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  • 标题:Robert-Lionel Seguin (1920-1982): une triple trajectoire.
  • 作者:Bergeron, Yves
  • 期刊名称:Ethnologies
  • 印刷版ISSN:1481-5974
  • 出版年度:2004
  • 期号:September
  • 语种:English
  • 出版社:Ethnologies
  • 摘要:In this article, the author suggests revisiting the work of Robert-Lionel Seguin by examining three fundamental dimensions of his career, that of ethnohistorian, collector and museologist. An examination of these three vocations helps to shed light on the research networks of which Seguin was very much a part. This approach provides a new look into the critical potential of his work. From these three perspectives, one sees how Seguin contributed to the profound changes that occurred within ethnology between 1950 and 1980 and how he continues to influence these three disciplines.
  • 关键词:Canadian culture;Cultural anthropology;Ethnologists;Ethnology

Robert-Lionel Seguin (1920-1982): une triple trajectoire.


Bergeron, Yves


L'auteur propose dans cet article de revisiter l'oeuvre de Robert-Lionel Seguin par le biais de trois dimensions fondamentales de sa carriere, celles d'ethnohistorien, de collectionneur et de museologue. L'examen de ces trois dimensions permet de mettre en lumiere les reseaux de chercheurs dans lesquels Seguin s'est inscrit. Cette approche apporte un regard nouveau sur la fortune critique de son oeuvre. A travers ces trois trajectoires, on verra comment Seguin a contribue aux transformations profondes de l'ethnologie entre les annees 1950 et 1980 et comment il continue d'influencer ces trois disciplines.

In this article, the author suggests revisiting the work of Robert-Lionel Seguin by examining three fundamental dimensions of his career, that of ethnohistorian, collector and museologist. An examination of these three vocations helps to shed light on the research networks of which Seguin was very much a part. This approach provides a new look into the critical potential of his work. From these three perspectives, one sees how Seguin contributed to the profound changes that occurred within ethnology between 1950 and 1980 and how he continues to influence these three disciplines.

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Robert-Lionel Seguin fait partie de ces personnages incontournables qui ont contribue au developpement de l'ethnologie au Canada. Son oeuvre figure encore aujourd'hui comme l'un des plus riches (1). Avec le recul des annees, l'oeuvre de Seguin me semble encore plus significatif, dans la mesure ou on voit bien qu'il se situe a la jonction de trois disciplines intimement liees : l'histoire, l'ethnologie et la museologie (2).

La place qu'occupe Seguin dans l'histoire de la discipline demeure encore aujourd'hui unique. Lorsqu'on y regarde de pres, son cheminement apparait en un sens atypique. Seguin est reste tout au long de sa vie en marge des grands courants et des ecoles. Il ne frequentait que tres peu les colloques et les universitaires. Il preferait consacrer son temps et ses energies a ses recherches et a ses enquetes sur le terrain. Il n'a jamais veritablement integre d'equipe de recherche. Il a pourtant collabore a plusieurs institutions majeures (Musee du Quebec, Musee de l'Homme, Institut national de la civilisation, Centre d'ethnologie francaise). A la fin de sa carriere, il trouve a l'Universite du Quebec a Trois-Rivieres un lieu d'accomplissement pour son projet de centre de recherche et de musee des arts et traditions populaires. Malheureusement, le temps lui aura manque. On peut dire qu'il etait en quelque sorte un solitaire qui preferait se consacrer a ses propres projets. Malgre ce trait de caractere, il a choisi la voie de la mediation des savoirs. C'est ce qui l'a conduit a tant ecrire dans les revues savantes, dans les journaux et les revues populaires (voir Bouchard et Saulnier 1983 : 51-85). Il fut d'ailleurs un des premiers a profiter des tribunes de la radio et de la television pour faire connaitre l'histoire de la vie quotidienne des Quebecois. Par ses publications sur la vie materielle de << l'habitant >> et la << civilisation traditionnelle >>, Seguin a fait deborder le concept de patrimoine en ouvrant la porte a des travaux originaux sur la vie quotidienne.

Dans l'oeuvre monumental de Robert-Lionel Seguin, on a surtout retenu ses travaux d'historien et d'ethnologue. Pourtant, Seguin se revele un des plus importants collectionneurs au pays. Tout au long de sa vie, il achete et documente une impressionnante collection d'objets ethnographiques qui deviendra le coeur de son projet de musee national des arts et traditions populaires du Quebec. Si ces deux dimensions de sa personnalite sont bien connues, on ignore trop souvent la contribution originale de Seguin a la museologie au Canada et en France. Quand on examine avec soin son oeuvre, il n'y a la rien de surprenant. Par les hasards de la vie, Seguin a trouve dans les musees un lieu d'expression et de mediation des savoirs qui va orienter une part importante de sa carriere.

Je propose donc dans cet article de revisiter l'oeuvre de Robert-Lionel Seguin par le biais de ces trois dimensions de sa carriere (d'ethnohistorien, de collectionneur et de museologue) et de poser un regard nouveau sur la fortune critique de son oeuvre. On verra a travers ces trois trajectoires comment Seguin a contribue aux transformations profondes de l'ethnologie dans la seconde moitie du XXe siecle.

Historien de l'homme du Quebec

La deuxieme guerre mondiale a joue un role important dans la carriere de Seguin, comme le rappelle son ami, Marcel Brouillard, dans la biographie qu'il lui a consacree, L'homme aux tresors. Lorsqu'il est appele pour faire son service militaire, Seguin est exempte, car il travaille sur la terre de

Raoul Servant, celibataire, dans la Grande-Ligne a Rigaud. Durant la guerre, on permettait a un cultivateur d'avoir un employe a son service. C'est la, qu'il apprit vraiment le metier de fermier, jusqu'en 1945. Traire les vaches, nourrir les poules et les cochons, faire les foins, mettre en silo, tracer un sillon avec une charrue tiree par un cheval n'ont plus de secrets pour Lionel, le paysan basane. Tot chaque matin, il quitte la maison du village, a pied ou a bicyclette, pour aller preter main-forte a Raoul, l'oncle de celle qui deviendra son epouse en 1957, Huguette Servant (Brouillard 1996: 41).

Brouillard souligne que cette ascendance << campagnarde >> de Seguin << a fortement influence les gouts de Lionel pour l'histoire du pays, les etudes historiques >> (26).

Apres la guerre, son interet marque pour l'histoire et les documents d'archives conduit Robert-Lionel Seguin a entreprendre d'abord une carriere d'archiviste au bureau du protonotaire de la Cour superieure du district de Montreal. Au cours des annees 1950, Seguin occupe un poste d'archiviste au Musee de la Province de Quebec. Il y depouille alors avec minutie les actes notaries, documents judiciaires, registres paroissiaux, ordonnances et autres documents anciens. Cette etape de sa carriere est determinante, car il entre en contact avec la collection d'objets ethnographiques du Musee de la Province et avec ies documents historiques conserves aux Archives nationales de la Province, qui occupent les memes locaux que le Musee. Seguin trouve dans ces sources archivistiques les temoignages historiques permettant d'etayer ses recherches sur les objets de la vie materielle. Jean Simard, qui a ecrit un article dans le numero special soulignant les soixante ans des Cahiers des Dix, indique que les travaux de Seguin s'inscrivent, a cette epoque, << dans le droit fil de la tradition d'erudition de Pierre-Georges Roy, d'Edouard-Zotique Massicotte et des collaborateurs du Bulletin des recherches historiques. Il ne faudra pas du reste s'etonner de l'attrait qu'exerce sur lui le BRH auquel il participera regulierement a partir de 1949, quand la revue echoit a Antoine Roy >> (Simard 1996 : 146).

Il est par ailleurs probable que Seguin ait egalement ete influence par les travaux de Marius Barbeau, qui occupait un poste d'anthropologue au Musee national du Canada. A compter de 1925, Barbeau s'interesse tout particulierement aux arts populaires du Canada francais (voir Beland 1988), en particulier a la sculpture, au tissage et a l'artisanat. Barbeau avait deja publie, en 1937, Quebec ou survit l'ancienne France, qui represente l'un des premiers ouvrages consacres aux objets patrimoniaux. Cette publication est bientot suivie, en 1942, par Maitres artisans de chez-nous. Barbeau se joint a la nouvelle equipe des Archives de folklore dirigee par Luc Lacourciere des sa creation en 1944. On confie a Barbeau le cours << En quete de connaissances anthropologiques dans l'Amerique du Nord, depuis 1911 >> (Du Berger 1997 : 9). Si Barbeau demeure un modele pour Seguin, on doit egalement tenir compte de l'influence du premier historien de l'art quebecois, Gerard Morisset, qui etend le concept d'oeuvres d'art aux oeuvres artisanales et a l'art populaire. D'ailleurs, au moment ou Seguin entre au Musee de la Province, Gerard Morisset en est le directeur. Bien qu'il occupe le poste de direction du Musee, Morisset demeure avant tout un chercheur qui a mis en chantier l'inventaire des oeuvres d'art qui represente un des projets de recherche les plus importants au pays. Ses travaux le conduisent a realiser une exposition retrospective consacree a l'art du Canada francais pour souligner le centenaire de l'Universite Laval en 1952. C'est donc dans ce contexte d'effervescence de la recherche sur le patrimoine du Canada francais que Seguin debute sa carriere comme archiviste et chercheur dans le milieu museal.

