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文章基本信息

  • 标题:Les ingenieurs sanitaires a Montreal, 1870-1945: lieux de formation et exercice de la profession.
  • 作者:Natasha Zwarich, Robert Gagnon et
  • 期刊名称:Urban History Review
  • 印刷版ISSN:0703-0428
  • 出版年度:2008
  • 期号:September
  • 语种:English
  • 出版社:Becker Associates
  • 摘要:This article studies the evolution of the sanitary engineers in Montreal, from their emergence in the nineteenth century until the middle of the twentieth century. Poorly researched by historians of medicine and, more generally, by specialists in urban history, these experts, however, led in the development of infrastructures related to public health. In spite of their important role, it is difficult to track down the history of their group, since they were not officially represented by organizations and their training, within schools of engineering or medical colleges, not fully independent. By describing the career of some sanitary engineers and by analyzing the development of the training in sanitary engineering, the authors intend to shed light on a group of experts relatively ignored in urban history.
  • 关键词:Sanitation workers;Urban history

Les ingenieurs sanitaires a Montreal, 1870-1945: lieux de formation et exercice de la profession.


Natasha Zwarich, Robert Gagnon et


Cet article a pour objet les ingenieurs sanitaires a Montreal depuis leur emergence, au [XIX.sup.e] siecle, jusqu' au milieu du siecle dernier. Peu etudies par les historiens de la medecine et, plus generalement, par les specialistes de l'histoire urbaine, ces experts ont pourtant joue un role de premier plan dans la mise en place de certaines infrastructures liees a la sante publique. Il est cependant difficile de retracer l' histoire d'un groupe qui ne s'est pas incarne dans des organismes de representation et dont la formation, a l'interieur des ecoles de genie ou des facultes de medecine, ne s'est pas completement autonomisee. En retracant l'itineraire de carriere de quelques ingenieurs sanitaires et en analysant le developpement de l'enseignement du genie sanitaire a Montreal, nous avons tente de jeter un peu de lumiere sur un groupe d'experts relativement meconnus en histoire urbaine.

This article studies the evolution of the sanitary engineers in Montreal, from their emergence in the nineteenth century until the middle of the twentieth century. Poorly researched by historians of medicine and, more generally, by specialists in urban history, these experts, however, led in the development of infrastructures related to public health. In spite of their important role, it is difficult to track down the history of their group, since they were not officially represented by organizations and their training, within schools of engineering or medical colleges, not fully independent. By describing the career of some sanitary engineers and by analyzing the development of the training in sanitary engineering, the authors intend to shed light on a group of experts relatively ignored in urban history.

Au [XIX.sup.e] siecle, dans plusieurs pays d'Europe et d'Amerique, l'industrialisation et l'urbanisation entrainent une concentration accrue de la population dans un espace restreint: la ville. Cette densification affecte les conditions sanitaires ainsi que la qualite de vie en milieu urbain. De plus, les epidemies (typhus, cholera, variole) amenent invariablement la mort a leur suite et, de ce fait, temoignent de la faiblesse et meme de l'inexistence de mesures hygieniques et sanitaires. Dans plusieurs grandes villes, on assiste a une prise de conscience de la gravite de ces problemes. Un mouvement de reformes sanitaires nait ainsi, d'abord en Europe, puis en Amerique, ou on revendique l'adoption de mesures d'hygiene publique.

Le [XIX.sup.e] slecle voit, par ailleurs, l'emergence de nouveaux groupes professionnels. En effet, c'est au cours de ce siecle que naissent plusieurs associations, societes ou ordres qui entament un travail de definition menant a des identites professionnelles. Leurs porte-parole auront bientot fait d'imposer leur expertise comme necessaire a la construction d'infrastructures qu'entrainent les effets nefastes de l'industrialisation. Les ingenieurs, par exemple, proposent des solutions aux problemes poses par l'urbanisation (reseau integre d'egouts, systeme d'aqueduc, collecte des dechets, etc.). Les medecins deviennent, quant a eux, des acteurs importants dans l'elaboration de politiques de sante publique. Un peu plus tard, une nouvelle figure hybride fera son apparition dans les officines de l'administration publique: I'ingenieur sanitaire. Alliant le savoir medical et les connaissances de l'ingenieur, il jouera un role dans la mise en place de nouvelles infrastructures urbaines et dans I'application des politiques sanitaires.

Or, dans le cas du Quebec et en particulier de Montreal, on ne sait pratiquement rien sur cet acteur pourtant assez visible dans d'autres pays. Les causes de cette meconnaissance sont multiples. L'histoire de I'environnement commence a peine a attirer l'attention des specialistes au Quebec. En effet, les professions qui n'ont pas reussi a s'imposer socialement, c'est-a-dire a se former en groupe explicite, avec une organisation, des porte-parole, et des systemes de representation, laissent peu de traces et restent ainsi difficiles a etudier. C'est le cas des ingenieurs sanitaires au Quebec. Faut-il abandonner toute pretention a connaitre l'histoire de ces acteurs qui ont neanmoins joue un role important dans l'histoire de la sante publique? Nous croyons qu'il est possible d'apporter une contribution a l'histoire de ces professionnels qui se sont distingues de leurs collegues ingenieurs en faisant valoir leur expertise et en occupant des postes pour lesquels leurs competences etaient requises. Cet article vise done a analyser la formation en milieu universitaire et I'itineraire de quelques ingenieurs sanitaires dans I'administration municipale montrealaise et provinciale de la sante au Quebec. C'est le cas, par exemple, de Joseph-Emery Dore qui, des 1892, devient le premier ingenieur sanitaire engage par la Ville de Montreal. Les carrieres de Theodore-Joseph Lafreniere et d'Aime Cousineau, notamment, nous aideront a mieux comprendre les activites specifiques de ces experts de la sante publique. Bref, si on ne peut dresser un tableau complet de I'histoire de ce groupe meconnu du domaine de la sante, nous tenterons neanrnoins de comprendre comment emerge cette nouvelle expertise et nous examinerons les principaux lieux d'exercice de I'ingenieur sanitaire.

Des sources nous permettent, en effet, de retracer les debuts d'un enseignement universitaire consacre aux problemes de sante publique et de genie sanitaire. Les archives des Facultes de genie et de medecine de I'Universite McGill, de I'Ecole Polytechnique de Montreal et de la Faculte de medecine de I'Universite de Montreal nous renseignent ainsi sur les cours et les programmes instaures par ces institutions universitaires pour preparer medecins ou ingenieurs a relever les nouveaux defis suscites par la construction des infrastructures urbaines et le developpement de la sante publique a I'heure de la bacteriologie. Nous nous sommes penches particulierement sur les annuaires de cours qui indiquent les debuts de la specialisation du genie sanitaire et le curriculum des cours a suivre par les etudiants. Les dossiers des professeurs appeles a prodiguer ce type d'enseignement constituent egalement une source importante. En effet, ces dossiers nous informent autant sur les savoirs transmis aux etudiants, que sur I'emploi que certains professeurs occupent dans I'administration municipale, ainsi que sur les associations professionnelles dont ils sont membres. De plus, les proces-verbaux des facultes de genie et de medecine nous eclairent sur les arguments avances par les experts en faveur de la creation d'une telle specialisation.

Par ailleurs, les archives de la Ville de Montreal renferment de precieuses informations concernant I'exercice de la profession d'ingenieur sanitaire au sein de I'administration publique montrealaise. En effet, les rapports annuels des divers comites et commissions ayant trait a la sante publique donnent un compte rendu detaille de leurs activites. Grace a ces documents, nous avons pu suivre pas a pas les activites de plusieurs ingenieurs sanitaires. De plus, nous avons consulte les Rapports de I'etat sanitaire de la cite de Montreal. C'est dans ces documents que nous retrouvons les rapports annuels de I'ingenieur sanitaire qui contiennent I'ensemble de ses recommandations pour I'amelioration de la sante publique de la ville. Ces rapports jettent un eclairage sur le role de I'ingenieur sanitaire au sein de I'administration municipale. Nous avons aussi considere les rapports annuels du Conseil d'hygiene de la province de Quebec qui nous aident a comprendre le contexte general de l'evolution de la sante publique au Quebec. Finalement, les publications des associations professionnelles d'ingenieurs et la presse specialisee ont egalement ete consultees.

La formation en genie sanitaire a Montreal

L'urbanisation et la sante publique a Montreal

La ville de Montreal, tout comme plusieurs grandes villes europeennes et americaines, connait, a la fin du [XIX.sup.e] siecle, une forte croissance de I'industrialisation et de I'urbanisation. En effet, apres 1867, Montreal vit une periode de transformations profondes. Ville portuaire par excellence, Montreal domine le commerce canadien par son controle des transports et par la croissance de son industrie lourde et manufacturiere. La classe ouvriere prend de I'expansion et exerce une pression sur I'espace urbain. De nouveaux types de logements font leur apparition. Si I'industrialisation permet I'enrichissement des hommes d'affaires, elle est aussi synonyme de conditions d'existence difficiles pour les travailleurs. Les clivages sociaux deviennent plus visibles. De plus, les problemes de gestion de I'ensemble urbain prennent une toute autre ampleur, qu'il s'agisse du controle des conditions sanitaires, de I'accessibilite aux services publics ou de la gestion de I'administration municipale.

La croissance de Montreal a la fin du [XIX.sup.e] siecle ne se mesure pas seulement par son activite economique mais aussi par I'evolution de sa population. En 1871, Montreal compte deja 107 225 habitants. Trente ans plus tard, on en denombre 267 730 sans compter les petites villes de banlieue qui seront rapidement annexees a la metropole (1). Dans le dernier quart du [XIX.sup.e] siecle, le taux d'urbanisation connait done une augmentation assez spectaculaire. Montreal est alors la ville la plus populeuse du Canada, puisque Toronto n'a que 208 040 habitants en 1901. Sa taille est comparable aux villes de Cincinnati et de Detroit, mais demeure loin derriere New York qui compte deja 3, 5 millions d'habitants en 1900 (2).

Il ne faut pas se surprendre que cette densification affecte les conditions sanitaires ainsi que la qualite de vie des Montrealais. Si les membres de la bourgeoisie profitent de conditions de vie excellentes (I'espace ne manque pas, les residences sont equipees de W.-C., d'eau courante et, au debut du [XIX.sup.e] siecle, le telephone et I'electricite y font leur entree), on ne peut dire la meme chose des familles ouvrieres. Celles-ci sont cantonnees, bien souvent, dans des quartiers defavorises sur le plan des infrastructures publiques (3).

