (Meintel 2002): nos informateurs mentionnent avoir la meme
religion ou << presque >> (dans le cas d'unions entre
catholiques et Grecs orthodoxes), avoir tous les deux grandi a Montreal,
partager le meme niveau d'education et, parfois, la meme
profession.
Projets et strategies identitaires (14)
D'une part, l'arrivee des enfants permet d'apaiser
les reticences de l'une ou l'autre famille, quand il y en a.
D'autre part, l'approche de la naissance du premier enfant
suscite les reflexions des futurs parents au sujet de l'identite de
leur enfant, si ce n'est bien plus tot dans l'histoire de leur
union, voire meme des ses tous debuts. Le plus souvent, les parents
cherchent a articuler la muhiplicite des referents associes aux origines
des deux partenaires de l'union. Cette articulation est envisagee
selon une logique qui entrevoit la possibilite de cumuls identitaires,
d'appartenances multiples, en insistant sur le potentiel
strategique et situationnel des appartenances ressenties et attribuees,
comme dans le cas des autres couples mixtes touches par la meme enquete
(Meintel 2002). La multiplicite des attaches est hautement valorisee par
les parents, de meme que la liberte de l'enfant de choisir parmi
elles au cours de sa vie d'adulte. Ainsi les projets des parents de
l'echantillon quant a l'identite de leur progeniture
traduisent une perspective fortement volontariste. Ils envisagent de
donner a leur enfant le maximum de possibilites quant aux identites
qu'ils pourront revendiquer.
Serge et moi, on va apporter aussi un enrichissement, toutes les
traditions, toutes les valeurs justement, ca peut juste etre enrichi,
parce que quelque part elle va faire un tri, elle va faire un tri
ladedans, qu'est-ce qu'elle garde, qu'est-ce qu'elle
jette. Bon, elle a comme un plus gros bassin dans le fond, a partir
duquel elle peut choisir ses valeurs, puis ses raisons pour lesquelles
agir de telle facon ou de telle autre facon (Stephanie, 24 ans, de pere
franco-quebecois et de mere nee en France qui a immigre au Quebec a
l'age de 7 ans ; son conjoint, Sergei, 24 ans, est ne en Pologne,
arrive a Montreal avec sa famille a l'age de 3 ans.)
Pour mener a bien leurs projets identitaires parentaux, ils ont
generalement fait des choix et mis en place des strategies relatives a
la socialisation de l'enfant. Celles-ci peuvent concerner, par
exemple, le choix du prenom de l'enfant, l'initiation et
l'education religieuses, les competences linguistiques dans
differentes langues, la connaissance du pays d'origine ainsi que
les pratiques culinaires et festives qui y sont associees, etc. En ce
qui concerne les choix de prenoms, la grande majorite des couples
cherche a marquer la pluralite des origines de l'enfant. Pour y
parvenir, ils ont recours a une vaste gamme de strategies, concernant de
diverses manieres le choix du prenom lui-meme, la combinaison d'un
premier et d'un second prenom, ou encore celle de ces prenoms avec
le ou les noms de famille, ces choix se faisant evidemment a
l'interieur des possibilites offertes par la legislation du Quebec
a cet egard (Le Gall et Meintel, a paraitre). En outre, plusieurs
couples choisissent un prenom qui << se dit bien en francais
>>, pour eviter a leur enfant de vivre l'exclusion du groupe
majoritaire francophone que son (ses) parent(s) G2 aurai(en)t vecu.
Au niveau de la religion, les couples concernes par cette analyse
sont souvent non pratiquants, bien que la plupart d'entre eux aient
fait baptiser leur enfant, souvent pour plaire aux parents immigrants.
En fait, ils envisagent que plus tard l'enfant fera ses propres
choix. Quant aux langues, la majorite des interviewes s'attache a
ce que leur enfant parle non seulement le francais et l'anglais,
mais aussi la ou les langues de leurs grands-parents immigrants.
Strategies parentales
A l'egard de leurs projets pluriels et volontaristes pour
leurs enfants, les couples qui incluent un conjoint G2 ressemblent aux
autres jeunes parents en union mixte touches par notre enquete. Par
contre, les strategies que ces couples mettent en place pour assurer les
projets identitaires qu'ils formulent a l'egard de leur enfant
sont quelque peu particulieres, notamment en ce qui concerne le role des
grands-parents immigrants. L'interaction entre ces derniers et le
couple parental prend souvent la forme de repas reguliers, generalement
hebdomadaires, chez les parents du G2, repas lors desquels des mets
associes au pays d'origine sont frequemment servis. Dans certains
cas, des dons reguliers de mets typiques sont transmis par les
grands-parents immigrants au jeune couple.
