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文章基本信息

  • 标题:Les milieux fluviaux et humides en vile, du dent a la reconnaissance de paysages urbains historiques.
  • 作者:Dournel Sylvain ; Sajaloli Bertrand
  • 期刊名称:Urban History Review
  • 印刷版ISSN:0703-0428
  • 出版年度:2012
  • 期号:September
  • 语种:English
  • 出版社:Becker Associates
  • 关键词:Historical geology;Municipal research;Waterways

Les milieux fluviaux et humides en vile, du dent a la reconnaissance de paysages urbains historiques.


Dournel Sylvain ; Sajaloli Bertrand


En moms de quatre decennies, les milieux fluviaux et humides des villes occidentales sont passes du statut d'espace repulsif et marginal a celui d'element patrimonial, convoitipar les societes urbaines. Les nombreux dispositifi reglementairesfrancais attaches a leurs qualites ecologiques, paysageres et culture/les en temoignent: la vallie de l'Erdre en region nantaise ct/es marais de Bourges sent classes au titre de la loi de 1930 quand les rives du Lojreta Orleans a le vieux-centre de Chalons-en-Champagneforment des aires de mise en valeur de l'architec-ture et du patrimoine. En outre, les quais de la Seine a Paris, ceux de la Garonne a Bordeaux, les cites historiques de Lyon et d'Albi, le Val de Loire sent autant de sites d'eau inscrits au patrimoine de l'uNEsco. Notre article cherche a comprendre l'actuel engouement patrimonial des citadins pour les milieux d'eau, relaye aujourd'huipar le developpement de projets urbains attaches a leur requalification esthetique et fonctionnelle. Dans cette perspective, nous focalisons notre etude sur plusieurs cites d'eau du Bassin parisien (Amiens, Bourges, Cha Ions-en-Champagne, Evreux, Orleans, Tours, Troyes) pour y entreprendre une etude geohistorique, diachronique et dyna-mique, dans un double object-if D'un cote, il s'agit d'y reperer et de theoriser les types de rapports a l'eau qui se sent developpes dans le temps et glans l'espace, afin de souligner le caractire historique a socioculturel des milieux cites conditions de leur patrimonialisation. De l'autre, notre but est de dicrypter la formation des paysages d'eau singuliers des villes itudiees, heritage d'une histoire et de faconnements specifiques. Etroitement associes a Ia ville, les milieuxfluviaux et humides participent la constitution de la notion de patrimoine urbain.

In less thanfour decades, waterways and wetlands of Western cities have been moved from marginal and repellent zones to attractive spaces for urban societies. Numerous French directives concerning their quality in terms of ecology, culture and landscaping are testifying this fact. The 1930 protective laws concern the Erdre valley in the Nantes region as well as the marsh of Bourges. On the Loiret River in Orleans and in the old town centre of Chalons-en-Champagne, river banks have become part of areas of valorisation of architecture and heritage (i.e. ZPPAuP). Also the quays of the Seine in Paris and of the Garonne in Bordeaux, as well as the cities of Lyon and Albi, le Val de Loire are water landscapes registered in UNESCO. This paper tries to understand the actual interest in heritage of water landscape by the inhabitants. This attraction is replaced by the developments of urban projects on the aesthetic and functional requalification. We willfilcus this study on cities in the Parisian area (Amiens, Bourges, Chalons-en-Champagne, Evreux, Orleans, Tours, Troyes ...) to produce a geohistoric, diachronic and dynamic study. There are two objectives: on one side to identih and theorising the relationship with water across time and space in order to highlight the historical and sociocultural importance of water landscape and the conditions of their inscription in the local heritage; on the other side to decipher the water landscape in the studied cities through the specificity of their history and realisation. This document uses works of historians and geographers, archives and interviews with local actors. Closely related to the city, the waterways and wetlands allow a new understanding of urban heritage.

Introduction

En mains de 40 ans, les milieux fluviaux et les zones humides des villes d'Europe occidentale sont passes d'espaces repulsifs et marginaux a objets patrimoniaux revendiques par les socie-tes urbaines. Initiee en Arnerique du Nord durant les annees 1960 (1), relayee au Royaume-Uni (2) puis en Europe rhenane (3) dans les deux decennies suivantes, cette dynamique de rehabilitation ne touche la France que dans les annees 1990. Elle accom-pagne alors les nombreux dispositifs reglementaires s'appli-quant aux patrimoines ecologiques, paysagers et culture's des lieux d'eau urbains. Les marais d'Isle a Saint-Quentin (Aisne) et l'ile du Rohrschollen dans l'agglomeration strasbourgeoise comptent parmi les premieres reserves naturelles intra-urbaines. De meme, plusieurs perimetres de sites Natura 2000 recoupent le trace de corridors fluviaux jusqu'en cur de ville, comme Angouleme, Pau, Toulouse et Tours. Par ailleurs, la vallee de l'Erdre en region nantaise et les marais de Bourges sont classes au titre de la loi de 1930 (4) pour leurs qualites culturelles, his-tongues, naturelles et paysageres quand les rives du Loiret Orleans et le vieux-centre de Chalons-en-Champagne forment des aires de mise on valeur de l'architecture et du patrimoine (5). Enfin, les quais de la Seine a Paris, les quais de la Garonne a Bordeaux. les cites historiques de Lyon et d'Albi, le Val de Loire sont aujourd'hui des sites inscrits sur la Liste du patrimoine mondial de l'humanite dans lesquels l'element fluvial est syste-matiquement preponderant.

L'objectif de ce travail est de cerner l'actuel engouement des citadins et des acteurs urbains frangais pour les milieux d'eau et de le relier aux multiples projets de requalification urbaine (6) a portees patrimoniale, esthetique et fonctionnelle (7). Dans cette perspective, deux thematiques sont successivement explorees scion une demarche geohistorique, diachronique et multis-calaire. La geohistoire des milieux d'eau (I) est examinee a partir dune vingtaine de villes du Bassin parisien clothes d'un riche patrimoine fluvial alors que le poids du local, celui des singularites culturelles et morphologiques, est envisage pour les seules villes d'Amiens et d'Orleans. De meme, la requalification de ces espaces humides (II), lcur patrimonialisation urbaine, sont d'abord considerees a l'echelle de rechantillon urbain tout entier, puis, avec davantage de details, au sein des deux cites ligerienne et samarienne. La methodologie retenue a non seulement recours aux travaux d'archeogeographes, d'archivistes-paleographes, de geographes et d'historiens, mais encore, a plus grande echelle, aux documents d'archives et d'urbanisme, a des entretiens aupres d'acteurs locaux et a des releves de terrain. Elle signe Line approche qui, par le truchement des milieux fluviaux et de lours annexes hydrauliques, fournit des elements de comprehension de la notion de patrimoine urbain et des politiques qu'elle motive.

Geohistoire et singularites des paysages de lean en ville

Les cours d'eau et leurs zones humides urbaines composent des paysages a fort contenu naturel et a biodiversite elevee qui tranchent avec la mineralite du cadre urbain environnant. Petris d'homme et de nature, ces paysages sont des contextual phenomenons (8) en raison de leurs formes et de leurs contenus qui relatent la trajectoire historique des milieux d'eau urbains (9) mais aussi leurs singularites culturelles et morphologiquesm (10). Geohistoire des milieux d'eau urbains de la naissance des cites au XIX[e] siecle

La vingtaine de villes du Bassin parisien (fig. 1) constitue un echantillon coherent pour apprehender l'histoire generale des milieux d'eau urbains (11). Ces cites, dynarniques des l'Antiquite, se sont developpees selon des etapes chronologiques similaires dans lesquelles le cours d'eau a ete un des moteurs de l'urbaniter (12). Aujourd'hui, cc sont surtout des agglomerations de taille moyenne, rneme si les plus grandes comme Caen, Orleans, Reims, Rouen et Tours depassent 200 000 habitants. Toutes integrent, voire privilegient, la requalification de leurs heritages fluviaux dans leur projet de renouvellement urbain. Ces villes rassemblent donc plusieurs elements comparatifs pour engager une histoire generale des milieux d'eau urbains de la formation des cites au debut du xIx[e] siecle.

[FIGURE 1 OMITTED]

Le travail d'A. Guillerme (13), qui sort de cadre a la reflexion, a ete complete en proposant Line lecture geographique des temps de Pew, en partie implicite chez l'auteur, selon un gradient ville-campagne integrant la croissance urbaine (fig. 2). En recontex-tualisant geographiquement les heritages, cette lecture fournit un modele spatial adosse au modele temporel et permet ainsi d'inscrire la reflexion patrimoniale dans l'espace urbain.
Figure 2: Ville et espaces en eau: heritages
geohistorigues (ix[e]-debut du XIX[e]. s.)

Etat             Objet                      Trace

disparu   Portus curoligien          Activit agro-pastorales

diseret   Edifientions de moraines   Hydraulique urbnine

present   MOULINS                    Reseau d'eau eourante


[FIGURE 2 OMITTED]

Lemergence des villes depend pour une bonne part des fleuves et rivieres dans la mesure ou le reseau hydrographique dessina en grande partie l'armature urbaine nationale (14). Les cours d'eau, qui se pretent par essence au transport, torment des axes de communication privilegies. Toutefois, les conjonctures politiques, militaires et economiques ainsi que les innovations techniques contribuerent a modifier les rapports dans le temps et dans l'espace entre ville et eau. On peut ainsi, selon le modele dA. Guillerme, distinguer cinq temps de l'eau: les villes sacrees, l'enchatellement, les petites Venise, le no man's land et les vapeurs (fig. 2).

