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文章基本信息

  • 标题:Musique des jeunes: entre nous et le monde, des avenirs.
  • 作者:Jewsiewicki, Bogumil ; Letourneau, Jocelyn
  • 期刊名称:Ethnologies
  • 印刷版ISSN:1481-5974
  • 出版年度:2000
  • 期号:January
  • 语种:English
  • 出版社:Ethnologies
  • 摘要:La musique, c'est un truisme de le rappeler, constitue l'un des canaux les plus employes et apprecies par l'humain pour rendre et exterioriser ses bonheurs et ses malheurs, ses transcendances et ses decheances, ses experiences et ses attentes. La musique est au coeur de l'expression de soi en meme temps que de la communication interpersonnelle. Elle est vehicule identitaire tout autant que maniere d'interagir avec l'autre prochain ou lointain, et ce en usant d'un repertoire de signes bien plus universels que les mots -- encore que l'usage croissant d'une forme banalisee, voire chatiee, de l'anglo-americain ( desesperanto d'un monde en voie de globalisation ?) oblige a nuancer singulierement cette affirmation.
  • 关键词:Ethnomusicology;Music and society;World music

Musique des jeunes: entre nous et le monde, des avenirs.


Jewsiewicki, Bogumil ; Letourneau, Jocelyn


Le monde de demain Quoi qu'il advient nous appartient (NTM, band de Saint-Denis, France)

La musique, c'est un truisme de le rappeler, constitue l'un des canaux les plus employes et apprecies par l'humain pour rendre et exterioriser ses bonheurs et ses malheurs, ses transcendances et ses decheances, ses experiences et ses attentes. La musique est au coeur de l'expression de soi en meme temps que de la communication interpersonnelle. Elle est vehicule identitaire tout autant que maniere d'interagir avec l'autre prochain ou lointain, et ce en usant d'un repertoire de signes bien plus universels que les mots -- encore que l'usage croissant d'une forme banalisee, voire chatiee, de l'anglo-americain ( desesperanto d'un monde en voie de globalisation ?) oblige a nuancer singulierement cette affirmation.

C'est donc a partir de ces hypotheses d'ordre general que nous avons initie la production de cette livraison speciale d'Ethnologies.

Le lecteur sera peut-etre interesse a savoir que la realisation du present numero marque le point final d'un projet de recherche amorce il y a quelques annees et portant sur lae question fort actuelle des expressions identitaires en contexte de mondialisation.

Finance par le CRSH et le FCAR(1), ce projet a donne lieu a plusieurs publications individuelles ou conjointes auxquelles ont participe de nombreux etudiants (Jewsiewicki 1995 ; Jewsiewicki et Letourneau [dir.] 1998 ; Letourneau [dir.] 1997 ; Demers 1999 ; Leblanc 1999).

S'il est une conclusion d'ensemble qui ressort de ces travaux, c'est que les processus actuels de mondialisation n'annihilent absolument pas les dynamismes locaux d'expressions identitaires. Ils contribuent cependant les reactualiser dans leurs significations. Ils les infusent de meme de nouveaux rythmes, langages, sonorites, gestuels, etc. C'est ainsi qu'entre le local et le mondial s'etablissent des ponts, certains revivifiants, d'autres destructurants, qui participent de la refondation continuelle des groupements humains dans une dialectique complexe de referents melant tradition et evasion, ce qui est assurement facteur de transition des communautes vers des lieux culturels mutants et mouvants ou s'effectuent concretement les pertes et gains de sens grace auxquelles ces communautes se redefinissent dans un rapport tout a la fois alienant et liberateur de reconnaissance et de distance par rapport a elles-memes (Letourneau 1998, 2000).

C'est dans ce contexte compose d'ici et d'ailleurs, d'heritage et d'emancipation, de mise en scene et de production du soi et du nousautres dans le theatre de la contemporaneite et de la mondialite et par rapport a lui, que l'on peut saisir toute la richesse sociale, culturelle et identitaire de la musique des jeunes -- ce qui est bel et bien l'objet de ce numero thematique.

A cet egard, le point de vue qui est le notre se presente ainsi:

Si les musiques du monde -- celles que les jeunes ecoutent, auxquelles ils dansent et au rythme desquelles ils vivent la mondialite -- organisent le champ de leurs experiences et sensibilites esthetiques, elles devoilent aussi l'horizon de leurs attentes. Pour cette raison, il est essentiel d'interroger ces musiques dans leur plus large registre de significations nouvelles. Or les praticiens des sciences sociales ont souvent tendance a saisir la culture des jeunes d'aujourd'hui a partir d'un repertoire de references vieillies, soit les leurs, celles qui dominaient l'univers culturel occidental il y a une trentaine d'annees. Il s'agit la d'un anachronisme malheureux. C'est que les jeunes du monde se pensent aujourd'hui -- et pensent le monde en meme temps -- en termes de world beat et de world music. Leur univers musical, et par la leur univers social, est polyrythmique et polysemique, tout comme leur maniere d'aborder le monde est plurielle. C'est cette realite composite qu'exprime la formule suivante fabriquee a partir d'extraits de paroles de musique citees dans ce dossier : quand la realite te frappe (Dragusanu, p. 106), entre nous et le monde (Kalulambi, p. 130), l'avenir est illimite (Dragusanu, p. 113), meme si le passe ne meurt jamais (Hadj Miliani, p. 240).