Les fetes et les autres rencontres qui regroupent les differents
membres de la famille elargie constituent un espace de pratique de la
langue d'origine, bien que le francais et/ou l'anglais soient
egalement parles dans ces familles. Meme dans le cas ou les deux
conjoints sont G2, mais d'origine differente, on constate des
tendances similaires, a cela pres qu'il est question de deux
langues d'origine (outre le francais et l'anglais) et de
visites frequentes aux deux couples de grands-parents. De plus, les
grands-parents immigrants s'occupent egalement du gardiennage de
leurs petits-enfants, ou encore aident le jeune couple dans les travaux
menagers.
En general, les parents immigrants du conjoint G2 mediatisent la
communication entre la communaute ethnique a Montreal et le jeune
couple. Le couple senior devient egalement l'intermediaire entre ce
dernier et la parente du conjoint G2 dans le pays d'origine, a
Montreal, au Canada, ou dans d'autres pays dans le cas de familles
transnationales. A ce propos, les meres sont particulierement actives
quant au maintien des contacts avec le pays d'origine. Elles se
chargent des appels telephoniques et des envois de lettres, de photos,
de vetements, etc. (voir Le Gall 2001, 2002).
Beaucoup de couples mixtes souhaitent faire un voyage familial dans
le pays des grands-parents immigrants pour que leur enfant le connaisse.
Dans le cadre de ce projet, les grands-parents se presentent comme des
intermediaires privilegies pour mettre l'enfant en contact avec
leur pays d'origine. Plusieurs G2 disent, avec regret, qu'ils
ne parlent pas la langue du pays aussi bien que leurs parents.
C'est une raison de plus de vouloir que les grands-parents soient
impliques dans le projet de sejour au pays d'origine.
Mon mari, il dit toujours qu'il veut attendre de parler
parfaitement arabe pour y aller. Pour pas etre etranger dans son pays
[...]. Eventuellement, oui, c'est un projet qu'on ... Mais,
c'est un projet qui est toujours le premier avec le pere a Michel.
Moi j'aimerais ca y aller, mais y aller avec son pere par exemple.
[Mon mari ne] veut pas, lui non plus, y aller en touriste. Avec son pere
... Faut vraiment y aller avec quelqu'un qui a vecu la (Juliette,
29 ans, nee de pere quebecois et de mere suisse; son conjoint,
Guillaume, 29 ans, est ne au Canada de parents qui ont immigre
d'Egypte.)
Soulignons par ailleurs que les parents souhaitent que
l'enfant << se souvienne >> du voyage qui est cense lui
donner des referents associes a l'origine du parent d'origine
immigrante. Du point de vue des parents, les origines mixtes de leur
enfant comportent plusieurs avantages, notamment du fait <<
qu'il a deux pays >>. Et si jamais un jour l'enfant
decidait d'aller s'installer dans le pays d'origine de
son parent G2, possibilite evoquee par plusieurs de nos interviewes, il
aura l'avantage de deja connaitre le pays et la langue.
Deux generations de parents
Comme nous l'avons signale a l'egard des pratiques de
choix du prenom, le couple parental mixte en vient a evaluer les choix
qu'ont faits les parents du G2, en s'appuyant sur
l'experience du conjoint G2 en tant qu'individu d'une
origine minoritaire ayant grandi au Quebec. Selon l'une de nos
interviewees citee plus haut, ses parents n'avaient pas beaucoup
insiste sur ses origines italiennes << parce que ca allait de soi,
ca faisait partie de notre facon de vivre ... >>. Pour leur
enfant, d'ascendance haitienne et italienne, le couple trouve tres
important qu'il connaisse bien ses origines.
Comme j'aimerais qu'il apprenne l'italien, tu sais
... Je pense que ca va devenir important. Plus il va vieillir, plus ca
va devenir important pour lui d'etre connecte a ses origines
diverses. Parce que la, c'est comme Haitien, Italien, Quebecois,
puis en meme temps ... Il est ne ici, il est Quebecois donc ... mais
c'est d'une grande richesse, cette diversite-la ... (Sara, de
mere franco-quebecoise et de pere italoquebecois, dont le conjoint est
d'origine haitienne ne au Canada.)
