Les milieux fluviaux et humides en vile, du dent a la reconnaissance de paysages urbains historiques.
Dournel Sylvain ; Sajaloli Bertrand
En moms de quatre decennies, les milieux fluviaux et humides des
villes occidentales sont passes du statut d'espace repulsif et
marginal a celui d'element patrimonial, convoitipar les societes
urbaines. Les nombreux dispositifi reglementairesfrancais attaches a
leurs qualites ecologiques, paysageres et culture/les en temoignent: la
vallie de l'Erdre en region nantaise ct/es marais de Bourges sent
classes au titre de la loi de 1930 quand les rives du Lojreta Orleans a
le vieux-centre de Chalons-en-Champagneforment des aires de mise en
valeur de l'architec-ture et du patrimoine. En outre, les quais de
la Seine a Paris, ceux de la Garonne a Bordeaux, les cites historiques
de Lyon et d'Albi, le Val de Loire sent autant de sites d'eau
inscrits au patrimoine de l'uNEsco. Notre article cherche a
comprendre l'actuel engouement patrimonial des citadins pour les
milieux d'eau, relaye aujourd'huipar le developpement de
projets urbains attaches a leur requalification esthetique et
fonctionnelle. Dans cette perspective, nous focalisons notre etude sur
plusieurs cites d'eau du Bassin parisien (Amiens, Bourges, Cha
Ions-en-Champagne, Evreux, Orleans, Tours, Troyes) pour y entreprendre
une etude geohistorique, diachronique et dyna-mique, dans un double
object-if D'un cote, il s'agit d'y reperer et de
theoriser les types de rapports a l'eau qui se sent developpes dans
le temps et glans l'espace, afin de souligner le caractire
historique a socioculturel des milieux cites conditions de leur
patrimonialisation. De l'autre, notre but est de dicrypter la
formation des paysages d'eau singuliers des villes itudiees,
heritage d'une histoire et de faconnements specifiques. Etroitement
associes a Ia ville, les milieuxfluviaux et humides participent la
constitution de la notion de patrimoine urbain.
In less thanfour decades, waterways and wetlands of Western cities
have been moved from marginal and repellent zones to attractive spaces
for urban societies. Numerous French directives concerning their quality
in terms of ecology, culture and landscaping are testifying this fact.
The 1930 protective laws concern the Erdre valley in the Nantes region
as well as the marsh of Bourges. On the Loiret River in Orleans and in
the old town centre of Chalons-en-Champagne, river banks have become
part of areas of valorisation of architecture and heritage (i.e.
ZPPAuP). Also the quays of the Seine in Paris and of the Garonne in
Bordeaux, as well as the cities of Lyon and Albi, le Val de Loire are
water landscapes registered in UNESCO. This paper tries to understand
the actual interest in heritage of water landscape by the inhabitants.
This attraction is replaced by the developments of urban projects on the
aesthetic and functional requalification. We willfilcus this study on
cities in the Parisian area (Amiens, Bourges, Chalons-en-Champagne,
Evreux, Orleans, Tours, Troyes ...) to produce a geohistoric, diachronic
and dynamic study. There are two objectives: on one side to identih and
theorising the relationship with water across time and space in order to
highlight the historical and sociocultural importance of water landscape
and the conditions of their inscription in the local heritage; on the
other side to decipher the water landscape in the studied cities through
the specificity of their history and realisation. This document uses
works of historians and geographers, archives and interviews with local
actors. Closely related to the city, the waterways and wetlands allow a
new understanding of urban heritage.
Introduction
En mains de 40 ans, les milieux fluviaux et les zones humides des
villes d'Europe occidentale sont passes d'espaces repulsifs et
marginaux a objets patrimoniaux revendiques par les socie-tes urbaines.
Initiee en Arnerique du Nord durant les annees 1960 (1), relayee au
Royaume-Uni (2) puis en Europe rhenane (3) dans les deux decennies
suivantes, cette dynamique de rehabilitation ne touche la France que
dans les annees 1990. Elle accom-pagne alors les nombreux dispositifs
reglementaires s'appli-quant aux patrimoines ecologiques, paysagers
et culture's des lieux d'eau urbains. Les marais d'Isle a
Saint-Quentin (Aisne) et l'ile du Rohrschollen dans
l'agglomeration strasbourgeoise comptent parmi les premieres
reserves naturelles intra-urbaines. De meme, plusieurs perimetres de
sites Natura 2000 recoupent le trace de corridors fluviaux jusqu'en
cur de ville, comme Angouleme, Pau, Toulouse et Tours. Par ailleurs, la
vallee de l'Erdre en region nantaise et les marais de Bourges sont
classes au titre de la loi de 1930 (4) pour leurs qualites culturelles,
his-tongues, naturelles et paysageres quand les rives du Loiret Orleans
et le vieux-centre de Chalons-en-Champagne forment des aires de mise on
valeur de l'architecture et du patrimoine (5). Enfin, les quais de
la Seine a Paris, les quais de la Garonne a Bordeaux. les cites
historiques de Lyon et d'Albi, le Val de Loire sont
aujourd'hui des sites inscrits sur la Liste du patrimoine mondial
de l'humanite dans lesquels l'element fluvial est
syste-matiquement preponderant.
L'objectif de ce travail est de cerner l'actuel
engouement des citadins et des acteurs urbains frangais pour les milieux
d'eau et de le relier aux multiples projets de requalification
urbaine (6) a portees patrimoniale, esthetique et fonctionnelle (7).
Dans cette perspective, deux thematiques sont successivement explorees
scion une demarche geohistorique, diachronique et multis-calaire. La
geohistoire des milieux d'eau (I) est examinee a partir dune
vingtaine de villes du Bassin parisien clothes d'un riche
patrimoine fluvial alors que le poids du local, celui des singularites
culturelles et morphologiques, est envisage pour les seules villes
d'Amiens et d'Orleans. De meme, la requalification de ces
espaces humides (II), lcur patrimonialisation urbaine, sont d'abord
considerees a l'echelle de rechantillon urbain tout entier, puis,
avec davantage de details, au sein des deux cites ligerienne et
samarienne. La methodologie retenue a non seulement recours aux travaux
d'archeogeographes, d'archivistes-paleographes, de geographes
et d'historiens, mais encore, a plus grande echelle, aux documents
d'archives et d'urbanisme, a des entretiens aupres
d'acteurs locaux et a des releves de terrain. Elle signe Line
approche qui, par le truchement des milieux fluviaux et de lours annexes
hydrauliques, fournit des elements de comprehension de la notion de
patrimoine urbain et des politiques qu'elle motive.
Geohistoire et singularites des paysages de lean en ville
Les cours d'eau et leurs zones humides urbaines composent des
paysages a fort contenu naturel et a biodiversite elevee qui tranchent
avec la mineralite du cadre urbain environnant. Petris d'homme et
de nature, ces paysages sont des contextual phenomenons (8) en raison de
leurs formes et de leurs contenus qui relatent la trajectoire historique
des milieux d'eau urbains (9) mais aussi leurs singularites
culturelles et morphologiquesm (10). Geohistoire des milieux d'eau
urbains de la naissance des cites au XIX[e] siecle
La vingtaine de villes du Bassin parisien (fig. 1) constitue un
echantillon coherent pour apprehender l'histoire generale des
milieux d'eau urbains (11). Ces cites, dynarniques des
l'Antiquite, se sont developpees selon des etapes chronologiques
similaires dans lesquelles le cours d'eau a ete un des moteurs de
l'urbaniter (12). Aujourd'hui, cc sont surtout des
agglomerations de taille moyenne, rneme si les plus grandes comme Caen,
Orleans, Reims, Rouen et Tours depassent 200 000 habitants. Toutes
integrent, voire privilegient, la requalification de leurs heritages
fluviaux dans leur projet de renouvellement urbain. Ces villes
rassemblent donc plusieurs elements comparatifs pour engager une
histoire generale des milieux d'eau urbains de la formation des
cites au debut du xIx[e] siecle.
[FIGURE 1 OMITTED]
Le travail d'A. Guillerme (13), qui sort de cadre a la
reflexion, a ete complete en proposant Line lecture geographique des
temps de Pew, en partie implicite chez l'auteur, selon un gradient
ville-campagne integrant la croissance urbaine (fig. 2). En
recontex-tualisant geographiquement les heritages, cette lecture fournit
un modele spatial adosse au modele temporel et permet ainsi
d'inscrire la reflexion patrimoniale dans l'espace urbain.
Figure 2: Ville et espaces en eau: heritages
geohistorigues (ix[e]-debut du XIX[e]. s.)
Etat Objet Trace
disparu Portus curoligien Activit agro-pastorales
diseret Edifientions de moraines Hydraulique urbnine
present MOULINS Reseau d'eau eourante
[FIGURE 2 OMITTED]
Lemergence des villes depend pour une bonne part des fleuves et
rivieres dans la mesure ou le reseau hydrographique dessina en grande
partie l'armature urbaine nationale (14). Les cours d'eau, qui
se pretent par essence au transport, torment des axes de communication
privilegies. Toutefois, les conjonctures politiques, militaires et
economiques ainsi que les innovations techniques contribuerent a
modifier les rapports dans le temps et dans l'espace entre ville et
eau. On peut ainsi, selon le modele dA. Guillerme, distinguer cinq temps
de l'eau: les villes sacrees, l'enchatellement, les petites
Venise, le no man's land et les vapeurs (fig. 2).