Les conditions d'existence a Montreal sont, par ailleurs, aggravees par la persistance de certains fleaux qui frappent parfois de maniere inattendue. Les epidemies, par exemple, surgis-sent tout au long du [XIX.sup.e] siecle. Qu'il s'agisse du cholera, du typhus ou de la variole, les epidemies provoquent chaque fois la mort de plusieurs individus et, de ce fait, temoignent de la faiblesse, voire de I'inexistence de mesures hygieniques et sanitaires. La typhoide, causee par la mauvaise qualite de I'eau, sevit de facon recurrente. Les maladies contagieuses frappent tout particulierement les enfants. La derniere grande epidemie, celle de la variole en 1885, ravage principalement les quartiers populaires. La population et les autorites municipales sont mal preparees pour leur faire face. Lepidemie frappe sans discerne-ment et peut atteindre tout le monde, y compris les membres de la bourgeoisie qui ont les moyens de s'assurer une saine alimentation et des conditions de logements adequates. Bref, les conditions malsaines d'un seul quartier de la ville mettent en danger toute la population urbaine.

La mise en place des infrastructures urbaines

S'inspirant des actions entreprises et des visions elaborees en Angleterre et aux Etats-Unis, les representants des mouvements de reforme sanitaire a Montreal proposent des solutions de type technocratique et souhaitent I'introduction d'une nouvelle rationalite dans la gestion des problemes urbains. Comme partout ailleurs, la doctrine miasmatique a conduit a penser que l'environnement joue un role crucial dans I'eclosion des maladies et leur rapide propagation. Des le milieu du siecle, la necessite de construire des egouts pour assainir les marais nauseabonds a ete invoquee par les inspecteurs municipaux (4). Ceux-ci ont joue d'ailleurs un role de premier plan dans la construction des infrastructures urbaines reclamees par les promoteurs du mouvement sanitaire. Les medecins ne se laissent pas ecarter pour autant. Leur presence dans les officines de I'administration publique devient plus visible a mesure que le siecle avance. lls reclament des autorites qu'elles mettent en place des mecanismes de controle sanitaire adequats et se font les promoteurs infatigables de I'hygiene publique. Celle-ci represente une science recente, une branche nouvelle de la medecine, qui doit encore se faire accepter. Le principal lieu d'intervention de ce groupe d'experts sur la scene montrealaise sera le Bureau de sante cree en 1865. Cette annee-la, la Ville adopte un reglement pour etablir un Bureau de sante qui devient l'instance principale pour tout ce qui touche le domaine de la sante publique a Montreal. Avant cette date, le Bureau de sante n'etait qu'une instance temporaire pour faire face aux epidemies qui frappaient la ville, retournant dans I'ombre aussitot le fleau disparu. A partir de la, la participation des medecins a I'administration montrealaise de la sante s'intensifie. La Montreal Sanitary Association est fondee I'annee suivante et pese de tout son poids sur le Bureau de sante pour qu'y soient nommes des medecins permanents. La petite verole sevit alors a Montreal et le Bureau engage deux medecins pour veiller a I'application des reglements de sante et a I'amelioration des conditions sanitaires (5). Ceux-ci redigeront des rapports dans lesquels ils dressent un bilan de leurs activites et y vont de leurs recommandations. En 1868, leur nombre passe a trois medecins, dont le D' Larocque (6).

[FIGURE 1 OMITTED]

A la fin du [XIX.sup.e] siecle, un changement de paradigme marque le monde medical. En effet, les theses bacteriologiques commencent a bouleverser les pratiques de I'hygiene preventive et ce nouveau savoir va permettre I'engagement d'un nouvel expert, le bacteriologiste. En 1895, en effet, le premier bacteriologiste fait son entree au Bureau de sante et, deux ans plus tard, un laboratoire de bacteriologie est inaugure. Les theses bacteriologistes gagnent alors rapidement l'administration montrealaise de la sante. Au niveau provincial, apres 1880, le gouvernement quebecois intervient dans le secteur de la sante. Un premier pas est franchi en 1884 quand le legislateur promulgue la Loi d'incorporation de la Societe d'hygiene de la province de Quebec qui siegera a Montreal (7). La terrible epidemie de variole, qui frappe Montreal de plein fouet I'annee suivante, a raison des dernieres reticences de I'administration publique provinciale. En 1886, la Loi pour I'Hygiene publique est votee, suivie deux ans plus tard par la Loi provinciale sur la Sante publique. Entretemps, le Conseil d'Hygiene de la province est cree en 1887 pour appliquer la nouvelle loi (8). Le gouvernement provincial et le Conseil municipal possedent desormais les outils institutionnels pour repandre la "bonne nouvelle" hygieniste partout en province et plus particulierement dans la metropole.

En cette fin de siecle, les experts du Bureau de sante doivent s'attaquer a plusieurs problemes d'ordre sanitaire: collecte et elimination des dechets et des cadavres d'animaux, vaccination, verification de la qualite du lait, elimination des fosses d'aisance, depistage des maladies, isolement des contagieux, identification des logements insalubres, desinfection, elimination de la vermine, etc. A Montreal, deux problemes, resultant de I'urbanisation, ont monopolise I'energie des principaux acteurs de I'administration municipale au milieu du siecle: la distribution de I'eau et I'evacuation des eaux usees. En effet, le besoin en eau potable s'est accru, pendant que les sources d'approvisionnement, comme les petits cours d'eau, devenaient de plus en plus polluees (9). De nouveaux besoins se sont fait sentir, comme le nettoyage des rues a I'aide de jets d'eau. A l'instar de plusieurs autres villes nord-americaines, Montreal a municipalise le service de distribution de l'eau en 1845. Onze ans plus tard, apres un incendie qui a ravage une partie de la ville, la construction d'un grand aqueduc, sous la supervision du celebre ingenieur Thomas Coltrin Keefer, a permis d'etablir un service d'eau courante pour tous les Montrealais (10).

Une fois l'approvisionnement en eau resolu, il restait le probleme de I'evacuation des eaux usees rejetees par une population entassee dans un perimetre relativement etroit. Le systeme des fosses privees, privilegie jusqu'au milieu du [XIX.sup.e] siecle, est remplace peu a peu par les water-closets sans qu'un systeme general d'evacuation des eaux domestiques n'ait ete etabli. En effet, l'accroissement de la population urbaine et la construction effrenee de nouveaux edifices ont entraine dans toutes les villes le debordement des fosses. Proprietaires, medecins et ingenieurs reclament alors des mesures draconiennes et surtout fort couteuses pour assainir la ville. Un systeme d'egouts integre (c'est-a-dire qui collecteraient l'ensemble des eaux usees) est la solution majoritairement privilegiee (11). A Montreal, plusieurs ingenieurs ou arpenteurs a l'emploi de la Ville proposent donc, dans les annees 1840 et 1850, des plans pour la construction d'un systeme integre d'egouts. Ainsi en 1842,1'inspecteur des chemins, John Ostell, arpenteur et architecte forme en Angleterre, " prie respectueusement le conseil [de Ville] d'accorder toute son attention au sujet de I'egouttage qui doit etre mis en ceuvre de maniere complete et efficace" (12). Quelques annees plus tard, James McGill, egalement inspecteur des chemins, propose un plan d'assainissement de la ville base sur la construction d'un reseau d'egouts. Le Comite des chemins demande alors a l'ingenieur civil Charles Martland Tate d'examiner le plan de McGill. C'est finalement le nouvel inspecteur des chemins, John P. Doyle, un ingenieur civil qui, en 1857, soit un an apres I'ouverture du grand aqueduc, dresse les plans d'un reseau integre d'egouts qui sera mis en place entre 1862 et 1867 (13).

Ville d'Amerique du Nord amenagee sur les bords d'un grand fleuve, Montreal connait un climat qui provoque des ecarts de temperature assez exceptionnels. La fonte rapide des neiges au printemps et les debacles frequentes sur le fleuve, par exemple, n'ont pas manque de causer des maux aux autorites et aux Montrealais qui redoutaient a chaque annee une inondation plus ou moins importante. La hantise de voir une epidemie meurtriere, causee par des etangs nauseabonds ou des marais putrides, n'est donc pas le seul facteur qui a conduit a la construction d'un reseau d'egouts au milieu siecle. II ne faut peut-etre pas s'etonner que la metropole canadienne ait meme devance plusieurs grandes villes etats-uniennes qui ont attendu le dernier quart du siecle avant de fournir a leurs habitants ce service public. Chicago, chef de file dans le domaine, a construit son systeme d'egouts entre 1856 et 1876 (14). Son celebre ingenieur, Ellis Sylvester Chesbrough a publie son plan d'egouttage en 1855, deux ans seulement avant la parution du plan de John P. Doyle. New York n'a mis en place un systeme complet d'egouts qu'a partir de 1865 (15). Montreal n'a donc ete aucunement a la remorque des villes americaines quand ont ete construits ses grands collecteurs dans les annees 1860. Au Canada, elle a devance la ville de Toronto de plusieurs decennies. La capitale ontarienne a attendu, en effet, le debut du XXe Siecle avant d'investir dans une telle infrastructure (16).

Or, la construction de cette importante infrastructure n'a pas resolu tous les problemes de sante publique. Les millions de metres cube d'eaux usees deversees dans le fleuve vont rapidement se reveler nocives pour les Montrealais. L'eau distribuee dans les foyers cesse d'etre propre a la consommation. On s'apercevra bien vite qu'elle est la cause de maladies graves. Bref, au debut du [XX.sup.e] siecle, I'implantation d'usines de filtration, l'elimination et le traitement des eaux usees sont desormais necessaires pour assurer la sante publique des citadins, au meme titre que les reseaux d'egouts et d'aqueduc I'etaient au milieu du siecle.