Au debut des annees 1950, Seguin s'engage dans des etudes en sciences sociales, economiques et politiques a l'Universite de Montreal. Son travail documentaire sur les objets au Musee de la Province a Quebec lui permet d'entrer en contact avec Luc Lacourciere, qui developpe alors, depuis 1944, les Archives de folklore de l'Universite Laval. Marcel Trudel et Luc Lacourciere dirigeront son projet de these sur Le mode de vie materiel de l'habitant aux XVIIe et XVIIIe siecles pour lequel il decroche un doctorat es lettres en histoire a l'Universite Laval en 1961. Cette these, qui connaitra une diffusion importante au moment de sa premiere edition en 1967, va transformer sa carriere, dans la mesure ou il y conforte ses convictions profondes sur la recherche et l'importance d'explorer l'histoire de la vie quotidienne. Comme plusieurs historiens de sa generation, il travaille sur la periode de la Nouvelle-France. Ce n'est donc pas un hasard si Marcel Trudel dirige sa these. Cependant, Seguin aborde l'histoire sous un angle encore peu populaire au Quebec. Inspire par les travaux des historiens francais de l'Ecole des Annales, il s'interesse a l'histoire de la vie quotidienne et aux gens anonymes que l'histoire officielle ne retient pas. Guide par l'historien Marcel Trudel et le folkloriste Luc Lacourciere, Seguin poursuit ses recherches, qui seront publiees en 1973, sur le << fonds materiel de notre societe campagnarde, pour la periode allant du XVIIe au XVIIIe siecle >>. En ce sens, il apporte un regard neuf sur cette Nouvelle-France qui fascine tant ies historiens quebecois.

Cette these de Seguin sur << l'habitant >>, a laquelle Luc Lacourciere apporte ses lumieres, ouvre un champ nouveau pour l'etude du folklore a l'Universite Laval. Contrairement aux travaux de Soeur Marie-Ursule sur la Civilisation traditionnelle des Lavalois (1951) et de Nora Dawson sur La vie traditionnelle a Saint-Pierre, Ile d'Orleans (1960), qui reposent avant tout sur des enquetes ethnographiques et l'observation sur le terrain, Seguin aborde les memes themes en puisant presque essentiellement dans les sources archivistiques pour reveler un nouveau visage de l'histoire de la vie quotidienne de la Nouvelle-France.

Dans la preface que signe Luc Lacourciere pour la publication de la these de Soeeur Marie-Ursule, on retrouve les valeurs qui animent le directeur des Archives de folklore et qui seront reprises par Seguin dans sa premiere these de doctorat :

Au seuil de cette Civilisation traditionnelle des Lavalois, j'invite le lecteur a mediter cette pensee que nous a leguee un profond observateur des pays et des hommes : << Un simple village de chez nous se derobe. Si nous ne renoncons pas, pour lui, au reste du monde, si nous ne rentrons pas dans ses traditions, dans ses coutumes, dans ses rivalites, nous ignorons tout de la patrie qu'il compose pour quelques-uns >>. Ce texte d'Antoine de Saint-Exupery explique la raison d'etre du livre que les Archives de folklore de l'Universite Laval ont l'honneur de vous presenter.

Puisse-t-il nous convaincre de l'interet qu'a tout point de vue il y aurait pour chacun de nous d'etudier, sans hauteur ni prejuge, la vie de ces humbles gens auxquels nous sommes, trop souvent a notre insu, redevables de tant de biens >> (Soer Marie-Ursule 1951 : 8).

La these de Robert-Lionel Seguin, publiee en 1967, marque un tournant dans l'historiographie canadienne, dans la mesure ou Seguin devient alors un modele pour les jeunes chercheurs qui sont sensibles a l'histoire culturelle et aux nouvelles perspectives que revele l'histoire de la vie quotidienne.

Jusqu'a la publication des premiers travaux de Seguin sur la culture materielle par le Musee de la Province et le Musee national du Canada au debut des annees 1960, les ethnologues s'interessaient principalement au patrimoine immateriel. Si des folkloristes comme Luc Lacourciere, Felix-Antoine Savard, Conrad Laforte, le Pere Germain Lemieux (Ontario) ou le Pere Anselme Chiasson (Acadie) s'appliquent a la sauvegarde de la tradition orale des Canadiens francais aux quatre coins du Canada et des Etats-Unis, Robert-Lionel Seguin choisit de reconstituer l'histoire de la vie materielle de la civilisation traditionnelle des Quebecois. C'est pourquoi on qualifie bientot Seguin << d'historien de l'homme du Quebec >>. Ce qualificatif identifie bien la premiere partie de l'oeuvre de Robert-Lionel Seguin (3).

Au debut des annees 1960, Seguin realise plusieurs mandats de recherche au Musee de la Province (futur Musee du Quebec (4)) et au Musee national du Canada (5) a Ottawa ou Barbeau a travaille tout au long de sa carriere.

Bien que Seguin frequente les Archives de folklore de l'Universite Laval au contact de Luc Lacourciere au milieu des annees 1950, il choisit de poursuivre sa formation en ethnologie aupres de l'equipe des ethnologues du Musee national des Arts et Traditions Populaires de Paris et de son concepteur, Georges-Henri Riviere (voir Gorgus 2003). Ces recherches sur le terrain l'amenent a soutenir une seconde these de doctorat a l'Universite Rene-Descartes en 1972. Il aborde cette fois un sujet delicat : La vie libertine en Nouvelle-France au XVIIe siecle (these qui sera publiee en 1973). Chercheur inlassable, il entreprend un autre chantier, qui le conduit cette fois a l'obtention d'un troisieme doctorat en ethnologie a l'Universite des Sciences humaines de Strasbourg, en 1981, pour son etude sur L'equipement aratoire et horticole en Nouvelle-France et au Quebec du XVIIe au XIXe siecles (6).

L'ethnohistorien

Sans etre un theoricien, Seguin apparait pourtant comme un chercheur d'avant-garde. En associant l'etude des faits de culture materielle aux documents historiques, il experimente du meme coup les bases de l'ethnologie historique. Lors du deces de Seguin en 1982, Jean-Claude Dupont ecrit: << Il fut le premier chercheur qui sut faire parler le document figure : l'objet materiel ne doit pas servir seulement d'illustration graphique, disait-il, pour emailler des pages historiques, mais constituer une des sources d'un langage technologique >> (1982: n.p.)

Seguin debute donc sa carriere dans ce contexte de decouverte du patrimoine materiel. Il marche sur les traces de Marius Barbeau et de Gerard Morisset. Cependant, Seguin s'inscrit plutot dans la suite logique d'Edouard-Zotique Massicotte qui s'interesse a la vie quotidienne des Canadiens francais (voir a ce sujet, Rodrigue 1968). Comme Massicotte, Seguin s'inspire des sources archivistiques pour etayer ses recherches sur les objets de la vie quotidienne. Il s'exprime d'ailleurs sur cette approche dans une entrevue realisee dans le cadre des Melanges en l'honneur de Luc Lacourciere alors qu'il prepare sa troisieme these de doctorat sur l'equipement aratoire ancien du Quebec :

Il ne s'agit pas que d'un inventaire du materiel mais egalement de ses implications historiques, sociologiques, economiques, religieuses, folkloriques, litteraires, iconographiques et judiciaires. [...] Il n'y a pas d'etude definitive, ce que je voudrais faire c'est cerner le plus possible tous les aspects de notre civilisation traditionnelle (Dupont et al. 1978 : 88).

Seguin se definit lui-meme en opposition avec l'histoire conventionnelle puisque, selon lui, la grande histoire ne retient avant tout que les heros, les martyrs, les chefs religieux, les evenements politiques, mais ignore systematiquement ce qu'il convient aujourd'hui de decrire comme la vie quotidienne (Miron 1983: 7).