Du Bas-Empire romain (270-430) au xi[e] siecle, la fonction sacree
puis militaire de l'eau marque la ville et les paysages urbains. La
cite, repliee sur elle-merne en castrum, trouve dans l'eau un
element de defense (15) avec le creusement de fosses paralleles aux
remparts. Apres le xie siecle, le contexte defensif evolue et, a
l'image de Rouen, Reims, Amiens ou Chalons-en-Champagne, la
creation de denses reseaux hydrauliques accompagne la croissance
urbaine. En outre, cette trame de canaux fournit la ville une ressource
alimentaire avec le developpement de pecheries (16) alors que les marais
proches supportent de prosperes activites agropastorales. Desormais, la
ville s'approprie l'eau, la faconne a sa guise et englobe les
anciens marecages. Si elle etait un element exterieur et peripherique de
la ville gallo-romaine, elle fait partie integrante du paysage de la
ville medievale. Le reseau hydrographique local devient un moteur
economique de l'urbanisation. Beaucoup d'activites liees a
l'eau se developpent, telles la minoterie, l'artisanat textile
(tissage, teinture) et la tannerie. De veritables cites lacustres se
constituent, dont Amiens, Chalons-en-Champagne et Troyes sont des
exemples remarquables. Au xitE' siecle, l'eau est donc dotee
dune gamme de fonctions diverses alimentaire, militaire, de transport et
de communication, energetique et de matiere premiere pour
l'artisanat (17). Cette revolution artisanale, organisee et
echelonnee dans le temps, constitue le veritable age d'or de
l'eau en ville. II fonde l'image des petites Venise. La guerre
de Cent Ans marque Line rupture dans les rapports entre l'eau et la
ville et cree un no man's land. De nouvelles fortifications sont
erigees afin de proteger la cite medievale recemment etendue. L'eau
reprend ainsi de plus belle sa fonction militaire mais si
l'extension des douves permet une protection plus optimale des
remparts, elle perturbe aussi l'alimentation du reseau
hydrographique intramuros: la baisse du debit des rivieres periurbaines
favorise en effet la stagnation des ecoulements. Jusqu'au debut du
xix[e] siecle, l'humidite joue un role fondamental dans
l'econo-mie urbaine, plus precisement clans l'activite
textile. Si les villes ont conserve leur patrimoine energetique herite
du haut Moyen-Age, elles profitent egalement de l'eau comme element
chimique essentiel a la fermentation, comme agent mecanique necessaire a
la detente des fibres ou ala tension de l'appret. On parle alors
d'economie fongique, c'est le temps des vapeurs. Du xive au
xvi[e] siecle, la densification du reseau hydraulique local sert
principalement au blanchiment des pieces de toile et accessoirement a
l'irrigation des prairies ou au jardinage. Les eaux dormantes
favorisent en parallele la transformation des peaux et du papier. Cette
nouvelle fonction de l'eau est a l'origine dune specialisation
socio-spatiale de la ville avec des quartiers-palustres de marchands,
d'artisans, de blanchisseurs et de maraichers. Mais, la
conservation de l'humidite et le deversernent d'immondices
dans le reseau hydraulique provoquent parallelement le developpement de
fievres et de maladies. Les miasrnes tendent de plus en plus a etre
combattus alors que l'hygienisme, oppose depuis deux siecles aux
eaux stagnantes, connait ses premiers succes: a Caen, au Mans (18), dans
la majorite des villes etudiees, les premiers travaux d'enterrement
du reseau hydraulique, de comblement des douves et d'assechement
des marais intra-urbains (19) surviennent des le XVIII[e] siecle.
A cette chronologie des modes urbains de valorisation de l'eau
s'adjoint une evolution des modes de repartition de ces activites
selon un gradient ville-campagne complexe et changeant. Si le premier
fait marquant (fig. 2) est l'extension urbaine, elle ne
s'accompagne pas d'un simple rejet peripherique des marais. En
effet, chaque periode connait un agencement specifique des terres
humides et de leurs usages. Aux temps des villes sacrees, les noyaux
urbains, secs et mineraux, s'opposent aux franges marecageuses a
vocation religieuse. Durant l'enchatellement, si le marais draine
gagne l'interieur des enceintes, les peripheries defensives
conjuguent vastes espaces palustres et larges fosses remplis d'eau
alors que les activites agropastorales sont releguees dans les campagnes
plus lointaines. Aux XII[e] et XIII[e] siecles, le developpement des
moulins sur les franges urbaines amorce tout a la fois une dynamique
durbanisation hors les murs fondee sur l'energie motrice de
l'eau, sur le transport fluvial et induit l'essor de
l'hydraulique intra-urbaine a partir de la formation des premiers
faubourgs progressivement integres a la ville. La prosperite des metiers
de la riviere transforme donc les cites en petites Venise ou
s'imbriquent espaces en eau et activites urbaines alors que le
maraichage est tenu a distance. Le no man's land bouleverse ce
systeme. La necessite de se defendre marque le repli urbain et disjoint
villes et campagnes proches: chacune est assujettie a une logique
autarcique alors qu'eaux stagnantes et marais gagnent le coeur des
cites. Les vapeurs prolongent ce regne de l'humide et retissent le
lien urbain-rural par le biais de l'economie fongique. Le nouvel
essor urbain voit une repartition par filiere des activites liees a la
putrefaction: si les metiers de l'eau sont lies au centre urbain,
leurs matieres premieres proviennent des campagnes proches (lin,
chanvre). II n'y a donc aucun gradient du sec vers l'humide,
ce que mettra peu a peu en place l'hygienisme et le modernisme.
Ainsi, la lecture spatio-temporelle des territotres de l'eau montre
des logiques plus complexes que le seul modele centre-perk pherie
construit sur la diffusion centrifuge du progres et sur une repartition
des activites selon leur nuisance, leur moindre rapport economique et
leur rusticite. Dune part, la dynamique peut etre centripete quand le
danger venant des campagnes, la ville est tenue de se replier sur
elle-meme. D'autre part, la complementarite des productions
artisanales associant les campagnes pourvoyeuses de matieres premieres
aux villes les transformant correspond mal au modele avance. Par
ailleurs, s'eloigner des enceintes urbaines nest pas uniquement
glisser du mineral vers le naturel: la ville vit aussi au rythme des
cycles hydrologiquee (20) et insere bon nombre d'espaces
agro-pastoraux.
Adosses, les modeles temporels et geographiques contribuent
egalement a evaluer, selon des perspectives patrimoniales, le poids des
heritages historiques dans les paysages urbains contemporains (21). Deux
elements ant plus particulierement ete retenus: l'objet mobilier
(quai, moulin, canal ...), cite et utilise dans le passe, puis disparu
ou toujours reperable aujourd'hui; la trace spatiale des modes de
valorisation revolus de l'eau (plan de villes, trames viaires,
parcellaire ...). La figure 2 resitue ainsi les heritages contemporains,
presents au discrets, dans la gamme complete des amenagements
historiques auxquels Is etaient lies et qui n'ont pas tous traverse
les siecles.
Les heritages de ces cinq temps de l'eau sont inegaux selon
les periodes. Les objets-mobiliers anterieurs au xix[e] siecle. qui
relevent de l'archeologie au des batiments historiques, ant ete
classes scion la frequence de leur presence contemporaine. De meme, les
traces qui relevent de l'archeogeographie (22) et concernent les
formes inscrites dans l'espace (23). ant connu un marne classement,
merne Si leur apprehension sociale est parfois plus difficile. Trois
elements marquants apparaissent.
D'une part, les traces supplantent les objets jusqu'au
XIII siecle. Les marques contemporaines d'une hydraulique urbaine
mise en place durant l'enchatellement et durant les siecles
precedent la guerre de Cent Ans guident encore trames viaires et reseaux
des canaux et des fosses. C'est bien sur sur cot heritage quo se
construit l'image revendiquee de cites d'eau, de petites
Venise qui se multiplient dans le Bassin parisien. D'autre part, le
primal des objets-mobiliers apres la guerre de Cent Ans fait la part
belle aux ouvrages visant au controle de l'eau (ports, quais,
ponts), a sa maitrise energetique (moulins) et a ses fonctions
defensives (douves). Enfin, les heritages d'une economic palustre
associant les cites a leurs campagnes proches ont disparu: le marais, le
fleuve et ses annexes hydrauliques. ont ainsi ete gommes des memoires en
merne temps que leurs espaces, plus mobiles, moms construits,
connaissaient des mutations importantes (extension urbaine notamment).
La mobilisation contemporaine des heritages de l'eau urbaine
d'avant le xixe siecle conduit ainsi a dresser, par defaut, les
etapes de son controle et de sa domestication.
En definitive, le croisement des modeles temporels et
geogra-phiques (fig. 2) eclaire en quoi, en privilegiant tel ou tel
heritage au detriment de tel autre, les projets de patrimonialisation
four-nissent une occasion de reinterpreter, souvent avec une grande
souplesse, le passe et reponclent a des objectifs affiches dans les
projets urbains actuels. En cola, les modalites des selections operees
revelent les strategies des cites fluviales mais aussi, en creux, leurs
contraintes hoes aux incidences des choix de patrimonialisation sur le
territoire. Cette approche necessite un changement d'echelle, le
local prenant le pas sur le global.
Singularites cztlturelles et morphologiques des milieux d'eau,
exemples d'Amiens et d'Orleans
Letude a grande echelle nuance sensiblement la chronologie et la
spatialisation des rapports de la ville a l'eau precedemment
decrites. Les agglomerations d'Amiens et d'Orleans,
respecti-vement baignees par la Somme et la Loire, enregistrent
plu-sieurs inflexions spatio-temporelles qui, reliees aux dynamiques
hydrauliques des deux fleuves et a la geohistoire regionale des bassins
versants, signent des singularites culturelles et morpho-logiques.
Davantage quo des ecarts au modele d'A. Guillerme, ces etudes
locales introduisent une nouvelle apprehension de l'histoire des
milieux humides urbains.
La geohistoire des milieux fluviaux et humides a Amiens retrace
l'epopee d'une ville qui s'est developpee en
s'ouvrant sur les eaux courantes et stagnantes (24): la formation
du reseau hydraulique urbain du quartier Saint-Leu et celle des
hortillonnages (fig, 3) en proviennent. Le quartier Saint-Leu designe le
faubourg forme des le Moyen Age classique qui marque l'extension
d'Amiens sur les marais de la Somme alors que la ville intra-muros,
issue de l'an-tique Samarobriva, etait retranchee jusque-la sur les
premieres terrasses alluviales. II en ressort la formation dune petite
Venise, conforme aux temporalites d'A. Guillerme. Limplantation de
moulins par le chapitre de la cathedrale au xi[e] siecle, la duplication
concomitante du reseau hydraulique, entrainent une urbanisation du site
parallele au trace des canaux. Cette portion de ville basse, artisanale,
est Oa bien formee au xie siecle lorsqu'elle est englobee par la
nouvelle extension de l'enceinte defensive (fig. 3). Si la guerre
de Cent Ans interrompt la densification du bati, celle-ci reprend aux
xvie et xviie siecles. D'autant plus que l'implantation de la
citadelle au nord de la Somme freine en partie l'extension de la
ville. Le dynamisme de la ville basse, qui se poursuit durant le xviii
siecle, est attribue a la prosperite de l'economie des eaux
courantes dans une conjoncture generale de vapeurs. L'activite
textile est d'abord animee par la confection de draps et la
teinture. Elle demontre sa pleine capacite a se maintenir et a prosperer
au-dela des troubles politiques et de la concurrence en se renou-velant
autour des lainages, des velours et de la confection de pro-duits tres
qualifies, issus du travail des fils de in, de soie, d'or et
d'argent (25) assurant des exportations a l'international,
notamment via la Somme. Le dense reseau hydraulique, nerf de
l'economie amienoise, marque aussi bien la ville au Moyen Age
classique que celle de l'Ancien Regime.