Dans le cas de G2 vivant en union mixte, la transmission des
referents culturels et identitaires ne peut pas etre prise pour acquis ;
au contraire, elle devient objet de reflexion et, si besoin est, de
negociation entre partenaires. En fait, les parents G2 font preuve
d'une plus grande reflexivite encore que leurs parents (Giddens
1990) en ce qui concerne les referents culturels, linguistiques et
religieux a transmettre, ainsi que les strategies a deployer a cet
effet, et ce pour plusieurs raisons. Premierement, leurs parents G1
etaient de meme origine et naviguaient entre le desir de reussite de
leur enfant dans la societe quebecoise/ canadienne d'un cote et de
l'autre, celui de transmettre un patrimoine valorise : langue,
religion, identite et valeurs (esprit de famille, respect des aines,
etc.). Deuxiemement, les projets de socialisation qui n'etaient pas
assures par la societe environnante etaient inscrits dans le mode de vie
familial des parents G1, soit dans les pratiques linguistiques,
religieuses et autres qui caracterisaient le menage. Enfin, les parents
G1 etaient bien places pour transmettre les referents qu'ils
desiraient a leurs enfants, alors que ce n'est pas toujours le cas
des jeunes parents G2. Par exemple, les couples mixtes expriment souvent
le regret que le conjoint G2 n'ait pas bien appris la langue
maternelle de ses parents. D'autre part, leurs pratiques
religieuses sont souvent moins assidues que celles des parents G1 (des
meres G1 au moins). Dans ce cas, les parents G2 n'emettent pas
d'objection a ce que la ou les grands-meres fassent en sorte que
l'enfant connaisse leur religion (meme quand il s'agit de deux
religions differentes). A la difference des parents G1, les jeunes
parents G2 et leurs conjoints sont obliges d'elaborer des
strategies multiples afin d'assurer la transmission de la langue
maternelle des parents du partenaire G2, des connaissances de leur pays,
de ses pratiques culinaires et, le cas echeant, de sa religion. Les
parents G1 avaient parfois recours aux ecoles du samedi pour
perfectionner les connaissances linguistiques de leurs enfants G2. Pour
la plupart, ils etaient en mesure de transmettre eux-memes les referents
culturels qui n'etaient pas assures par les institutions de la
societe quebecoise. Les parents G2, par contre, comme nous l'avons
vu, ont souvent recours a leurs propres parents et au reseau familial
elargi pour appuyer leurs strategies parentales en matiere de culture et
d'identite.
Cependant, la socialisation pratiquee par les parents G2 est loin
d'etre identique a celle qu'ils ont vecue etant enfants.
Malgre la continuite intergenerationnelle qui semble caracteriser les
projets de socialisation des G2 en union mixte par rapport a ceux
qu'ils ont recus, ces projets evoluent dans un cadre ideologique
sensiblement different de celui qui inspirait les parents G1. Tout en
esperant le succes et l'integration de leurs enfants a la societe
quebecoise, ces derniers insistaient beaucoup sur l'importance de
certaines valeurs familiales qu'ils associaient a leur groupe
d'origine (tout comme l'ont fait les jeunes G2 de la premiere
enquete), ainsi que sur la langue et la religion de ce groupe, en tant
que patrimoine prise. Pour les G2 en union mixte, ces memes referents
prennent la valeur, non pas d'elements d'un patrimoine a
conserver, mais d'une ideologie fortement pluraliste ou sont
valorisees les langues, les religions, les differentes cultures, enfin
la diversite en elle-meme. Ceci est egalement le fait de leurs
partenaires issus de la majorite francophone (Meintel 2002). Pour des
raisons de filiation et surtout a cause du role des grands-parents
immigrants comme intermediaires culturels, les couples mixtes
considerent que leurs enfants jouissent d'un acces privilegie a ce
qu'ils denomment des << ressources culturelles >> liees
au pays d'origine des G1. Ils s'empressent de dire, notamment,
qu'ils favorisent l'apprentissage d'autant de langues que
possible, la connaissance de plusieurs religions, etc. Deja tributaires
d'une notion d'endogamie assez elastique, ces parents
n'evoquent jamais l'idee d'endogamie pour leurs propres
enfants. De plus, comme nous l'avons vu, leurs pairs G2, de la meme
cohorte qu'eux, n'avaient pas de critiques a emettre par
rapport a leur union, ce qui permet de penser que l'elasticite des
normes d'endogamie remarquee dans la premiere enquete (Meintel
1992) soit generalisee chez les G2 de ce groupe d'age.
En outre, nous remarquons le volontarisme qui marque les projets
parentaux de transmission elabores par les parents G2 (Meintel 2002). Ce
volontarisme semble conditionner la forme que prendront certaines
valeurs pour la generation de leurs enfants. Presque tous les parents G2
en union mixte insistent sur la transmission de << l'esprit
de famille >> qui a marque leur propre socialisation. Neanmoins,
aucun interviewe G2 n'evoque l'idee que ses enfants aient a
contribuer financierement au menage plus tard, ni a ce qu'ils
demeurent a la maison jusqu'a leur mariage.