Un besoin grandissant d'experts

Au Quebec, I'industrialisation est propice, comme partout ailleurs, a I'ascension de professions qui requierent I'acquisition de connaissances scientifiques et techniques necessaires a une economie de plus en plus a la remorque de la technologie et meme des sciences. Chimistes, agronomes, ingenieurs et architectes deviennent, des lors, une ressource humaine que I'on s'arrache a prix d'or. Bien que les ingenieurs commencent, au debut du siecle, a realiser les premiers grands travaux publics. il n'existe encore, au milieu du siecle, aucun establissement qui assure leur formation au Canada. Comme aux Etats-Unis, ils s' initient a leur art en cotoyant un ingenieur souvent forme en Angleterre (17). A partir des annees 1850, politiciens, hommes d'affaires, journalistes et educateurs, commencent a evoquer la necessite pour le Quebec d'implanter des reformes dans le systeme scolaire afin de mieux I'adapter aux nouvelles realites economiques (18). Selon eux, il devient urgent de former dans les nouveaux etablissements d'enseignement superieur, non seulement des medecins, avocats, notaires, pretres ou pasteurs, mais egalement des geologues, des chimistes et surtout des ingenieurs. Les conditions sont alors reunies pour que naisse une nouvelle generation d'ingenieurs, non plus formee par I'apprentissage sur le terrain mais issue du systeme d'enseignement superieur. L'Universite McGill cree, en 1856, un des premiers programmes de genie civil au Canada. Vite abandonne, il renaitra de ses cendres en 1871 (19). C'est egalement a Montreal, dans un etablissement d'enseignement primaire de la Commission des ecoles catholiques de Montreal (CECM), I'Academie commerciale catholique de Montreal, qu'est fondee en 1873, une ecole scientifique et industrielle destinee a former des ingenieurs francophones. Trois ans plus tard, I'ecole prendra le nom d'Ecole Polytechnique de Montreal (20). En 1887, elle parviendra a quitter le giron de la CECM pour s'affilier a I'Universite Laval a Montreal.

[FIGURE 2 OMITTED]

La formation des ingenieurs sanitaires aux Etats-Unis

Avant d'examiner le development des cours et des programmes de formation en genie sanitaire a Montreal, il convient de jeter un regard sur ce qui s'est fait dans ce domaine au sud de la frontiere canadienne. Aux Etats-Unis, le development de I'enseignement du genie sanitaire, a la fin du [XIX.sup.e] siecle, va permettre de former plusieurs ingenieurs sanitaires et d'influencer le development de cette specialisation du genie. Rappelons qu'au niveau superieur, I'enseignement scientifique et technique doit son development au gouvernement federal et au Morrill Grant Land Act. Cette loi instauree en 1862 prevoit la donation de terres afin d'y construire des institutions d'enseignement superieur qui dispensent une formation pratique. Une des plus importantes ecoles techniques a voir le jour grace a cette loi est le Massachusetts Institute of Technology (MIT). Quelques annees plus tard, en 1888, I'Etat du Massachussetts, qui s'interroge sur les conditions sanitaires des cours d'eau, demande au personnel du MIT de faire des analyses chimiques et bacteriologiques de I'eau. C'est a ce moment que la bacteriologie, qui jusque-la faisait partie du cours de biologie, est integree au curriculum d'un nouveau programme de genie sanitaire (21). C'est le premier programme de formation d'ingenieur sanitaire a voir le jour en sol americain. Comme nous le verrons plus loin, c'est dans cette institution que des ingenieurs quebecois iront parfaire leur formation.

La rencontre de plusieurs experts en sante publique de la Rockefeller Foundation, en 1914, est propice aux discussions sur la definition de la sante publique et, surtout, sur le type de formation a privilegier pour ceux qui se destinent a une carriere dans ce domaine. Pour certains, la sante publique est un amalgame de medecine, des sciences sociales et des sciences de I'ingenieur; il faut donc une formation specialises dans chacun de ces champs d'etudes. Pour d'autres, la sante publique est une combinaison de genie sanitaire et de bacteriologie.

Certains voient la sante publique comme etant un probleme de reformes sociales et d'organisation et donc, du ressort des politiciens. Au terme d'un long questionnement, un consensus emerge autour de la creation d'une ecole nationale de sante publique. Elle devra etre affiliee a une universite tout en ayant son identite propre. Elle ne doit pas etre un simple departement d'une faculte de medecine ou de genie. L'ecole doit avoir son propre batiment et des membres assurant l'enseignement et la recherche. Elle doit etre situee dans une ville portuaire, ou debarquent quotidiennement plusieurs immigrants, mais a proximite des regions rurales. Deux ans plus tard, la premiere ecole nationale de sante publique voit le jour a Baltimore. La School of Hygiene and Public Health est affiliee a la Johns Hopkins University ou le genie sanitaire et la medecine seront egalement enseignes (22). C'est donc la deuxieme universite a offrir une formation en genie sanitaire, apres le MIT. Ensuite, cette formation se repand un per partout sur le territoire. Ainsi en 1938, 10 universites offrent un diplome de sante publique et douze ecoles d'ingenieurs decernent des diplomes d'ingenieur sanitaire (23).

Ecole Polytechnique de Montreal et Faculte de genie de I' Universite' McGill

A Montreal, la Faculte de genie de McGill et I'Ecole Polytechnique connaissent des developpements fort differents. Appuyee de facon eclatante par la grande bourgeoisie montrea-laise composee presque exclusivement d'anglophones, I'Uni-versite McGill connait une expansion remarquable au tournant du siecle. Les Molson, Redpath, Workman et surtout le magnat du tabac, William Macdonald, deversent des millions de dollars dans les coffres de l'Universite (24). Avant le debut du [XIX.sup.e] siecle, des departements de genie civil, de genie minier, de genie mecanique, de genie electrique et de chimie pratique sont deja mis sur pied. L'Ecole Polytechnique ne jouit pas des memes conditions d'epanouissement. Apres la premiere decennie du [XIX.sup.e] siecle, elle n'aura forme que 250 ingenieurs civils, tandis que la faculte de genie de McGill aura produit quelques 1 150 ingenieurs specialises et architectes (25). Coupes des milieux industriels, les diplomes de Polytechnique vont oeuvrer surtout dans la fonction publique et, dans une moindre mesure, dans le secteur du genie-conseil. Quelques-uns d'entre eux partici-peront ainsi a la mise en place des principales infrastructures de Montreal au tournant du siecle. Comme nous le verrons, le premier ingenieur sanitaire engage a la Ville de Montreal est un produit de cette ecole de genie francophone.

En Europe, mais plus aux Etats-Unis encore, la formation en genie sanitaire est offerte soit dans les ecoles de sante publique, soit dans les ecoles de genie (26). Dans les ecoles d'ingenieurs, I'enseignement se concentre sur les questions techniques, et principalement sur celles qui ont trait a I'eau potable, aux eaux usees et au traitement des ordures. Dans les institutions qui offrent des programmes en sante publique, on y trouve plutot des cours generaux d'hygiene et de biologie. Montreal est certes une ville particulierement interessante pour i'etude du genie sanitaire puisqu'on y trouve, comme on I'a vu, ces deux types de formation depuis le debut des annees 1870. En milieu anglo-phone, c'est principalement le departement de sante publique de la Faculte de medecine de I'Universite McGill qui s'interessera au genie sanitaire. Tandis qu'en milieu francophone, I'Ecole Polytechnique de Montreal, a I'interieur de son programme de genie civil, se preoccupera de donner les notions de base en genie sanitaire.

Le genie sanitaire a la Faculte de medecine de I'Universite McGill

Dans le dernier quart du [XIX.sup.e] siecle, on commence alors a voir apparaitre, ca et la, des cours d'hygiene et d'assainissement dans les programmes des facultes de medecine et de genie de I'Universite McGill. En 1875, on inaugure alors un cours specialise sur I'hygiene et la sante publique a la Faculte de medecine. Le cours ne sera cependant ouvert aux etudiants des autres facultes dont celle de genie qu'au cours de I'annee scolaire 1890-1891 (27). Le developpement de l'administration publique de la sante pousse alors certainement I'Universite McGill a s'interesser de plus pres au genie sanitaire, notamment pour initier les etudiants de la Faculte de genie qui, a cette epoque. inaugure des specialites comme le genie mecanique et le genie electrique. II ne s'agit certes pas d'inaugurer un programme de formation complet en genie sanitaire, mais on songe neanmoins a offrir un cours dans le cadre du programme de genie civil. On peut lire, en effet, dans le rapport annuel de I'Universite McGill en 1889:
 There as been some demand for a course in Sanitary Engineering [...].
 The problem of the disposal of waste is so intimately associated with
 the promotion and preservation of public health that it has become
 one of the most important which confronts modern civilisation and
 must be faced by every civil engineer. Our medicine faculty must be a
 leader in meeting every new demand of social need. (28).


Une annee plus tard, la Faculte de genie de McGill inaugure ainsi un cours de sanitation, offert aux etudiants de premiere annee en genie civil qui vise notamment a transmettre des connaissances sur le drainage et la ventilation des habitations et des batiments et sur les moyens d'evacuer les eaux de surface (29). C'est toutefois au sein de la Faculte de medecine que se developpera le genie sanitaire. Tout commence au cours de I'annee scolaire 1896-1897, alors que le Departement de sante publique et de medecine preventive prend forme. Plusieurs enseignants de retour d'Europe, introduisent I'enseignement de la bacteriologie au programme. Finalement, afin de faciliter l'assimilation des matieres enseignees, on inaugure, en 1898, un musee de sante publique et de medecine preventive.

Tout est maintenant en place pour assurer la formation en sante publique. Quelques annees plus tard, en effet, la Faculte de medecine institue un enseignement superieur conduisant a un diplome en sante publique et en science sanitaire (30). Pour les ingenieurs civils qui ont suivi des cours d'hygiene et des cours de genie municipal, c'est I'occasion de completer leur formation recue au niveau du baccalaureat par un diplome d'etudes superieures. La Faculte de medecine dispense les cours en sante publique et la Faculte de genie complete la formation grace a des cours qui couvrent les aspects plus techniques des infrastructures urbaines. Les cours sont ouverts, entre autres, aux etudiants en genie, mais des etudiants de medecine y sont egalement inscrits. Le programme s'echelonne sur une annee academique. Pour s'inscrire, les candidats doivent avoir en leur possession un diplome de baccalaureat et avoir occupe un emploi dans leur discipline respective pendant un an. Les travaux pratiques sont a I' honneur et un stage aupres des medecins hygienistes fait partie du programme. Ainsi, au moment de la mise sur pied du programme, le D' Wyatt Johnston fait des demarches aupres du medecin officier de sante a la Ville de Montreal, D(r) Louis Laberge, afin que des etudiants puissent faire des stages sous sa supervision (31). Les matieres du cours d'etudes superieures de sante publique et de science sanitaire vont de I'epidemiologie a la bacteriologie, en passant par la biologie, la microbiologie, la physiologie, les principes et pratiques de la sante publique, I'assainissement, I'hygiene industrielle et professionnelle, I'organisation et I'administration des services de la sante publique. De plus, les candidats doivent suivre un cours de trois mois en bacteriologie dans lequel une attention speciale est portee aux organismes pathogenes et aux parasites.