[FIGURE 3 OMITTED]
De part et d'autre du quartier Saint-Leu, les marais de la
Somme sont exploites a des fins de maraichage. Les hortillonnages
d'Amiens, situes en amont de la ville, sont les plus
representatifs. Si les archeologues et archivistes-paleographes
s'interrogent sur les origines du site (antique ou medievale selon
les auteurs), les premieres references manuscrites proviennent du
deuxieme quart du xiii[e] siecle, et celles des cartes de la cite
amionoise des xvi[e] (fig. 3), xvir et xixe siecles. Ceci temoigne non
seulernent de l'anciennete de l'activite agricole mais encore
du faconnement progressif des hortillonnages. commande par les moines de
l'abbaye de Saint-Acheul. Plusieurs sources textuelles'-b
attestent de dernieres extensions a l'est au debut du xixe siecle.
Ces documents decrivent aussi la constitution et la gestion dun
agrosysteme a la morphologic originale (27). II s'agit dun
parcellaire geometrique et laniere, compose de petites parcelles
entourees dun reseau dense de fosses (fig. 3), respectivement denommes
aires et rieux en picard. Cet alliage de l'eau, de la terre et du
vegetal a necessite d'importants defrichements et travaux de
drainage prenant appui sur le reseau hydraulique initial, structure
autour des bras de la Somme et de l'Avre (son principal affluent),
exhaussant les secteurs exondes. affouillant les depressions. Le
maraicher maintient le processus a travers le curage des rieux et le
rehaussement de ses berges pour contrer un retour au mare-cage mais
aussi pour amender ses aires de limons, se deplacer en barque parmi ces
ensembles insulaires et acheminer ses productions en ville. Zone
d'approvisionnement de la ville en fruits et legumes, les
hortillonnages font en effet partie integrante de l'economic
amienoise. En retour, le systerne socio-econo-mique du site depend
d'un controle assidu de l'hydraulique par les vannes des
moulins de Saint-Leu, assurant suffisamment d'eau pour la bonne
circulation des barques tout en ponderant les phenomenes de crue et
d'etiage.
Les canaux de Saint-Leu et les hortillonnages d'Amiens
for-ment donc des milieux d'eau urbains et periurbains contigus,
complexes et singuliers, complementaires sur les plans hydrau-liques et
fonctionnels. Leur histoire se distingue du modele d'A. Guillerme
par deux traits fondamentaux: la maitrise de l'eau par
l'hydraulique urbaine, loin de decliner, est renforcee durant le
temps des vapeurs; la pregnance continue des hortillonnages signe une
relation ville-campagne perenne.
La geohistoire des milieux fluviaux et humides a Orleans retrace la
trajectoire dune ville qui s'est developpee en valorisant les eaux
courantes navigables au detriment des eaux stagnantes (28).
Lartificialisation de la Loire et de sa resurgence, le Loiret, qui
ensemble ceinturent un val inondable asseche des le xvi[e] siecle,
balise cette croisade contre les miasmes. La Loire, vaste corridor
fluvial, est deja bien naviguee quand l'antique cite
d'Orleans, Genabum, se constitue (29). Le fleuve devient surtout un
des principaux axes d'echange du royaume entre le xv[e] et le xvine
siecle: Orleans tire profit du bassin versant du fleuve, veritable
plate-forme commerciale, et de sa proximite avec Paris (120 km) pour
clevenir une importante zone de rupture de charge. La Loire, forte
d'un lineaire de 1 012 km et de ses nombreux affluents navigues,
assure le transit de marchandises de ses regions riveraines (Auvergne,
Bourbonnais, Berry, Bourgogne, Gatinais, Orleanais, Touraine, Limousin,
Poitou, Anjou, Maine, Bretagne). La descente des marchandises est
effectuee par l'ecoulement du fleuve et de ses affluents alors que
leur remontee est permise par la concordance de son trace avec les vents
dominants. A plus petite echelle, la Loire est a l'intersection du
couloir rhodanien, de la region parisienne et de l'ocean
Atlantique, ce qui multiplie d'autant plus les echanges. Ainsi,
l'economie orleanaise depend surtout d'elements exogenes: les
activites 'lees a la Oche, l'arti-sanat des eaux courantes
sont secondaires tandis que l'econo-mie fongique de la putrefaction
est infime. Si la Loire presente une situation ideale, elle offre en
revanche des conditions de navigation deplorables en raison de son lit
tres instable et de son regime hydraulique non pondere C'est la la
raison d'ame-nagements hydrauliques ambitieux. Au xvie siecle, les
levees. hautes digues de lutte contre les inondations (30), deconnectent
de fawn quasi-permanente le val d'Orleans du fleuve ligerien, mais
ont aussi pour effet de fixer le lit de la Loire par resserrement,
correction et simplification de son cours (31). Quasi conjointement,
redification de digues submersibles dans le lit du fleuve, les duits,
lutte contre la dynamique fluviale (fig. 4). Selon R. Dion, les
premieres mentions en archives remontent au xive siecle. Les plans
d'Orleans, du xve au xix[e] siecles confirment la presence de tels
dispositifs. Enfin, Is prospere economie fluvale engendre aussi la
construction du canal d'Orleans, operationnel a la fin du xviie
siecle qui, en joignant les eaux de la Loire et de la Seine, a pour
fonction d'eviter la rupture de charge a Orleans pour acheminer les
marchandises vers Paris (32). Le poids de la navigation engage enfin un
profond reamenagement de la Loire urbaine dans la seconde moitie du
xviIr siecle: l'enceinte defensive desuete disparait aux profits de
vastes quais hippomobiles, la ville s'ouvre sur le fleuve par
l'amenagement d'un front urbain (fig. 4).
[FIGURE 4 OMITTED]
Limite sud du Val d'Orleans, le Loiret n'a pas ete
utilise pour la navigation, a l'exception des trois derniers
kilometres d'un cours long de 11 km. Des le Haut Moyen Age, les
moines de l'abbaye de Saint-Mesmin de Micy, situee a la confluence
Loire-Loiret, valorisent cette resurgence sur 8 km en creant de vastes
bas-sins energetiques, *Dares par des chaussees, avec implantation de
moulins en terminaison de chacun d'eux. II s'agit Ia
d'accroitre un debit moyen annuel infime. Les premiers textes
d'archives qui attestent de la presence des moulins remontent au e
siecle' Les bassins du Loiret comptent jusqu'a 17 mou-lins au
moment des Guerres de Religion. Les fonctions de ces equipements
mecaniques ant surtout vane entre la bonneterie, la dentelle,
l'huile, la machine agricole, la quincaillerie, cc qui leur a
permis de rester dynamiques durant l'Ancien Regime, au-dela des
vapeurs. Des lors, la succession des temporalites d'A. Guillerme se
distingue mal a Orleans car la grande dynamique est bien celle du
contrale de la navigation sur la Loire et celle de la lutte contre les
inondations. Les metiers de la riviere, peu developpes, les amenagements
hydrauliques qu'ils requierent, sont Otroitement lirnites dans le
bassin-versant du Loiret, en partie asseche.
En definitive, les periodes medievales et modernes, etudiees Amiens
et a Orleans, montrent deux profils non seulement tres dissemblables
rnais aussi assez discordants vis a vis du modele general d'A.
Guillerme. Le site et l'environnement local, la situation generale
en regard des flux d'hommes et de marchan-discs, jouent des roles
d'autant plus notoires quills determinent l'histoire
d'une ville et de ses rapports avec ses milieux d'eau
(reconomie palustre a Amiens, le controle de la navigation a Orleans).
C'est en effet la continuite d'un processus qui est mar-quante
davantage quo la succession des temps de l'eau. Mais cc poids du
local, au demeurant souligne par A. Guillerme dans ses travaux plus
recents (34), nuance davantage qu'il n'infirme la succession
des temps de l'eau avant tout elaboree sur des fondements
techniques et economiques.
Au terme de cette evocation medievale et moderne, le poids des
heritages lies aux rapports de la ville a l'eau est considerable.
Qu'ils soient encore directement inscrits dans les paysages
urbains. que leurs traces soient plus discretes, les amenagements, les
formes de valorisation de l'eau, faconnent d'autant plus les
cites qu'ils en determinent aussi une culture, une identite
specifique. A l'heure des politiques de patrimonia-lisation, il est
ainsi opportun de se pencher sur les choix des politiques en matiere de
reconstruction historique.
La patrimonialisation contemporaine des milieux bumides urbains:
une reinterpretation historique ?
Le xix[e] siecle marque une rupture dans le processus crea-tif
d'amenagements lies aux rapports entre ville et eau car
l'hygionisme, puis le modernisme (35), conspuent, condamnent et
eliminent peu a peu et, parfois completement, les milieux d'eau
urbains (36). Pourtant, si les stigmates de ce combat du xix[e] siecle
au milieu du xx[e] siecle (reseaux d'assainissement urbains,
ouvrages de controle des Ocoulements fluviaux, amenage-ments portuaires
...) sont majoritaires, cette periode introduit egalement un double
mouvement favorable aux lieux d'eau. D'une part, la naissance
des loisirs, notamment nautiques et balneaires, favorise les espaces
fluviaux. D'autre part, la dynamique de patrimonialisation lancee
par Merimee, confor-tee par la loi du 2 mai 1930. induit simultanement
des regards bienveillants sur certains lieux d'eau urbains. A
partir de ces heritages hybrides et contradictoires, apres une courte
mais brutale periode de declassement et d'oubli (1950-1975),
comment s'operent aujourd'hui les strategies de
patrimonialisation des espaces fluviaux et de leurs annexes? Sur quelles
valeurs et selon quels objectifs, l'histoire est-elle revisitee au
profit des politiques urbaines ? Ces questions sont de nouveau examinees
a l'aune des deux echelles retenues: la vingtaine de villes retenue
precise a la fois les temporalites creatrices d'heritages et les
principaux courants de la patrimonialisation; l'etude d'Amiens
et Orleans pointe les divergences et specificites des politiques
locales.
Patrimonialiser les milieux d'eau urbains et reconcilier vide
et nature?
La periode contemporaine (xix-xxr siecles) enregistre un curieux
mouvement de va-et-vient (fig. 5). Du xix[e] siecle aux annees 1970, les
lieux d'eau sont d'abord mis symboliquement et materiellement
hors la ville qui ne semble alors prosperer qu'en alienant sa
composante humide. Depuis, la reconciliation, d'autant plus
volontaire que le discredit fut violent, s'effectue sur un fond de
recherche d'harmonie entre l'hornme et la nature, notamment en
milieu urbain. Dans ces conditions, la patrimonialisation des espaces
fluviaux, aiguillonnee par le culturalisrne et l'ecologie urbaine,
s'apparente presqu'a une expiation qui condamne les heritages
contemporains et a un rachat qui valorise les reliques de l'eau.