Comme plusieurs intellectuels de sa generation, Seguin s'identifie au mouvement nationaliste des annees 1950 et 1960. Son oeuvre est d'ailleurs representatif de la quete de l'identite quebecoise qui marque la periode de la Revolution tranquille. Son action nationale lui vaut d'ailleurs en 1975 le prix Ludger-Duvemay, attribue par la Societe Saint-Jean-Baptiste. A cette occasion, Seguin ecrit :

Individuellement et collectivement, nous eprouvions le besoin grandissant d'une identite. Au fur et a mesure qu'on se debarrasse de la peur, nous nous interrogeons sur nos origines, sur notre vocation, sur notre mission. Qui sommes-nous ? D'ou venons-nous ? Ou allons-nous ? D'ou l'interet grandissant des Quebecois pour l'ethnologie et le folklore. Justement parce que ces disciplines impliquent obligatoirement un retour aux sources. Pour un peuple, est-il meilleurs outils d'affirmation que la culture populaire et la civilisation traditionnelle ? (Rheaume 1982 : 5).

A propos de cette question de l'identite, Seguin precise sa pensee dans une entrevue qu'il accorde a Jacques Dorion dans ta revue Reseau. Il y expose son opinion quant a l'interet pour l'ethnologie au Quebec :

Aujourd'hui, on retrouve notre identite et on eprouve un besoin de retour aux sources comme tout le monde. Actuellement, on atteint ce bareme normal et la civilisation traditionnelle va faire partie de l'enseignement pour qu'on forme des ethnologues, des folkloristes. On aura donc un interet << normal >> pour l'ethnologie comme dans les pays du monde. Moi, je ne vois rien d'extraordinaire la-dedans, mais plutot un rattrapage que l'on vit actuellement (Dorion 1976 : 7).

Malgre ses positions, Seguin ne se definit pas comme nationaliste car, souligne-t-il, cette expression lui rappelle trop le << nationalisme pleurnichard >> des annees 1950 et 1960. Il dira plutot : << Je suis Quebecois jusqu'au plus profond de mes fibres >> (Dorion 1976 : 7). En ce sens, Seguin ressemble bien aux intellectuels de sa generation, qui se detourneront de la vision canadienne-francaise au milieu des annees 1960, choisissant plutot de se definir comme Quebecois.

Pour contrer l'amnesie culturelle

On l'a vu, la formation archivistique de Seguin l'amene a s'attaquer a cette autre histoire, c'est-a-dire celle des gens ordinaires. Sa demarche a pour but de revaloriser et de redonner un sens nouveau a l'appartenance nationale. Dans le discours de presentation qu'il tient lors de la remise du prix Duvernay a Robert-Lionel Seguin en 1975, le poete Gaston Miron fait ressortir le contexte dans lequel ce chercheur entreprit sa formation :

A l'epoque ou il commence ses etudes en histoire et en sciences sociales, dans les annees quarante-cinq, la depossession progressive engendree par la Conquete, marquee par le traumatisme de l'ecrasement de la Rebellion de 1837, atteignent une phase ultime: une quasi-amnesie culturelle. On maintenait notre peuple dans une existence politique insignifiante et dans une alienation qui l'amenait a mepriser ses valeurs originales au profit du modele du conquerant. C'etait une epoque de honte de soi. On s'empressait de cacher ou de se defaire des vieux objets, des vieux meubles, bref de l'heritage, pour les remplacer par du moderne et du chrome. Prelarts, tapisserie, peintures, recouvraient les materiaux d'origine. On avait donc peur de passer pour habitant (Miron 1983 : 7).

Miron donne ici un portrait assez juste des motivations qui alimentent le nationalisme quebecois. A ses yeux, Seguin fait partie de ceux qui rehabilitent la culture populaire et qui revelent les tresors meconnus de la culture materielle. Seguin participe a ce mouvement de revalorisation de l'histoire et de la culture populaire.

L'ideologie nationaliste doit etre envisagee comme un des elements fondamentaux qui oriente l'oeuvre de Seguin. Des 1953, il publie deux longs textes sur l'habitant dans l'Action Nationale (mai 1953 : 321-345 ; juin 1953 : 395-422). Son premier ouvrage a paraitre (en 1955) ne fut-il pas Le mouvement insurrectionnel dans la presqu'ile de Vaudreuil, 1837-1838 ? On lui doit egalement la publication de La victoire de Saint-Denis en 1968 et de L'esprit revolutionnaire dans l'art quebecois en 1973.

Seguin entreprend donc de pallier ce qu'il considere etre des carences de l'histoire culturelle des Quebecois. Il nous donne un bon exemple de sa perspective historique dans le portrait qu'il trace de son village natal, << Le vrai pays de Rigaud >>, dans La vie quotidienne au Quebec ... (Bouchard 1983 : 31-49). Il ajoute au volet historique la perspective de la vie quotidienne des gens qui vecurent autour de Rigaud. Il y incorpore notamment un volet consacre aux voyageurs et cajeux et un autre portant sur le fantastique. En conclusion de cet article, il precise clairement sa philosophie de l'histoire, qui ne doit pas se resumer, comme ce fut trop souvent le cas, a l'arrivee du premier desservant, a << la construction de la premiere eglise, l'erection canonique de la paroisse, du village plus de la ville, a l'inauguration du Sanctuaire de Lourdes, l'ouverture de la premiere ecole, que sais-je encore ? >> (47). Comme il se plait a le dire lui-meme, Seguin retient plutot l'histoire de l'homme, << de ses joies, de ses peines, de ses aspirations, de ses convoitises, de ses espoirs, de ses deceptions, de ses miseres, de ses reussites, de ses qualites et de ses defauts >> (47). Pour Seguin, hommes et femmes du passe sont des etres sensibles, emotifs et intelligents auxquels nous sommes redevables. En somme, c'est de ces gens anonymes qu'il veut temoigner a travers ses publications. Cette perspective rejoint les travaux et les motivations des folkloristes comme Barbeau et Lacourciere.

La formation, de meme que les aspirations personnelles de Seguin, l'amenent a se distinguer des historiens et des folkloristes. Ses contacts reguliers avec les chercheurs francais le conduisent alors a se definir comme ethnologue.

Moi, je me considere comme un ethnologue. Ce n'est pas une question de vouloir se valoriser. L'ethnologue ou l'ethnographe ont une egale valeur, mais je ne pense pas que l'on puisse faire de l'ethnographie sans faire de l'ethnologie (Seguin dans Bergeron et al. 1978 : 79)

Il convient ici de rappeler que le debat restait encore ouvert au milieu des annees 1970 et que plusieurs folkloristes et ethnographes preferaient s'identifier comme ethnologues. Pourtant, le programme offert a l'Universite Laval portait toujours le nom d'Arts et Traditions Populaires. On sent bien que Seguin se reconnait davantage dans les chantiers de recherche menes par les ethnologues du laboratoire d'ethnologie francaise dans le cadre du Musee national des arts et traditions populaires de Paris.

Seguin explique les fondements de sa methode dans une entrevue qu'il accorde, avec Jean-Claude Dupont et Bernard Saladin d'Anglure, a des etudiants du programme d'Arts et traditions populaires de l'Universite Laval en 1976. Dans un premier temps, Seguin y explique sa perception des trois niveaux de l'anthropologie (ethnographie, ethnologie et anthropologie) tels que definis par Claude Levi-Strauss -- bien qu'il ne soit pas en accord avec la categorisation de Levi-Strauss, dans la mesure ou il considere qu'il y a danger de segmenter des paliers de recherches qui necessairement se recoupent a un moment ou a un autre. Selon lui, chaque discipline a sa methodologie propre et un chercheur ne peut etre competent et efficace a ces trois niveaux.

Il y a pourtant des liens a faire mais un homme ne peut pas etre universel. On ne peut pas etre un anthropologue chevronne et un ethnologue ou un folkloriste en meme temps. Alors, il faut un denominateur commun. Quelqu'un est anthropologue, quelqu'un est ethnologue. Les deux se completent. On travaille en equipe. On ne peut pas ignorer une discipline au benefice d'une autre. Si on veut faire un travail interessant sur une base scientifique interessante, il faut faire appel a toutes les disciplines historiques et folkloriques (Bergeron et al. 1978 : 81).

La perspective ethnographique de l'histoire amene Seguin a privilegier deux volets fondamentaux. Il jumelle a la fois la consultation de sources ecrites et le travail de terrain aupres d'informateurs. Pour lui, il n'y a pas de chronologie specifique entre ces deux etapes. L'une et l'autre se completent:

Bref, il faut considerer tous les aspects. Mais, ce n'est pas toujours possible. Ca depend de la cueillette que l'on fait. [...]

Si je compare ce que j'ai recueilli sur le terrain avec ce que j'ai recueilli dans les manuscrits, j'en arrive a faire une comparaison avec un autre terroir ou avec d'autres usages et coutumes (Bergeron et al. 1978 : 86).