Du Bas-Empire romain (270-430) au xi[e] siecle, la fonction sacree puis militaire de l'eau marque la ville et les paysages urbains. La cite, repliee sur elle-merne en castrum, trouve dans l'eau un element de defense (15) avec le creusement de fosses paralleles aux remparts. Apres le xie siecle, le contexte defensif evolue et, a l'image de Rouen, Reims, Amiens ou Chalons-en-Champagne, la creation de denses reseaux hydrauliques accompagne la croissance urbaine. En outre, cette trame de canaux fournit la ville une ressource alimentaire avec le developpement de pecheries (16) alors que les marais proches supportent de prosperes activites agropastorales. Desormais, la ville s'approprie l'eau, la faconne a sa guise et englobe les anciens marecages. Si elle etait un element exterieur et peripherique de la ville gallo-romaine, elle fait partie integrante du paysage de la ville medievale. Le reseau hydrographique local devient un moteur economique de l'urbanisation. Beaucoup d'activites liees a l'eau se developpent, telles la minoterie, l'artisanat textile (tissage, teinture) et la tannerie. De veritables cites lacustres se constituent, dont Amiens, Chalons-en-Champagne et Troyes sont des exemples remarquables. Au xitE' siecle, l'eau est donc dotee dune gamme de fonctions diverses alimentaire, militaire, de transport et de communication, energetique et de matiere premiere pour l'artisanat (17). Cette revolution artisanale, organisee et echelonnee dans le temps, constitue le veritable age d'or de l'eau en ville. II fonde l'image des petites Venise. La guerre de Cent Ans marque Line rupture dans les rapports entre l'eau et la ville et cree un no man's land. De nouvelles fortifications sont erigees afin de proteger la cite medievale recemment etendue. L'eau reprend ainsi de plus belle sa fonction militaire mais si l'extension des douves permet une protection plus optimale des remparts, elle perturbe aussi l'alimentation du reseau hydrographique intramuros: la baisse du debit des rivieres periurbaines favorise en effet la stagnation des ecoulements. Jusqu'au debut du xix[e] siecle, l'humidite joue un role fondamental dans l'econo-mie urbaine, plus precisement clans l'activite textile. Si les villes ont conserve leur patrimoine energetique herite du haut Moyen-Age, elles profitent egalement de l'eau comme element chimique essentiel a la fermentation, comme agent mecanique necessaire a la detente des fibres ou ala tension de l'appret. On parle alors d'economie fongique, c'est le temps des vapeurs. Du xive au xvi[e] siecle, la densification du reseau hydraulique local sert principalement au blanchiment des pieces de toile et accessoirement a l'irrigation des prairies ou au jardinage. Les eaux dormantes favorisent en parallele la transformation des peaux et du papier. Cette nouvelle fonction de l'eau est a l'origine dune specialisation socio-spatiale de la ville avec des quartiers-palustres de marchands, d'artisans, de blanchisseurs et de maraichers. Mais, la conservation de l'humidite et le deversernent d'immondices dans le reseau hydraulique provoquent parallelement le developpement de fievres et de maladies. Les miasrnes tendent de plus en plus a etre combattus alors que l'hygienisme, oppose depuis deux siecles aux eaux stagnantes, connait ses premiers succes: a Caen, au Mans (18), dans la majorite des villes etudiees, les premiers travaux d'enterrement du reseau hydraulique, de comblement des douves et d'assechement des marais intra-urbains (19) surviennent des le XVIII[e] siecle.

A cette chronologie des modes urbains de valorisation de l'eau s'adjoint une evolution des modes de repartition de ces activites selon un gradient ville-campagne complexe et changeant. Si le premier fait marquant (fig. 2) est l'extension urbaine, elle ne s'accompagne pas d'un simple rejet peripherique des marais. En effet, chaque periode connait un agencement specifique des terres humides et de leurs usages. Aux temps des villes sacrees, les noyaux urbains, secs et mineraux, s'opposent aux franges marecageuses a vocation religieuse. Durant l'enchatellement, si le marais draine gagne l'interieur des enceintes, les peripheries defensives conjuguent vastes espaces palustres et larges fosses remplis d'eau alors que les activites agropastorales sont releguees dans les campagnes plus lointaines. Aux XII[e] et XIII[e] siecles, le developpement des moulins sur les franges urbaines amorce tout a la fois une dynamique durbanisation hors les murs fondee sur l'energie motrice de l'eau, sur le transport fluvial et induit l'essor de l'hydraulique intra-urbaine a partir de la formation des premiers faubourgs progressivement integres a la ville. La prosperite des metiers de la riviere transforme donc les cites en petites Venise ou s'imbriquent espaces en eau et activites urbaines alors que le maraichage est tenu a distance. Le no man's land bouleverse ce systeme. La necessite de se defendre marque le repli urbain et disjoint villes et campagnes proches: chacune est assujettie a une logique autarcique alors qu'eaux stagnantes et marais gagnent le coeur des cites. Les vapeurs prolongent ce regne de l'humide et retissent le lien urbain-rural par le biais de l'economie fongique. Le nouvel essor urbain voit une repartition par filiere des activites liees a la putrefaction: si les metiers de l'eau sont lies au centre urbain, leurs matieres premieres proviennent des campagnes proches (lin, chanvre). II n'y a donc aucun gradient du sec vers l'humide, ce que mettra peu a peu en place l'hygienisme et le modernisme. Ainsi, la lecture spatio-temporelle des territotres de l'eau montre des logiques plus complexes que le seul modele centre-perk pherie construit sur la diffusion centrifuge du progres et sur une repartition des activites selon leur nuisance, leur moindre rapport economique et leur rusticite. Dune part, la dynamique peut etre centripete quand le danger venant des campagnes, la ville est tenue de se replier sur elle-meme. D'autre part, la complementarite des productions artisanales associant les campagnes pourvoyeuses de matieres premieres aux villes les transformant correspond mal au modele avance. Par ailleurs, s'eloigner des enceintes urbaines nest pas uniquement glisser du mineral vers le naturel: la ville vit aussi au rythme des cycles hydrologiquee (20) et insere bon nombre d'espaces agro-pastoraux.

Adosses, les modeles temporels et geographiques contribuent egalement a evaluer, selon des perspectives patrimoniales, le poids des heritages historiques dans les paysages urbains contemporains (21). Deux elements ant plus particulierement ete retenus: l'objet mobilier (quai, moulin, canal ...), cite et utilise dans le passe, puis disparu ou toujours reperable aujourd'hui; la trace spatiale des modes de valorisation revolus de l'eau (plan de villes, trames viaires, parcellaire ...). La figure 2 resitue ainsi les heritages contemporains, presents au discrets, dans la gamme complete des amenagements historiques auxquels Is etaient lies et qui n'ont pas tous traverse les siecles.

Les heritages de ces cinq temps de l'eau sont inegaux selon les periodes. Les objets-mobiliers anterieurs au xix[e] siecle. qui relevent de l'archeologie au des batiments historiques, ant ete classes scion la frequence de leur presence contemporaine. De meme, les traces qui relevent de l'archeogeographie (22) et concernent les formes inscrites dans l'espace (23). ant connu un marne classement, merne Si leur apprehension sociale est parfois plus difficile. Trois elements marquants apparaissent.

D'une part, les traces supplantent les objets jusqu'au XIII siecle. Les marques contemporaines d'une hydraulique urbaine mise en place durant l'enchatellement et durant les siecles precedent la guerre de Cent Ans guident encore trames viaires et reseaux des canaux et des fosses. C'est bien sur sur cot heritage quo se construit l'image revendiquee de cites d'eau, de petites Venise qui se multiplient dans le Bassin parisien. D'autre part, le primal des objets-mobiliers apres la guerre de Cent Ans fait la part belle aux ouvrages visant au controle de l'eau (ports, quais, ponts), a sa maitrise energetique (moulins) et a ses fonctions defensives (douves). Enfin, les heritages d'une economic palustre associant les cites a leurs campagnes proches ont disparu: le marais, le fleuve et ses annexes hydrauliques. ont ainsi ete gommes des memoires en merne temps que leurs espaces, plus mobiles, moms construits, connaissaient des mutations importantes (extension urbaine notamment). La mobilisation contemporaine des heritages de l'eau urbaine d'avant le xixe siecle conduit ainsi a dresser, par defaut, les etapes de son controle et de sa domestication.

En definitive, le croisement des modeles temporels et geogra-phiques (fig. 2) eclaire en quoi, en privilegiant tel ou tel heritage au detriment de tel autre, les projets de patrimonialisation four-nissent une occasion de reinterpreter, souvent avec une grande souplesse, le passe et reponclent a des objectifs affiches dans les projets urbains actuels. En cola, les modalites des selections operees revelent les strategies des cites fluviales mais aussi, en creux, leurs contraintes hoes aux incidences des choix de patrimonialisation sur le territoire. Cette approche necessite un changement d'echelle, le local prenant le pas sur le global.

Singularites cztlturelles et morphologiques des milieux d'eau, exemples d'Amiens et d'Orleans

Letude a grande echelle nuance sensiblement la chronologie et la spatialisation des rapports de la ville a l'eau precedemment decrites. Les agglomerations d'Amiens et d'Orleans, respecti-vement baignees par la Somme et la Loire, enregistrent plu-sieurs inflexions spatio-temporelles qui, reliees aux dynamiques hydrauliques des deux fleuves et a la geohistoire regionale des bassins versants, signent des singularites culturelles et morpho-logiques. Davantage quo des ecarts au modele d'A. Guillerme, ces etudes locales introduisent une nouvelle apprehension de l'histoire des milieux humides urbains.

La geohistoire des milieux fluviaux et humides a Amiens retrace l'epopee d'une ville qui s'est developpee en s'ouvrant sur les eaux courantes et stagnantes (24): la formation du reseau hydraulique urbain du quartier Saint-Leu et celle des hortillonnages (fig, 3) en proviennent. Le quartier Saint-Leu designe le faubourg forme des le Moyen Age classique qui marque l'extension d'Amiens sur les marais de la Somme alors que la ville intra-muros, issue de l'an-tique Samarobriva, etait retranchee jusque-la sur les premieres terrasses alluviales. II en ressort la formation dune petite Venise, conforme aux temporalites d'A. Guillerme. Limplantation de moulins par le chapitre de la cathedrale au xi[e] siecle, la duplication concomitante du reseau hydraulique, entrainent une urbanisation du site parallele au trace des canaux. Cette portion de ville basse, artisanale, est Oa bien formee au xie siecle lorsqu'elle est englobee par la nouvelle extension de l'enceinte defensive (fig. 3). Si la guerre de Cent Ans interrompt la densification du bati, celle-ci reprend aux xvie et xviie siecles. D'autant plus que l'implantation de la citadelle au nord de la Somme freine en partie l'extension de la ville. Le dynamisme de la ville basse, qui se poursuit durant le xviii siecle, est attribue a la prosperite de l'economie des eaux courantes dans une conjoncture generale de vapeurs. L'activite textile est d'abord animee par la confection de draps et la teinture. Elle demontre sa pleine capacite a se maintenir et a prosperer au-dela des troubles politiques et de la concurrence en se renou-velant autour des lainages, des velours et de la confection de pro-duits tres qualifies, issus du travail des fils de in, de soie, d'or et d'argent (25) assurant des exportations a l'international, notamment via la Somme. Le dense reseau hydraulique, nerf de l'economie amienoise, marque aussi bien la ville au Moyen Age classique que celle de l'Ancien Regime.

[FIGURE 3 OMITTED]

De part et d'autre du quartier Saint-Leu, les marais de la Somme sont exploites a des fins de maraichage. Les hortillonnages d'Amiens, situes en amont de la ville, sont les plus representatifs. Si les archeologues et archivistes-paleographes s'interrogent sur les origines du site (antique ou medievale selon les auteurs), les premieres references manuscrites proviennent du deuxieme quart du xiii[e] siecle, et celles des cartes de la cite amionoise des xvi[e] (fig. 3), xvir et xixe siecles. Ceci temoigne non seulernent de l'anciennete de l'activite agricole mais encore du faconnement progressif des hortillonnages. commande par les moines de l'abbaye de Saint-Acheul. Plusieurs sources textuelles'-b attestent de dernieres extensions a l'est au debut du xixe siecle. Ces documents decrivent aussi la constitution et la gestion dun agrosysteme a la morphologic originale (27). II s'agit dun parcellaire geometrique et laniere, compose de petites parcelles entourees dun reseau dense de fosses (fig. 3), respectivement denommes aires et rieux en picard. Cet alliage de l'eau, de la terre et du vegetal a necessite d'importants defrichements et travaux de drainage prenant appui sur le reseau hydraulique initial, structure autour des bras de la Somme et de l'Avre (son principal affluent), exhaussant les secteurs exondes. affouillant les depressions. Le maraicher maintient le processus a travers le curage des rieux et le rehaussement de ses berges pour contrer un retour au mare-cage mais aussi pour amender ses aires de limons, se deplacer en barque parmi ces ensembles insulaires et acheminer ses productions en ville. Zone d'approvisionnement de la ville en fruits et legumes, les hortillonnages font en effet partie integrante de l'economic amienoise. En retour, le systerne socio-econo-mique du site depend d'un controle assidu de l'hydraulique par les vannes des moulins de Saint-Leu, assurant suffisamment d'eau pour la bonne circulation des barques tout en ponderant les phenomenes de crue et d'etiage.