[FIGURE 5 OMITTED]
Hygienisme et Revolution industrielle bouleversent comple-tement
les rapports entre la ville et l'eau. Depuis le siecle des
Lumieres, la pensee scientifique est en pleine evolution, notam-ment a
travers l'action de la medecine (37), condamnant le mephi-tisme
emanant des eaux stagnantes et de l'humidite ambiante. Pour etre
same, Ia ville dolt etre seche. Les cours d'eau inie-rieurs ou
peripheriques sont charges de tous les maux, de toutes les pestilences,
rendus responsables de la propagation du cholera, et enterres (38).
L'hygienisme constitue alors le premier courant scientifique a
l'origine d'un changement global de la perception et du
fonctionnement des villes. Face a un milieu urbanise juge malsain, avec
ses rues sinueuses, ses remparts consideres comme inutiles et ses eaux
stagnantes nausea-bondes, la conception de la ville durant l'epoque
classique est dominee par la necessite d'aerer le tissu uroain,
d'embellir le bati et de favoriser le developpement des echanges.
La volonte d'ordonner la cite selon une nouvelle esthetique
s'affirme donc par 'edification de boulevards plantes a la
place des remparts et par la realisation de vastes places. Les canaux
urbains, delaisses depuis la mote du xvir siecle, sont ainsi les
premiers a etre combles a l'aide des deblais provenant de la
destruction des murailles. Parallelement, l'hygienisme se preoccupe
de la sante des corps et developpe promenades et parcs urbains, voire
conserve quelques plans d'eau a des fins sportives (nau-tisme et
natation). La Revolution industrielle constitue indirec-tement un autre
facteur d'affranchissement de la ville sur l'eau. Certes, dans
un premier temps, les principaux cours d'eau profitent de
l'elan provoque par le bateau a vapeur. Beaucoup sont ainsi
canalises, bordes de quais et de chemins de halage et de grands canaux
de desserte (Rhin-Marne, Marne-Saone ...) sont creuses a la fin de la
Monarchie de Juillet. Cependant, les decouvertes en mecanique et en
chimie industrielle du xvir et xix[e] s. entrainent rapidement
l'abandon de l'essentiel des fonc-tions economiques des
reseaux hydrographiques intra-muros et extra-muros. Le developpement du
chemin de fer favorise une modification de la morphologic urbaine, avec
l'apparition de quartiers dynamiques animes par les gares. et
contribue au declin du transport fluvial. De nombreux fleuves et canaux
de second rang sont ainsi declasses de la nomenclature des voies
navigables et flottables etablie en 1835; les infrastructures fluviales
urbaines periclitent La perte progressive et irreversible des fonctions
militaires, energetiques, chimiques, alimentaires et de transport du
reseau hydrographique trouve ici ses principales causes. Leau,
n'ayant plus aucun role en ville, Si ce nest celui d'egout a
ciel ouvert, est combattue. A Paris, le baron Haussmann intervient sur
le cycle urbain de l'eau avec la creation de reseaux de
distribution et d'evacuation (39). La rue moderne, inventee par les
ingenieurs des Fonts et Chaussees, deroule ses trottoirs disposes de
part et d'autre de la chaussee centrale. Les cassis d'eau
stagnante disparaissent ainsi du paysage urbain. Pourtant, le rejet de
l'eau au sortir du xix[e] siecle n'a pas encore atteint son
paroxysme.
Le comblement et l'enterrement des fosses et rivieres atteint
son point culminant au xxt' siecle Lurbanisme moderne rejette en
effet le spectacle de l'eau hors de la ville. Les urbanistes
rattaches au modernisme ant une croyance absolue dans le progres. La
charte d'Athenes (1933), le mouvement anime par Le Corbusier, prone
la ville fonctionnelle: La ville dolt faire sa revolution industrielle,
ce qui implique le recours a des materiaux nouveaux (beton, acier, verre
...) mais aussi la standardisation et Ia mecanisation de la construction
(40). Une telle pensee aboutit concretement a un changement
d'echelle: ses conceptions sont universelles, elles
s'affranchissent des particularismes locaux. Cette approche
normative fait donc perdre au milieu urbain ses caracteristiques
territoriales, dont son site initial (41). La revendication dune
morphologie urbaine rectiligne contribue au total effacement du cadre
physique a partir duquel la ville s'est construite. La
topographique et l'hydrographie locale sont igno-roes; la nature
est recomposee par la creation d'espaces verts (42). Le zonage
monofonctionnel (43), la primeur donnee au transport routier, nuisent
directement aux paysages en eau: les voles rapides intra-urbaines se
developpent sur les vastes quais en friche; les voies sur berges,
aujourd'hui courantes a Reims, Tours et Angers, signent le mepris
moderniste de l'eau. Par ailleurs, la planification donne
faussement aux milieux aquatiques l'image d'elements
facilement domptables (44). Les ingenieurs des grandes ecoles
parisiennes procedent a l'enterrement et au comblement des reseaux
hydrographiques locaux, selon une demarche prometheenne. La Bievre en
banlieue sud parisienne, le canal lateral de la Loire a Orleans et la
Petite Avre a Amiens sont meme recouverts d'une dalle en beton,
temoignant de cette volonte de mettre hors de la ville le spectacle de
l'eau. Les derniers reseaux de canaux urbains sont supprimes, les
fleuves et rivieres sont endigues et transformes en simple exutoire pour
les ecoulements uses et pluviaux. Simultanement, beaucoup d'etangs
sont remblayes et un grand nombre de marais asse-ches, souvent pour que
s'erigent de grands ensembles d'habitat collectif (Amiens,
Nevers, Tours). Les seuls cours creau restes lair libre sont ceux qui
sont trop vastes pour etre combles ou qui beneficient encore de la
navigation ou de particularismes locaux.
Dans les annees 1970, la situation de l'eau en yule genere
toute une serie de problematiques urbaines. Suite au processus de
devalorisation engage depuis deux siecles, elle est desormais etrangere
a l'urbain. oubliee et declassee. Le desinteressement porte aux
fleuves se lit dans le paysage par la mutation des quais en de vastes
aires de stockage de materiaux, en zones d'entrepots pour la vente
en gros ou en parc de stationnement de voitures. Les zones humides
abritent egalement des activites a forte emprise spatiale et a failDle
valeur ajoutee. Seule la pietre valeur fonciere des milieux fluviaux
explique le developpement d'usages tits heterogenes et sans rapport
avec la proximite de l'humide. En outre, les zones humides urbaines
sont ega-lement le lieu de concentration de tous les marginaux de la
ville. 'solees, oublibes, ces entites font office de refuge pour
les personnes les plus demunies et/ou culturellement eloignees du
principe de residence. A titre d'exemple, les Iles Noires et rile
Aucard a Tours, les rives du Dhuy et la levee de la Chevauchee a Orleans
torment des lieux identifies pour les gens du voyage, les squatteurs,
les sans domicile fixe et les travailleurs precaires. Enfin, les milieux
fluviaux et humides presentent un etat de degradation avance. Cette
situation est le fruit de l'impermeabili-sation croissante des
surfaces urbaines, introduisant la question de gestion des eaux
pluviales, mais elle est aussi l'expression des problemes de
raccordements des habitations aux reseaux d'assainissement,
consequence de plusieurs decennies detale-ment urbain soutenu.
C'est dans ces conditions que s'amorce le mouvement de
rehabilitation des lieux d'urbains. II reponcl d'abord au
culturalisme (45) qui, en s'attachant aux apports historiques de la
cite, reintroduit l'eau au cceur des paysages urbains. II obeit
ensuite a l'ecologie urbaine et aux politiques de ville durable qui
placent l'espace aquatique au centre des projets urbains. Des lors,
les zones humides, sont peu peu promues nouvelles figures de Is cite
icreale.
Le culturalisme designe le courant de pensee urbaine qui,
deve-loppe quasi conjointement au modernisme, n'a de resonnance en
France qu'au moment de la remise en cause de ce dernier. Critique
vis-a-vis de la ville industrielle, alternatif a la vision moderniste du
fait urbain, le culturalisme promeut les heritages urbains du Moyen Age
et de l'Ancien Regime et, par cc biais, ceux attaches aux milieux
d'eau urbains. La Charte d'Athenes pour la restauration des
monuments historiques (1931), la Charte internationale sur la
conservation et la restauration des monuments et des sites, dite Charte
de Venise (1964), et, a lechelle nationale, les lois du 2 mai 1930, du
25 fevrier 1943 sur les abords des monuments historiques et du 4 aout
1962, dite loi Malraux, relient le monument (46) au site qui
l'inclut et favorisent ainsi la valorisation patrimoniale des
paysages. Des lors, le cultu-ralisme, notamment avec les perimetres de
secteurs sauvegar-des, assure le glissement de la renovation, faisant fi
de l'heritage historique, vers la restauration et la
rehabilitation. Cette politique, tits visible dans les centres
historiques a conduit, dans les villes encore marquees par les fleuves
et leurs annexes, a une patri-monialisation de ces espaces et objets
lies a l'eau.
Prairies Saint Gildas a Chateauroux, Parc de la Courneuve en Seine
Saint Denis, marais d'Ardon a Laon, parc du chemin de rile a
Nanterre, les zones humides deviennent les emblemes et les objets du
developpement urbain durable. Les acteurs et deck deurs des nouvelles
cites ideales y trouvent souvent des espaces idoines ou
s'appliquent des principes susceptibles de reconcilier la ville
avec la campagne, le beton avec la nature et les citad ins avec leur
tissu social et urbain. Comprendre cet enthousiasme et cette unanimite
suppose d'evaluer les vertus environnemen-tales et sociales de ces
lieux d'eau au regard du concept de ville durable mais aussi les
effets de mode territoriaux qui, a terme, peuvent fragiliser le
processus. Le retour des zones humides dans le giron des lieux propices
au developpement urbain procede sans nul doute de la conjoncture.
Conspuees par le modernisme, elles deviennent par un effet de relegation
positive, les nouveaux laboratoires de l'urbanite pour les
postmodernes. Cette notion de relegation positive consiste, lors
d'un rapide changement de systeme de representation ou
d'objectifs, a privi-legier et redecouvrir les objets et les
valeurs qui etaient rejetes ou negliges dans le systeme precedent. Les
exclus d'hier seraient donc les promus d'aujourd'hui.
Ainsi, le passage de la ville indus-trielle a la ville durable, avec les
crises et critiques ayant conduit de l'un a l'autre, a en
partie assure le processus de relegitimation territoriale des milieux
hydromorphes urbains.