Pour Seguin, les fondements de l'ethnologie doivent reposer sur l'etude comparative des donnees d'enquetes.

Sous l'angle de la culture materielle, Seguin developpe son approche de la culture quebecoise. Son ouvrage portant sur La civilisation traditionnelle de l'habitant aux XVII<< et XVIII<< siecles en est sans aucun doute le meilleur exemple. L'auteur y precise en avant-propos le projet qu'il entend realiser en reconstituant le mode de vie materiel de nos ancetres :
 [...] on n'avait pratiquement rien ecrit sur l'Habitant, ce
 principal artisan de la Nouvelle-France. Pourquoi ce
 desinteressement, cette sorte de conspiration du silence a l'egard
 d'une figure dominante de la societe canadienne-francaise ? Trop de
 travailleurs n'ont cherche que des sujets a panache. La valeur
 d'une oeuvre historique s'estime pourtant a d'autres normes. Les
 coutumes, les moeurs et les conditions economiques de l'homme du
 terroir meritent surement un meilleur sort (1967 : 7).


Malgre son intention d'innover en ouvrant un nouveau chantier de recherche, l'ouvrage de Seguin s'attire les critiques des historiens qui y reconnaissent, bien sur, << les resultats de longues et difficiles recherches >>, mais aussi de << graves lacunes de presentation et d'interpretation >>. L'historien Jacques Mathieu ajoute :

Le grand nombre de references donne par ailleurs a son etude un caractere scientifique incontestable. Malheureusement, l'Auteur n'est pas sorti du cadre de sa recherche et il a aligne ses fiches a l'interieur de son plan. Cette methode et la proximite des sources entrainent maintes redites, des contradictions flagrantes alourdissent le texte et ne lui permettent pas d'exploiter a fond sa documentation, ni de discerner clairement l'evolution de cette civilisation. [...]

Le ton moralisateur et la nostalgie des valeurs pronees au siecle dernier alourdissent la valeur de cette etude (Mathieu 1968 : 73-74).

Malgre les critiques formulees a l'endroit de son << habitant type >>, on doit reconnaitre que les travaux de Seguin portant sur l'agriculture et la societe traditionnelle n'ont toujours pas d'equivalent. D'ailleurs, si on resitue la parution de son ouvrage dans le contexte de l'epoque (1967), La civilisation traditionnelle de l'habitant aux XVII<< et XVIIIe siecles << fut saluee comme un evenement marquant >> (Moussette 1983 : 21). Son originalite est de joindre l'enquete orale des folkloristes a l'etude des objets et d'offrir ainsi une meilleure comprehension de la culture materielle. D'ailleurs, c'est dans ce contexte que l'on commence a donner des cours sur la culture materielle a l'Universite Laval.

Pour Seguin, l'etude de la culture traditionnelle doit passer par l'analyse de la civilisation traditionnelle. Il y consacre toutes ses energies, multipliant ses recherches, ses publications et ses interventions pour sensibiliser la population qui a, selon lui, un indispensable et salutaire besoin de retourner a ses sources. Ses efforts ne s'arretent pas la. Il favorise la multiplication des publications dans le domaine de l'ethnologie et du folklore. Son influence se fera sentir dans le travail de plusieurs historiens. Citons au passage Denis Vaugeois, Jacques Lacoursiere, Gilles Boulet et Mgr Albert Tessier, qui creent en 1962 le Boreal Express (2003 : 2-9). Ce nouveau concept de journal historique presente de maniere dynamique l'histoire de la Nouvelle-France en tenant compte des aspects de la vie materielle. Jacques Lacoursiere poursuivra sur cette lancee, en publiant a compter de 1980 Nos Racines, qui presente sous forme d'encyclopedie une histoire populaire du Quebec.

Passeur de memoire

Pour bien comprendre toute la valeur et les impacts de l'oeuvre de Robert-Lionel Seguin, il faut pouvoir en mesurer l'etendue et la diversite des themes etudies. En consultant la bibliographie complete de son oeuvre dans La vie quotidienne au Quebec. Melanges a la memoire de Robert-Lionel Seguin (Bouchard 1983), on ne peut qu'etre etonne par l'envergure du travail accompli. Seguin a publie plus de dix-huit ouvrages majeurs, dont trois temoignent de ses theses de doctorat: La civilisation traditionnelle de l'habitant aux XVIIe et XVIIIe siecles, La vie libertine en Nouvelle-France au XVIIe siecle et son ouvrage posthume, L'equipement aratoire et horticole en Nouvelle France et au Quebec ancien du XVIIe au XIXe siecles.

A ces etudes marquantes pour l'ethnologie de la culture materielle, il faut ajouter plus de 300 articles parus dans diverses publications, dont le Bulletin des recherches historiques (BRH), la Revue d'histoire de l'Amerique francaise, l'Action nationale, ies Cahiers des dix, Ethnologie quebecoise, la Revue d'ethnologie du Quebec, Forces, Liberte, la Revue Arts et traditions populaires (Paris), la Revue de l'Academie des sciences d'outremer (Paris) et bien d'autres revues savantes, sans compter sa collaboration a divers journaux tout au long de sa carriere.

Comme le souligne Jean-Claude Dupont, uniquement a travers son oeuvre publie, Seguin a ecrit plus de 7 000 pages de texte (Dupont 1983 : 29). A cette somme de travail considerable, il faut ajouter ses nombreux manuscrits restes en plan et qui n'attendent que le moment opportun pour etre publies (7).

Seguin est anime d'une passion totale et entiere pour la diffusion des connaissances. Il devient rapidement une figure reguliere de la television quebecoise au milieu des annees 1960. Cet interet pour la transmission de la connaissance le conduit tout naturellement a l'enseignement. Apres avoir ete charge de cours de folklore materiel a l'Universite Laval en 1966 et 1967, Seguin devient deux ans plus tard charge de cours en civilisation traditionnelle a l'Universite de Montreal en 1969.

Il met ensuite sur pied en 1970 le Centre de recherche en civilisation traditionnelle (CRCT) a l'Universite du Quebec a Trois-Rivieres (UQTR). Brouillard rappelle que le Centre de documentation est un projet initie par le collegue et ami de Seguin, Maurice Carrier. On y decouvre egalement que le ministere des Affaires culturelles est lie au projet de creation du centre. Il semble d'ailleurs que le Centre de documentation soit rattache au projet de l'Institut national de la civilisation :

Lors de la ceremonie du 5 octobre 1970, qui marque officiellement la naissance du Centre de documentation, Maurice Carrier, l'initiateur du projet, et Jean-Louis Longtin, des Affaires culturelles du Quebec, insistent pour souligner les merites du nouveau directeur du Centre, dont la tache couvrira tous les aspects du milieu materiel, notamment << le costume, les instruments aratoires, l'outillage artisanal, ainsi que les principales coutumes touchant l'acquisition, l'administration, la conservation du patrimoine, la gastronomie ... (Brouillard 1996 : 120).

Avec l'aide d'une equipe d'etudiants et de chercheurs, il entreprend de depouiller systematiquement les Archives nationales des XVIIe et XVIIIe siecles, de meme que les imprimes des XVIe, XVIIe et XVIIIe siecles. Il en ressort tout ce qui touche de pres ou de loin a la civilisation traditionnelle. S'y ajouteront plus tard les archives visuelles et photographiques, des illustrations, des devis sur la technologie et les moeurs, les coutumes et la vie d'antan. Les fichiers s'enrichissent ainsi de plus de 200 000 fiches descriptives. Des lors, le Centre attire des etudiants de maitrise, de doctorat et des specialistes de l'ethnologie du Quebec.

Comme l'avait fait avant lui Jean-Claude Dupont, Seguin quitte l'Institut national de la civilisation pour devenir professeur d'ethnologie specialise en culture materielle a l'Universite du Quebec a Trois-Rivieres. << Jusqu'en 1971, Seguin est detache du ministere de la Culture du Quebec qui le prete a l'UQTR. Apres cette date, il devient officiellement professeur au Departement d'histoire. Le Centre continue toutefois, sous sa direction, a constituer les fichiers les plus complets qu'on puisse imaginer sur les elements fondamentaux de notre civilisation >> (Brouillard 1996 : 119).

En meme temps qu'il cree le centre de recherche en civilisation traditionnelle de l'UQTR, Seguin dirige en 1972 la collection d'ethnologie des cahiers du Quebec, publiee par Hurtubise HMH puis, en 1975, il cree grace au CRCT la Revue d'ethnologie du Quebec, publiee chez Lemeac. Douze numeros paraitront a un rythme assez constant pendant cinq ans. Pour chaque numero, Seguin ecrit un article original, mais il permet surtout a de jeunes chercheurs de publier, d'etre lus et de developper le champ nouveau de la culture materielle.