Au terme de ce cours, les finissants passent un examen pratique dans lequel ils doivent effectuer une analyse bacteriologique. Les etudiants suivent egalement un cours, d'une duree de trois mois, en chimie sanitaire. Cet enseignement comprend, bien sur, des travaux pratiques en laboratoire et demeura inchange pendant un demi-siecle. Compte tenu de la diversite de formation des etudiants inscrits a ce cours, la Faculte de medecine de McGill cree des diplomes specialises qui repondent aux besoins specifiques de chaque groupe d'experts. C'est ainsi qu'on delivre un diplome specialise en genie sanitaire. En effet, durant I'annee universitaire 1908-1909, des cours speciaux en hygiene sont crees, dont un specifiquement pour les ingenieurs civils. Ces derniers peuvent finalement obtenir un diplome en genie sanitaire. La description du McGill University Calendar, nous apprend que:
 this course is given to meet the requirements of engineers,
 particularly those making a specialty of sanitary engineering. The
 object of the instruction is to elucidate the public health
 principles involved in engineering problems, e.g., ventilation, water
 supplies, sewerage disposal, and drainage systems (32).


Des ingenieurs sanitaires diplomes vont enfin pouvoir joindre les rangs de la fonction publique ou du secteur prive. Or, comme nous allons le voir plus. loin, on ne retrouvera aucun d'eux dans les organismes quebecois de sante publique. En fait, les ingenieurs diplomes sont rares a s'inscrire a ce programme d'etudes superieures. De plus, beaucoup de finissants de McGill quittent le Quebec apres leurs etudes. En 1909, seulement un tiers d'entre eux exercent leur profession dans cette province. Pres du quart vont meme oeuvrer en dehors du pays. ll faut dire que seulement 45 pour cent des diplomes de McGill, a cette epoque, sont originaires du Quebec (33).

Le genie sanitaire a l' Ecole Polytechnique de Montreal

Chez les francophones, la formation d'ingenieur sanitaire, contrairement a l' Universite McGill, n'est pas prise en charge par la Faculte de medecine de I'Universite de Montreal. On la retrouvera plutot a l'Ecole Polytechnique de Montreal ou, en 1914, est inaugure un premier cours de genie sanitaire. Precisons, toutefois, que ce cours s'inscrit a I'interieur du programme de genie civil et ne mene nullement a l'obtention d'un diplome en genie sanitaire. Ce cours, d'une duree de 85 heures, est donne par Theodore-Joseph Lafreniere. Diplome de l'Ecole Polytechnique de Montreal en genie civil en 1910, Lafreniere est alle se perfectionner au MIT, ou il a obtenu une maitrise en genie sanitaire en 1912. ll occupe alors le poste d'ingenieur en chef du Conseil d'hygiene de la province de Quebec. On peut supposer que Lafreniere importe, a l'Ecole Polytechnique, une partie du programme du MIT (34). Le cours de genie sanitaire, suivi a la derniere annee du programme de genie civil, aborde surtout les techniques liees aux traitements des eaux usees et a la filtration de I'eau. Les cours de specialisation sont completes par des travaux en laboratoire, des travaux pratiques ainsi que par des visites a des usines. Le contenu de ce cours subira tres peu de modifications jusqu'en 1930, si ce n'est une mince reduction des heures de cours.

Tout comme a I'Universite McGill, les etudiants de Polytechnique doivent suivre par ailleurs, des leur premiere annee de formation, un cours d'hygiene sociale qui, encore la, examine les questions liees au domaine du genie sanitaire. D'une duree de 10 heures par semestre, ce cours qui s'echelonne sur quatre annees est donne par un medecin, le [D.sup.r] Joseph-Albert Baudouin, professeur a la Faculte de medecine de I'Universite de Montreal et principal professeur du programme specialise en hygiene appliquee (35). Diplome en sante publique de la School of Hygiene and Public Health de I'Universite Johns Hopkins a Baltimore, Baudouin a mis sur pied un cours d'hygiene specialement concu pour les etudiants de I'Ecole Polytechnique de Montreal (36). Ce cours permet aux futurs ingenieurs de mieux saisir les problemes lies a I'hygiene publique et d'etre en mesure de prendre des decisions eclairees au moment de la mise en place d'equipements sanitaires.

En somme, nous remarquons que plusieurs cours du programme de genie civil, au debut du [XIX.sup.e] siecle, abordent des notions concernant I'assainissement urbain. Contrairement au milieu anglophone, le cours de genie sanitaire et les matieres se rapportant aux infrastructures sanitaires se donnent princi-palement a I'Ecole Polytechnique de Montreal plutot que dans une faculte de medecine. La formation en genie sanitaire de ces deux institutions est donc tres differente, puisque I'une met davantage I'accent sur la sante publique et la bacterio-logie, alors que I'autre se concentre surtout sur les questions purement techniques de I'ingenieur. De plus, la specialisation en genie sanitaire de I'Ecole Polytechnique de Montreal s'offre au niveau du baccalaureat, tandis que I'Universite McGill, des le tournant du [XIX.sup.e]siecle, propose bien des graduate courses a ses etudiants, mais un seul en genie sanitaire. II sera donc impossible, pour les etudiants, de poursuivre des etudes de cycles superieurs en genie sanitaire a I'Ecole Polytechnique de Montreal ou a McGill. C'est pourquoi, comme nous le verrons, plusieurs diplomes de Polytechnique vont parfaire leur formation dans les universites americaines.

La pratique du genie sanitaire a Montreal

L'emergence et le developpement du genie sanitaire

Comme on I'a vu, la medecine preventive commence a s'implanter au Quebec a partir du milieu du [XIX.sup.e] siecle. Cette pratique s'est d'abord developpee en Europe puis aux Etats-Unis (37). En Angleterre, la figure de proue de la montee de la medecine preventive -- et par-la de celle des medecins -- est John Simon qui accede a la presidence du General Board of Health en 1854 et au Conseil prive de la couronne en 1858 (38). II est le grand responsable de la participation des medecins a I'expansion du domaine de la sante publique. Dans les annees 1880, leur contribution debouche sur la construction d'identites professionnelles distinctes chez les differents praticiens de la sante (39). Ainsi, des associations professionnelles consacrees a I'avancement des connaissances en medecine preventive voient le jour, tels le College of State Medicine, le Royal Institute of Health, I'Institute of Hygiene et le Royal Sanitary Institute. Ce dernier assurera alors la formation d'un nouvel acteur sur la scene de la sante publique, I'ingenieur sanitaire. Ce nouvel expert jouera un role dans la mise en place de nouvelles infrastructures urbaines et dans I'elaboration de politiques sanitaires. On voit alors naitre des associations professionnelles specialisees de genie sanitaire, comme I'Association of Municipal and Sanitary Engineers creee en 1873 et I'lnstitute of Sanitary Engineers fondee en 1895. Cette derniere deviendra I'Institution of Sanitary Engineers en 1916.

En France, les ingenieurs sanitaires initient un premier travail de regroupement, en 1892, avec la creation d'une revue, Genie sanitaire, qui parait de maniere episodique de 1892 a 1900. Trois ans plus tard, la Societe des ingenieurs et des architectes sanitaires de France voit le jour. Cette societe reunit jusqu'a 250 membres, mais les nombreuses dissensions entre ces derniers entrainent sa disparition quelques annees seulement apres sa fondation. Elle renaitra en 1901 et s'unira a la Societe de medecine publique et d'hygiene professionnelle afin de fonder la Societe de medecine publique et de genie sanitaire. L'influence croissante des ingenieurs sanitaires, plus nombreux, commence alors a se faire sentir dans le champ de la sante publique, notamment au sein de cette nouvelle association professionnelle. C'est vers les annees 1900 que le genie sanitaire se developpe a une plus grande echelle. Outre I'emergence d'associations professionnelles specialisees, la Loi sur la sante publique de 1902, qui voit finalement le jour apres 15 ans de debats parlementaires, a, sans conteste, contribue a I'essor dugenie sanitaire en France. Cette loi oblige les villes a se doter d'une reglementation sanitaire et de bureaux d'hygiene. A cet effet, les ingenieurs sanitaires seront appeles a jouer un role grandissant, aux cotes des medecins, au sein de ces bureaux (40).

Ailleurs en Europe, le genie sanitaire va egalement se developper. Le Congres international de sante publique, organise pour la premiere fois en 1852, en temoigne annee apres annee. Ingenieurs, architectes et medecins oeuvrant dans I'administration municipale s'y rencontrent et echangent sur les differents problemes de sante publique, notamment ceux lies a la mise en place d'infrastructures urbaines. Depuis 1876, le genie sanitaire est reconnu par ce Congres qui lui consacre une section specifique. On y aborde divers sujets comme I'approvisionnement des villes en eau potable, les conditions sanitaires urbaines, la ventilation et la pollution de I'air, le traitement des dechets et I'entretien des voies publiques. L'historienne Viviane Claude mentionne que dans certains congres, d'autres sujets pouvaient etre abordes dans la section reservee au genie sanitaire tels que la salubrite des habitations (Paris, 1889), les aspects hygieniques des chemins de fer (Londres, 1891), le logement ouvrier (Budapest, 1894) et I'administration de la sante publique (Berlin, 1907) (41). Chaque pays, hote du congres, etablit des correlations entre la rencontre et leurs propres preoccupations sanitaires. Ces rencontres favorisent la mise sur pied des periodiques scientifiques de genie sanitaire.

Au cours des annees 1870 et 1880, les hygienistes americains, principaux representants de ce que Stanley Schultz appelle les [much less than] environnementalistes moraux [much greater than] (42), travaillent a acquerir une autonomie professionnelle dans le champ en emergence qu'est le genie sanitaire. Une revue professionnelle est creee en 1877, le Plumber and Sanitary Engineer qui, trois ans plus tard, devient le Sanitary Engineer (43). Ce sont leurs efforts qui conduisent a la creation du premier programme de formation en genie sanitaire au MIT.

Aux Etats-Unis, trois experts vont assumer des roles de premiere importance dans le domaine de la sante publique: les medecins, les bacteriologistes et les ingenieurs specialises en genie sanitaire. Ces derniers, qui entrent plus tardivement sur la scene de la sante publique, auront pour mandat de transiger directement avec les contraintes environnementales et d'assurer I'assainissement de I'espace urbain. II est important de noter cependant que, dans la plupart des pays, dont le Canada, la profession d'ingenieur sanitaire ne jouit pas d'un statut juridique qui protege le titre et I'exercice de la profession.