Les musiques actuelles du monde offrent aux jeunes une glossolalie fin de siecle (ou debut de millenaire). Elles leur donnent le pouvoir de parler une langue, celle de la musique portable -- quel jeune d'aujourd'hui n'est pas accoutre d'un walkman, diskman ou autre kit electronico-deambulatoire ? -- qui est toutes les langues, maniere d'habiter et de communiquer dans l'univers globalise et d'inventer simultanement leur universel pluriel. La ou ils sont, les jeunes ne veulent plus avoir statut symbolique d'immigres en attente d'integration ou de deportation. Pour eux comme pour Django Reinhardt, l'un des plus grands jazzman du XXe siecle, cela laisse la possibilite d'etre autre chose -- pas autre chose a la place en meme temps (cite par Williams 1998 : 18).

A vrai dire, notre postulat a ete et demeure simple : au lieu d'attendre que les jeunes viennent s'exprimer la ou la societe etablie voudrait dialoguer avec eux, il faut aller les ecouter, echanger avec eux si possible, la ou ils debattent, avec leurs codes communicationnels, de ces questions fondamentales pour eux, y compris leur eventuel mal d'etre dans le present et leur difficulte d'habiter un avenir qui soit en situation de continuite et de rupture avec un passe etabli.

Dans la societe occidentale, la poesie a longtemps ete un genre d'expression -- et par-la un espace social -- ou etaient testees les limites du possible, du dicible et du concevable, et ce tant sur le plan esthetique qu'existentiel. Or, depuis au moins une dizaine d'annees, la musique, plus precisement les musiques de jeunes, sont devenues ce lieu incubatoire de nouvelles formes de communication, d'interaction et d'enonciation culturelle. La manchette frontispice de L'Evenement du jeudi, dans son edition du 30 mars 2000, etait on ne peut plus eloquente a cet egard : Rap, le triomphe des nouveaux poetes . Dans notre esprit, les musiques de jeunes semblent partager, avec les poesies de diverses avant-garde, ce potentiel de confrontation positive avec la societe etablie desireuse de convertir, a ses registres eprouves de sens, toute nouveaute emergente. Or il y a la situation digne d'interet et non pas, comme on le pretend souvent, peril en la demeure.

Depuis longtemps, probablement depuis que l'Occident a interiorise cette invention de la Revolution francaise voulant que le peuple majoritaire soit fondement de la souverainete du pouvoir d'Etat, le savoir social s'est construit sur un double malentendu. La lecture de 1' autre , qu'il soit d' ici (etranger interne) ou d' ailleurs (etranger tout court), envisage celui-ci a distance de ce qui est presume ou impose comme etant la norme. On verra dans cette facon de faire une lecture anthropologique du particulier. C'est ainsi que la perception politique de ce que fait l' autre le reduit a la somme des tactiques qu'il est susceptible de mettre en oeuvre pour survivre envers et contre l'ordre et la norme. Dans ce contexte interpretatif, l' autre n'est finalement capable de reagir qu'aux actions du centre politique. Et il est repute le faire habituellement mal.

C'est precisement sous cet angle derogatoire , soit celle de la reaction et de la provocation a l'endroit de la societe etablie, que sont envisagees les musiques de jeunes, les univers qu'elles dessinent et les regles d'etre qu'elles vehiculent. Ces musiques sont en effet apprehendees comme des agissements de frange, de marge contre le centre dont elles convoiteraient la position. Or la consequence de cette lecture politique des musiques de jeunes est evidente. Elle entraine un refus de l'autonomie, de la personnalite et de l'independance des bands, c'est-a-dire des groupes jeunes, un refus aussi des espaces sociopolitiques faconnes par eux a tatons de meme que des esthetiques elabores par eux dans leurs musiques, esthetiques qui sont autant de facon de se projeter dans de nouveaux modes d'etre culturels et existentiels, y compris par l'entremise d'une esthetique des corps (piercing, tatouages, coloration vive des cheveux, etc.).

Pourtant, plus souvent qu'on ne le pense, les musiques des jeunes ne sont pas reactives a l'egard du centre ou par rapport a la majorite normative. Elles sont des creations autonomes qui retravaillent, reactualisent et reorientent de nombreux elements d'une culture commune. Elles sont un apport positif, voire necessaire, au renouvellement des societes etablies. Plus encore, elles participent de la recreation de ces societes, voire l'appellent ou la precedent. N'est-ce pas ce que voulait signifier Claude Sirce, leader des Fabulous Troubadours de Toulouse, en France, en declarant : Ce n'est pas la banlieue qui a invente le rap, mais le rap qui a invente la banlieue (cite dans Askolovitch et Nassif 2000 : 9).