Pour mieux faire connaitre la vie traditionnelle des Quebecois, Seguin utilise un autre moyen de communication que l'ecriture. Sa rencontre avec le cineaste Leo Plamondon en 1970, a l'Universite du Quebec a Trois-Rivieres, donne naissance a une serie de films ethnographiques sur des metiers traditionnels. Seguin et Plamondon realisent conjointement les six premiers films de la serie. Il s'agit de Armand Felx (faiseur de violons), Emile Asselin (forgeron), Le charron (avec Emile Asselin), La peche a l'anguille, Eugene Dionne (ferblantier) et Jean Perron (sellier) (Plamondon 1983 : 350). L'Office national du film et Radio-Canada lui permettent de realiser plus de vingt films consacres aux metiers artisanaux du Quebec.

Prolifique sur le plan de la recherche et de l'ecriture, Seguin poursuit la diffusion de ses travaux par le biais de colloques savants au Quebec, au Canada et a l'etranger. Il participe notamment aux colloques portant sur La religion populaire au Quebec (Universite de Sherbrooke, 1976) et Le folklore religieux (Universite Laurentienne, Sudbury, 1978). Il contribue au Premier congres international d'ethnologie au Musee national des Arts et traditions populaires de Paris en 1971. Il est egalement present a l'occasion du Colloque d'ethnologie France. Canada a Paris en 1973 ainsi qu'au Premier symposium d'ethnologie euro-americaine au Musee de l'Homme de Mexico en 1974, dans le cadre de l'American Anthropological Association.

Dans un article publie par l'Institut quebecois de recherche sur la culture en 1983, Paul-Louis Martin propose une synthese de l'ethnographie au Quebec. Il souligne notamment que << peu de travaux ont vu le jour depuis les publications de Robert-Lionel Seguin au cours des annees soixante >> (1983 : 156). Ce constat permet d'evaluer l'originalite et le caractere avant-gardiste de Seguin dans le champ de la recherche en culture materielle.

La passion de la collection

Maurice Rheims, auteur d'un ouvrage marquant sur le phenomene du collectionnement, distingue plusieurs categories de chercheurs d'objets : les collectionneurs, ies amateurs et les curieux. La distinction entre ces categories est parfois nuancee. Le collectionneur a, ecrit-il,
 dans un domaine determine, le desir de tout posseder. Pour
 l'assouvir, il met en jeu son gout, naturel ou acquis, le sens de
 la perfection et son instinct de chercheur. Mais, en meme temps que
 les objets, il cherche tout ce qui temoigne de son origine, tout ce
 que la litterature specialisee a fait paraitre sur eux, les
 expertises et les mercuriales qui donnent leur cote. Il a le flair
 du chasseur, l'ame du policier, l'objectivite de l'historien, la
 prudence du marchand de chevaux (1981: 27).


Certains diront qu'on ne devient pas collectionneur, mais qu'on l'est, tout simplement. Seguin fait partie de ceux que l'on appelle les chercheurs de tresors (voir a ce sujet Gijseghem 1985). Bien qu'il se soit surtout consacre a la quete des objets, il suit les traces de Barbeau, de Lacourciere et des folkloristes qui cherchent, collectent et archivent des temoignages de tradition orale. Les Archives de folklore de l'Universite Laval ne conservent-elles pas les collections des enquetes ethnographiques des folkloristes et des ethnologues ?

Le moins que l'on puisse dire, c'est que Seguin s'est consacre corps et ame a la passion du collectionnement. Tres tot, il collectionne des pieces de numismatique et de philatelie. Son interet se porte egalement vers les documents anciens et les livres rares.

Comme le rappelle son ami de longue date, Marcel Brouillard, tres tot Seguin << consacre de plus en plus d'heures a ses recherches et a l'achat d'antiquites : mobilier, poterie, outils, vaisselle, lingerie, costumes et beaucoup de catalognes et courtepointes du Quebec ancien. Homme de terroir, il est aussi homme de terrain >> (1996: 41).

Tout au long de sa carriere, il parcourt le Quebec de long en large. Il connait toutes les boutiques d'antiquites de la province. Il achete des objets qui temoignent de la vie rurale traditionnelle. Les antiquaires savent bien ce qui l'interesse et ils le contactent regulierement pour lui signaler qu'ils ont trouve un objet rare et singulier, propre a completer sa collection. Parfois, ce sont des gens qui le contactent tout simplement pour lui dire qu'ils ont vu un instrument aratoire abandonne dans un champ ou pour lui offrir un objet ancien.

Seguin choisit attentivement chaque objet. Quand on examine sa collection, on constate par exemple qu'il a acquis plus de 17 charmes. Bien qu'elles semblent identiques, Seguin les a choisies precisement parce qu'elles illustrent des variantes et que la serie permet d'observer les ameliorations technologiques. En fait, Seguin s'inspire de la methode typologique developpee par les ethnologues du Musee national des Arts et traditions populaires de Paris, qui s'inspirent eux-memes des travaux d'Andre Leroi-Gourhan. D'ailleurs, la galerie d'etude du Musee des Arts et traditions populaires fut realisee par Georges-Henri Riviere, assiste d'Andre Desvallees, puis par Jean Cuisenier (Cuisenier et Tricornet 1987 : 165-215). On retrouve la le modele qui inspire et motive Seguin, qui souhaite realiser un musee comparable au Quebec.

Seguin semble motive par une autre raison qui le pousse a collectionner de la sorte. Les objets qu'il trouve servent a illustrer ses articles et ses ouvrages. Les objets deviennent les elements de son propre laboratoire de recherche sur la culture materielle. Jean Simard suggere d'ailleurs que
 les collections d'objets joueront dans la production scientifique
 de l'ethnologue un role analogue aux archives dans sa premiere
 production historienne. Desormais, archives, bibliotheque,
 artefacts et informateurs trouveront appui l'un sur l'autre pour
 documenter ses recherches. Telle sera sa methode, qu'il n'expose
 guere d'ailleurs, << trop occupe pendant cette trentaine d'annees
 consacrees a dresser le corpus des activites rurales
 traditionnelles >>. C'est plutot en mettant ce mode en usage que
 Seguin en demontrera l'efficacite, comme il le fera dans les
 Cahiers des Dix (1996 : 147).


Au fil des ans, il acquiert des milliers d'objets qu'il entrepose dans sa maison de Rigaud. Cette collection va rapidement se multiplier. Elle occupe bientot toute sa maison et la grange deborde d'objets. Il accumule plus de 35 000 objets propres a illustrer le mode de vie rural traditionnel. Il pousse le collectionnement jusqu'a rechercher des batiments anciens. Cette collection de petits batiments est rassemblee sur le site du Musee des arts et traditions populaires du Quebec en 1996, grace au directeur du musee et ancien recteur de l'UQTR, Gilles Boulet.

A cette collection unique s'ajoutent des documents d'archives. Seguin avait rassemble dans le centre de recherche en civilisation traditionnelle plus de quarante metres lineaires de documents ayant servi a rediger ses nombreux ouvrages sur la civilisation traditionnelle. On retrouve notamment, dans ces archives notariales, des donations entre vifs, des contrats de mariage et de vente, des actes de succession et des inventaires apres deces.

Pour mesurer l'ampleur du travail accompli, il convient de comparer la collection de Seguin avec la collection ethnographique nationale du Quebec. La collection ethnographique developpee initialement au Musee du Quebec a compter de 1933 est finalement confiee en 1984 au futur Musee de la civilisation. La collection compte alors environ 50 000 objets. En comparaison, la collection de Seguin, dont la majorite des pieces sont historiees, regroupe pres de 9 500 objets. Rappelons d'ailleurs que la celebre collection Coverdale, acquise par le ministere des Affaires culturelles en 1968 et qui est consideree comme la collection fondatrice du Musee de la civilisation, comptait 2 500 objets (Dube 1998: 31-33). C'est donc dire le caractere exceptionnel de cette entreprise menee par un seul homme. Mais, ce qui compte ici, ce n'est pas le nombre des objets, mais la qualite scientifique des choix. On ne s'etonne donc pas que le gouvernement du Quebec, de meme que le gouvernement federal, souhaitaient au debut des annees 1980 acquerir la collection Seguin.

Jean Simard, qui s'etait vu confier le mandat avec Michel Lessard et Paul Carpentier d'evaluer la valeur marchande de la collection Seguin, a laisse un temoignage eclairant sur le << monde enchante de sa collection >> et sur le rapport passionne qu'il entretenait avec ces objets.