L'engagement du premier ingenieur sanitaire a la Ville de Montreal

Comme en Europe et aux Etats-Unis, la creation d'associations sanitaires et de revues medicales et le pouvoir exerce par les medecins au sein de I'administration municipale vont rendre inevitable I'application de mesures sanitaires a Montreal. La necessite d'engager un ingenieur sanitaire ne manquera pas d'etre evoquee. Le [D.sup.r] Alphonse-Barnabe Larocque est I'un des premiers medecins a oeuvrer au sein du Bureau de sante.

Avant meme d'etre nomme medecin officier, il etait connu pour sa participation au mouvement hygieniste naissant a Montreal. Membre fondateur de la Montreal Sanitary Association (MSA), il avait signe un memoire presente au Conseil de Ville en 1867. Les membres de la MSA, dont Larocque est I'un des deux secretaires, n'avaient pas neglige de souligner que Montreal affichait un des pires taux de mortalite en Amerique, taux egale seulement par les quartiers les plus mal fames de New York. lls s'etaient penches sur les causes de ces morts prematurees dont la majorite etait des enfants. II s'averait, selon eux, que les mauvaises conditions sanitaires de la ville etaient responsables de ce taux anormalement eleve de mortalite.

Un an plus tard, Larocque, maintenant medecin officier au Bureau de sante, loin de renoncer aux idees qu'il defendait au sein de la MSA, mettra toutes ses energies a les concretiser. L'assainissement urbain est, pour lui, une condition sine qua non au developpement economique d'une ville de l'importance de Montreal. II est convaincu que I'hygiene est une science qui aide les peuples a s'elever intellectuellement. Les habitants d'une ville destinee a joindre les rangs des grandes cites du monde ne sauraient s'en passer. Ces arguments ne peuvent que toucher ceux qui detiennent les renes du pouvoir dans la metropole. Elus municipaux, proprietaires de logements et hommes d'affaires ne resteront pas insensibles au discours du principal officier du Bureau de sante pendant plus de 15 ans. Dans son premier rapport, en 1869, Larocque se laisse aller a un certain lyrisme qui revele sa foi en la science, et plus particulierement la science hygieniste. Cette profession de foi s'accorde, comme on peut le constater dans cet extrait, avec I'[much less than] environnementalisme moral [much greater than] ambiant de l'epoque (44).
 Nous admirons les ameliorations qu'ont fait les autorites,
 mais ne devons-nous pas en meme temps faire preuve de cet esprit
 de progres qui a pour but non seulement de garantir les Citoyens
 contre toute sorte de maladies, mais aussi de donner a toute la
 population cette force physique et morale qui feront son bonheur.
 L'hygiene est la science a laquelle on doit avoir recours pour
 ameliorer la condition physique, intellectuelle et morale des masses.
 La Civilisation moderne en a si bien compris l'importance que les
 principales villes d'Europe et d'Amerique ont recours a I'hygiene
 comme etant le plus puissant levier pour faire avancer les peuples
 dans la voie du progres. Montreal appelle a devenir par sa position
 geographique, ses ressources materielles et intellectuelles la ville
 la plus importante de la Puissance du Canada, negligerons-[nous]
 d'accepter un puissant moyen de prosperite offert dans une reforme
 sanitaire? Nous esperons qu'il n'en sera pas ainsi (45).


La participation du Bureau de sante au dossier des egouts va mener, quelques annees plus tard, a I'engagement d'une personne qualifiee, possedant a la fois les competences d'un ingenieur et celles d'un hygieniste. Le D' Larocque se fera un devoir de convaincre l'administration municipale de la necessite d'avoir un ingenieur sanitaire parmi son personnel. Dans son rapport annuel de 1880 sur I'etat sanitaire de la ville, il y va d'une premiere intervention dans ce sens. Apres avoir souligne l'importance du travail des inspecteurs sanitaires, il s'empresse d'ajouter:
 Cependant, je dois dire que dans certains cas, les services
 d'uningenieur sanitaire seraient requis. On sait d'ailleurs que tout
 ce qui a rapport aux egouts, a la ventilation, aux tuyaux de gaz, a
 la construction des habitations, est du ressort de l'ingenieur
 sanitaire. [...] Le Bureau de sante a adopte certains reglements
 concernant la construction et l'assainissement des habitations.
 execution des travaux par ces reglements est difficile, a cause du
 manque d'ingenieurs competents dans cette branche du genie,
 quiest reconnue comme des plus importantes au point de vue de la
 sante. Nous n'avons qu'a consulter les rapports sanitaires d'Europe
 et des Etats-Unis pour nous convaincre que le soin de travaux aussi
 importants ne peut etre confie qu'a des ingenieurs speciaux (46).


II revient a la charge, I'annee suivante, en affirmant que le genie sanitaire a atteint un degre de maturite qui est un gage de succes pour toute organisation sanitaire. Dans tous les bureaux de sante americains ou europeens, declare-t-il, y oeuvre un ingenieur sanitaire (47). Ces commentaires de I'officier de sante ont d'ailleurs suscite I'etonnement de I'inspecteur des chemins de la Ville, I'ingenieur George Ansley, qui retorque que, depuis 1878, I'inspection des drains prives est sous la responsabilite du Comite des chemins. Des lors, il ne comprend pas la necessite pour le Bureau de sante d'engager un ingenieur sanitaire afin d'inspecter des travaux qui ne sont pas sous sa responsabilite. Larocque ne se laisse pas demonter pour autant et lui replique qu'un projet de reglement est sur le point d'etre adopte:
 In our new Health By-Law, which will soon be considered by the
 Board and a committee of medical men, the appointment of a Sanitary
 Engineer (as assistant) is recommended. It seems to me that such an
 official will be the more necessary as we intend recommending the
 adoption of the suggestions concerning the drainage of the
 City [...] (48).


Malheureusement pour Larocque, ces reglements souhaites ne franchiront pas I'etape de I'adoption. Le Comite de sante sur lequel ne siege que des elus n'est pas pret a s'engager dans cette voie. Larocque doit mettre en veilleuse, pour I'instant, son projet de doter la ville d'un ingenieur sanitaire.

Son successeur, le [D.sup.r] Louis Laberge, reprend toutefois le flambeau. Lorsque le Comite des chemins recommande, en 1888, que I'inspection des drains prives soit desormais du ressort du Bureau de sante, le [D.sup.r] Laberge saute sur I'occasion pour ressusciter le dossier de I'engagement d'un ingenieur sanitaire. Les nombreuses plaintes formulees contre I'inspecteur des egouts domestiques et les malentendus frequents qui surgissent entre les deux instances ont incite les membres du Comite des chemins a ceder leur champ de competence sur ces egouts (49). Ces deux medecins ne seront pas les seuls a reclamer I'engagement d'un ingenieur sanitaire. En effet, plusieurs de leurs collegues vont se servir des pages du Journal d'hygiene populaire, organe officiel du Conseil d'hygiene de la province de Quebec, pour signaler que les reformes sanitaires passent notamment par I'engagement d'un tel expert. Le [D.sup.r] Elzear Pelletier souligne qu'afin d'assurer le fonctionnement permanent du Bureau de sante, il faut [much less than] attacher a son service un ingenieur sanitaire [...] qui serait charge de conduire les travaux se rapportant a la salubrite publique; jusqu'ici, il n'a encore ete rien fait dans ce sens, soitpar esprit d'economie, our peut-etre meme a raison de I'indifference des autorites. ll me semble que I'utilite de cette mesure est incontestable, et on ne devrait pas reculer devant une telle depense" (50). Le Dr J. I. Desroches, quant a lui, precise, dans un article sur I'hygiene municipale, "I'extreme importance d'avoir un ingenieur sanitaire attache au departement de la sante" (51). Au cours d'une de ses assemblees, la Societe medico-chirurgicale recommande la nomination d'un ingenieur sanitaire (52).

ll faudra cependant attendre quatre ans avant de voir un ingenieur sanitaire a I'emploi de la Ville. Ce n'est qu'en 1892, en effet, que la Commission d'hygiene de la Ville propose finalement d'engager ce type d'expert. Elle veut confier a ce dernier la mise en place de mesures pour ameliorer les conditions sanitaires de la ville. ll aurait notamment a preciser les meilleurs moyens pour enrayer les causes de I'insalubrite. Pour ce faire, il devra notamment se pencher sur la question de la ventilation des egouts publics et prives. ll aura egalement la tache de voir a la bonne marche de I'inspection des maisons en rapport avec la sante et de superviser la construction d'incinerateurs publics (53). Le Comite des finances approuve l'engagement d'un ingenieur sanitaire en vue de reorganiser le service de sante de la ville. ll fixe son salaire a 2000 $ par an, avec une augmentation annuelle de 100$.

En juin 1892, la Commission d'hygiene organise un concours pour combler le nouveau poste d'ingenieur sanitaire. On retient huit candidats sur une vingtaine. D'abord, J. Spenard, ingenieur civil, diplome de I'Ecole Polytechnique de Montreal et Emile Jules Thomas, issu de l'Ecole .superieure de genie civil de Belgique, qui retire finalement sa candidature. On remarque egalement D.H. Fergusson, autodidacte, qui a travaille a Edimbourg, et qui presente des lettres de recommandation de directeurs de manufactures. Ce dernier a aussi supervise des ouvriers en usine. ll dit avoir adapte certaines machines a des fins mecaniques, notamment pour evacuer I'eau dans les tuyaux "which necessited a practical knowledge of both plumbing work and the best mode of ventilation " (54). ll y a aussi Leon Vermette, medecin, diplome de I'ancienne faculte Victoria de I'Universite Laval, Joseph Haynes, professeur a l'Ecole Polytechnique de Montreal, recommande par I'Association des architectes mais neanmoins autodidacte, A.C. Barber, "first class Sanitary Plumber" et Alcide Chausse, architecte. En ce qui concerne ce dernier, il presente une lettre signee par quatre medecins. Ceux-ci mentionnent notamment" Comme monsieur Chausse est architecte, nous croyons devoir ajouter qu'apres un medecin, la charge "d'ingenieur sanitaire" ne peut mieux convenir qu'a un architecte, vu qu'ils sont inities a construire toujours dans un but hygienique" (55). Finalement, s'ajoutent les candidatures de UP. Boucher, expert en travaux hydrographiques et Onesime Simard, ingenieur civil et arpenteur. Ces deux derniers ont ete formes a l'Ecole Polytechnique de Montreal.