Les canaux de Saint-Leu et les hortillonnages d'Amiens for-ment donc des milieux d'eau urbains et periurbains contigus, complexes et singuliers, complementaires sur les plans hydrau-liques et fonctionnels. Leur histoire se distingue du modele d'A. Guillerme par deux traits fondamentaux: la maitrise de l'eau par l'hydraulique urbaine, loin de decliner, est renforcee durant le temps des vapeurs; la pregnance continue des hortillonnages signe une relation ville-campagne perenne.

La geohistoire des milieux fluviaux et humides a Orleans retrace la trajectoire dune ville qui s'est developpee en valorisant les eaux courantes navigables au detriment des eaux stagnantes (28). Lartificialisation de la Loire et de sa resurgence, le Loiret, qui ensemble ceinturent un val inondable asseche des le xvi[e] siecle, balise cette croisade contre les miasmes. La Loire, vaste corridor fluvial, est deja bien naviguee quand l'antique cite d'Orleans, Genabum, se constitue (29). Le fleuve devient surtout un des principaux axes d'echange du royaume entre le xv[e] et le xvine siecle: Orleans tire profit du bassin versant du fleuve, veritable plate-forme commerciale, et de sa proximite avec Paris (120 km) pour clevenir une importante zone de rupture de charge. La Loire, forte d'un lineaire de 1 012 km et de ses nombreux affluents navigues, assure le transit de marchandises de ses regions riveraines (Auvergne, Bourbonnais, Berry, Bourgogne, Gatinais, Orleanais, Touraine, Limousin, Poitou, Anjou, Maine, Bretagne). La descente des marchandises est effectuee par l'ecoulement du fleuve et de ses affluents alors que leur remontee est permise par la concordance de son trace avec les vents dominants. A plus petite echelle, la Loire est a l'intersection du couloir rhodanien, de la region parisienne et de l'ocean Atlantique, ce qui multiplie d'autant plus les echanges. Ainsi, l'economie orleanaise depend surtout d'elements exogenes: les activites 'lees a la Oche, l'arti-sanat des eaux courantes sont secondaires tandis que l'econo-mie fongique de la putrefaction est infime. Si la Loire presente une situation ideale, elle offre en revanche des conditions de navigation deplorables en raison de son lit tres instable et de son regime hydraulique non pondere C'est la la raison d'ame-nagements hydrauliques ambitieux. Au xvie siecle, les levees. hautes digues de lutte contre les inondations (30), deconnectent de fawn quasi-permanente le val d'Orleans du fleuve ligerien, mais ont aussi pour effet de fixer le lit de la Loire par resserrement, correction et simplification de son cours (31). Quasi conjointement, redification de digues submersibles dans le lit du fleuve, les duits, lutte contre la dynamique fluviale (fig. 4). Selon R. Dion, les premieres mentions en archives remontent au xive siecle. Les plans d'Orleans, du xve au xix[e] siecles confirment la presence de tels dispositifs. Enfin, Is prospere economie fluvale engendre aussi la construction du canal d'Orleans, operationnel a la fin du xviie siecle qui, en joignant les eaux de la Loire et de la Seine, a pour fonction d'eviter la rupture de charge a Orleans pour acheminer les marchandises vers Paris (32). Le poids de la navigation engage enfin un profond reamenagement de la Loire urbaine dans la seconde moitie du xviIr siecle: l'enceinte defensive desuete disparait aux profits de vastes quais hippomobiles, la ville s'ouvre sur le fleuve par l'amenagement d'un front urbain (fig. 4).

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Limite sud du Val d'Orleans, le Loiret n'a pas ete utilise pour la navigation, a l'exception des trois derniers kilometres d'un cours long de 11 km. Des le Haut Moyen Age, les moines de l'abbaye de Saint-Mesmin de Micy, situee a la confluence Loire-Loiret, valorisent cette resurgence sur 8 km en creant de vastes bas-sins energetiques, *Dares par des chaussees, avec implantation de moulins en terminaison de chacun d'eux. II s'agit Ia d'accroitre un debit moyen annuel infime. Les premiers textes d'archives qui attestent de la presence des moulins remontent au e siecle' Les bassins du Loiret comptent jusqu'a 17 mou-lins au moment des Guerres de Religion. Les fonctions de ces equipements mecaniques ant surtout vane entre la bonneterie, la dentelle, l'huile, la machine agricole, la quincaillerie, cc qui leur a permis de rester dynamiques durant l'Ancien Regime, au-dela des vapeurs. Des lors, la succession des temporalites d'A. Guillerme se distingue mal a Orleans car la grande dynamique est bien celle du contrale de la navigation sur la Loire et celle de la lutte contre les inondations. Les metiers de la riviere, peu developpes, les amenagements hydrauliques qu'ils requierent, sont Otroitement lirnites dans le bassin-versant du Loiret, en partie asseche.

En definitive, les periodes medievales et modernes, etudiees Amiens et a Orleans, montrent deux profils non seulement tres dissemblables rnais aussi assez discordants vis a vis du modele general d'A. Guillerme. Le site et l'environnement local, la situation generale en regard des flux d'hommes et de marchan-discs, jouent des roles d'autant plus notoires quills determinent l'histoire d'une ville et de ses rapports avec ses milieux d'eau (reconomie palustre a Amiens, le controle de la navigation a Orleans). C'est en effet la continuite d'un processus qui est mar-quante davantage quo la succession des temps de l'eau. Mais cc poids du local, au demeurant souligne par A. Guillerme dans ses travaux plus recents (34), nuance davantage qu'il n'infirme la succession des temps de l'eau avant tout elaboree sur des fondements techniques et economiques.

Au terme de cette evocation medievale et moderne, le poids des heritages lies aux rapports de la ville a l'eau est considerable. Qu'ils soient encore directement inscrits dans les paysages urbains. que leurs traces soient plus discretes, les amenagements, les formes de valorisation de l'eau, faconnent d'autant plus les cites qu'ils en determinent aussi une culture, une identite specifique. A l'heure des politiques de patrimonia-lisation, il est ainsi opportun de se pencher sur les choix des politiques en matiere de reconstruction historique.

La patrimonialisation contemporaine des milieux bumides urbains: une reinterpretation historique ?

Le xix[e] siecle marque une rupture dans le processus crea-tif d'amenagements lies aux rapports entre ville et eau car l'hygionisme, puis le modernisme (35), conspuent, condamnent et eliminent peu a peu et, parfois completement, les milieux d'eau urbains (36). Pourtant, si les stigmates de ce combat du xix[e] siecle au milieu du xx[e] siecle (reseaux d'assainissement urbains, ouvrages de controle des Ocoulements fluviaux, amenage-ments portuaires ...) sont majoritaires, cette periode introduit egalement un double mouvement favorable aux lieux d'eau. D'une part, la naissance des loisirs, notamment nautiques et balneaires, favorise les espaces fluviaux. D'autre part, la dynamique de patrimonialisation lancee par Merimee, confor-tee par la loi du 2 mai 1930. induit simultanement des regards bienveillants sur certains lieux d'eau urbains. A partir de ces heritages hybrides et contradictoires, apres une courte mais brutale periode de declassement et d'oubli (1950-1975), comment s'operent aujourd'hui les strategies de patrimonialisation des espaces fluviaux et de leurs annexes? Sur quelles valeurs et selon quels objectifs, l'histoire est-elle revisitee au profit des politiques urbaines ? Ces questions sont de nouveau examinees a l'aune des deux echelles retenues: la vingtaine de villes retenue precise a la fois les temporalites creatrices d'heritages et les principaux courants de la patrimonialisation; l'etude d'Amiens et Orleans pointe les divergences et specificites des politiques locales.

Patrimonialiser les milieux d'eau urbains et reconcilier vide et nature?

La periode contemporaine (xix-xxr siecles) enregistre un curieux mouvement de va-et-vient (fig. 5). Du xix[e] siecle aux annees 1970, les lieux d'eau sont d'abord mis symboliquement et materiellement hors la ville qui ne semble alors prosperer qu'en alienant sa composante humide. Depuis, la reconciliation, d'autant plus volontaire que le discredit fut violent, s'effectue sur un fond de recherche d'harmonie entre l'hornme et la nature, notamment en milieu urbain. Dans ces conditions, la patrimonialisation des espaces fluviaux, aiguillonnee par le culturalisrne et l'ecologie urbaine, s'apparente presqu'a une expiation qui condamne les heritages contemporains et a un rachat qui valorise les reliques de l'eau.

[FIGURE 5 OMITTED]

Hygienisme et Revolution industrielle bouleversent comple-tement les rapports entre la ville et l'eau. Depuis le siecle des Lumieres, la pensee scientifique est en pleine evolution, notam-ment a travers l'action de la medecine (37), condamnant le mephi-tisme emanant des eaux stagnantes et de l'humidite ambiante. Pour etre same, Ia ville dolt etre seche. Les cours d'eau inie-rieurs ou peripheriques sont charges de tous les maux, de toutes les pestilences, rendus responsables de la propagation du cholera, et enterres (38). L'hygienisme constitue alors le premier courant scientifique a l'origine d'un changement global de la perception et du fonctionnement des villes. Face a un milieu urbanise juge malsain, avec ses rues sinueuses, ses remparts consideres comme inutiles et ses eaux stagnantes nausea-bondes, la conception de la ville durant l'epoque classique est dominee par la necessite d'aerer le tissu uroain, d'embellir le bati et de favoriser le developpement des echanges. La volonte d'ordonner la cite selon une nouvelle esthetique s'affirme donc par 'edification de boulevards plantes a la place des remparts et par la realisation de vastes places. Les canaux urbains, delaisses depuis la mote du xvir siecle, sont ainsi les premiers a etre combles a l'aide des deblais provenant de la destruction des murailles. Parallelement, l'hygienisme se preoccupe de la sante des corps et developpe promenades et parcs urbains, voire conserve quelques plans d'eau a des fins sportives (nau-tisme et natation). La Revolution industrielle constitue indirec-tement un autre facteur d'affranchissement de la ville sur l'eau. Certes, dans un premier temps, les principaux cours d'eau profitent de l'elan provoque par le bateau a vapeur. Beaucoup sont ainsi canalises, bordes de quais et de chemins de halage et de grands canaux de desserte (Rhin-Marne, Marne-Saone ...) sont creuses a la fin de la Monarchie de Juillet. Cependant, les decouvertes en mecanique et en chimie industrielle du xvir et xix[e] s. entrainent rapidement l'abandon de l'essentiel des fonc-tions economiques des reseaux hydrographiques intra-muros et extra-muros. Le developpement du chemin de fer favorise une modification de la morphologic urbaine, avec l'apparition de quartiers dynamiques animes par les gares. et contribue au declin du transport fluvial. De nombreux fleuves et canaux de second rang sont ainsi declasses de la nomenclature des voies navigables et flottables etablie en 1835; les infrastructures fluviales urbaines periclitent La perte progressive et irreversible des fonctions militaires, energetiques, chimiques, alimentaires et de transport du reseau hydrographique trouve ici ses principales causes. Leau, n'ayant plus aucun role en ville, Si ce nest celui d'egout a ciel ouvert, est combattue. A Paris, le baron Haussmann intervient sur le cycle urbain de l'eau avec la creation de reseaux de distribution et d'evacuation (39). La rue moderne, inventee par les ingenieurs des Fonts et Chaussees, deroule ses trottoirs disposes de part et d'autre de la chaussee centrale. Les cassis d'eau stagnante disparaissent ainsi du paysage urbain. Pourtant, le rejet de l'eau au sortir du xix[e] siecle n'a pas encore atteint son paroxysme.