Ce sera mon premier et mon dernier contact avec Robert-Lionel Seguin, rencontre a Rigaud dans le monde enchante de ses collections. J'y ai reconnu l'homme simple et aux yeux rieurs dont on m'avait parle. Presse de nous communiquer sa passion devorante, il nous a ouvert les portes des trois remises qu'il avait fait construire pour y loger les instruments aratoires (batteuses, cribleuses, rateleuses, herseuses, charrues), les moyens de transport (traineaux, carrioles, canots, pirogue) et les outils des metiers artisanaux (rouets, metiers a tisser, scies, haches, couteaux). Ensuite nous sommes passes a la visite des batiments anciens ou il m'avait reserve la decouverte de 200 images religieuses de grand format, gardees a l'etage de sa maison paysanne du XIXe siecle, batie en piece sur piece. Le soir venu, notre hote nous garda a souper dans un decor art populaire fourni de coqs, de bouteilles-passion ... et de calvados (Simard 1996: 148).

Pour Robert-Lionel Seguin, cette collection pourrait bien donner naissance a un musee national des arts et traditions populaires du Quebec. D'ailleurs, Seguin formule des 1976 le projet de creer un << futur musee des arts et traditions populaires ou jeunes et vieux, etudiants et travailleurs, inities et profanes, decouvriraient et etudieraient les origines, l'evolution et la transmission de la culture quebecoise >> (Godin 1984: 9).

En 1979, le ministere des Affaires culturelles du Quebec reconnait, a titre de bien culturel, la collection Seguin pour sa valeur scientifique et historique d'objets ethnographiques. Grace a l'intervention du recteur de l'Universite du Quebec a Trois-Rivieres, Gilles Boulet (8), la collection est finalement acquise par l'Universite qui entend promouvoir le projet d'un musee des arts et traditions populaires a Trois-Rivieres.

Museologue malgre lui

Des le milieu des annees 1950, Seguin, qui se definit alors comme un chercheur, fait une premiere incursion dans le monde des musees. Il devient charge de recherche au Musee de la Province (Musee national des beaux-arts du Quebec) en 1958. Le directeur du Musee et responsable de l'inventaire des oeuvres d'art, Gerard Morisset, lui confie des mandats de recherche pour documenter la collection ethnographique du Musee. Sans etre conservateur, il devient chercheur en culture materielle.

Robert-Lionel Seguin debute ses travaux de recherche au Musee national du Canada alors que Jacques Rousseau vient tout juste d'en quitter la direction (1956-1959). On doit rappeler que Jacques Rousseau (botaniste, geographe et co-fondateur du Jardin botanique de Montreal avec le frere Marie-Victorin) fut le premier directeur francophone du Musee national du Canada. Rousseau et Seguin se cotoient a la Societe des Dix pendant de nombreuses annees. On retrouve alors Luc Lacourciere et l'abbe Albert Tessler qui sera a l'origine de la mise en valeur du site historique des Forges du Saint-Maurice et l'animateur d'une equipe de jeunes historiens qui fondent le journal historique Le Boreal Express (Boreal Express 2003: 2-9). C'est donc dans ce reseau de chercheurs que Seguin evolue. Il est influence par les travaux de communication de l'histoire d'Albert Tessler, par les travaux scientifiques de Jacques Rousseau et par la perspective folklorique et ethnographique de Luc Lacourciere.

De 1960 a 1965, on le retrouve au Musee national du Canada a Ottawa comme charge de recherche sur le milieu materiel quebecois. Au cours de cette periode, il publie les resultats de ses travaux dans la collection des bulletins d'histoire du Musee national du Canada. On lui doit notamment des ouvrages marquants: Les moules du Quebec (1963), Les granges du Quebec (1963), Le costume civil en Nouvelle-France (1968), La maison en Nouvelle-France (1968) et Les Divertissements en Nouvelle-France (1968).

Durant cette periode parait un ouvrage qui va influencer les travaux des ethnologues et des chercheurs en culture materielle pendant plus de vingt ans. Il s'agit de la parution, en 1963, de l'ouvrage de Jean Palardy portant sur le Mobilier ancien du Canada francais (Bergeron et Dupont 2003: 147). Les Quebecois accueillent avec enthousiasme cette premiere etude specialisee sur le mobilier ancien. Illustre et bien documente, l'ouvrage de Palardy stimule la recherche sur les objets domestiques et contribue a la valorisation des antiquites. En fait, la parution de cet ouvrage correspond a la vague d'interet que les Quebecois commencent a porter aux antiquites. On remarquera cependant que le livre de Palardy ne presente que des meubles rappelant la periode de la Nouvelle-France. L'interet pour l'histoire et le patrimoine se concentre effectivement sur cette periode historique. Il faudra attendre les annees 1970 et 1980 pour que la recherche s'ouvre aux objets temoins du XIXe siecle et du XXe siecle.

Au debut des annees 1960, on retrouve Seguin en France au Musee national des arts et traditions populaires de Paris. Il y rencontre le museologue Georges-Henri Riviere qui prepare l'ouverture de son musee des Arts et traditions populaires auquel il travaille depuis le milieu des annees 1930. Riviere a acquis depuis longtemps une reconnaissance internationale comme museologue et communicateur. Il a notamment reussi a reveler les travaux des ethnologues francais a travers des expositions marquantes. Ses cours de museologie a l'Ecole du Louvre attirent des etudiants francais et etrangers (9). On lui doit egalement la creation de l'ICOM, qui regroupe les musees au niveau international. Au moment de leur premiere rencontre, Riviere est deja une legende vivante. On peut croire que cette rencontre s'est revelee determinante dans l'oeuvre de Seguin. Au cours de son premier sejour en France, Seguin parcourt plusieurs regions rurales de France et il realise des enquetes ethnographiques sur la vie materielle des paysans. Grace au Conseil des arts du Canada, on le retrouve d'ailleurs en mission de recherche en France en 1964, 1965 et 1966.

A six reprises, Lionel fait un stage de quelques semaines au Musee des arts et traditions populaires de Paris, ou il travaille sous la direction d'ethnologues et de folkloristes aussi reputes que Georges-Henri Riviere, alors conservateur du Musee (avant Jean Cuisenier), Jean-Michel Guilcher et surtout Jean Brunhes-Delamarre, reconnu comme l'autorite europeenne en technologie et en equipement agraires (Brouillard 1996: 122).

Son interet pour les objets et les musees l'amene a realiser des inventaires. Ainsi, il realise en 1963 l'inventaire de la collection Jean-Marie Gauvreau a l'Institut des arts appliques de Montreal. Ce travail de terrain lui permet de produire en 1964 une exposition de la collection Gauvreau a l'Institut des arts appliques, dans le cadre de ce que Seguin designe alors comme un musee-laboratoire en civilisation traditionnelle.

Au cours des annees 1960, Seguin realise plusieurs expositions qui lui permettent de synthetiser et de diffuser ses recherches sur la culture materielle. En 1961, il inaugure une premiere exposition sur l'interieur quebecois aux XVIIIe et XIXe siecles au Stratford Shakespearean Festival de Stratford, en Ontario. En 1963, il presente une exposition sur le mobilier ancien du Quebec au Centre d'art du Mont-Royal a Montreal. La meme annee, il produit une exposition consacree aux jouets anciens du Quebec pour la Centrale d'artisanat au Palais du commerce de Montreal. On l'invite a nouveau en 1969 a presenter une exposition sur l'art populaire quebecois. La meme annee, le ministere des Affaires culturelles du Quebec lui confie la realisation d'une exposition sur le mobilier quebecois des XVIIe et XVIIIe siecles a la maison Chevalier (Place-Royale a Quebec) (10).

L'annee 1967 est devenue une annee de reference pour les Quebecois. C'est, bien sur, l'annee de l'Exposition universelle a Montreal, mais c'est egalement l'annee qui marque un tournant dans l'histoire de la museologie quebecoise. Le gouvernement de l'Union Nationale, qui souhaite la creation d'un Musee de l'Homme du Quebec, commande une etude sur la situation des musees au Quebec a l'ethnologue Jean-Claude Dupont (Arpin et Bergeron 2001: 407-421). Le rapport qu'il depose au ministere des Affaires culturelles recommande plutot la creation d'un Institut national de la civilisation (INC). Le gouvernement adopte ce projet de musee national d'ethnologie et une premiere equipe se constitue, sous la direction de Jean-Claude Dupont. On retrouvera dans cette equipe Michel Gaumond du Service d'archeologie, Gerard Morisset du Service de l'inventaire general, Jean Trudel du Musee du Quebec, Jean Simard, Paul-Louis Martin et Robert-Lionel Seguin. Pour une foule de raisons, qui semblent tenir surtout au contexte de changement de gouvernement, le projet est finalement abandonne au debut de l'annee 1970. Ce n'est que quelques annees pius tard que le projet de l'INC se realisera a travers le projet du Musee de l'Homme d'ici (Bergeron, Allaire et Dupont 2002) qui deviendra le Musee de la civilisation (Bergeron 2002a). Bien que l'ambitieux projet de l'INC ne se realise pas immediatement, il n'est pas etonnant que Robert-Lionel Seguin soit associe au projet. A la fin des annees 1960, Seguin est devenu la reference dans le reseau des musees pour l'etude des objets ethnographiques.