Comme on le voit, l'identite de l'ingenieur sanitaire est loin d'etre cristallisee dans la derniere decennie du siecle a Montreal. Des individus provenant de divers milieux professionels jugent qu'ils sont aptes a chausser les souliers de l'ingenieur sanitaire.

Ingenieurs civils, architectes, medecins, plombiers et autodidactes considerent leur formation et leur experience suffisantes pour exercer cette profession naissante et pas encore bien definie. Le Comite de selection ne le voit toutefois pas du meme ceil puisqu'il ne retient aucun de ces candidats. En effet, aucun d'entre eux n'appartient a une association d'ingenieurs sanitaires qui ont vu le jour au cours de cette decennie ou la prece-dente en Europe et aux Etats-Unis. Quant a ce type de formation, il commence seulement a emerger au sud de la frontiere canadienne. Au Canada, les institutions universitaires n'ont bien sur pas encore inaugure de tels programmes. ll n'est donc pas surprenant de voir des individus aux profils assez disparates postuler sur ce poste et de constater I'absence d'un veritable ingenieur sanitaire. On notera toutefois que, si l'on en juge par les candidats retenus, les ingenieurs considerent d'ernblee que le genie sanitaire est une specialite du genie civil et qu'ils peuvent legitimement remplir les fonctions d'un ingenieur sanitaire.

Devant I'impasse, on propose alors d'augmenter le salaire annuel prevu a 3000$ afin d'attirer de meilleurs candidats, comme si l'appat du gain pouvait faire surgir comme par magie ce type d'expert. Cette motion est d'ailleurs defaite. Apres plusieurs deliberations, c'est finalement l'un des candidats, U.P. Boucher, qui est retenu. Toutefois, des rumeurs circulent selon lesquelles il y aurait eu des pots de vins verses par les candidats aux membres de la Commission pour obtenir le poste convoite. L'histoire tourne court mais revele toutefois que la Commission d'hygiene n'a examine que huit candidatures sur les 21 postulants (56). Apres plusieurs jours de vives discussions entre les membres de la Commission d'hygiene, le poste est finalement attribue a Joseph-Emery Dore qui n'avait pas ete retenu lors de la premiere selection (57). Ce dernier est un diplome de l' Ecole Polytechnique de Montreal. Apres sa promotion en 1881, il a oeuvre au departement des chemins et canaux du gouvernement federal. ll a travaille ensuite aux Etats-Unis. De retour a Montreal en 1889, il a ouvert un bureau d'ingenieur civil. ll entre au service de la Ville en 1892 sans que l' on puisse savoir s'il a acquis une experience en genie sanitaire. Sa premiere tache en tant qu'ingenieur sanitaire sera de reviser les regle-ments de drainage et de plomberie qu'on s'apprete a adopter.

La saga de I'engagement du premier ingenieur sanitaire dans I'administration de la sante publique montre qu'en I'absence d'un programme de formation en genie sanitaire dans les institutions universitaires au Quebec, les candidats presentent des profils fort differents qui ont cause des maux de tete aux membres de la Commission d'hygiene. Elle nous revele egalement que les ingenieurs s'averent les experts les plus enclins a se considerer comme aptes a exercer la pratique du genie sanitaire meme s'ils n'ont recu aucune formation specifique dans ce domaine.

L'ingenieur sanitaire dans l'administration publique a Montreal

Comme on l'a vu, la formation en genie sanitaire s'implante graduellement dans les universites montrealaises au tournant du [XIX.sup.e] siecle. Des ingenieurs, rompus aux notions d'hygiene publique et aux techniques du genie sanitaire, sont maintenant prets a joindre les rangs de la fonction publique. Or, la specialisation en genie sanitaire a I'Ecole Polytechnique de Montreal ne mene pas a un diplome d'ingenieur sanitaire. L'exercice de la profession d'ingenieur au Quebec montre d'ailleurs, a l'evidence, que les individus qui ont occupe cette profession n'ont pu se contenter de la formation offerte par l'ecole de genie montrealaise. En effet, nous avons pu retracer la carriere des premiers ingenieurs sanitaires francophones en consultant les annuaires des anciens diplomes de l'Ecole Polytechnique de Montreal. Ces annuaires revelent que les ingenieurs de Polytechnique qui ont fait carriere comme ingenieur sanitaire ont pratique-ment tous du parfaire leur formation aux Etats-Unis. En ce qui concerne les ingenieurs formes a McGill et qui auraient exerce la profession d'ingenieurs sanitaires, il nous a ete malheureu sement impossible de les retracer. ll n'existe, en effet, aucune source semblable qui nous aurait instruits sur leur cheminement de carriere. Nous savons cependant que les ingenieurs sanitaires anglophones ont plutot ete rares a exercer au Quebec. Si les ingenieurs francophones ont ete nombreux a ceuvrer dans la fonction publique municipale ou provinciale, il n'en a pas ete de meme pour les ingenieurs anglophones qui, en grande majorite, ont exerce leur profession dans le secteur prive (58). En ce qui concerne plus particulierement le genie sanitaire, cette specialite s'est surtout exercee, comme nous le verrons, dans les administrations publiques municipales et provinciale. ll ne devrait, par consequent, pas etre surprenant d'y trouver surtout des ingenieurs francophones.

Comme on pouvait s'y attendre, les premiers ingenieurs sanitaires quebecois ont surtout oeuvre dans les bureaux de sante des grandes villes ou dans les organismes quebecois d'hygiene et de sante publique. Ceux-ci ont subi des transformations importantes a partir du debut du [XX.sup.e] siecle et ont alors menage une place plus importante aux experts. L'ingenieur sanitaire est l'un de ceux-la A Montreal, le Bureau de sante est un bel exemple de ces transformations qui vont permettre a l'ingenieur sanitaire de participer au developpement d'infrastructures dont l'impact sera considerable sur la sante des Montrealais. On sait que des 1892, un poste d'ingenieur sanitaire est comble par un diplome de Polytechnique. Dans la premiere moitie du [XX.sup.e] siecle, le mandat du Bureau de sante s'elargit considerablement et on devra bientot songer a l'embauche de nouveaux ingenieurs sanitaires. L'organisme joue, par exemple, un role de plus en plus actif aupres des enfants, en affectant du personnel a la visite des ecoles et au depistage des maladies. Le laboratoire de bacteriologie, cree en 1895, prend de plus en plus d'importance et un nombre de plus en plus grand d'echantillons y sont analyses quotidiennement. Un personnel qualifie continue par ailleurs a tenir a jour des statistiques sur l'etat de sante de la population et en particulier sur la mortalite. Le Conseil municipal appuie en outre des initiatives privees dans le domaine de la sante publique en subventionnant notamment la Ligue antituberculeuse, les cliniques connues sous le nom de Gouttes de lait, ou les meres recoivent des conseils pour bien nourrir et soigner leurs enfants, et les hopitaux, bien que les sommes consacrees a ce chapitre restent assez modestes. La municipalite contribue aussi a l'assianissement urbain grace a son reseau d'egouts et d'aqueduc. Dans les dernieres decennies du [XX.sup.e] siecle, on avait graduellement mis en place un reseau d'egouts efficace et moderne destine a recueillir tout autant les eaux de pluie que les eaux usees (59). Au debut du [XX.sup.e] siecle, les habitations montrealaises sont, pour la plupart, connectees a ce reseau. L'elimination des fosses d'aisance qui constituaient une source de pollution importante est pratiquement terminee. En 1891, les quartiers de la basse ville en comptaient encore plus de 6 600. Vingt-cinq ans plus tard, il en reste moins d'une centaine (60). Quant au reseau de distribution d'eau de la municipalite, il a ete mis en place, comme nous I'avons vu, au milieu du [XX.sup.e] siecle. Mais au debut du [XX.sup.e] siecle se pose la question de la qualite de cette eau puisee a meme le Saint-Laurent. Des 1910, Montreal commence a ajouter du chlore a l'eau qu'elle distribue a ses habitants pour reduire l'ampleur de la typhoide. Les resultats ne se font pas attendre et on peut constater une chute notable de la mortalite, en particulier de la mortalite infantile, a partir de cette date. Mais la chloration de l'eau n'est qu'une mesure partielle et il faut eriger bientot de nouvelles installations pour proceder a la filtration de l'eau. Mises en chantier un peu avant la guerre, ces nouvelles installations de filtrage sont achevees en 1918 (61).

Lorsque Louis Laberge prend sa retraite en 1913, les elus, influences par le mouvement reformiste, envisagent une reorganisation complete du departement. Pour ce faire, ils choisissent le docteur Seraphin Boucher pour reorganiser le Bureau de sante. Ce dernier est une figure de proue du mouvement hygieniste montrealais depuis de nombreuses annees et un des premiers diplomes en hygiene publique de la Faculte de medecine de l'Universite Laval (62). Engage par la Ville en 1912, il avait mis sur pied le Service de l'inspection medicale. II amorce la refonte du Bureau de sante en reunissant sous une direction centrale tous les services qui se rapportent a I'hygiene et qui, jusque-la, avaient fonctionne plus ou moins independamment les uns des autres. ll faut dire que dans les annees 1910,la Ville avait commence a mettre en place une classification de ses fonctionnaires. La Commission administrative entend s'inspirer de I'organisation municipale new-yorkaise. On engage finalement la societe Arthur Young & Co pour elaborer une premiere grille de classification des emplois (63). Des manuels renfermant les instructions pour 1'accomplissement des fonctions des differentes categories d'employes sont elabores. Parallelement, on reorganise les services municipaux en cinq grands services (64). Le Service de sante est alors organise en huit divisions dirigees chacune par un chef, mais soumises a une direction centrale renforcee. Le nouveau directeur, qui se plaint que certains d'entre eux soient recrutes sans qualification, favorise les candidats qui ont fait des etudes speciales et qui possedent un diplome ou certificat specialise. Anisi, un rapport publie en 1920 nous informe sur les taches que l'ingenieur sanitaire devra accomplir et les qualifications qu'il devra posseder. Ces fonctions devraient I'amener:
 [...] to examine plans and specifications of proposed construction
 to insure conformance with municipal sanitary and plumbing
 regulations; to be jointly responsible for the inspection of
 sanitary and plumbing installation; to prepare by-laws and
 regulations affecting plumbing and sanitation; to give advice to
 municipal officials, contractors and private parties in regard to
 sanitary conditions; to be responsible for the examination and
 treatment of sewage and to perform the related work as required (65).