Le comblement et l'enterrement des fosses et rivieres atteint son point culminant au xxt' siecle Lurbanisme moderne rejette en effet le spectacle de l'eau hors de la ville. Les urbanistes rattaches au modernisme ant une croyance absolue dans le progres. La charte d'Athenes (1933), le mouvement anime par Le Corbusier, prone la ville fonctionnelle: La ville dolt faire sa revolution industrielle, ce qui implique le recours a des materiaux nouveaux (beton, acier, verre ...) mais aussi la standardisation et Ia mecanisation de la construction (40). Une telle pensee aboutit concretement a un changement d'echelle: ses conceptions sont universelles, elles s'affranchissent des particularismes locaux. Cette approche normative fait donc perdre au milieu urbain ses caracteristiques territoriales, dont son site initial (41). La revendication dune morphologie urbaine rectiligne contribue au total effacement du cadre physique a partir duquel la ville s'est construite. La topographique et l'hydrographie locale sont igno-roes; la nature est recomposee par la creation d'espaces verts (42). Le zonage monofonctionnel (43), la primeur donnee au transport routier, nuisent directement aux paysages en eau: les voles rapides intra-urbaines se developpent sur les vastes quais en friche; les voies sur berges, aujourd'hui courantes a Reims, Tours et Angers, signent le mepris moderniste de l'eau. Par ailleurs, la planification donne faussement aux milieux aquatiques l'image d'elements facilement domptables (44). Les ingenieurs des grandes ecoles parisiennes procedent a l'enterrement et au comblement des reseaux hydrographiques locaux, selon une demarche prometheenne. La Bievre en banlieue sud parisienne, le canal lateral de la Loire a Orleans et la Petite Avre a Amiens sont meme recouverts d'une dalle en beton, temoignant de cette volonte de mettre hors de la ville le spectacle de l'eau. Les derniers reseaux de canaux urbains sont supprimes, les fleuves et rivieres sont endigues et transformes en simple exutoire pour les ecoulements uses et pluviaux. Simultanement, beaucoup d'etangs sont remblayes et un grand nombre de marais asse-ches, souvent pour que s'erigent de grands ensembles d'habitat collectif (Amiens, Nevers, Tours). Les seuls cours creau restes lair libre sont ceux qui sont trop vastes pour etre combles ou qui beneficient encore de la navigation ou de particularismes locaux.

Dans les annees 1970, la situation de l'eau en yule genere toute une serie de problematiques urbaines. Suite au processus de devalorisation engage depuis deux siecles, elle est desormais etrangere a l'urbain. oubliee et declassee. Le desinteressement porte aux fleuves se lit dans le paysage par la mutation des quais en de vastes aires de stockage de materiaux, en zones d'entrepots pour la vente en gros ou en parc de stationnement de voitures. Les zones humides abritent egalement des activites a forte emprise spatiale et a failDle valeur ajoutee. Seule la pietre valeur fonciere des milieux fluviaux explique le developpement d'usages tits heterogenes et sans rapport avec la proximite de l'humide. En outre, les zones humides urbaines sont ega-lement le lieu de concentration de tous les marginaux de la ville. 'solees, oublibes, ces entites font office de refuge pour les personnes les plus demunies et/ou culturellement eloignees du principe de residence. A titre d'exemple, les Iles Noires et rile Aucard a Tours, les rives du Dhuy et la levee de la Chevauchee a Orleans torment des lieux identifies pour les gens du voyage, les squatteurs, les sans domicile fixe et les travailleurs precaires. Enfin, les milieux fluviaux et humides presentent un etat de degradation avance. Cette situation est le fruit de l'impermeabili-sation croissante des surfaces urbaines, introduisant la question de gestion des eaux pluviales, mais elle est aussi l'expression des problemes de raccordements des habitations aux reseaux d'assainissement, consequence de plusieurs decennies detale-ment urbain soutenu.

C'est dans ces conditions que s'amorce le mouvement de rehabilitation des lieux d'urbains. II reponcl d'abord au culturalisme (45) qui, en s'attachant aux apports historiques de la cite, reintroduit l'eau au cceur des paysages urbains. II obeit ensuite a l'ecologie urbaine et aux politiques de ville durable qui placent l'espace aquatique au centre des projets urbains. Des lors, les zones humides, sont peu peu promues nouvelles figures de Is cite icreale.

Le culturalisme designe le courant de pensee urbaine qui, deve-loppe quasi conjointement au modernisme, n'a de resonnance en France qu'au moment de la remise en cause de ce dernier. Critique vis-a-vis de la ville industrielle, alternatif a la vision moderniste du fait urbain, le culturalisme promeut les heritages urbains du Moyen Age et de l'Ancien Regime et, par cc biais, ceux attaches aux milieux d'eau urbains. La Charte d'Athenes pour la restauration des monuments historiques (1931), la Charte internationale sur la conservation et la restauration des monuments et des sites, dite Charte de Venise (1964), et, a lechelle nationale, les lois du 2 mai 1930, du 25 fevrier 1943 sur les abords des monuments historiques et du 4 aout 1962, dite loi Malraux, relient le monument (46) au site qui l'inclut et favorisent ainsi la valorisation patrimoniale des paysages. Des lors, le cultu-ralisme, notamment avec les perimetres de secteurs sauvegar-des, assure le glissement de la renovation, faisant fi de l'heritage historique, vers la restauration et la rehabilitation. Cette politique, tits visible dans les centres historiques a conduit, dans les villes encore marquees par les fleuves et leurs annexes, a une patri-monialisation de ces espaces et objets lies a l'eau.

Prairies Saint Gildas a Chateauroux, Parc de la Courneuve en Seine Saint Denis, marais d'Ardon a Laon, parc du chemin de rile a Nanterre, les zones humides deviennent les emblemes et les objets du developpement urbain durable. Les acteurs et deck deurs des nouvelles cites ideales y trouvent souvent des espaces idoines ou s'appliquent des principes susceptibles de reconcilier la ville avec la campagne, le beton avec la nature et les citad ins avec leur tissu social et urbain. Comprendre cet enthousiasme et cette unanimite suppose d'evaluer les vertus environnemen-tales et sociales de ces lieux d'eau au regard du concept de ville durable mais aussi les effets de mode territoriaux qui, a terme, peuvent fragiliser le processus. Le retour des zones humides dans le giron des lieux propices au developpement urbain procede sans nul doute de la conjoncture. Conspuees par le modernisme, elles deviennent par un effet de relegation positive, les nouveaux laboratoires de l'urbanite pour les postmodernes. Cette notion de relegation positive consiste, lors d'un rapide changement de systeme de representation ou d'objectifs, a privi-legier et redecouvrir les objets et les valeurs qui etaient rejetes ou negliges dans le systeme precedent. Les exclus d'hier seraient donc les promus d'aujourd'hui. Ainsi, le passage de la ville indus-trielle a la ville durable, avec les crises et critiques ayant conduit de l'un a l'autre, a en partie assure le processus de relegitimation territoriale des milieux hydromorphes urbains.

Cet effet de mode n'enleve rien au fait que la promotion des zones humides conforte le concept de ville durable et quo ces lieux constituent un champ d'application privilegie des projets urbains qui en emanent. La ville durable, malgre la polysemie du terme et la diversite des approches (47) peut se definir comme une vine capable de se maintenir dans le temps en gardant son identite et son dynamisme, capable aussi d'offrir << une qualite de vie en tous lieux dans une mixite sociale et fonction-nelle, capable enfin de se reapproprier un projet politique a la recherche d'un equilibre sur le plan ecologique et social vis a vis du territoire et de la planete >> (48). Quelques principes essentiels en decoulent. D'une part, elle a besoin de son passe, de sa culture et de son patrimoine, afin de mieux cerner le temps present et de se projeter plus aisernent clans le futur. Ceci suppose une solidarite intergenerationnelle garante de la construction identitaire citadine. D'autre part, son attachement a la qualite de vie se decline non seulement dans celle du cadre urbain (nature en ville, paysage urbain ...) mais aussi dans la creation de multiples proximites socioculturelles, economiques et dernocra-tiques susceptibles de reduire la fracture sociale. Enfin, la ville durable limite, tant dans l'intra-urbain qu'a l'echelle regionale, les nuisances environnementales induites par son developpement. Dans ce contexte urbanistique florissant, les agglomerations aux sites originels lies a l'eau trouvent dans les fleuves et leurs annexes hydrologiques un champ d'application privilegie.

En effet, une zone humide c'est d'abord de la nature en ville (49). La biodiversite y atteint un niveau inegale et les paysages renvoient a une naturalite tres forte confinant au sauvage. Dans les marais d'Ardon, au pied de la butte de Laon, plus de 170 especes vegetates composent des milieux riches et varies (50); Saint-Quentin-en-Yvelines, 231 especes d'oiseaux frequentent letang de la ville nouvelle qui est tout a la fois Line reserve natu-retie, une base nautique et un bassin ecreteur de crue51. Ainsi, il y a frequemment, par le prisme des zones humides, conjonction entre milieu urbain et aires naturelles protegees (Reserve natu-relle du Marais d'Isle a Saint-Quentin (Aisne), reserve naturelle de Saint-Mesmin marquant la confluence de la Loire et du Loiret dans l'agglomeration orleanaise ...).

C'est ensuite une infrastructure naturelle, selon l'expression adoptee par le Plan national d'actions en faveur des zones humides, qui diminue les risques hydrologiques et contribue a renforcer la qualite geochimique des eaux. A Nanterre, le parc du chemin de 'lie filtre les eaux de la Seine et a un role de depollution. A Laon, enfin, le marais d'Ardon accueille les nouveaux forages alimentant la ville en eau potable. Ainsi, les zones humides intra-urbaines sont des zones utiles.

C'est encore un element cle du patrimoine historique, un mar-queur du site urbain et un puissant vecteur d'identite territoriale. Le florilege de villes s'accaparant l'image de petites Venise (Amiens, Etampes, Montargis, Pont-Audemer ...) participe de cette construction identitaire tout cornme la remise en scene du patrimoine hydraulique. La creation de promenade des tnou-lins (sur les bards du Loiret a Olivet, sur ceux du Petit Morin a Jouarre ...), la remise en eau des canaux declasses (canal d'Orleans, canal du Berry), la restauration d'ecluses, la rehabilitation de tanneries et autres edifices industriels, la reanimation des quais et des anciens ports fiuviaux: tout illustre le regain d'interet pour l'histoire locale des quartiers tisses par la presence de l'eau.