Il faut egalement souligner la realisation par Seguin de trois expositions majeures en France. En 1976, il inaugure l'exposition consacree aux Catalognes et courtepointes de l'ancien Quebec au Musee national des arts et traditions populaires de Paris (11) et au Musee des beaux-arts de La Rochelle (12) en 1980. En 1979, on l'invite a nouveau a realiser une exposition intitulee Se vetir au Quebec (costume paysan quebecois au XIXe siecle) au Musee national des Arts et traditions populaires. Enfin, il presente en 1980 une exposition sur La couverture de lit du Quebec ancien au Musee des Beaux-arts de La Rochelle qui sera reprise au Musee regional de Vaudreuil-Soulanges (13). Dans les trois cas, ces expositions lui permettent de presenter les pieces de sa collection personnelle. Enfin, ces manifestations temoignent des liens qu'il entretient avec les ethnologues francais depuis le debut des annees 1960.

Marcel Brouillard indique dans la biographie qu'il consacre a Seguin que le directeur du Musee national des arts et traditions populaires de Paris, Jean Cuisenier, l'aurait motive a creer un musee d'ethnographie au Quebec.
 Jean Cuisenier n'a pas eu fort a faire pour convaincre Seguin qu'un
 musee d'ethnographie est aussi un laboratoire destine a etudier, a
 prospecter, a recueillir sur le terrain des renseignements vivants,
 susceptibles de mieux nous faire comprendre les mutations de notre
 societe, celle encore de nos grands-parents, de nos parents et la
 notre. A partir de cette annee-la, en 1973, il n'arretera jamais de
 revendiquer pour le Quebec un musee des arts et traditions
 populaires (1996: 115).


Ce reseau que Seguin developpe en France lui sera utile tout au long de sa carriere. Des libraires l'informent quand ils trouvent des ouvrages rares susceptibles de completer sa collection. De meme, des antiquaires recherchent pour lui des pieces originales (116).

Comme le souligne a juste titre Jean-Claude Dupont dans un article-synthese consacre a l'etude de la culture materielle, plusieurs ethnologues ont contribue au developpement de collections ethnographiques et a la creation de musees et de laboratoires de recherche en culture materielle.
 Ils voulaient creer des musees, des archives, des banques de
 photographies et de temoignages oraux, a la facon des fonds de
 documents historiques. La plupart de ces
 specialistes-collectionneurs ont laisse des donnees tres utiles de
 nos jours. Que feraient les specialistes de l'agriculture, des
 metiers et de la vie domestique, par exemple, s'il n'y avait pas le
 fonds Robert-Lionel Seguin? Et ou en seraient les etudes sur l'art
 traditionnel religieux et profane si les fonds documentaires de
 Marius Barbeau et de Gerard Morisset n'existaient pas? (1997: 27).


Dupont aurait tres bien pu multiplier les exemples d'ethnologues qui ont constitue des collections et qui ont oeuvre a la mise en place du reseau des musees au Quebec en citant la contribution de: Carmen Roy (Musee de l'Homme), Germain Lemieux (Centre franco-ontarien de folklore), Paul Carpentier (Musee du Quebec, Musee canadien des civilisations), Jean-Claude Dupont (INC, Musee de la civilisation), Bernard Genest (ministere de la Culture et des Communications), Paul-Louis Martin (Musee de Riviere-du Loup, CBC et UQTR), Richard Gauthier (Parcs Canada), Jean Simard (Institut national de la civilisation, museologie Universite Laval), Marcel Moussette (Parcs Canada, archeologie historique Universite Laval), Richard Dube (Musee de la civilisation), Rene Bouchard (art populaire, SQE), Jean Lavoie (Musee de Vaudreuil, CBC), Pierre Lessard (Parcs Canada), Michele Paradis (Musee des religions, Musee de culture populaire de Trois-Rivieres), Michel Lessard (UQAM, reseau des musees), Normand Lafleur (Trois-Rivieres), Francois Tremblay (Musee de la civilisation), Laurier Turgeon (Ethnologie Universite Laval, centre d'interpretation des Basques a Trois-Pistoles), Cyril Simard (CBC, reseau des economusees) ou Philippe Dube, (Parcs Canada, Musee de la civilisation, museologie Universite Laval). Avec le recul des annees, on constate que les ethnologues se sont engages de manier significative dans la recherche et l'acquisition de collections ethnographiques, de meme que dans leur mise en valeur dans le reseau des musees quebecois et canadiens.

A travers ces premieres experiences, Seguin decouvre que les musees permettent de diffuser des travaux scientifiques a un large public. L'exposition devient un espace de mediation entre le chercheur et le grand public. C'est ce qui motive Seguin a concevoir le projet de creation d'un musee des arts et traditions populaires quebecois a Trois-Rivieres. A ce propos, il souligne la necessite d'en faire un lieu d'expression de l'identite quebecoise: << [il] est beau de parler d'identite et de fierte, mais encore faut-il donner un sens a cette identite et a cette fierte. Comment parler de musee sans parler de conservation du patrimoine? >> (Seguin dans Dorion 1976: 8).

Malgre l'energie qu'il deploie pour realiser ce projet et malgre l'appui inconditionnel du recteur de l'UQTR, Gilles Boulet, il faudra attendre plus de vingt ans pour que le projet se realise. A titre de directeur general, Gilles Boulet inaugure finalement le Musee des arts et traditions populaires du Quebec a Trois-Rivieres le 26 juin 1996. Malheureusement, des la premiere annee, le nouveau Musee eprouve des difficultes financieres, de sorte que Gilles Boulet doit quitter un an plus tard (1997) (14). Apres plusieurs changements au niveau de l'administration, le Musee ferme ses portes en 1999 pour rouvrir au printemps 2003 sous un autre nom et un autre concept. Les raisons de cet echec sont difficiles a cerner, dans la mesure ou plusieurs facteurs ont contribue a la fermeture (15). Une chose est certaine, le projet initial de Seguin de creer un musee national d'ethnologie ne s'est pas realise. Cependant, on peut dire que le Musee de la civilisation se rapproche de ce que Seguin envisageait comme museologie. Lorsqu'on examine attentivement l'exposition permanente Memoires (16), on y retrouve les themes de recherche de Seguin ainsi que le type d'objets qu'il a collectionnes tout au long de sa carriere. D'ailleurs, l'exposition que le Musee de Trois-Rivieres consacra en 1996 a l'oeuvre de Seguin etait une des expositions preferees des visiteurs, qui y decouvraient ce personnage plus grand que nature.

Fortune critique

Robert-Lionel Seguin s'inscrit dans la continuite des grands chercheurs comme Barbeau, Lacourciere et Morisset. Cependant, il s'est tenu en marge des grands courants de recherche ; il les a le plus souvent devances. Bien qu'il ait cotoye Luc Lacourciere, fondateur des Archives de folklore de l'Universite Laval, et ses collaborateurs preoccupes par la cueillette et l'etude des faits de folklore, Seguin a choisi de poser son regard sur les objets de la culture materielle. Il a ouvert un champ dont Barbeau, Massicotte et Morisset avaient deja revele les pistes.

Bien que la position de Seguin ait ete critiquee par plusieurs historiens lors de l'edition de sa premiere these sur l'Habitant en 1967, on a pu constater que sa preoccupation pour la culture materielle et par consequent pour la vie quotidienne a transforme la discipline historique. Au milieu des annees 1970, de nombreux historiens commencent a s'interesser a la vie sociale et a la vie quotidienne. Je pense aux historiens de l'Universite Laval qui s'associent aux travaux des ethnologues dans le cadre du CELAT. Aujourd'hui, les historiens ne remettraient plus en question l'interet de travailler sur des problematiques qui permettent de mieux comprendre les dynamiques de la vie quotidienne et de la culture populaire. En ce sens, les efforts de Seguin auront porte fruit.