Aux projets parentaux des parents G2 et de leurs conjoints
s'ajoute un nouvel element de virtualite, puisque ces couples
laissent entendre que ce sont les enfants qui choisiront leurs propres
referents culturels et identitaires et que le role des parents est
d'ouvrir l'acces a autant de << ressources >>
symboliques que possible. Tandis que les parents G1 essayaient par leurs
propres pratiques et exemple personnel de favoriser, voire
d'inculquer, certaines attaches a leurs enfants, les parents G2 en
union mixte semblent plus reticents a l'idee d'orienter les
choix particuliers de ces derniers, tout en insistant sur des valeurs
pluralistes (tolerance, ouverture d'esprit, respect pour les
autres, etc.).
Conclusion
Nos donnees du debut des annees 1990 nous montraient que, loin de
se sentir minorises, les jeunes de la deuxieme generation, au contraire,
etaient fiers de leur << difference >>, d'etre des
<< Quebecois plus >>. Les donnees de cette premiere etude
faisaient etat d'un relatif consensus sur l'importance des
valeurs familiales entre les jeunes de la deuxieme generation et ceux de
la premiere, du moins au niveau des principes fondamentaux. Nos
informateurs de la meme cohorte d'age, maintenant devenus parents a
leur tour et vivant en union mixte, reprennent un discours toujours
aussi favorable a la difference ethnique. Cette fois-ci, cependant, la
difference ethnique s'encadre dans un discours fermement
pluraliste, discours partage entre conjoints, ou la particularite
ethnique de chacun est situee dans le cadre plus large de la diversite,
au sein de laquelle les differences culturelles, linguistiques et
religieuses constituent la richesse de la societe. Par ailleurs, la
diversite commence avec soimeme ; ces parents G2 se voient (et sont vus
par leur partenaire) comme etant culturellement mixtes. En fait, les G2
affirment tantot appartenir pleinement au groupe minoritaire en raison
de leur origine et de leur socialisation, tantot etre des representants
moins legitimes que leurs parents G1, en raison de l'environnement
social dans lequel ils ont grandi. Les G2 en union mixte ne se situent
pas comme les porteurs ou les exemples d'un patrimoine valorise,
role qui incombe plutot a leurs parents. De plus, ce que les parents G2
en union mixte songent a transmettre a leurs enfants constitue moins un
patrimoine qu'un cadre de valeurs pluralistes qui serait,
peut-etre, le fruit de leur propre identite mixte telle que vecue dans
la societe quebecoise depuis la Loi 101.
Les G2 vivant en union mixte auraient-ils une perspective davantage
pluraliste que leurs pairs vivant en union homogame ? Peut-etre. Mais le
fait que les couples concernes (d'apres ce que disent plusieurs
d'entre eux) ne se considerent << pas vraiment mixtes
>> ou, du moins, qu'ils se considerent plus similaires que
differents sur le plan culturel, indique que les frontieres ethniques ne
sont pas etanches entre les Montrealais ayant grandi sous le regime de
la Loi 101. Par ailleurs, aucun des couples touches par cette analyse ne
rapporte de reactions negatives vis-a-vis de leur union chez les amis de
la meme origine que leur conjoint G2.
La situation montrealaise actuelle demontre que les trajectoires
migratoires n'aboutissent pas necessairement a l'assimilation,
mais qu'elles contribuent a une diversification durable et a une
transformation substantielle de la societe, processus au sein duquel il
nous semble que les gens issus de milieux immigrants soient des acteurs
clefs. Les G2 ayant une vingtaine d'annees, que nous avons etudies
de 1988 a 1992, s'orientaient souvent vers des emplois ou leurs
competences linguistiques et culturelles seraient mises en valeur (par
exemple en traduction ou dans des agences de voyage). Depuis la premiere
enquete, les effets de la mondialisation se font sentir de plus en plus.
Aujourd'hui, le multilinguisme, la connaissance d'autres
cultures et les reseaux personnels transnationaux des G2 constituent des
atouts indiscutables. Sur le plan local, l'entree dans la vie
active des cohortes de la deuxieme generation qui ont ete scolarisees
sous la Loi 101 est en train de changer le paysage social de Montreal.