C'est egalement un lieu d'expression du lien social construit autour des solidarites de l'eau. Biens publics, les zones humides accueillent souvent des jardins familiaux dans lesquels se nouent des relations d'entraide et de partage, organisees, entre autres, par la gestion de reau. Biens collectifs, elles renfterment bon nombre de parcs publics (ecoparc des Chenevrieres Chateauroux-Deols, parc urbain de Vendome, Plan d'eau du Canada a Beauvais) qui, en vertu des fonctions mediatrices de la nature en ville, rassemblent toutes les classes sociales et toutes les generations. C'est pourquoi, elles sont frequemment retenues comme laboratoire de reinsertion sociale (domaine de la Solitude a Laon) et d'ecocitoyennete. Espaces ouverts, elles constituent des refuges pour des formes originales de vie sociale ou d'expressions artistiques comme le land-art. Des lors, ouverts a tous et reconnus par taus, les lieux humides sont le the'atre privilegie des grandes festivites urbaines (Festival de Loire a Orleans, fete au bord de l'eau a Amiens, Tous sur le pont a Blois ...) ou d'animations centrees autour de l'echange et de la convivialite: foires, marches, feux d'artifice du 14 juillet, bals ...

C'est enfin un lieu de proximite fonctionnelle par la conjonction spatiale des loisirs, des infrastructures techniques (bassin ecreteur de crues ...), des manifestations de la biodiversite, des activites productives (maraichage) ou comrnerciales (guinguettes, bars), et ce, a des distances toujours faibles du tissu urbain dense. C'est dans ce cadre que les zones humides, detenues en majeure parte par les collectivites territoriales, constituent des reserves foncieres privilegiees, et donc, un champ preferentiel pour construire la ville durable.

En definitive, les zones humides guident aujourd'hui les projets urbains. A Arras, le schema directeur approuve en 2000 reorganise la ville en fonction du projet Trame verte--Trame bleue. Cette notion de trame bleue, apparue recemment dans le projet de loi dite Grenelle 2, se retrouve aujourd'hui dans un grand nombre de projets d'amenagement (Orleans, Troyes) montrant ainsi l'importance de l'eau pour les grandes agglomerations qui non seulement reinvestissent leurs espaces aquatiques mais encore orientent leur developpement autour des reseaux hydrographiques.

On comprend ainsi la soif des villes a patrimonialiser leurs espaces et leur histoire lies a l'eau, mais cette volonte, parta-gee par l'ensemble des villes etudiees, presente cependant un double paradoxe. D'une part, les heritages (fig. 3 et 5) sont surtout le fait du controle de l'eau, voire de la volonte de l'eradiquer de la cite. Or, a de rares exceptions (ouvrages de navigation notamment), les politiques urbaines sant d'autant mains pretes a assumer our ceuvre dessinatrice que celle-ci est proche dans le temps. Des lois, apparait un hiatus entre le corpus des heritages et celui des objets patrimonialises. D'autre part, ce hiatus ontologique conduit souvent les ediles urbains construire parfois ex nihilo une identite fluviale ou paludeenne, choisissant dans le corpus des objets et traces herites, ceux qui appuient leur politique urbaine. C'es1 cette instrumentalisation du patrimoine de l'eau que l'on suit a Orleans et a Amiens.

La patrimonialisation a l'echelle locale d'Amiens et d'Orleans, un acte politique

La demarche adoptee ici est volontairement regressive: c'est en comparant les patrimoines lies a l'eau aujourd'hui revendi-ques par les villes d'Amiens et d'Orleans avec l'ensemble des heritages issus des periodes anterieures et posterieures au xix[e] S. que approche les politiques patrimoniales des deux cites fluviales. Dans les deux cites, cette demarche est precedee dun diagnostic prealable a quatre phases: l'examen du culture' et du social, des politiques de valorisation et d'animation, de la communication puis du reglementaire (53).

Le patrimoine amienois de l'eau repose sur les images respectives de jardins sur l'eau et de petite Venise du Nord, soit respective-ment sur le site des hortillonnages et celui du quartier Saint-Leu. Le maraichage connut son apogee entre la seconde moitie du xix[e] et le debut du xx[e] siecle, date a laquelle le nombre de 1 000 professionnels fut atteint (54), et ce a contrecourant de la perte fonc-tionnelle et du comblement des milieux humides reperee durant l'hygienisme. Ensuite, la concurrence des produits du Benelux, l'amelioration des techniques de conditionnement dans les transports, ant raison de l'activite qui decline jusqu'aux annees 1990 et ie se maintient depuis qu'a sept prolessionnels (55). Conjointement, l'essor des jardins d'agrement et potagers garantit tine vocation economique au site, renforce les liens sociaux et le sentiment d'appartenance: le glissement du maraichage professionnel au jardin amateur conforte l'identite agricole du site.

La revendication patrimoniale de Saint-Leu. sous les angles culturel et social, resulte dune trame geohistorique similaire qui relegue au second plan ies effets des theses hygienistes et aeristes. La pleine capacite de l'industrie textile a se maintenir et a prosperer dans le temps se confirme. Alors quo la production de lainages decroit dans les dernieres decennies du xix[e] siecle, le travail du coton s'affirme a la fin du xviii[e] siecle et devient le principal secteur d'activite, specialise dans les velours de coton et d'Utrecht (56). La reputation textile d'Amiens perdure et contribue a la transmission spatio-temporelle du reseau d'eaux courantes, bien que le secteur d'activite se soit recentre sur la chimie minerale et la machine a vapour. Si les deux guerres mondiales ebranlent le systeme economique, l'activite textile et les canaux restent vifs dans les memoires.

Actuellement, les politiques de valorisation et d'animation de Saint-Leu et des hortillonnages s'appuient sur des programmes de restauration et de rehabilitation, favorisent l'ouverture de quelques bars-restaurants jeuxtant les voies d'eaux, par ailleurs agrementees de parcours de decouverte pedestre et fluvial. Sont mis en avant, pour l'un, l'energie hydraulique des canaux, l'economie textile, des elements de l'histoire de la ville, et, pour l'autre, le maraichage, la biodiversite, le jardinage et d'autres formes de loisirs. Les hortillcnnages sont aussi dotes dun centre d'education a l'environnement pour les enfants d'age. Chaque annee, la fete du marche sur l'eau (juin) et la fete au bord de l'eau (septembre) mettent aussi en scene les canaux de Saint-Leu et les hortillonnages a travers l'acheminement des cultures mardicheres en barque, le marche de producteurs et d'artisans, les jeux nautiques, les scenes musicales et theatrales, le feu d'artifice ... Egalement associes aux festivites urbaines, les deux lieux d'eau sont un cadre preferentiel d'animations et dessinent, avec la cathedrale, le triptyque touristique amienois.

Le quartier Saint-Leu et les hortillonnages constituent ainsi deux images de marque de la ville. Figures de proue des brochures touristiques et du portail internet de l'office de tourisme, les canaux de Saint-Leu et les hortillonnages sont aussi d'impor-tants sujets de l'actualite des bulletins municipal et intercommunal, dans lesquels il est essentiellement question d'histoire urbaine pour le premier site alors que le second est associe a la nature et a la biodiversite (57). En complement, uric campagne de marketing territorial d'envergure nationale, merles au debut des annees 1990, a notamment exploite l'image de ville sur l'eau en associant une photo de front urbain de Saint-Leu a l'interroga-tion Amsterdam ou Amiens? (58)

Sur le plan reglernentaire, enfin, l'est de Saint-Leu et l'ouest des hortillonnages sont des sites inscritsfr (59) au titre de la loi 1930 en raison du caractere pittoresque du quartier palustre. temoin des activites artisanales invariables qui s'y pratiquaient depuis des siecles, ainsi que de l'originalite paysagere du second site dont le maintien en l'etat s'impose face au declin du maraichage. Cependant, cette inscription n'a pas de contrainte reglementaire. Par contre, la creation d'un plan d'occupation des sols speci-fique aux hortillonnages, repondant au caractere pluricommunal du site, a fixe des regles precises en termes de protection et de gestion integree face a la pression urbaine, aux dynamiques d'abandon et de degradation, au developpement de jardins d'agrernent et potagers. Sur un plan ecologique, les hortillonnages ont recemment ete integres au reseau Nature 2000 a travers la zone de protection speciale Etangs et marais du bas-sin de la Somme et le site d'interet communautaire Marais de la moyenne Somme entre Amiens et Corbie. La protection et la gestion des biotopes et de la biodiversite rejoignent les mesures adoptees sur deux marais situes plus en amont, classes en reserve naturelle nationale (1979: 13,4 ha) et en arrete prefecto-ral de protection de biotope (1987: 14,9 ha).

Cette etude en quatre phases revele d'emblee un hiatus entre le patrimoine revendique et les heritages en place. D'un cote, si le quartier Saint-Leu est associe a l'image de petite Venise du Nord, jouant sur la reconnaissance de cet alliage de canaux et de bati, les moulins et les vannes de regulation hydraulique n'en restent pas moms negliges. Les acteurs urbains reconnaissent la valour paysagere et culturelle du reseau d'eaux courantes mais font fi paradoxalement des deux moulins a aube, derniers vestiges de cette economia Les temoins oe l'histoire contem-poraine sont egalernent denigres: les petits complexes indus-triels dissemines dans le quartier, l'usine hydroelectrique et le vaste site des velours Cosserat, shies plus en aval, presentent des etats d'abandon avances. De l'autre cote, les hortillonnages renvoient a la nature, aux paysages et au maraichage. C'est donc l'image d'une nature bucolique qui est ici patrimonialisee, non colic de son passe plus industriel. Lhistoire de l'extraction de la tourbe, la aussi oubliee (60), l'atteste. Lactivite qui valorisait ce substitut au bois de chauffe est pourtant responsable de nombreux plans d'eau au cceur et en peripherie du site, temoins d'une economie populaire et dynamique du [xviii.sup.e] au debut du [xx.sup.e]" siecle qui a fait la richesse de la vallee de la Somme en pleine conjoncture d'hygienisme (61). Comme a Saint-Leu, on note aussi l'abandon voire la suppression des temoins du passe indus-trialo-portuaire du sud des hortillonnages etendu jusqu'aux annees 1960. Lanalyse des politiques de patrimonialisation explicite alors ce hiatus et les valeurs sur lesquelles il repose.