Cet effet de mode n'enleve rien au fait que la promotion des
zones humides conforte le concept de ville durable et quo ces lieux
constituent un champ d'application privilegie des projets urbains
qui en emanent. La ville durable, malgre la polysemie du terme et la
diversite des approches (47) peut se definir comme une vine capable de
se maintenir dans le temps en gardant son identite et son dynamisme,
capable aussi d'offrir << une qualite de vie en tous lieux
dans une mixite sociale et fonction-nelle, capable enfin de se
reapproprier un projet politique a la recherche d'un equilibre sur
le plan ecologique et social vis a vis du territoire et de la planete
>> (48). Quelques principes essentiels en decoulent. D'une
part, elle a besoin de son passe, de sa culture et de son patrimoine,
afin de mieux cerner le temps present et de se projeter plus aisernent
clans le futur. Ceci suppose une solidarite intergenerationnelle garante
de la construction identitaire citadine. D'autre part, son
attachement a la qualite de vie se decline non seulement dans celle du
cadre urbain (nature en ville, paysage urbain ...) mais aussi dans la
creation de multiples proximites socioculturelles, economiques et
dernocra-tiques susceptibles de reduire la fracture sociale. Enfin, la
ville durable limite, tant dans l'intra-urbain qu'a
l'echelle regionale, les nuisances environnementales induites par
son developpement. Dans ce contexte urbanistique florissant, les
agglomerations aux sites originels lies a l'eau trouvent dans les
fleuves et leurs annexes hydrologiques un champ d'application
privilegie.
En effet, une zone humide c'est d'abord de la nature en
ville (49). La biodiversite y atteint un niveau inegale et les paysages
renvoient a une naturalite tres forte confinant au sauvage. Dans les
marais d'Ardon, au pied de la butte de Laon, plus de 170 especes
vegetates composent des milieux riches et varies (50);
Saint-Quentin-en-Yvelines, 231 especes d'oiseaux frequentent letang
de la ville nouvelle qui est tout a la fois Line reserve natu-retie, une
base nautique et un bassin ecreteur de crue51. Ainsi, il y a
frequemment, par le prisme des zones humides, conjonction entre milieu
urbain et aires naturelles protegees (Reserve natu-relle du Marais
d'Isle a Saint-Quentin (Aisne), reserve naturelle de Saint-Mesmin
marquant la confluence de la Loire et du Loiret dans
l'agglomeration orleanaise ...).
C'est ensuite une infrastructure naturelle, selon
l'expression adoptee par le Plan national d'actions en faveur
des zones humides, qui diminue les risques hydrologiques et contribue a
renforcer la qualite geochimique des eaux. A Nanterre, le parc du chemin
de 'lie filtre les eaux de la Seine et a un role de depollution. A
Laon, enfin, le marais d'Ardon accueille les nouveaux forages
alimentant la ville en eau potable. Ainsi, les zones humides
intra-urbaines sont des zones utiles.
C'est encore un element cle du patrimoine historique, un
mar-queur du site urbain et un puissant vecteur d'identite
territoriale. Le florilege de villes s'accaparant l'image de
petites Venise (Amiens, Etampes, Montargis, Pont-Audemer ...) participe
de cette construction identitaire tout cornme la remise en scene du
patrimoine hydraulique. La creation de promenade des tnou-lins (sur les
bards du Loiret a Olivet, sur ceux du Petit Morin a Jouarre ...), la
remise en eau des canaux declasses (canal d'Orleans, canal du
Berry), la restauration d'ecluses, la rehabilitation de tanneries
et autres edifices industriels, la reanimation des quais et des anciens
ports fiuviaux: tout illustre le regain d'interet pour
l'histoire locale des quartiers tisses par la presence de
l'eau.
C'est egalement un lieu d'expression du lien social
construit autour des solidarites de l'eau. Biens publics, les zones
humides accueillent souvent des jardins familiaux dans lesquels se
nouent des relations d'entraide et de partage, organisees, entre
autres, par la gestion de reau. Biens collectifs, elles renfterment bon
nombre de parcs publics (ecoparc des Chenevrieres Chateauroux-Deols,
parc urbain de Vendome, Plan d'eau du Canada a Beauvais) qui, en
vertu des fonctions mediatrices de la nature en ville, rassemblent
toutes les classes sociales et toutes les generations. C'est
pourquoi, elles sont frequemment retenues comme laboratoire de
reinsertion sociale (domaine de la Solitude a Laon) et
d'ecocitoyennete. Espaces ouverts, elles constituent des refuges
pour des formes originales de vie sociale ou d'expressions
artistiques comme le land-art. Des lors, ouverts a tous et reconnus par
taus, les lieux humides sont le the'atre privilegie des grandes
festivites urbaines (Festival de Loire a Orleans, fete au bord de
l'eau a Amiens, Tous sur le pont a Blois ...) ou d'animations
centrees autour de l'echange et de la convivialite: foires,
marches, feux d'artifice du 14 juillet, bals ...
C'est enfin un lieu de proximite fonctionnelle par la
conjonction spatiale des loisirs, des infrastructures techniques (bassin
ecreteur de crues ...), des manifestations de la biodiversite, des
activites productives (maraichage) ou comrnerciales (guinguettes, bars),
et ce, a des distances toujours faibles du tissu urbain dense.
C'est dans ce cadre que les zones humides, detenues en majeure
parte par les collectivites territoriales, constituent des reserves
foncieres privilegiees, et donc, un champ preferentiel pour construire
la ville durable.
En definitive, les zones humides guident aujourd'hui les
projets urbains. A Arras, le schema directeur approuve en 2000
reorganise la ville en fonction du projet Trame verte--Trame bleue.
Cette notion de trame bleue, apparue recemment dans le projet de loi
dite Grenelle 2, se retrouve aujourd'hui dans un grand nombre de
projets d'amenagement (Orleans, Troyes) montrant ainsi
l'importance de l'eau pour les grandes agglomerations qui non
seulement reinvestissent leurs espaces aquatiques mais encore orientent
leur developpement autour des reseaux hydrographiques.
On comprend ainsi la soif des villes a patrimonialiser leurs
espaces et leur histoire lies a l'eau, mais cette volonte,
parta-gee par l'ensemble des villes etudiees, presente cependant un
double paradoxe. D'une part, les heritages (fig. 3 et 5) sont
surtout le fait du controle de l'eau, voire de la volonte de
l'eradiquer de la cite. Or, a de rares exceptions (ouvrages de
navigation notamment), les politiques urbaines sant d'autant mains
pretes a assumer our ceuvre dessinatrice que celle-ci est proche dans le
temps. Des lois, apparait un hiatus entre le corpus des heritages et
celui des objets patrimonialises. D'autre part, ce hiatus
ontologique conduit souvent les ediles urbains construire parfois ex
nihilo une identite fluviale ou paludeenne, choisissant dans le corpus
des objets et traces herites, ceux qui appuient leur politique urbaine.
C'es1 cette instrumentalisation du patrimoine de l'eau que
l'on suit a Orleans et a Amiens.
La patrimonialisation a l'echelle locale d'Amiens et
d'Orleans, un acte politique
La demarche adoptee ici est volontairement regressive: c'est
en comparant les patrimoines lies a l'eau aujourd'hui
revendi-ques par les villes d'Amiens et d'Orleans avec
l'ensemble des heritages issus des periodes anterieures et
posterieures au xix[e] S. que approche les politiques patrimoniales des
deux cites fluviales. Dans les deux cites, cette demarche est precedee
dun diagnostic prealable a quatre phases: l'examen du culture'
et du social, des politiques de valorisation et d'animation, de la
communication puis du reglementaire (53).
Le patrimoine amienois de l'eau repose sur les images
respectives de jardins sur l'eau et de petite Venise du Nord, soit
respective-ment sur le site des hortillonnages et celui du quartier
Saint-Leu. Le maraichage connut son apogee entre la seconde moitie du
xix[e] et le debut du xx[e] siecle, date a laquelle le nombre de 1 000
professionnels fut atteint (54), et ce a contrecourant de la perte
fonc-tionnelle et du comblement des milieux humides reperee durant
l'hygienisme. Ensuite, la concurrence des produits du Benelux,
l'amelioration des techniques de conditionnement dans les
transports, ant raison de l'activite qui decline jusqu'aux
annees 1990 et ie se maintient depuis qu'a sept prolessionnels
(55). Conjointement, l'essor des jardins d'agrement et
potagers garantit tine vocation economique au site, renforce les liens
sociaux et le sentiment d'appartenance: le glissement du maraichage
professionnel au jardin amateur conforte l'identite agricole du
site.
La revendication patrimoniale de Saint-Leu. sous les angles
culturel et social, resulte dune trame geohistorique similaire qui
relegue au second plan ies effets des theses hygienistes et aeristes. La
pleine capacite de l'industrie textile a se maintenir et a
prosperer dans le temps se confirme. Alors quo la production de lainages
decroit dans les dernieres decennies du xix[e] siecle, le travail du
coton s'affirme a la fin du xviii[e] siecle et devient le principal
secteur d'activite, specialise dans les velours de coton et
d'Utrecht (56). La reputation textile d'Amiens perdure et
contribue a la transmission spatio-temporelle du reseau d'eaux
courantes, bien que le secteur d'activite se soit recentre sur la
chimie minerale et la machine a vapour. Si les deux guerres mondiales
ebranlent le systeme economique, l'activite textile et les canaux
restent vifs dans les memoires.
Actuellement, les politiques de valorisation et d'animation de
Saint-Leu et des hortillonnages s'appuient sur des programmes de
restauration et de rehabilitation, favorisent l'ouverture de
quelques bars-restaurants jeuxtant les voies d'eaux, par ailleurs
agrementees de parcours de decouverte pedestre et fluvial. Sont mis en
avant, pour l'un, l'energie hydraulique des canaux,
l'economie textile, des elements de l'histoire de la ville,
et, pour l'autre, le maraichage, la biodiversite, le jardinage et
d'autres formes de loisirs. Les hortillcnnages sont aussi dotes dun
centre d'education a l'environnement pour les enfants
d'age. Chaque annee, la fete du marche sur l'eau (juin) et la
fete au bord de l'eau (septembre) mettent aussi en scene les canaux
de Saint-Leu et les hortillonnages a travers l'acheminement des
cultures mardicheres en barque, le marche de producteurs et
d'artisans, les jeux nautiques, les scenes musicales et theatrales,
le feu d'artifice ... Egalement associes aux festivites urbaines,
les deux lieux d'eau sont un cadre preferentiel d'animations
et dessinent, avec la cathedrale, le triptyque touristique amienois.
Le quartier Saint-Leu et les hortillonnages constituent ainsi deux
images de marque de la ville. Figures de proue des brochures
touristiques et du portail internet de l'office de tourisme, les
canaux de Saint-Leu et les hortillonnages sont aussi d'impor-tants
sujets de l'actualite des bulletins municipal et intercommunal,
dans lesquels il est essentiellement question d'histoire urbaine
pour le premier site alors que le second est associe a la nature et a la
biodiversite (57). En complement, uric campagne de marketing territorial
d'envergure nationale, merles au debut des annees 1990, a notamment
exploite l'image de ville sur l'eau en associant une photo de
front urbain de Saint-Leu a l'interroga-tion Amsterdam ou Amiens?