De region en region de la francophonie, depuis l'Europe centrale et orientale jusqu'au Congo en passant par Montreal et Paris, les musiques aident les jeunes a vivre un monde (des mondes) qu'ils veulent different(s) et qu'ils sont desireux de reinventer. L'une des caracteristiques de ce(s) monde(s), identifiee par Denis-Constant Martin a partir d'une minutieuse analyse du gospel afro-americain (Martin 1998 : 98), reside dans l'ambiguite entre l'amour humain et l'amour divin -- ou entre la relation amoureuse et le rapport social, comme l'ecrit Dessislav Sabev dans ce dossier.

Les musiques de jeunes, dans la grace de leurs paroles mises en rythme et en sons, doivent etre prises pour ce qu'elles sont, soit des conversations sur le monde, sur son avenir et son passe. Les musiques de jeunes sont affaires complexes. Certaines suscitent des reactions alors que d'autres se perdent dans l'indifference des fans et des matches. Certaines sont entendues, d'autres ignorees. Certaines s'imposent rapidement pour s'etioler vitement dans l'ephemere des modes. D'autres, anonymes au depart, se revelent vivaces par leurs sonorites et messages. Elles restent a la disposition des uns ou des autres pour solutionner des ordres de problemes dont l'avenement ou le surgissement demandent une autre interpretation du monde.

A cet egard, le texte de Dominique Caubet se revele interessant pour ce dossier. L'auteure montre en effet la migration tranquille, mais profonde, de formes musicales etrangeres vers le centre repute de l'esthetique francaise, formes que ce centre voudrait bien maintenir comme marginales. Si les musiques d'inspiration et d'execution maghrebines sont aujourd'hui de plus en plus acceptees par la societe francaise, c'est que leur incorporation a la culture populaire francaise est en devenir. Pareille ingestion culturelle n'est d'ailleurs pas exceptionnelle. Cela est arrive maintes fois aux groupes et cultures d'immigration. Aux dires de Caubet, l'acceptation, par de jeunes banlieusards francais, d'expressions provenant de l'arabe et de ses nombreux dialectes serait possiblement indicative d'une mutation structurelle du bagage culturel commun de la jeunesse francaise. Si de nouvelles recherches venaient confirmer les hypotheses de Caubet, le present dossier trouverait egalement sa pertinence, fort de son postulat voulant qu'il n'y ait d'identite que dans le renouvellement et le melange(2).

(1) J. Letourneau, B. Jewsiewicki, Conscience d'appartenances. Entre l'histoire et le present, l'individuel et le collectif, le local et le global, sur le mode narratif et performatif , subvention CRSH, 1995-1998 ; J. Letourneau, B. Jewsiewicki, G. Breton, Entre la mondialisation et l'individuation : Horizons de l'Etat-Nation contemporain , subvention FCAR-equipe, 1994-1997.

(2.) Comme le rappelait a juste titre Denis-Constant Martin (1999).

References

Askolovitch, C., et P. Nassif, 2000, Rap. La victoire des nouveaux poetes , L'Evenement du jeudi, 20, 30, juin 2000 : 9.

Demers, Frederic, 1999, Celine Dion et l'identite quebecoise. La petite fille de Charlemagne parmi les grands . Montreal, VLB.

Jewsiewicki, Bogumil, 1995, Mots savants, paroles indisciplinees et musiques pop : quelques reflexions sur la normalisation des memoires : 95-112, dans Jacques Mathieu (dir.), La memoire dans la culture. Quebec, Presses de l'Universite Laval.

--, et Jocelyn Letourneau (dir.), avec la collaboration d'Irene Hermann, 1998, Les jeunes a l'ere de la mondialisation. Quete identitaire et conscience historique. Sillery, Septentrion.

Leblanc, Genevieve, 1999, Felix Leclerc en tant que figure rassembleuse d'une communaute memorielle. Incursion au coeur du pantheon franco-quebecois [memoire de maitrise]. Departement d'histoire, Universite Laval.

Letourneau, Jocelyn (dir.), 1997, Le lieu identitaire de la jeunesse d'aujourd'hui. Etudes de cas. Paris, L'Harmattan.

--, 1998, La nation des jeunes : 411-430, dans B.Jewsiewicki et J. Letourneau (dir.), Les jeunes a l'ere de la mondialisation. Quete identitaire et conscience historique. Sillery, Septentrion.

--, 2000 [a paraitre], Passer a l'avenir. Histoire, memoire, identite dans le Quebec d'aujourd'hui. Montreal, Boreal.

Martin, Denis-Constant, 1998, Le gospel afro-americain. Des spirituals au rap religieux. Paris, Cite de la musique/Actes sud.

--, 1999, Recension du livre de P. Williams, Django, parue dans Ethnologie francaise, 29, 1 (1999) : 146-148.

Williams, P., 1998, Django. Marseille, Parentheses.
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