Les fondements de la valorisation patrimoniale de la petite Venise du Nord remontent a l'apres 1945 lorsque l'insalubrite des canaux urbains et la degradation du petit bati populaire (bois et torchis) ressurgissent lors du declin de l'industrie textile. Ce quartier d'eau, epargne des actions de l'hygienisme, est alors en proie aux actions de l'urbanisme moderne dans les annees 1950-1960. Plusieurs projets tournes sur les creations de grands ensembles d'habitat collectif sur remblais et d'une zone industrielle, engagent la suppression des canaux et la destruction des petites maisons anciennes. Neanmoins, ceux-ci se succedent sans jamais aboutir en raison de financements defaillants et de la vive opposition des riverains, attaches a la morphologie singuliere de ce quartier. Le contexte est aussi celui d'une ville fortement atteinte par les deux conflits mondiaux, or, l'ancien faubourg medieval, qui en rechappe miracu-leusement, se volt associe a l'image de vieille ville. Le regard des elus sur la petite Venise du Nord change au cours des annees 1970-1980 mais ii faut attendre la decennie suivante pour que s'amorce sa requalification, animee par la restauration des canaux, la rehabilitation du bati et la densification urbaine lors de l'implantation de batiments universitaires (62). Lidee est de faire de Saint-Leu un quartier latin sur reau. Ces actions repondent aussi au contexte general d'une ville destructuree, sans perspective de developpement.

La patrirnonialisation des hortillonnages est aussi associee l'opposition du grand public aux projets menacant l'integrite du site. Porte par un proprietaire d'une petite parcelle de terre, le vent de contestation voit la creation de lAssociation pour la protection et la sauvegarde du site et de l'environnement des hortil-lonnages qui a eu raison des projets de route a grand gabarit en 1975 et de penetrante (vole rapide large de 12 m) au milieu des annees 1980. Seules quelques actions a l'encontre des milieux ont Pu etre engagees (busages, comblements, activites clegra-dantes). Depuis, l'association, declaree d'utilite publique en 1991, sensibilise et assiste les proprietaires et locataires lors de l'entre-tien de leur parcelle et de ses fosses, soutient le maraichage et anime un parcours de decouverte en barque. Les hortillonnages sont aussi un lieu prise des pecheurs et chasseurs au gibier d'eau. La notoriete de l'association est rapidement acquise et contribue au changement de regard des elus sur le site dans les annees 1990. Le projet de requalification urbaine du sud des hortillonnages (projet Gare La Vallee), fortement degrade, en temoigne. Dans le detail, l'esprit de cette ambitieuse operation d'urbanisme tend a reconstituer certains rieux, a developper le contemplatif sur le site, a la fois depuis le versant sud de la vallee et depuis les rives de la Somme, a travers autant de parcs transversaux et longitudinaux. Lattention est aussi accordee au jardinage et au maraichage. Ainsi, les jardins sur l'eau participent a la construction de la ville de demain.

Le patrimoine de l'eau a Orleans s'appuie sur la Loire, sur ses ouvrages d'art et ses paysages naturels, ainsi que sur les rives du Loiret agrementees de chateaux et de gares a bateaux.

La Loire conjugue deux images paradoxales de fleuve royal et de dernier fleuve sauvage d'Europe qui se sont succedees dans le temps: l'intense activite de navigation jusqu'a la moitie du [xix.sup.e] siecle, precede ainsi, du fait de ses dimensions et de son regime hydrologique, du fait aussi de son inutilite economique, une phase l'ayant mise a l'ecart des grands travaux de canalisation. Le delaissement guette donc le fleuve quand les bains et le canotage reactivent des rapports a l'eau a contrecourant de l'hygienisme puis du modernisme. Une kale de natation anime les quais des la Belle Epoque, des plages investissent les bancs de sable accroches aux duits, les loisirs nautiques s'accaparent les eaux lentes et rapides durant les Annees Folles. En 1938, Orleans demande merne a se nommer Orleans-les-Bains ! Ces activites periclitent dans les annees 1950-1960 en raison de noyades chroniques, d'eaux degradees par l'industrie et du developpement du tourisme de masse vers le littoral. Le fleuve est abandonne, gagne par les ligneux; lessor de gra-vieres, l'amoncellement de dechets le declassent. A l'exception de la Oche, les rapports a l'eau sont alors contemplatifs: les promenades rivulaires a usage des pietons et cyclistes deve-loppees des les annees 1940-1950 allient amenagements modernistes et ouverture paysagere sur e fleuve. En comparai-son, le Loiret connait un tout autre sort. Niche ecologique des notables orleanais, ses bassins, biefs et moulins, fournissent un cadre de vie attrayant aux bourgeois et seigneurs de l'Orlea-nais qui construisent chateaux et parcs de la fin du [xvi.sup.e] siecle au [xix.sup.e] siecle. A la Belle Epoque, la frequentation de l'aval du cours d'eau se popularise. La construction de gares a bateaux Oquipees dune ou deux pieces de sejour cree un front bati a fleur d'eau motivant l'expression de petite Venise du Loiret. Lapparition de bars-restaurants et de guinguettes (pres d'une trentaine en moms de 5 km !), entre la fin du [xix.sup.e] et le debut du [xx.sup.e]. siecle, renforce le caractere populaire, festif et ludique de ces rives, facilement accessibles par tramways et routes entretenues. Nautisme, Oche, promenade, fetes et bals, a contrecourant des conjonctures d'abandon et de declassement, reconvertissent les bassins, transmettent lcurs traces et leurs formes (63).

Aujourd'hui, les politiques de valorisation et d'animation affinent les formes de revendication patrimoniale de la Loire et du Loiret. Les rives des deux cours d'eau beneficient de programmes de restauration, sont animees par quelques bars-restaurants et sont equipees de promenades balisees, de parcours de decou-verte a vocation peclagogique insistant. pour l'un, sur la biodi-versite et, pour l'autre, sur l'environnement fluvial, les moulins et les chateaux. Le Festival de Loire, manifestation biannuelle, fait revivre la marine fluviale des [xvii.sup.e] et [xix.sup.e] siecles sur les quais hippomobiles. Moins marquees par l'evenementiel, les rives du Loiret sont le theatre de fetes plus sporadiques, insistant sur le patrimoine et la qualite de vie des parcs publics. Lambitieuse Loire a vela continuite cyclable de 800 km de Nevers a Saint-Nazaire, menee de concert par les regions Centre et Pays de Loire, longe les quais de Loire, met le fleuve en communication avec le Loiret et avec les autres lineaires fluviaux et elements du patrimoine ligerien. La Loire et, dans une moindre mesure, le Loiret, dynamisent le tourisme local.

La Loire et le Loiret dessinent ainsi deux axes majeurs de communication de l'agglomeration orleanaise. En temoignent les noms de Is Communaute d'agglomeration (Orleans Val de Loire), et de son bulletin d'information (lAgg10) ainsi que des slogans attaches aux actions de requalification urbaine (Ensemble vivons la Loire ! et lAggla naturellement liaerienne). Letude des presses municipale et intercommunale enrichit d'ailleurs la perception des deux cours d'eau, les associant aux loisirs, al'his-toire urbaine, aux inonclations, a la nature et a la biodiversite (64).

Si la revendication patrimoniale est presente sur les plans culturel et social, en termes de politiques de valorisation et de communication, elle est surtout le fait d'abondantes reglemen-tations. Les quals de rive droite de la Loire et les rives du Loiret sont inscrits au titre de la loi de 1930, respectivement par arretes du 17 juillet 1944 (sur 11 ha) et du 8 avril 1943 (sur 218 ha). Se superposent a ce dernier perimetre les classements de deux chateaux et de leur parc (sur 19 ha et sur 13 ha), ainsi que d'une lie (sur 5 ha). Par ailleurs, l'arrete prefectoral du 25 avril 1995 classe les rives du Loiret en ZPPAUP, soit lune des premieres a l'echelle de la France. Cette protection juridique, devenue AVAP, s'attache a la gestion coordonnee du Loiret, de ses biotopes, de ses paysages, de ses chateaux et gares a bateaux. La reserve naturelle de Saint-Pryve qui englobe sur 263 ha le site de confluence Loire-Loiret accentue plus encore la lecture nature-liste du cours d'eau. Plus recemment, enfin, l'inscription du Val de Loire sur la Liste du patrimoine mondial de l'humanite et le classement des rives de Loire au centre d'Orleans reconnaissent a la Loire des valeurs patrimoniales faites de nature et de culture.

Comme pour Amiens, le diagnostic en quatre phases revele un hiatus entre le patrimoine revendique et les heritages en place.

Les acteurs locaux reconnaissent avant tout a la Loire et au Loiret un patrimoine ecologique, vehiculant l'image de cours d'eau porteur de biodiversite, de nature en ville. En depit d'une presence humaine tres forte et tres ancienne sur ces espaces, la dimension culturelle est moms acquise et, surtout, de fawn inegale dans le temps et dans l'espace. Si la navigation com-merciale et le canotage font aujourd'hui partie integrante du processus de patrimonialisation des deux cours d'eau, ii n'en est pas de meme pour les bains et guinguettes dont le souvenir n'est pas remobilise. Or, ceci ne s'explique pas par l'ampleur et la richesse des heritages: si la navigation commerciale est riche en objets, dont certains sont clairement revendiques (quais) alors que d'autres restent plus marginalises (duits, levees), les activites nautiques et les guinguettes ont en cornmun d'avoir laisse peu de traces. Par ailleurs, les acteurs urbains patrimo-nialisant les gares a bateaux et les chateaux du Loiret privi-legient d'une certaine fawn le processus de villegiature du cours d'eau. L'histoire energetique y est par cc biais associee puisqu'elle place les anciens bassins de valorisation energetique et les moulins au centre de la dynamique residentielle.

Ainsi, le hiatus entre patrimoines et heritages n'est pas corn-mande par des criteres chronologiques qui definissent, a l'instar d'Amiens, cc qui est patrimoine de cc qui ne rest pas, mais par des reconsiderations culturelles et sociales des elements en place, valorisant les heritages monumentaux au detriment des heritages plus populaires. Se perdent ainsi dans l'anonymat les guinguettes, les bains, les bodes de natation: les politiques de patrimonialisation accompagnent en realite un processus de gentrification de l'espace.

L'image de fleuve royal attachee a la Loire, fondee sur la nostalgic d'une navigation commerciale revolue, est au cceur du recent projet d'agglomeration Loire trame verte, vote en 2002. Face au delaissement du fleuve, les acteurs urbains ont res-taure les quais de Loire par la suppression des vastes zones de parking, la reduction de l'emprise spatiale du boulevard routier et le debroussaillage de la vegetation autant de discontinuites supprimees entre les rives et le centre andel. L'irnplantation d'un complexe cinernatographique et de commerces lie les deux espaces sur le plan fonctionnel: la ville s'ouvre maintenant sur son fleuve. Les quais hippomobiles rehabilites sont acces-sibles aux pietons et cyclistes (passage de la Loire a yelp). La reouverture des 1 000 derniers metres du canal lateral de la Loire (auparavant bouche et recouvert d'une dalle de beton). la fabrication dune replique des ecluses, la reconstitution d'un bateau a vapour et d'un bateau lavoir, l'amenagement d'un ponton pour accoster les embarcations legeres (canoe-kayak, flotte ligerienne) sant destines a animer l'espace fluvial requa-lifie. Cet amenagement rivulaire valorise aussi, par simple effet de contemplation des Ties ligeriennes intra-urbaines, l'image de la Loire comme dernier fleuve sauvage d'Europe, mobile et fluctuant, conquis par la vegetation. En outre, cette action est limitee a une rive de Loire car il s'agit de valoriser le front urbain d'Orleans, image de marque de la ville, pour en faire un nouveau quartier anime. Cette dynamique nourrit la surenchere immobiliere des bords de l'eau, relevee depuis quelques decen-nies et intensifiee depuis l'inscription du Val de Loire a I'UNESCO.