Par ailleurs, le candidat au poste d'ingenieur sanitaire devra posseder une:
 [...] education equivalent to graduation in sanitary engineering
 from a university of recognized standing; three years of experience
 in municipal sanitation work, one year of which shall have been in a
 position of responsibility; knowledge of municipal bylaws and
 regulation relating to sanitation and plumbing; ability to speak and
 write both French and English; supervisory ability (66).


La reorganisation du Bureau de sante de la Ville de Montreal (67) va permettre I'embauche d'un nombre important d'experts qualifies. En effet, son personnel passe alors de 45 employes en 1901 a 157 en 1914. Nombre d'entre eux sont affectes a la Division de la salubrite, dont l'ingenieur sanitaire Aime Cousineau. Diplome de I'Ecole Polytechnique en 1909, il n'a donc suivi aucun cours en genie sanitaire dans cette institution. ll est engage cependant comme ingenieur sanitaire au Bureau de sante de la Ville de Montreal en 1914 apres avoir travaille comme hydraulicien pour le gouvernement federal (68). Peu de temps apres son embauche, la Ville lui octroie une bourse de perfectionnement, ll va alors se specialiser au MIT et a I'Ecole d'hygiene publique de I'Universite Harvard. ll obtient son diplome en genie sanitaire en 1916 de ces deux institutions. Cette bourse deviendra, pour le Bureau de sante, un moyen prise pour s'assurer d'un personnel d'ingenieurs sanitaires rompus aux plus recentes techniques en matiere d'hygiene publique et de genie sanitaire. Cousineau jouera un role de premier plan au sein de la Division de salubrite dont il devient le chef en 1929. Par la suite, d'autres ingenieurs sanitaires joindront les rangs des professionnels du Bureau de sante de la Ville de Montreal. C'est le cas de Leo-Paul Cabana (69) diplome de la promotion de 1931 de Polytechnique, qui, apres avoir travaille une annee dans un bureau d'ingenieurs consultants, devient adjoint a la Division de la salubrite. En 1935, Cabana obtiendra, tout comme Cousineau, une bourse d'etude de la Ville de Montreal et ira se specialiser en hygiene publique a Harvard, A son retour en 1936, il sera promu assistant surintendant de la Division de la salubrite, poste qu'il occupera jusqu'en 1944, au moment de sa nomination au poste de surintendant et ingenieur sanitaire a la Division de la salubrite (70). ll finira sa carriere comme ingenieur surintendant de la Division de la voie publique du Service des travaux publics (71). Romeo Mondello est un autre diplome de Polytechnique qui, apres avoir suivi quelques cours en genie sanitaire, ceuvrera au sein du Bureau de sante. ll a tout d'abord exerce sa profession au ministere de la Sante, anciennement le CHPQ, pendant la Seconde Guerre mondiale pour finalement trouver un emploi, en 1945, a la Ville de Montreal. Mondello est un autre recipiendaire de la bourse de perfectionnement de la Ville. Comme les autres avant lui, il s'inscrit a l'Ecole d'hygiene de I'Universite Harvard, d'ou il obtient, en 1948, le degre de "Master of Sciences " en genie sanitaire (72). ll succedera a Cabana au poste de surintendant de la Division de la salubrite de la Ville de Montreal en 1951. Comme on peut le voir, la Division de la salubrite est l'un des lieux privilegies de I'exercice de la profession d'ingenieur sanitaire.

Des ingenieurs sanitaires au Conseil d'hygiene de la province de Quebec

Le Conseil d'hygiene de la province de Quebec (CHPQ), cree en 1887, a pour mandat de repondre aux besoins d'organisation sanitaire de la province, d'encourager la formation de bureaux sanitaires municipaux, de surveiller l'application des lois d'hygiene, de favoriser la prevention des maladies infectieuses et d'assurer la distribution des vaccins et des serums (73). Orientant surtout leurs efforts vers la prevention des maladies infectieuses, les membres du CHPQ souhaitent ainsi promouvoir une medecine preventive largement interventionniste. Un tel projet implique, entre autres, la creation d'un service d'ingenierie sanitaire pour tout ce qui a trait a l'adduction d'eau, les egouts et l'ebouage des municipalites. ll faut cependant attendre 1909 quand une epidemie de fievre typhoide d'origine hydrique frappe Montreal pour que la Division du genie sanitaire soit creee au CHPQ. Le personnel de cette division comprend six ingenieurs au siege principal de la division et deux ingenieurs regionaux. La direction de ce service est alors confiee a un ingenieur hygieniste americain, James O. Meadows, diplome de I'Universite du Wisconsin en genie sanitaire. L'assistant ingenieur sanitaire est nul autre que Theodore-Joseph Lafreniere, le professeur de genie sanitaire a I'Ecole Polytechnique de Montreal. ll assurera la direction de ce service a partir de 1914. Comme le rappelle le Dr J.-A. Beaudry, inspecteur-general du CHPQ, en 1918:
 [...] il y a a peu pres une dizaine d'annees, entraine par l'exemple
 des Etats-Unis ou plusieurs "State Boards " employment les services
 d'ingenieurs dits sanitaires pour surveiller certains travaux
 d'aqueduc et d'egout, le Conseil d'hygiene s'assura les services d'un
 specialiste en la matiere, M. Meadows, gradue de I'Universite du
 Wisconsin. Apres M. Meadows, le Conseil superieur d'hygiene envoya
 notre ingenieur-sanitaire actuel, qui venait de terminer ses etudes
 a l'Ecole Polytechnique de Montreal, suivre un cours special au
 Massachussetts Institute of Technology, a Boston. Apres deux ans
 d'etude, M. Lafreniere nous revint avec ses diplomes et il s'occupe
 depuis ce temps de tout ce qui regarde la partie technique des
 aqueducs et des egouts (74).


Comme onpeut le voir, le MIT et l'Universite Harvard, dans le premier quart du [XIX.sup.e] siecle, ont constitue probablement les principales filieres de formation des premiers ingenieurs sanitaires francophones. Le cours de genie sanitaire de Polytechnique a plutot initie les etudiants en genie civil aux rudiments d'une specialite en emergence au Quebec. Apres avoir pris connaissance des grands principes du genie sanitaire, ils ont du quitter le sol quebecois pour completer leur formation. Le MIT et I'Ecole d'hygiene de Harvard semblent avoir ete les institutions privilegiees.

Des sa creation, le CHPQ s'etait surtout attele a la lutte contre les maladies infectieuses, les problemes generalement relies au genie sanitaire n'avaient pas beaucoup attire l'attention de l'organisme. C'est done un peu plus tard que le genie sanitaire en est devenu une composante importante. Le premier rapport de l'ingenieur sanitaire nous permet de connaitre les divers champs d'intervention de cette nouvelle division (75). Tout d'abord, elle va s'attaquer a l'inspection des lacs et des rivieres qui alimentent en eau les municipalites. Meadows propose de commencer le travail par les rivieres, en amont des points de contamination, et de continuer a descendre les cours d'eau en prenant des echantillons pres des centres importants de contamination. ll veut ainsi recueillir des donnees precises sur la pollution des eaux et sur la capacite de purification des cours d'eau. ll veut egalement colliger des donnees sur tout ce qui concerne les maladies infectieuses transmises par l'eau, les systemes d'aqueduc et d'egouts. Les inspections vont s'effectuer a differentes saisons de l'annee car, les maladies infectieuses, comme c'est le cas de la fievre typhoide, se declarent au printemps ou a l'automne. Les echantillons sont ensuite envoyes au laboratoire de bacteriologie qui va, par la suite, remettre les resultats des analyses a l'ingenieur sanitaire. Ce dernier, par ses connaissances en bacteriologie, est alors en mesure de les interpreter. Ensuite, comme des usines de filtration des eaux ont deja ete installees au Quebec et comme le fonctionnement d'un appareil de filtrage est crucial pour s'assurer une eau potable, les ingenieurs sanitaires CPHQ visitent les differentes usines de filtrage de la province et aident les municipalites a obtenir de meilleurs resultats avec le type d'appareil qu'elles ont acquis. Outre ces visites, le travail de ces ingenieurs sanitaires consiste a faire des analyses chimiques et bacteriologiques de l'eau afin d'en determiner le degre de purification. lls examinent aussi l'installation mecanique des procedes de filtration et tous les changements juges necessaires sont proposes aux autorites municipales. En ce qui concerne les reseaux d'egouts, la plupart des systemes en usage dans la province sont inspectes et des corrections sont exigees s'il y a lieu. Les experts techniques font aussi l'inspection de toutes les sources ou les municipalites se proposent de puiser l'eau. Le lac, la riviere ou la nappe phreatique projete fait l'objet d'un examen tant au point de vue de la qualite de l'eau que de la quantite pouvant y etre puisee. Pour determiner la qualite de l'eau, ils ont recours aux analyses chimiques et bacteriologiques. Pour la quantite, s'il n'est pas evident qu'elle est suffisante, on demande d'effectuer des calculs. Le service examinera les plans des nouveaux systemes d'egouts ou d'agrandissement des systemes en place. Les lois de la province ne peuvent rien contre les systemes d'egouts deja en fonction, a moins qu'ils ne soient devenus des nuisances publiques. Comme plusieurs reseaux souillent les prises d'eau potable des municipalites, l'ingenieur sanitaire espere, a l'aide de donnees sur l'etendue de la contamination, obtenir une legislation pour empecher ces municipalites de contaminer l'eau pres des zones de captation du systeme d'adduction. Finalement, chaque fois que ce service est informe que la fievre typhoide s'est declaree quelque part, la municipalite est visitee et les ingenieurs sanitaires recoltent des informations sur l'epidemie pour en connaitre la cause. Des moyens sont alors pris pour enrayer ce fleau, comme c'est le cas pour l'epidemie de fievre typhoide qui s'abat sur Montreal en 1927. Comme on le voit, la division du genie sanitaire a du pain sur la planche en ce debut du [XIX.sup.e] siecle.