(58)
Sur le plan reglernentaire, enfin, l'est de Saint-Leu et
l'ouest des hortillonnages sont des sites inscritsfr (59) au titre
de la loi 1930 en raison du caractere pittoresque du quartier palustre.
temoin des activites artisanales invariables qui s'y pratiquaient
depuis des siecles, ainsi que de l'originalite paysagere du second
site dont le maintien en l'etat s'impose face au declin du
maraichage. Cependant, cette inscription n'a pas de contrainte
reglementaire. Par contre, la creation d'un plan d'occupation
des sols speci-fique aux hortillonnages, repondant au caractere
pluricommunal du site, a fixe des regles precises en termes de
protection et de gestion integree face a la pression urbaine, aux
dynamiques d'abandon et de degradation, au developpement de jardins
d'agrernent et potagers. Sur un plan ecologique, les hortillonnages
ont recemment ete integres au reseau Nature 2000 a travers la zone de
protection speciale Etangs et marais du bas-sin de la Somme et le site
d'interet communautaire Marais de la moyenne Somme entre Amiens et
Corbie. La protection et la gestion des biotopes et de la biodiversite
rejoignent les mesures adoptees sur deux marais situes plus en amont,
classes en reserve naturelle nationale (1979: 13,4 ha) et en arrete
prefecto-ral de protection de biotope (1987: 14,9 ha).
Cette etude en quatre phases revele d'emblee un hiatus entre
le patrimoine revendique et les heritages en place. D'un cote, si
le quartier Saint-Leu est associe a l'image de petite Venise du
Nord, jouant sur la reconnaissance de cet alliage de canaux et de bati,
les moulins et les vannes de regulation hydraulique n'en restent
pas moms negliges. Les acteurs urbains reconnaissent la valour paysagere
et culturelle du reseau d'eaux courantes mais font fi
paradoxalement des deux moulins a aube, derniers vestiges de cette
economia Les temoins oe l'histoire contem-poraine sont egalernent
denigres: les petits complexes indus-triels dissemines dans le quartier,
l'usine hydroelectrique et le vaste site des velours Cosserat,
shies plus en aval, presentent des etats d'abandon avances. De
l'autre cote, les hortillonnages renvoient a la nature, aux
paysages et au maraichage. C'est donc l'image d'une
nature bucolique qui est ici patrimonialisee, non colic de son passe
plus industriel. Lhistoire de l'extraction de la tourbe, la aussi
oubliee (60), l'atteste. Lactivite qui valorisait ce substitut au
bois de chauffe est pourtant responsable de nombreux plans d'eau au
cceur et en peripherie du site, temoins d'une economie populaire et
dynamique du [xviii.sup.e] au debut du [xx.sup.e]" siecle qui a
fait la richesse de la vallee de la Somme en pleine conjoncture
d'hygienisme (61). Comme a Saint-Leu, on note aussi l'abandon
voire la suppression des temoins du passe indus-trialo-portuaire du sud
des hortillonnages etendu jusqu'aux annees 1960. Lanalyse des
politiques de patrimonialisation explicite alors ce hiatus et les
valeurs sur lesquelles il repose.
Les fondements de la valorisation patrimoniale de la petite Venise
du Nord remontent a l'apres 1945 lorsque l'insalubrite des
canaux urbains et la degradation du petit bati populaire (bois et
torchis) ressurgissent lors du declin de l'industrie textile. Ce
quartier d'eau, epargne des actions de l'hygienisme, est alors
en proie aux actions de l'urbanisme moderne dans les annees
1950-1960. Plusieurs projets tournes sur les creations de grands
ensembles d'habitat collectif sur remblais et d'une zone
industrielle, engagent la suppression des canaux et la destruction des
petites maisons anciennes. Neanmoins, ceux-ci se succedent sans jamais
aboutir en raison de financements defaillants et de la vive opposition
des riverains, attaches a la morphologie singuliere de ce quartier. Le
contexte est aussi celui d'une ville fortement atteinte par les
deux conflits mondiaux, or, l'ancien faubourg medieval, qui en
rechappe miracu-leusement, se volt associe a l'image de vieille
ville. Le regard des elus sur la petite Venise du Nord change au cours
des annees 1970-1980 mais ii faut attendre la decennie suivante pour que
s'amorce sa requalification, animee par la restauration des canaux,
la rehabilitation du bati et la densification urbaine lors de
l'implantation de batiments universitaires (62). Lidee est de faire
de Saint-Leu un quartier latin sur reau. Ces actions repondent aussi au
contexte general d'une ville destructuree, sans perspective de
developpement.
La patrirnonialisation des hortillonnages est aussi associee
l'opposition du grand public aux projets menacant l'integrite
du site. Porte par un proprietaire d'une petite parcelle de terre,
le vent de contestation voit la creation de lAssociation pour la
protection et la sauvegarde du site et de l'environnement des
hortil-lonnages qui a eu raison des projets de route a grand gabarit en
1975 et de penetrante (vole rapide large de 12 m) au milieu des annees
1980. Seules quelques actions a l'encontre des milieux ont Pu etre
engagees (busages, comblements, activites clegra-dantes). Depuis,
l'association, declaree d'utilite publique en 1991,
sensibilise et assiste les proprietaires et locataires lors de
l'entre-tien de leur parcelle et de ses fosses, soutient le
maraichage et anime un parcours de decouverte en barque. Les
hortillonnages sont aussi un lieu prise des pecheurs et chasseurs au
gibier d'eau. La notoriete de l'association est rapidement
acquise et contribue au changement de regard des elus sur le site dans
les annees 1990. Le projet de requalification urbaine du sud des
hortillonnages (projet Gare La Vallee), fortement degrade, en temoigne.
Dans le detail, l'esprit de cette ambitieuse operation
d'urbanisme tend a reconstituer certains rieux, a developper le
contemplatif sur le site, a la fois depuis le versant sud de la vallee
et depuis les rives de la Somme, a travers autant de parcs transversaux
et longitudinaux. Lattention est aussi accordee au jardinage et au
maraichage. Ainsi, les jardins sur l'eau participent a la
construction de la ville de demain.
Le patrimoine de l'eau a Orleans s'appuie sur la Loire,
sur ses ouvrages d'art et ses paysages naturels, ainsi que sur les
rives du Loiret agrementees de chateaux et de gares a bateaux.
La Loire conjugue deux images paradoxales de fleuve royal et de
dernier fleuve sauvage d'Europe qui se sont succedees dans le
temps: l'intense activite de navigation jusqu'a la moitie du
[xix.sup.e] siecle, precede ainsi, du fait de ses dimensions et de son
regime hydrologique, du fait aussi de son inutilite economique, une
phase l'ayant mise a l'ecart des grands travaux de
canalisation. Le delaissement guette donc le fleuve quand les bains et
le canotage reactivent des rapports a l'eau a contrecourant de
l'hygienisme puis du modernisme. Une kale de natation anime les
quais des la Belle Epoque, des plages investissent les bancs de sable
accroches aux duits, les loisirs nautiques s'accaparent les eaux
lentes et rapides durant les Annees Folles. En 1938, Orleans demande
merne a se nommer Orleans-les-Bains ! Ces activites periclitent dans les
annees 1950-1960 en raison de noyades chroniques, d'eaux degradees
par l'industrie et du developpement du tourisme de masse vers le
littoral. Le fleuve est abandonne, gagne par les ligneux; lessor de
gra-vieres, l'amoncellement de dechets le declassent. A
l'exception de la Oche, les rapports a l'eau sont alors
contemplatifs: les promenades rivulaires a usage des pietons et
cyclistes deve-loppees des les annees 1940-1950 allient amenagements
modernistes et ouverture paysagere sur e fleuve. En comparai-son, le
Loiret connait un tout autre sort. Niche ecologique des notables
orleanais, ses bassins, biefs et moulins, fournissent un cadre de vie
attrayant aux bourgeois et seigneurs de l'Orlea-nais qui
construisent chateaux et parcs de la fin du [xvi.sup.e] siecle au
[xix.sup.e] siecle. A la Belle Epoque, la frequentation de l'aval
du cours d'eau se popularise. La construction de gares a bateaux
Oquipees dune ou deux pieces de sejour cree un front bati a fleur
d'eau motivant l'expression de petite Venise du Loiret.
Lapparition de bars-restaurants et de guinguettes (pres d'une
trentaine en moms de 5 km !), entre la fin du [xix.sup.e] et le debut du
[xx.sup.e]. siecle, renforce le caractere populaire, festif et ludique
de ces rives, facilement accessibles par tramways et routes entretenues.
Nautisme, Oche, promenade, fetes et bals, a contrecourant des
conjonctures d'abandon et de declassement, reconvertissent les
bassins, transmettent lcurs traces et leurs formes (63).
Aujourd'hui, les politiques de valorisation et
d'animation affinent les formes de revendication patrimoniale de la
Loire et du Loiret. Les rives des deux cours d'eau beneficient de
programmes de restauration, sont animees par quelques bars-restaurants
et sont equipees de promenades balisees, de parcours de decou-verte a
vocation peclagogique insistant. pour l'un, sur la biodi-versite
et, pour l'autre, sur l'environnement fluvial, les moulins et
les chateaux. Le Festival de Loire, manifestation biannuelle, fait
revivre la marine fluviale des [xvii.sup.e] et [xix.sup.e] siecles sur
les quais hippomobiles. Moins marquees par l'evenementiel, les
rives du Loiret sont le theatre de fetes plus sporadiques, insistant sur
le patrimoine et la qualite de vie des parcs publics. Lambitieuse Loire
a vela continuite cyclable de 800 km de Nevers a Saint-Nazaire, menee de
concert par les regions Centre et Pays de Loire, longe les quais de
Loire, met le fleuve en communication avec le Loiret et avec les autres
lineaires fluviaux et elements du patrimoine ligerien. La Loire et, dans
une moindre mesure, le Loiret, dynamisent le tourisme local.
La Loire et le Loiret dessinent ainsi deux axes majeurs de
communication de l'agglomeration orleanaise. En temoignent les noms
de Is Communaute d'agglomeration (Orleans Val de Loire), et de son
bulletin d'information (lAgg10) ainsi que des slogans attaches aux
actions de requalification urbaine (Ensemble vivons la Loire ! et lAggla
naturellement liaerienne). Letude des presses municipale et
intercommunale enrichit d'ailleurs la perception des deux cours
d'eau, les associant aux loisirs, al'his-toire urbaine, aux
inonclations, a la nature et a la biodiversite (64).