La patrimonialisation du Loiret n'est pas le fait de la mobilisation des seuls elus urbains. Si de nombreux outils juridiques ont ete utilises pour maintenir l'esthetique et la singularite de cet espace, et lutter contre l'etalement urbain (65), cette patrimo-nialisation est l'expression de lobbys associatifs dynamiques. LAssociation pour 0 protection du site et de la riviere du Loiret et de son bassin versant est constituee en 1974 par opposition au projet de franchissement de l'autoroute sur le Loiret avant de s'impliquer dans la gestion et l'animation du cours d'eau ainsi que dans le projet de ZPPAUP. LAssociation pour la defense, l'animation et la promotion de la riviere du Loiret et de son site est pour sa part creee en 1975 dans le but d'harmoniser les actions sur le Loiret, notamment en termes d'urbanisation et de valorisation des moulins, chateaux et gares a bateaux. Attentive a la gestion de l'eau, elle s'est investie dans le projet de schema d'amenagement et de gestion des eaux. Enfin, l'Association des Naturalistes Orleanais, aujourd'hui denommee Loiret Nature Environnement, soutient la patrimonialisation ecologique du cours d'eau en prenant en charge la gestion de l'APPB de la Pointe de Courpain, devenue reserve naturelle de Saint-Pryve en 2006. Les acteurs urbains se sont alors associes ce contexte associatif tits actif. par le biais du memo projet Loire trame verte, en coordonnant les actions de requalification autour de la rehabilitation du reseau de chemins herite de l'acces des gardes-rivieres aux vannes de regulation hydrau-lique, agremente de mobilier urbain, de panneaux d'information et de petites passerelles. La nature de l'intervention est donc exclusivement centree sur la promenade et la contemplation, n'associant ni le renforcement du canotage, ni le developement de guinguettes. Le projet de trame verte, pedestre et cyclable, entre Loire et Loiret vise enfin a connecter ['ensemble de ces actions de requalification.

En conclusion, les politiques patrimoniales des deux cites fluviales apparaissent tres differentes tant au niveau des heritages choisis que des outils deployes. Amiens, l'artisane, aux eaux paresseuses, mobilise une identite fluviale a partir des jardins sur l'eau et de l'image de petite Venise du Nord. Si son passe industriel recent (extraction de la tourbe et textile) est aujourd'hui neglige par les politiques patrimoniales, il a neanmoins entretenu la perennite des liens entre Amienois et lieux d'eau. C'est cette identite lacustre, jamais occultee, qui explique la vigueur des contestations populaires aux projets de destruction des milieux fluviaux. C'est encore elle qui explique le peu d'outils juridiques deployes pour les proteger, l'evidence de leur maintien ne necessitant pas de contraintes reglernentaires. Orleans, la royale, au fleuve sauvage, est au contraire en train de litteralement se reconstruire une identite fluviale. Apres avoir tourne le dos a la Loire des la fin de la marine fluviale (milieu [xix.sup.e] siecle), sa mue ligerienne s'accompagne aujourd'hui dun volon-tarisme juridique et d'une selection drastique des heritages a mettre en exergue. La navigation, la nature sauvage prennent le pas sur taus les autres liens qui unissaient les Orleanais a la Loire et au Loiret, et c'est a marche forcee, et tronquee, qu'est conduite la politique de patrimonialisation des espaces en eaux. Davantage qua Amiens, elle constitue une reponse a l'influence croissante de Paris qui tend a transformer la cite liberee par Jeanne d'Arc en une simple banlieue.

Conclusion

Eclairer la construction de la notion de patrimoine fluvial urbain et des politiques qu'elles motivent s'est donc effectue par une demarche scalaire montrant que chaque niveau d'echelle connalt ses propres specificites patrimoniales, et par une dernarche geohistorique construite sur le temps long et sur la comparaison entre le patrimoine revendique et les heritages historiques. Cette methode tente d'apporter une reponse au constatth (66) que l'etude des processus de patrimonialisation souffre d'un double manque: les approches geohistoriques negligent les dimensions psychosociales et economiques; l'inverse, les approches geoculturelles s'appuient sur des bases historiques trop etroites. Davantage merne que la diversite des heritages et des modalites de leur selection patrimoniale, il apparait que les politiques de patrimonialisation des espaces urbains fluviaux sont soumises a une triple valence. D'une part, elles repondent un mouvement culturel general, a une mode, d'envergure natio-nate voire europeenne, qui, de la reconnaissance du patrimoine vert dans les annees 1990 a l'exaltation du patrimoine construit depuis 2000, a considerablement influence la reconnaissance des lieux d'eau urbains. D'autre part, elles s'inscrivent dans des identites locales d'autant plus fortes qu'elles reposent sur la longue histoire des rapports de la ville a l'eau et sur une appropriation populaire de l'espace (67). Enfin, dies obeissent a des politiques urbaines qui, selon les elus et les ediles, rejettent des heritages dans l'oubli ou en erigent d'autres en faire-valoir de la cite. Influence, approprie, designe, le patrimoine connait alors, selon les contextes locaux, des devenirs dissemblables et des greffes sociales plus ou moms reussies.

Sit participe a la fabrique de la ville on recyclant paysages et fonctions selon des logiques--souvent souples--d'interpretation du passe (68), s'il est aujourd'hui un des fondements du fawn-nement des identites urbaines, et donc de 'edification des villes durables, le patrimoine fluvial urbain constitue aussi un laboratoire des politiques publiques. Autour de Jul se nouent en effet bien des enjeux socio-spatiaux et des ambitions politiques contemporaines, autour de lui la culture reinvestit les paysages.

Notes

(1.) Claude Chaline, Cos ports qui creerent des wiles (Paris: L'Harmattan, 1994), 299.

(2.) Perrino Michon. [much less than] Le partenariat public-prive et la regeneration urbane. Lexemple des Docklands [much greater than], Geocarrefour, 83, no..2 (decembre 2008): 119-128.

(3.) Guy Van Oort, [much less than] Lamenagement du territoire aux Pays-Bas: l'evolution de la Randstad [much greater than], Hommes et terres du Nord, 4 (octobre 1984): 226-236; J. M. Dewailly. [much less than] Plans d'eau et loisirs dans la Randstad Holland [much greater than], in Les paysages de Peat' aux portes de la wile, ed. Jean-Paul Bravard, Anne-Marie Laurent, Jean Davallon, Jacques Bethemont (Lyon: Programme Rhone-Alpes de Recherche en Sciences Humaines, 1995), 117-137.

(4.) La lot n[degrees]1930-05-02 du 2 mai 1930, [much less than] relative a la protection des monuments naturels et des sites de caractere artist ique, histonque, scientifique, legendaire ou pittoresque [much greater than] marque une etape importante dans l'integration de la question paysagere dans la legislation francaise et s'attache. par ses objectifs, a la protection de nombreux sites fluviaux et humicles en ville ou proximite.

(5.) Les aires de mise en valour de l'architecture et du patrimoine (AVAP dans la suite du texte) emanent de la loi Grenelle it et remplacent desormais les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP dans la suite du texte).

(6.) Sylvain Dournel, miroir de la ville: contribution a retude de la requalification urbaine des milieux fluviaux or humides (Bassin parisien, Amiens, Orleans) (memoire de these de doctorat, Universite d'Orleans, 2010), 679.

(7.) Les projets [much less than] Confluence [much greater than] a Lyon, [much less than] Quai rive gauche [much greater than] a Bordeaux, et [much less than] lie de Nantes [much greater than] comptent parmi les cas les plus probants du processus de requalification urbaine des milieux fluvtaux et humides qui s'est generalise a l'echelle de la France au cours des decennies 1990-2000.

(8.) D. J. Marcucci, "Landscape History as a Planning Tool", Landscape and Urban Planning, 49, no. 1-2 (2000): 68.

(9.) Stephane Castonguay et Dany Fougeres, [much less than] Les rapports riverains de la yule: Sherbrooke at ses usages des rivieres Magog et Saint-Francois. [xix.sup.e]-[xx.sup.e] siecles [much greater than]. Urban History Review/Revue d'histoire urbaine. 26. no. 1 (2007): 3-15.

(10.) J. W. R. Whitehand et Kal Gu, "Conserving Urban Landscape Heritage: A Geographical Approach", Procedia - Social and Behavioral Sciences, 2, no. 5 (2010): 6948-6953.

(11.) Le Bassin parisien no caracterise pas un bassin versant hydrographique mats une region geologique sedimentaire, drainee par de nombreux cours d'eau (Loire, Seine, Marne, Oise, Yonne, Somme ...). Sur un plan urbain, le Bassin parisien est marquee par l'iniluence de Paris sur l'ensemble du reseau urbain.

(12.) Sans entrer dans les debats de fond que pose la notion d'urbanite, retenons l'idee principale avancee par Michel Lussault selon laquelle [much less than] l'urbanite est tant un resultat du fonctionnement de l'organisation urbaine qu'un operateur de l'organisation et de son fonctionnement [much greater than]: Michel Lussault, [much less than] Urbanite [much greater than] in Dictionnaire do la geographie et de l'espace des societes, eci. Jacques Levy et Michel Lussault (Paris: Belin, 2003), 966.

(13.) Andre Guillerme, Les temps de reau. L'eau, la cite et les techniques (fin [Ill.sup.e]-debut [XIX.sup.e] siecle) (Seyssel: Champ Vallon, 1983), 263.

(14.) J. L. Nicolazo, [much less than] Au confluent de l'eau et de l'urbanisme [much greater than], Urbanisme, 269 (decembre 1993): 64-66.

(15.) Henri Galinie, Xavier Roclier, Jacques Soigne, Nathalie Carcaud, Manuel Garcin. et Olivier Marlet, [much less than] Quelques aspects clocumentes des relations entretenues par les habitants de Tours avec la Loire du I. au XII siecle [much greater than], in Fleuves et marais, une histoire au croisement de la nature et de la culture, Od. Joelle Burnout of Philippe Leveau (Paris: Comite des Travaux Historiques et Scientifiques, 2004), 127-137.

(16.) Benoit Clavel et Christophe Cloquier, [much less than] Contribution des sources docu-mentaires et archeologiques a retude des pratiques halieutiques fluviales medievales et modernes dans le bassin de la Somme [much greater than], in Fleuves et metals, une histoire au croisement de la culture of de la nature, Oci. Jodie Burnout et Philippe Leveau (Paris: Comite des Travaux Historiques of Scientifiques, 2004), 201-210.

(17.) Karine Berthier et Paul Benoit, [much less than] Les amenagements hydrauliques au Moyen Age et au [xvi.sup.e] siecle a Corbeil-Essonnes [much greater than], in Fleuves et mare's, une historre au croisement de la culture et de la nature. ed. Jodie Burnout et Philippe Leveau (Paris: Comite des Travaux Historiques of Scientifiques, 2004), 321-330.