Tout au long de sa carriere, Seguin se revele comme un chercheur et un communicateur de premier plan. Il ne cache d'ailleurs pas sa position comme nationaliste engage. Il recoit plusieurs distinctions, dont le Prix de l'Association des hebdomadaires de langue francaise du Canada en 1953, le Prix du gouverneur general en 1968, le Prix Broquette-Gonin de l'Academie francaise, le Prix France-Quebec et finalement le Prix Duvernay (Medaille Benne Morenti de patria) decerne par la Societe Saint-Jean-Baptiste de Montreal. De plus, Seguin est recu membre de Ia Societe royale du Canada, de la Societe des dix, de la Societe internationale d'ethnologie et de folklore (Paris) et de la Societe academique de l'Oise (Beauvais). Il n'est pas surprenant que le gouvernement du Quebec ait cree en 1984 le Prix Robert-Lionel-Seguin, decerne annuellement, pour souligner la contribution exemplaire d'une personne qui a oeuvre dans le domaine de la sauvegarde et de la mise en valeur du patrimoine bati (www.culture-quebec.qc.ca).

Seguin a realise une carriere universitaire particuliere. Apres sa these de doctorat sur l'Habitant, on imagine qu'il aurait pu faire carriere a l'Universite Laval en developpant le champ de la culture materielle comme l'avait deja fait Lacourciere pour les traditions orales. Pourtant, Seguin ne trouvera jamais vraiment sa place a Laval. Il faudra attendre l'arrivee de Jean-Claude Dupont et de Jean Simard au debut des annees 1970 pour que ce secteur de la culture materielle connaisse un veritable developpement a l'Universite Laval. Seguin trouvera plutot sa place a I'UQTR, ou il met en place un centre de recherche sur la civilisation traditionnelle. Ce passage a L'UQTR se termine mal pour Seguin. Des tensions se developpent avec les historiens de l'UQTR, de sorte que Seguin se voit en quelque sorte force de donner sa demission. Jean Simard rappelle cet episode difficile en soulignant la contribution unique de Seguin a l'histoire culturelle du Quebec.
 En 1980, Seguin demissionne de ses fonctions de professeur parce
 que ses collegues avaient majoritairement vote pour lui retirer
 toute tache d'enseignement. Le mepris auquel fait allusion Seguin
 au terme de sa lettre semble lui avoir survecu puisque, 14 ans
 apres sa mort survenue en 1982, lesdits collegues se sont fait
 rarissimes a l'ouverture officielle du musee consacre a l'oeuvre de
 sa vie. Pourtant cet ethnologue aura dote Trois-Rivieres et tout le
 Quebec du plus important corpus d'archives de la vie materielle de
 notre peuple. C'est a Gilles Boulet, devenu le premier directeur de
 ce musee, que nous devons la realisation du reve de Seguin (1996:
 149).


Le centre de recherche sur la civilisation traditionnelle n'a malheureusement pas survecu a Seguin. Cependant, l'idee de creer un musee des arts et traditions populaires a fait son chemin, grace a son ami Gilles Boulet. Malgre tous les efforts de Gilles Boulet, le projet d'un musee des Arts et traditions populaires n'a pas donne les resultats attendus. Les choses auraient certainement ete differentes si le Musee avait vu le jour a la fin des annees 1970, alors que l'ethnologie et l'interet pour la culture materielle atteignaient un large public. Aujourd'hui, le Musee de culture populaire de Trois-Rivieres fait peu de place a la recherche sur les collections et la culture quebecoise. Seguin imaginait plutot un musee sur le modele des arts et traditions populaires de Paris, qui integre le centre d'ethnologie francaise. Quoi qu'il en soit, la collection Seguin est toujours conservee au Musee quebecois de culture populaire ou elle reste accessible aux chercheurs et aux museologues.

Sans qu'il ait souhaite faire carriere comme museologue, Seguin a consacre une grande partie de sa carriere aux musees. Il a participe a des projets importants et il a finalement constitue les bases de ce qu'allait devenir le Musee des Arts et traditions populaires du Quebec. Par l'originalite de ses travaux, il a inspire et contribue a la formation de toute une generation de chercheurs en culture materielle et d'ethnomuseologues.

Bien qu'il soit decede il y a plus de vingt ans, les ouvrages de Robert-Lionel Seguin demeurent des references incontournables. On est en face d'une oeuvre qui a franchi la barriere du temps et qui demeurera une balise, au meme titre que l'oeuvre de Marius Barbeau ou de Luc Lacourciere.

Si j'avais a qualifier l'oeuvre de Seguin, je dirais qu'il apparait comme le premier ethnohistorien du Quebec et l'un des premiers museologues de la culture materielle. D'ailleurs, on l'a souvent qualifie d'historien de l'homme du Quebec pour le distinguer des historiens qui l'ont peu reconnu en raison de ses interets et de son engagement pour la connaissance du patrimoine quebecois. Heureusement, le patrimoine est revenu a l'honneur dans les milieux universitaires depuis le depot par le groupe-conseil, sous la presidence de Roland Arpin, d'une proposition de politique du patrimoine culturel (Notre patrimoine, un present du passe ... 2000).

En fait, Seguin est venu a l'ethnologie par le biais de l'histoire et ce passage a laisse des traces profondes dans ses travaux. C'est pourquoi son oeuvre se situe dans une zone frontiere entre l'histoire, l'ethnologie

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Yves Bergeron

Musee de la civilisation, Quebec

(1.) J'ai d'ailleurs consacre en 1984 un texte a Seguin alors que je co-dirigeais la revue Culture & Tradition et que nous preparions deux numeros consacres a des chercheurs ayant marque l'histoire du folklore et de l'ethnologie. Pour ceux qui etudiaient alors en ethnologie, et plus particulierement en culture materielle, Seguin constituait une reference incontournable. Son deces en 1982 nous a motives a inscrire son nom avec trois autres << monuments >> de la discipline (Marius Barbeau, Edouard-Zotique Massicotte et Luc Lacourciere) dans le premier numero de la revue consacre a des portraits d'ethnologues canadiens (Bergeron 1984: 111-125).

(2.) J'ai deja aborde ces liens entre l'ethnologie et la museologie dans Ethnologies (Bergeron 2002b : 47-77).

(3.) Radio-Canada realisa d'ailleurs un documentaire sur la vie et l'oeuvre de Seguin ayant pour sous-titre << Historien de l'homme du Quebec >>.

(4.) Aujourd'hui Musee national des beaux-arts du Quebec.

(5.) Aujourd'hui Musee canadien des civilisations, Gatineau.

(6.) Cette these de 970 pages a ete publiee en deux volumes en 1989.

(7.) Jean-Claude Dupont a participe a l'edition de deux ouvrages de Seguin, L'equipement aratoire et horticole du Quebec ancien (XVIIe, XVIIIe et XIXe siecles) et La danse traditionnelle au Quebec.

(8.) La contribution de Gilles Boulet a l'ethnologie et a la museologie a ete ignoree jusqu'ici, mais une etude devoilerait le role majeur qu'il a joue a la fois dans la communication de l'histoire en participant a la creation du journal Boreal Express, et dans le developpement de l'ethnologie a l'UQTR, car c'est lui qui a engage Seguin au debut des annees 1970 et qui lui a apporte son support pour la realisation de son centre de recherche. Boulet sera l'acteur cle dans la realisation du projet d'un Musee des arts et traditions populaire du Quebec a Trois-Rivieres.

(9.) On pourra consulter l'ouvrage suivant, paru chez Dunod, qui est devenu une reference pour l'enseignement de la museologie: La museologie selon Georges Henri Riviere, 1989.

(10.) Les expositions a la Maison Chevalier etaient sous la responsabilite du Musee du Quebec.

(11.) Musee national des arts et traditions populaires de Paris, 26 avril-30 juin 1976.

(12.) La Rochelle, Musee des beaux-arts et Musee du Nouveau-Monde, 27 juin-31 aout 1980.

(13.) Le Musee regional de Vaudreuil-Soulanges publia un catalogue de l'exposition qui est une reprise du texte publie a La Rochelle en 1980: La couverture de lit du Quebec ancien, s.d.

(14.) Gilles Boulet decede le 9 octobre 1997.

(15.) Les analyses ont demontre que le ministere de la Culture avait accepte d'investir dans l'immobilisation, mais que le financement accorde par le gouvernement du Quebec ne permettait pas au musee de fonctionner normalement. Ce probleme de sous-financement au fonctionnement avait ete souleve a maintes reprises par Gilles Boulet au ministere de la Culture.

(16.) Seguin aurait certainement ete d'accord avec le comite scientifique de l'exposition forme d'historiens et d'ethnologues qui choisit l'axe de la memoire pour presenter la culture quebecoise. et la museologie. Heureusement, ces frontieres tendent aujourd'hui a disparaitre. S'il etait toujours present, on pourrait dire de Seguin qu'il s'inscrit dans la vague de cette nouvelle science des civilisations, la culturologie (Remaud 2003). Je crois que dans quelques annees, on verra probablement Seguin comme un historien de la culture quebecoise.
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