On remarque, par exemple, leur presence accrue dans les medias et dans
la vie politique locale, pour ne pas mentionner la prise en charge et la
revitalisation des commerces << ethniques >> etablis par la
generation precedente. Loin d'etre simplement des mediateurs entre
la modernite de la societe d'accueil et le << traditionalisme
>> impute a leurs parents, ils deviennent des agents de changement
social, transformant la notion meme de << Quebecois >>, de
sorte que leurs enfants mixtes grandiront dans une ville et, de plus en
plus, dans une province ou les identites plurielles seront normalisees.
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Deirdre Meintel
Emmanuel Kahn
Universite de Montreal
(1.) Nous remercions Marie-Jeanne Blain, Sandra Balcers et Typhen
Ferry pour leurs nombreux commentaires et suggestions a l'egard de
ce texte.
(2.) Les recherches et les analyses sur les jeunes issus de milieux
immigrants ont ete subventionnees par le FCAR (aujourd'hui FQRSC,
Quebec), Patrimoine Canada, le Ministere des affaires internationales,
de l'Immigration et des Communautes culturelles (Quebec) et par
l'Universite de Montreal (Fonds CAFIR). Les assistants incluaient
Josiane Le Gall, Fernanda Claudio, Spyridoula Xenocostas, Francine
Juteau et Sonia Grmela.
(3.) Les principaux pays sources sont, par ordre d'importance:
l'Italie, Haiti, la France, le Liban, la Grece, la Chine, le
Vietnam et le Portugal (MRCI 2004 : 65).
(4.) Voir la discussion sur le << mimetisme >> (Coulon
1994) des communautes ethniques par rapport au discours et a la logique
de l'Etat.
(5.) Le terme << deuxieme generation >>, quelque peu
conteste, se retere aux gens dont les parents sont immigrants. Aux
Etats-Unis, le terme se refere a l'americanite des individus ; en
France et ailleurs, le terme peut plutot les renvoyer a leur etrangete.
Dans ce texte, on l'utilise comme un raccourci pour se referer aux
filles et fils d'immigrants qui ont passe la plus grande partie de
leur enfance au Canada.
(6.) Projet dirige par Francoise-Romaine Ouellette (INRS-Culture et
urbanisation, Quebec) dans lequel Meintel etait co-chercheure.
(7.) Cette recherche a beneficie de subventions du FCAR
(aujourd'hui FQRSC, Quebec), du Secretariat d'Etat (Canada),
du Ministere des Communautes culturelles et de l'Immigration
(Quebec) et du CAFIR (Universite de Montreal). Les assistants incluaient
Danielle Belanger, Fernanda Claudio, Sonia Grmela, Francine Juteau et
Spyridoula Xenocostas, qui ont participe au travail d'enquete. En
plus, soulignons l'apport de Mauro Peressini, Josiane Le Gall et
Marie-Nathalie LeBlanc aux analyses anterieures des donnees de cette
recherche.
(8.) Les parents interviewes n'etaient pas les parents des
jeunes adultes dans notre groupe d'etude, car la plupart des jeunes
interviewes etaient reticents face a la participation de leurs parents a
l'enquete.
(9.) La recherche a beneficie du financement du FQRSC (Quebec), du
CQRS (Quebec), du CRSH (Ottawa) et d'Immigration et metropoles. Les
chercheurs incluent Deirdre Meintel, Marie-Nathalie LeBlanc et Josiane
Le Gall. Le terrain a ete supervise par Josiane Le Gall (premiere phase)
et Emmanuel Kahn (deuxieme phase). << L'equipe terrain
>> incluait egalement Marie-Claude Bourdon, Christelle Cassan,
Caroline Desilets, Marie-Noelle Fortin, Isabel Heck, Anne Catherine
Kennedy, Geraldine Mossiere, Sandra Najac, Amantina Osorio et Julie
Paquette.
(10.) La cohabitation a long terme sans mariage est de plus en plus
courante au Quebec (Lapierre-Adamcyk et al. 1999).
(11.) Nous avons realise au cours des entrevues que certains
individus qui s'identifiaient comme << Franco-quebecois
>> etaient en fait d'origine mixte, c'est-a-dire
qu'un de leurs parents etait franco-quebecois et l'autre
d'origine differente.
(12.) Afin d'alleger le texte, par la suite nous traiterons
des enfants de ces couples au singulier mais le pluriel s'applique
aux couples qui en ont plusieurs.
(13.) Les particularites associees aux divers groupes
d'origine sont traitees dans des publications anterieures (Meintel
1992, 1994 ; Meintel et Le Gall 1995).
(14.) Ces projets et ces strategies seront discutes plus en detail
(dans Meintel et Kahn, a paraitre).