Si la revendication patrimoniale est presente sur les plans
culturel et social, en termes de politiques de valorisation et de
communication, elle est surtout le fait d'abondantes
reglemen-tations. Les quals de rive droite de la Loire et les rives du
Loiret sont inscrits au titre de la loi de 1930, respectivement par
arretes du 17 juillet 1944 (sur 11 ha) et du 8 avril 1943 (sur 218 ha).
Se superposent a ce dernier perimetre les classements de deux chateaux
et de leur parc (sur 19 ha et sur 13 ha), ainsi que d'une lie (sur
5 ha). Par ailleurs, l'arrete prefectoral du 25 avril 1995 classe
les rives du Loiret en ZPPAUP, soit lune des premieres a l'echelle
de la France. Cette protection juridique, devenue AVAP, s'attache a
la gestion coordonnee du Loiret, de ses biotopes, de ses paysages, de
ses chateaux et gares a bateaux. La reserve naturelle de Saint-Pryve qui
englobe sur 263 ha le site de confluence Loire-Loiret accentue plus
encore la lecture nature-liste du cours d'eau. Plus recemment,
enfin, l'inscription du Val de Loire sur la Liste du patrimoine
mondial de l'humanite et le classement des rives de Loire au centre
d'Orleans reconnaissent a la Loire des valeurs patrimoniales faites
de nature et de culture.
Comme pour Amiens, le diagnostic en quatre phases revele un hiatus
entre le patrimoine revendique et les heritages en place.
Les acteurs locaux reconnaissent avant tout a la Loire et au Loiret
un patrimoine ecologique, vehiculant l'image de cours d'eau
porteur de biodiversite, de nature en ville. En depit d'une
presence humaine tres forte et tres ancienne sur ces espaces, la
dimension culturelle est moms acquise et, surtout, de fawn inegale dans
le temps et dans l'espace. Si la navigation com-merciale et le
canotage font aujourd'hui partie integrante du processus de
patrimonialisation des deux cours d'eau, ii n'en est pas de
meme pour les bains et guinguettes dont le souvenir n'est pas
remobilise. Or, ceci ne s'explique pas par l'ampleur et la
richesse des heritages: si la navigation commerciale est riche en
objets, dont certains sont clairement revendiques (quais) alors que
d'autres restent plus marginalises (duits, levees), les activites
nautiques et les guinguettes ont en cornmun d'avoir laisse peu de
traces. Par ailleurs, les acteurs urbains patrimo-nialisant les gares a
bateaux et les chateaux du Loiret privi-legient d'une certaine fawn
le processus de villegiature du cours d'eau. L'histoire
energetique y est par cc biais associee puisqu'elle place les
anciens bassins de valorisation energetique et les moulins au centre de
la dynamique residentielle.
Ainsi, le hiatus entre patrimoines et heritages n'est pas
corn-mande par des criteres chronologiques qui definissent, a
l'instar d'Amiens, cc qui est patrimoine de cc qui ne rest
pas, mais par des reconsiderations culturelles et sociales des elements
en place, valorisant les heritages monumentaux au detriment des
heritages plus populaires. Se perdent ainsi dans l'anonymat les
guinguettes, les bains, les bodes de natation: les politiques de
patrimonialisation accompagnent en realite un processus de
gentrification de l'espace.
L'image de fleuve royal attachee a la Loire, fondee sur la
nostalgic d'une navigation commerciale revolue, est au cceur du
recent projet d'agglomeration Loire trame verte, vote en 2002. Face
au delaissement du fleuve, les acteurs urbains ont res-taure les quais
de Loire par la suppression des vastes zones de parking, la reduction de
l'emprise spatiale du boulevard routier et le debroussaillage de la
vegetation autant de discontinuites supprimees entre les rives et le
centre andel. L'irnplantation d'un complexe cinernatographique
et de commerces lie les deux espaces sur le plan fonctionnel: la ville
s'ouvre maintenant sur son fleuve. Les quais hippomobiles
rehabilites sont acces-sibles aux pietons et cyclistes (passage de la
Loire a yelp). La reouverture des 1 000 derniers metres du canal lateral
de la Loire (auparavant bouche et recouvert d'une dalle de beton).
la fabrication dune replique des ecluses, la reconstitution d'un
bateau a vapour et d'un bateau lavoir, l'amenagement d'un
ponton pour accoster les embarcations legeres (canoe-kayak, flotte
ligerienne) sant destines a animer l'espace fluvial requa-lifie.
Cet amenagement rivulaire valorise aussi, par simple effet de
contemplation des Ties ligeriennes intra-urbaines, l'image de la
Loire comme dernier fleuve sauvage d'Europe, mobile et fluctuant,
conquis par la vegetation. En outre, cette action est limitee a une rive
de Loire car il s'agit de valoriser le front urbain d'Orleans,
image de marque de la ville, pour en faire un nouveau quartier anime.
Cette dynamique nourrit la surenchere immobiliere des bords de
l'eau, relevee depuis quelques decen-nies et intensifiee depuis
l'inscription du Val de Loire a I'UNESCO.
La patrimonialisation du Loiret n'est pas le fait de la
mobilisation des seuls elus urbains. Si de nombreux outils juridiques
ont ete utilises pour maintenir l'esthetique et la singularite de
cet espace, et lutter contre l'etalement urbain (65), cette
patrimo-nialisation est l'expression de lobbys associatifs
dynamiques. LAssociation pour 0 protection du site et de la riviere du
Loiret et de son bassin versant est constituee en 1974 par opposition au
projet de franchissement de l'autoroute sur le Loiret avant de
s'impliquer dans la gestion et l'animation du cours d'eau
ainsi que dans le projet de ZPPAUP. LAssociation pour la defense,
l'animation et la promotion de la riviere du Loiret et de son site
est pour sa part creee en 1975 dans le but d'harmoniser les actions
sur le Loiret, notamment en termes d'urbanisation et de
valorisation des moulins, chateaux et gares a bateaux. Attentive a la
gestion de l'eau, elle s'est investie dans le projet de schema
d'amenagement et de gestion des eaux. Enfin, l'Association des
Naturalistes Orleanais, aujourd'hui denommee Loiret Nature
Environnement, soutient la patrimonialisation ecologique du cours
d'eau en prenant en charge la gestion de l'APPB de la Pointe
de Courpain, devenue reserve naturelle de Saint-Pryve en 2006. Les
acteurs urbains se sont alors associes ce contexte associatif tits
actif. par le biais du memo projet Loire trame verte, en coordonnant les
actions de requalification autour de la rehabilitation du reseau de
chemins herite de l'acces des gardes-rivieres aux vannes de
regulation hydrau-lique, agremente de mobilier urbain, de panneaux
d'information et de petites passerelles. La nature de
l'intervention est donc exclusivement centree sur la promenade et
la contemplation, n'associant ni le renforcement du canotage, ni le
developement de guinguettes. Le projet de trame verte, pedestre et
cyclable, entre Loire et Loiret vise enfin a connecter ['ensemble
de ces actions de requalification.
En conclusion, les politiques patrimoniales des deux cites
fluviales apparaissent tres differentes tant au niveau des heritages
choisis que des outils deployes. Amiens, l'artisane, aux eaux
paresseuses, mobilise une identite fluviale a partir des jardins sur
l'eau et de l'image de petite Venise du Nord. Si son passe
industriel recent (extraction de la tourbe et textile) est
aujourd'hui neglige par les politiques patrimoniales, il a
neanmoins entretenu la perennite des liens entre Amienois et lieux
d'eau. C'est cette identite lacustre, jamais occultee, qui
explique la vigueur des contestations populaires aux projets de
destruction des milieux fluviaux. C'est encore elle qui explique le
peu d'outils juridiques deployes pour les proteger, l'evidence
de leur maintien ne necessitant pas de contraintes reglernentaires.
Orleans, la royale, au fleuve sauvage, est au contraire en train de
litteralement se reconstruire une identite fluviale. Apres avoir tourne
le dos a la Loire des la fin de la marine fluviale (milieu [xix.sup.e]
siecle), sa mue ligerienne s'accompagne aujourd'hui dun
volon-tarisme juridique et d'une selection drastique des heritages
a mettre en exergue. La navigation, la nature sauvage prennent le pas
sur taus les autres liens qui unissaient les Orleanais a la Loire et au
Loiret, et c'est a marche forcee, et tronquee, qu'est conduite
la politique de patrimonialisation des espaces en eaux. Davantage qua
Amiens, elle constitue une reponse a l'influence croissante de
Paris qui tend a transformer la cite liberee par Jeanne d'Arc en
une simple banlieue.
Conclusion
Eclairer la construction de la notion de patrimoine fluvial urbain
et des politiques qu'elles motivent s'est donc effectue par
une demarche scalaire montrant que chaque niveau d'echelle connalt
ses propres specificites patrimoniales, et par une dernarche
geohistorique construite sur le temps long et sur la comparaison entre
le patrimoine revendique et les heritages historiques. Cette methode
tente d'apporter une reponse au constatth (66) que l'etude des
processus de patrimonialisation souffre d'un double manque: les
approches geohistoriques negligent les dimensions psychosociales et
economiques; l'inverse, les approches geoculturelles
s'appuient sur des bases historiques trop etroites. Davantage merne
que la diversite des heritages et des modalites de leur selection
patrimoniale, il apparait que les politiques de patrimonialisation des
espaces urbains fluviaux sont soumises a une triple valence. D'une
part, elles repondent un mouvement culturel general, a une mode,
d'envergure natio-nate voire europeenne, qui, de la reconnaissance
du patrimoine vert dans les annees 1990 a l'exaltation du
patrimoine construit depuis 2000, a considerablement influence la
reconnaissance des lieux d'eau urbains. D'autre part, elles
s'inscrivent dans des identites locales d'autant plus fortes
qu'elles reposent sur la longue histoire des rapports de la ville a
l'eau et sur une appropriation populaire de l'espace (67).
Enfin, dies obeissent a des politiques urbaines qui, selon les elus et
les ediles, rejettent des heritages dans l'oubli ou en erigent
d'autres en faire-valoir de la cite. Influence, approprie, designe,
le patrimoine connait alors, selon les contextes locaux, des devenirs
dissemblables et des greffes sociales plus ou moms reussies.
Sit participe a la fabrique de la ville on recyclant paysages et
fonctions selon des logiques--souvent souples--d'interpretation du
passe (68), s'il est aujourd'hui un des fondements du
fawn-nement des identites urbaines, et donc de 'edification des
villes durables, le patrimoine fluvial urbain constitue aussi un
laboratoire des politiques publiques. Autour de Jul se nouent en effet
bien des enjeux socio-spatiaux et des ambitions politiques
contemporaines, autour de lui la culture reinvestit les paysages.
Notes
(1.) Claude Chaline, Cos ports qui creerent des wiles (Paris:
L'Harmattan, 1994), 299.