(18.) Lionel Quesne, De l'insalubrito a l'hygienisme. Emergence politique dune problematique environnementale: fexemple du Mans. memoire de these de doctorat en Geographie (Le Mans: Universite du Maine, 1994). 353.

(19.) Patrick Fournier. [much less than] La ville au milieu des marais aux [xvii.sup.e] et [xviii.sup.e] siecles. Discours theoriques et pratiques de l'espace [much greater than], Histoire urbaine, 18 (2007): 23-40.

(20.) F. X. Merrien, [much less than] La bataille des eaux, politique de rhygiene et representations sociales a Rennes [much greater than], in Pour une histotre do renvironnement. Travaux du programme interdisciplinaire de la recherche sur l'environnernent, ed. Corinne Beck et Robert Delort (Paris: Editions CNRS, 1993), 113-117.

(21.) Jodie Burnouf et Gerard Chouquer, [much less than] Larcheologie et rarcheogeogra-phie: pour comprendre l'espace et ses heritages [much greater than], in L'avenir du passe. Modernite de l'archeologie. ed. J.-P. Demoule et Bernard Stiegler (Paris: La Decouverte, 2008), 93-104.

(22.) Gerard Chouquer, L'etude des paysages. Essai sur leurs formes et lour histoire (Paris: Errance. 2000).

(23.) Burnout et Chouquer, [much less than] Larcheologie et rarcheogeographie... [much greater than], 93-104.

(24.) Dournel, L'eau, miroir de la ville, 357-400.

(25.) Michel Gilloire, in Amiens, ed. Raymond Regrain, Michel Gilloire, Joelle Acoulon, et Jean-Francois Leblond (Paris Bonneton, 1989), 319 Charles Hubscher, Histoire d'Amiens (Toulouse: Privas, 1986), 334,

(26.) Memorial d'Amiens du 19 juillet 1855. 99 S 355528, Archives departementales de la Somme (AVS dans la suite du texte). Rapport de ringenieur ordinaire des Ponts et Chaussees du 30 mars 1861 relatif a la construction de recluse de Lamotte, 99 S 377940. AVS.

(27.) Sylvain Dournel. [much less than] De l'exploitation historique de la tourbe dans la vallee de la Somme a la mise on nature des zones humides dans 'agglomeration amienoise: mutations paysageres of sociales [much greater than], in Histoire Oconomique et sociale de la tourbe et des tourbieres, ed. J. M. Derex et Fabrice Gregoire (Cordemais / Paris: Estuarium / Groupe d'Histoire des Zones Humides, 2009), 211-228.

(28.) Dournel, L'eau, miroir de la ville, 399-455.

(29.) Jacques Debal, Orleans une ville, une histoire: tome 1, des engines a la fin du [xvi.sup.e] siecle (Orleans: X-Nova, 1998), 197.

(30.) Roger Dion, Histoire des levees de la Loire (Paris: Editions R. Dion, 1961). 312.

(31.) Cyril Castanet, La Loire en val d'Orleans. Dynamiques fluviales of socio-environnementales durant les demiers 30 000 ans: do l'hydrosysteme l'anthroposysteme (memoire de these de doctorat, Universite de Paris I - Pantheon Sorbonne, 2008), 589.

(32.) Hubert Pinsseau, Histoire de la construction de radininistration et de l'exploi-tation du canal d'Orleans de 1675 a 1954 (Orleans: Masselot, 1963), 252.

(33.) Louis Illiers (d'), Uric riviere en France. Le Loiret: son cours, son histoire (Orleans: impr. du Bourdon-Blanc, 1952), 96.

(34.) Andre Guillermo, La naissance de l'industrie a Paris, entre sueurs et vapeurs 1780-1830 (Seyssel: Champ Vallon, 2007), 439.

(35.) Francoise Choay, L'urbanisine, utopies et realites: tine anthropologic (Paris: Seuil, 1965), 447.

(36.) Sylvain Dournel, Magalie Franchomme et Bertrand Sajaloli, [much less than] Geohistoire d'une resurgence d'eaux troubles: les milieux humides urbains et les cites fluviales de la France du Nord (debut [xix.sup.e]-[xx.sup.e] siecle) [much greater than], in Zones humides of vines d'hier of d'aulburd'hui: des premieres cites aux fronts d'eau contempo-rains, ed. Corinne Beck, Magalie Franchomme, Fabrice Guizard-Duchamp, Jacques Houde, Revue du Nord, Hors Serie collection Histoire, 26 (2011): 169-187.

(37.) Sabine Barles, La Wile deletare. Medecins et ingenieurs dans l'espace urbain: XVMP-XD' siecles (Seyssel: Champ Vallon, 1999), 384; Quesne, De l'insalubrite a l'hygienisme, 14-168.

(38.) Catherine Sabbah, [much less than] Le retour a l'eau. Rives de villes [much greater than], Urbanisme, 285 (novembre/decembre 1995), 27.

(39.) Vincent Sainte Marie Gautier, [much less than] Haussmann a l'oauvre: la fabrication de l'espace urbain au [xix.sup.e] siecle [much greater than]., Urbanisme, 296 (septembre/octobre 1997), 35-39; Sabine Barbs, [much less than] Urban Metabolism and River Systems: An Historical Perspective--Paris and the Seine. 1790-1970[much greater than]. Hydrology and Earth System Sciences, 11. n. 6 (2007): 1757-1769.

(40.) Pierre Merlin, L'urbanisme, 5 ed. (Paris: Presses UniversItaires de France, 2002), 127: Le Corbusier, La cnarte dAthenes (Paris: Editions de Minult, 1957), non pagine, points 28, 29 et 90.

(41.) Dournel et al., [much less than] Geohistoire dune resurgence d'eau troubles [much greater than], 169-187.

(42.) Isabelle Auricoste, [much less than] Urbanisme moderne et symbolism du gazon [much greater than], Communications, 74 (mars 2003), 19-32.

(43.) Le Corbusier, La charte dAthenes, points 77 et 78.

(44.) Francis Degardin, [much less than] Urbanisation et inondations: de l'opposition a la reconciliation [much greater than], Bulletin de l'Association des Geographes Francais. 1 (fevrier 2002), 91-103.

(45.) Choay, Eurbanisrne. utopies et realites, 447.

(46.) La loi du 31 decembre 1913 sur les monuments historiques relaie l'engoue-ment pour cette notion Hee au [xix.sup.e] siecle. Dans cette perspective. retenons quo. [much less than] les immeubles dont la conservation presente, au point de vue de rhistoire ou de l'art, un interet public, sent classes comme monuments historiques en totalite ou en partie [much greater than] (art. 1), comme le sont aussi [much less than] les objets mobiliers, soit meubles proprement dits, soit immeubles par destination. dont la conservation presente, au point de vue de l'histoire, de l'art, de la science ou de la technique, un interet public [much greater than] (art. 14). Ces mesures, bien quo ponctuelles et attachees aux seuls elements balls, torment un prealable dans le processus de patrimoniallsation des milieux fluviaux et humides on vulle.

(47.) Cyria Emelianoff, La ville durable, un modele emergent. Geoscopie du reseau europeen des villes durables (Porto, Strasbourg, Gdansk), memoire de these de doctorat on Geographic (Orleans: Universite d'Orleans, 1999), 746.

(48.) Cyria Ernelianoff, [much less than] Comment definir Line ville durable [much greater than], disponible sur http:// www.ecologie.gouv.fr/IMG/agenda21/intro/emelia.htm.

(49.) Anna Chiesura, "The Role of Urban Parks for the Sustainable City", Landscape and Urban Planning, 68, no. 1 (2004): 129-138.

(50.) Bertrand Sajaloli et Emmanuel Delhaye, [much less than] Le marais d'Ardon eta ville de Leon ou les paradoxes de l'humide [much greater than], Zones Humides Infos, 23 (janvier 1999): 9-11.

(51.) Pierre Donadieu, La societe paysagiste (Arles/Versailles Actes Sud/Ecole Nationale Superieure de la Nature et du Paysage, 2001), 149.

(52.) Paul Bernard, Les zones hum/des, rapport d'avaluation du comite intermi-nistenel crevaluation des politiques pub liques (Paris: La Documentation trancaise, 1994), 390.

(53.) Bertrand Sajaloli, [much less than] Petit patrimoine de l'eau et rehabilitation des zones humides [much greater than], Zones hum/des Info, 63 (janvier 2009): 2-5.

(54.) Memoire descriptil du projet de syndicat des canaux des hortillonnages du 23 janvier 1900, 99 S 377940, AVS.

(55.) Dournel, [much less than] De l'exploitation historique de la tourbe dans la vallee de la Somme [much greater than], 222.

(56.) Hubscher. Histoire d'Amiens, 334 Gabrielle Molitor, [much less than] Les industries d'Amiens [much greater than], Les Annales de Geographic 41. 233 (1932): 449-459.

(57.) Dournel, L'eau, miroir de 0 villa, 546-549.

(58.) Muriel Rosemberg, Le marketing urbain en question. Production d'espaces et de discours dans quatre projets de ville (Paris: Economica, 2000), 175

(59.) Inscription de l'est de Saint-Leu et de l'ouest des hortillonnages au titre de la loi de 1930 par learrate du 18 septembre 1947, confirm[degrees] par l'arrete du 4 avril 1972.

(60.) Bertrand Sajaloli et Fabrice Gregoire, [much less than] Les colloques national et international de la tourbe a Leon en 1927 et 1928: le chant du cygne de l'or brun [much greater than], in Histoire Oconomique of sociaie de la tourbe et des tourbieres, ed. J.-M. Derex et Fabrice Gregoire (Cordemais/Paris: Estuarium/Groupe d'Histoire des Zones Humides, 2009), 173-190.

(61.) Dournel, [much less than] De l'exploitation historique de la tourbe ... [much greater than] 216-221.

(62.) Dournel, Leau, miroir de la vale, 490-496.

(63.) Cotte etude des bains et guinguettes du vat d'Orleans s'inscrit clans le programme do recherche PATRA (Patrimoine et Trajectoires paysageres des vallees ligenennes) finance par le Plan Loire Grandeur Nature.

(64.) Dournel, L'eau, miroir de la ville, 554-556.

(65.) Bertrand Sajaloll et Sylvain Dournel, [much less than] D'un Orleans, l'autre: &element urbain et risque d'inondation en Val d'Orleans [much greater than] in Etalement urban at vile frag-mentee a travers le monde, ed. J. M. Zaninetti et Isabelle Maret (Orleans: Presses Universitaires d'Orleans, 2008), vol. 2 Cd-rom, 129-139.

(66.) Hennes Palang, Theo Spek et Marie Stenseke, "Digging in the Past: New Conceptual Models in Landscape History and their Relevance in Peri-urban Landscapes", Landscape and Urban Planning, 100, no. 4 (2011): 344-346.

(67.) Christopher Tweed et Margaret Sutherland, "Built Heritage and Sustainable Urban Development", Landscape and Urban Planning, 83, no. 1 (2007): 62-69.

(68.) Vincent Veschambre, [much less than] Le recyclage urbain, entre demolition et patrimoniall-sation enjeux d'appropriation symbolique de l'espace [much greater than], Norois 2, 195 (mai 2005): 79-92.
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