(2.) Perrino Michon. [much less than] Le partenariat public-prive
et la regeneration urbane. Lexemple des Docklands [much greater than],
Geocarrefour, 83, no..2 (decembre 2008): 119-128.
(3.) Guy Van Oort, [much less than] Lamenagement du territoire aux
Pays-Bas: l'evolution de la Randstad [much greater than], Hommes et
terres du Nord, 4 (octobre 1984): 226-236; J. M. Dewailly. [much less
than] Plans d'eau et loisirs dans la Randstad Holland [much greater
than], in Les paysages de Peat' aux portes de la wile, ed.
Jean-Paul Bravard, Anne-Marie Laurent, Jean Davallon, Jacques Bethemont
(Lyon: Programme Rhone-Alpes de Recherche en Sciences Humaines, 1995),
117-137.
(4.) La lot n[degrees]1930-05-02 du 2 mai 1930, [much less than]
relative a la protection des monuments naturels et des sites de
caractere artist ique, histonque, scientifique, legendaire ou
pittoresque [much greater than] marque une etape importante dans
l'integration de la question paysagere dans la legislation
francaise et s'attache. par ses objectifs, a la protection de
nombreux sites fluviaux et humicles en ville ou proximite.
(5.) Les aires de mise en valour de l'architecture et du
patrimoine (AVAP dans la suite du texte) emanent de la loi Grenelle it
et remplacent desormais les zones de protection du patrimoine
architectural, urbain et paysager (ZPPAUP dans la suite du texte).
(6.) Sylvain Dournel, miroir de la ville: contribution a retude de
la requalification urbaine des milieux fluviaux or humides (Bassin
parisien, Amiens, Orleans) (memoire de these de doctorat, Universite
d'Orleans, 2010), 679.
(7.) Les projets [much less than] Confluence [much greater than] a
Lyon, [much less than] Quai rive gauche [much greater than] a Bordeaux,
et [much less than] lie de Nantes [much greater than] comptent parmi les
cas les plus probants du processus de requalification urbaine des
milieux fluvtaux et humides qui s'est generalise a l'echelle
de la France au cours des decennies 1990-2000.
(8.) D. J. Marcucci, "Landscape History as a Planning
Tool", Landscape and Urban Planning, 49, no. 1-2 (2000): 68.
(9.) Stephane Castonguay et Dany Fougeres, [much less than] Les
rapports riverains de la yule: Sherbrooke at ses usages des rivieres
Magog et Saint-Francois. [xix.sup.e]-[xx.sup.e] siecles [much greater
than]. Urban History Review/Revue d'histoire urbaine. 26. no. 1
(2007): 3-15.
(10.) J. W. R. Whitehand et Kal Gu, "Conserving Urban
Landscape Heritage: A Geographical Approach", Procedia - Social and
Behavioral Sciences, 2, no. 5 (2010): 6948-6953.
(11.) Le Bassin parisien no caracterise pas un bassin versant
hydrographique mats une region geologique sedimentaire, drainee par de
nombreux cours d'eau (Loire, Seine, Marne, Oise, Yonne, Somme ...).
Sur un plan urbain, le Bassin parisien est marquee par l'iniluence
de Paris sur l'ensemble du reseau urbain.
(12.) Sans entrer dans les debats de fond que pose la notion
d'urbanite, retenons l'idee principale avancee par Michel
Lussault selon laquelle [much less than] l'urbanite est tant un
resultat du fonctionnement de l'organisation urbaine qu'un
operateur de l'organisation et de son fonctionnement [much greater
than]: Michel Lussault, [much less than] Urbanite [much greater than] in
Dictionnaire do la geographie et de l'espace des societes, eci.
Jacques Levy et Michel Lussault (Paris: Belin, 2003), 966.
(13.) Andre Guillerme, Les temps de reau. L'eau, la cite et
les techniques (fin [Ill.sup.e]-debut [XIX.sup.e] siecle) (Seyssel:
Champ Vallon, 1983), 263.
(14.) J. L. Nicolazo, [much less than] Au confluent de l'eau
et de l'urbanisme [much greater than], Urbanisme, 269 (decembre
1993): 64-66.
(15.) Henri Galinie, Xavier Roclier, Jacques Soigne, Nathalie
Carcaud, Manuel Garcin. et Olivier Marlet, [much less than] Quelques
aspects clocumentes des relations entretenues par les habitants de Tours
avec la Loire du I. au XII siecle [much greater than], in Fleuves et
marais, une histoire au croisement de la nature et de la culture, Od.
Joelle Burnout of Philippe Leveau (Paris: Comite des Travaux Historiques
et Scientifiques, 2004), 127-137.
(16.) Benoit Clavel et Christophe Cloquier, [much less than]
Contribution des sources docu-mentaires et archeologiques a retude des
pratiques halieutiques fluviales medievales et modernes dans le bassin
de la Somme [much greater than], in Fleuves et metals, une histoire au
croisement de la culture of de la nature, Oci. Jodie Burnout et Philippe
Leveau (Paris: Comite des Travaux Historiques of Scientifiques, 2004),
201-210.
(17.) Karine Berthier et Paul Benoit, [much less than] Les
amenagements hydrauliques au Moyen Age et au [xvi.sup.e] siecle a
Corbeil-Essonnes [much greater than], in Fleuves et mare's, une
historre au croisement de la culture et de la nature. ed. Jodie Burnout
et Philippe Leveau (Paris: Comite des Travaux Historiques of
Scientifiques, 2004), 321-330.
(18.) Lionel Quesne, De l'insalubrito a l'hygienisme.
Emergence politique dune problematique environnementale: fexemple du
Mans. memoire de these de doctorat en Geographie (Le Mans: Universite du
Maine, 1994). 353.
(19.) Patrick Fournier. [much less than] La ville au milieu des
marais aux [xvii.sup.e] et [xviii.sup.e] siecles. Discours theoriques et
pratiques de l'espace [much greater than], Histoire urbaine, 18
(2007): 23-40.
(20.) F. X. Merrien, [much less than] La bataille des eaux,
politique de rhygiene et representations sociales a Rennes [much greater
than], in Pour une histotre do renvironnement. Travaux du programme
interdisciplinaire de la recherche sur l'environnernent, ed.
Corinne Beck et Robert Delort (Paris: Editions CNRS, 1993), 113-117.
(21.) Jodie Burnouf et Gerard Chouquer, [much less than]
Larcheologie et rarcheogeogra-phie: pour comprendre l'espace et ses
heritages [much greater than], in L'avenir du passe. Modernite de
l'archeologie. ed. J.-P. Demoule et Bernard Stiegler (Paris: La
Decouverte, 2008), 93-104.
(22.) Gerard Chouquer, L'etude des paysages. Essai sur leurs
formes et lour histoire (Paris: Errance. 2000).
(23.) Burnout et Chouquer, [much less than] Larcheologie et
rarcheogeographie... [much greater than], 93-104.
(24.) Dournel, L'eau, miroir de la ville, 357-400.
(25.) Michel Gilloire, in Amiens, ed. Raymond Regrain, Michel
Gilloire, Joelle Acoulon, et Jean-Francois Leblond (Paris Bonneton,
1989), 319 Charles Hubscher, Histoire d'Amiens (Toulouse: Privas,
1986), 334,
(26.) Memorial d'Amiens du 19 juillet 1855. 99 S 355528,
Archives departementales de la Somme (AVS dans la suite du texte).
Rapport de ringenieur ordinaire des Ponts et Chaussees du 30 mars 1861
relatif a la construction de recluse de Lamotte, 99 S 377940. AVS.
(27.) Sylvain Dournel. [much less than] De l'exploitation
historique de la tourbe dans la vallee de la Somme a la mise on nature
des zones humides dans 'agglomeration amienoise: mutations
paysageres of sociales [much greater than], in Histoire Oconomique et
sociale de la tourbe et des tourbieres, ed. J. M. Derex et Fabrice
Gregoire (Cordemais / Paris: Estuarium / Groupe d'Histoire des
Zones Humides, 2009), 211-228.
(28.) Dournel, L'eau, miroir de la ville, 399-455.
(29.) Jacques Debal, Orleans une ville, une histoire: tome 1, des
engines a la fin du [xvi.sup.e] siecle (Orleans: X-Nova, 1998), 197.
(30.) Roger Dion, Histoire des levees de la Loire (Paris: Editions
R. Dion, 1961). 312.
(31.) Cyril Castanet, La Loire en val d'Orleans. Dynamiques
fluviales of socio-environnementales durant les demiers 30 000 ans: do
l'hydrosysteme l'anthroposysteme (memoire de these de
doctorat, Universite de Paris I - Pantheon Sorbonne, 2008), 589.
(32.) Hubert Pinsseau, Histoire de la construction de
radininistration et de l'exploi-tation du canal d'Orleans de
1675 a 1954 (Orleans: Masselot, 1963), 252.
(33.) Louis Illiers (d'), Uric riviere en France. Le Loiret:
son cours, son histoire (Orleans: impr. du Bourdon-Blanc, 1952), 96.
(34.) Andre Guillermo, La naissance de l'industrie a Paris,
entre sueurs et vapeurs 1780-1830 (Seyssel: Champ Vallon, 2007), 439.
(35.) Francoise Choay, L'urbanisine, utopies et realites: tine
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(36.) Sylvain Dournel, Magalie Franchomme et Bertrand Sajaloli,
[much less than] Geohistoire d'une resurgence d'eaux troubles:
les milieux humides urbains et les cites fluviales de la France du Nord
(debut [xix.sup.e]-[xx.sup.e] siecle) [much greater than], in Zones
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Franchomme, Fabrice Guizard-Duchamp, Jacques Houde, Revue du Nord, Hors
Serie collection Histoire, 26 (2011): 169-187.
(37.) Sabine Barles, La Wile deletare. Medecins et ingenieurs dans
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(45.) Choay, Eurbanisrne. utopies et realites, 447.
(46.) La loi du 31 decembre 1913 sur les monuments historiques
relaie l'engoue-ment pour cette notion Hee au [xix.sup.e] siecle.
Dans cette perspective. retenons quo. [much less than] les immeubles
dont la conservation presente, au point de vue de rhistoire ou de
l'art, un interet public, sent classes comme monuments historiques
en totalite ou en partie [much greater than] (art. 1), comme le sont
aussi [much less than] les objets mobiliers, soit meubles proprement
dits, soit immeubles par destination. dont la conservation presente, au
point de vue de l'histoire, de l'art, de la science ou de la
technique, un interet public [much greater than] (art. 14). Ces mesures,
bien quo ponctuelles et attachees aux seuls elements balls, torment un
prealable dans le processus de patrimoniallsation des milieux fluviaux
et humides on vulle.
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