Rapidement, la Division du genie sanitaire s'attaque au probleme de la purification de l'eau de la metropole canadienne. On oblige les autorites montrealaises et la Montreal Water and Power a installer des appareils de chloration de l'eau pour les deux aqueducs qui alimentent la plupart des villes de l'ile de Montreal. C'est chose faite en 1910. C'est la premiere fois au Canada que de tels systemes sont installes, alors que l'on utilise deja ce traitement aux Etats-Unis depuis a peine deux ans (76). En 1910, il n'existe que quatre usines de filtration des eaux dans la province de Quebec. Celles-ci fonctionnent sous pression, mode de filtration plutot desuet et d'une faible efficacite. L'emploi de filtres commence a se repandre aux Etats-Unis ce qui ameliore le rendement des usines de traitement. Avant la creation de la Division du genie sanitaire au Conseil d'hygiene de la province de Quebec, les municipalites utilisaient en grande partie les rivieres pour puiser leur eau destinee a la consommation et aucun traitement in'etait utilise. On sait maintenant que les reseaux d'aqueduc ont ete la cause de nombreuses epidemies de fievre typhoide. Les taux moyens de deces causes par cette maladie etaient de 35 par 100 000 habitants avant 1910, soit avant que l'on traite l'eau (77). Avec la bacteriologie, la necessite de mettre en place des mesures pour minimiser le risque de contamination s'est imposee. Les usines de filtration se sont multipliees et les appareils de chloration ont ete installes en nombre accru. Des 1935, 66 usines de filtration desservent deja 98 municipalites ou vivent 1 500 000 habitants. Par ailleurs, la Loi sur l'hygiene publique du Quebec confie a la Division du genie sanitaire le controle de l'etablissement et de l'exploitation des usines de pasteurisation du lait. Le procede fait ainsi des progres rapides au Quebec. En 1935, on compte 135 usines de pasteurisation ayant une capacite de 125 000 gallons par jour et 80 pour cent de la population urbaine consomme maintenant du lait pasteurise (78).

Le traitement des eaux usees est une autre des preoccupations de l'ingenieur sanitaire au debut du [XIX.sup.e] siecle. Dans les grandes villes, chaque habitation est desormais branchee au reseau d'egouts. Or, le developpement des grandes villes entraine des problemes de pollution directement relies au rejet des eaux usees. Celles-ci contiennent, en effet, des matieres en suspension et en solution. Une partie de ces matieres est organique et l'autre minerale. Les eaux usees renferment aussi un grand nombre de bacteries de toutes sortes et en particulier des germes qui peuvent causer des epidemies d'origine hydrique. Comme le rappelle Lafreniere, l'augmentation de la population dans une region entraine la necessite de traiter ces eaux avant leur rejet dans les cours d'eau (79). Les differents procedes employes pour epurer les eaux usees peuvent etre divises en deux groupes: le premier enleve les matieres en suspension et le second transforme la matiere organique de maniere a l'empecher de se putrefier. Le but des differents modes de traitement est, soit d'enlever une partie des matieres putrescibles ou de diriger la decomposition de ces matieres de maniere a ce qu'elle soit toujours accomplie par les aerobies, c'est-a-dire des germes qui se developpent grace a l'oxygene. Les procedes de traitement sont nombreux (80). C'est pourquoi l'ingenieur sanitaire est l'un des seuls experts a pouvoir determiner, par exemple, si on utilise la desinfection ou la sterilisation. Le procede qu'il convient d'adopter ne peut etre choisi qu'apres une etude serieuse du probleme et la solution depend necessairement des conditions locales. Dans ses rapports annuels pour le CHPQ, Lafreniere dresse la liste de toutes les municipalites visitees par les ingenieurs et decrit le travail qu'ils ont effectue. Selon Lafreniere, le travail accompli par ces experts entre 1910 et 1945 place la province de Quebec au meme rang que les provinces canadiennes et les etats americains les plus avances en matiere d'hygiene publique (81). Le traitement des eaux usees au Quebec a certes constitue un champ d'exercice important de la profession d'ingenieur sanitaire dans la premiere moitie du [XX.sup.e]siecle.

Finalement, il est important d'ajouter que les ingenieurs sanitaires ne se retrouvent pas tous dans les grands organismes que sont le Bureau de sante de la Ville de Montreal ou a la Division du genie sanitaire du CHPQ. Plusieurs ingenieurs formes a Polytechnique ou a McGill, qui ont recu une certaine expertise en genie sanitaire, ont du exercer egalement leur profession dans les petites et moyennes agglomerations du Quebec. Plusieurs ingenieurs municipaux ont pu ainsi utiliser leur savoir en genie sanitaire, si minime soit-il, dans certaines de leurs taches. La profession d'ingenieur ayant une reconnaissance juridique--au Quebec, le titre d'ingenieur civil est protege depuis 1898 et l'exercice de la profession le sera a partir de 1920-contrairement a celle l'ingenieur sanitaire, il est bien difficile de savoir si un ingenieur civil a plutot exerce sa profession dans un domaine relie au genie sanitaire. Des ingenieurs municipaux qui dressent les plans des aqueducs ou reseaux d'egouts et qui soumettent les devis pour un systeme de traitement des eaux ont surement considere les quelques heures de cours suivis en genie sanitaire suffisantes pour se pretendre aptes a enfiler les habits de l'ingenieur sanitaire. Quant aux grandes villes, les ingenieurs sanitaires y occupent des postes qui ne laissent aucun doute sur leur identite. Ces ingenieurs municipaux, specialises en genie sanitaire, cooperent d'ailleurs avec leurs homologues du CHPQ qui approuvent ces plans ou devis. Encore la, plusieurs d'entre eux sont issus de la Polytechnique. C'est le cas, par exemple, de Rene Cyr qui entre a la Division du genie sanitaire du CHPQ en 1924 apres avoir recu son diplome de l'ecole d'ingenieurs francophone l'annee precedente. ll y commence sa carriere comme ingenieur-hygie-niste (82). Tout comme certains ingenieurs sanitaires que nous avons rencontres, il fait des etudes superieures a l'Universite Harvard grace a une bourse de perfectionnement du ministere de la Sante, anciennement le CHPQ. En 1939, il devient ingenieur en chef adjoint de la Division du genie sanitaire. En 1946, il enseigne a l'Ecole d'hygiene sociale appliquee de l'Universite de Montreal et, a partir de 1956, a la Polytechnique ou il donne le cours sur l'epuration des eaux d'egouts et des eaux industrielles, faisant partager ses connaissances a une nouvelle generation d'ingenieurs sanitaires. D'autres ingenieurs sanitaires comme Sarto Plamondon et Emilien Langevin vont avoir le meme profil de carriere. lls sont diplomes de Polytechnique et travaillent, quant a eux, a la Division de l'hygiene industrielle du ministere de la Sante.

Conclusion

Dans cet article, nous avons tente de dresser une premiere esquisse d'un groupe d'experts plutot meconnus des historiens des professions tout comme des specialistes de la sante publique au Quebec. Plusieurs questions restent en suspens avant d'arriver a mieux comprendre tous les enjeux lies au developpement particulier de cette profession hybride qui n'a jamais su s'incarner dans un ordre professionel. L'immense pouvoir social des medecins et le travail de regroupement des ingenieurs qui s'echelonne entre 1887 et 1920 ont-ils consititue des freins a un processus d'autonomisation de la profession? Le fait que la plupart des ingenieurs sanitaires appartenaient deja a un ordre professionnel n'explique-t-il pas leur peu d'empressemest a s'organiser en profession autonome? Voila quelques pistes qui meritent d'etre explorees. Pour notre part, en retracant les conditions socio-economiques de l'emergence de cette formation specifique et en analysant l'itineraire de carriere de quelques-uns de ces nouveaux experts, nous croyons avoir contribue a cerner certaines etapes du developpement d'une profession nee dans la foulee du developpement accelere des villes, surtout a Montreal, et de la prise de conscience des effets nefastes de ce developpement sur leur environnement. Comme ailleurs, on en est venu a recourir aux services d'un nouvel acteur sur le front de l'assainissement des villes, l'ingenieur sanitaire. Celui-ci s'est retrouve des le debut du [XX.sup.e] siecle au sein des principaux organismes publics lies a la sante publique.

Parallelement, les institutions d'enseignement superieur ne sont pas restees insensibles a cette demande d'une expertise engenie sanitaire. Des cours et des programmes ont vu le jour a I'Universite McGill et a la Polytechnique. En effet, compte tenu de la complexite des enjeux de sante publique, notamment en matiere d'hygiene de I'habitation et de traitement des eaux, une formation specialisee etait necessaire pour les medecins et surtout les ingenieurs, confrontes a ces problemes environnementaux engendres par le developpement urbain et montes en epingle par les "environnementalistes moraux" dont les hygie-nistes et les ingenieurs sanitaires ont ete les principaux herauts. Par ailleurs, notre analyse revele que la formation en genie sanitaire dispensee dans les universites montrealaises n'etait peut-etre pas suffisante. Plusieurs ingenieurs de Polytechnique, par exemple, qui ont fait carriere comme ingenieur sanitaire, ont du parfaire leur formation aux Etats-Unis. Neanmoins les itineraires de carrieres des ingenieurs sanitaires au Quebec montrent qu'ils ont joue un role non negligeable dans le developpement de plusieurs infrastructures au coeur des politiques de sante publique au debut du [XX.sup.e] siecle.

En fait, au Quebec, le genie sanitaire n'a jamais reussi a s'autonomiser pour constituer une formation qui mene a un diplome donnant acces a un titre protege ou l'exercice exclusif de certaines taches. Cette formation est toujours restee une sous-specialite du genie civil ou de la medecine. Aucune ecole specialisee ou faculte universitaire n'a ete creee au Quebec qui se serait consacree uniquement a la formation de ce specialiste des infrastructures liees a la sante publique et qui aurait pu constituer le point d'ancrage d'un processus d'autonomisation de la profession. En 1958, a la faveur d'une reforme de son curriculum, la Polytechnique reconnaitra un peu plus le genie sanitaire en le hissant au rang de division au sein du departement de genie civil, Dix ans plus tard, la specialisation en genie sanitaire apparaitra dans le programme de maitrise de genie civil. En 1971, cette specialisation, tout en restant la meme, se dotera d'une nouvelle appellation, "genie de I'environnement", qui, croit-on, evoque mieux les nouvelles preoccupations de l'epoque. Le titre meme d'ingenieur sanitaire est relegue aux oubliettes.

L'analyse sociologique des groupes qui, pour reprendre l'ex-pression de Luc Boltanski, ont reussi, au sens ou ils sont parvenus a assurer leur survie en se dotant d'institutions et de systemes de representations qui les ont "objectives" socialement (83), n'est deja pas aisee a realiser bien que sociologues et historiens peuvent compter sur la memoire institutionnelle que n'ont pas manque de preserver les membres de ces groupes. S'interesser aux groupes qui n'y ont pas reussi est une tache beaucoup plus difficile. Ceux-ci demeurent toujours des identites floues, comme en perpetuelle gestation, promis a un avenir jamais realise. Nous croyons cependant que, a l'instar de l'analyse des echecs de precedes ou d'inventions qui nous eclaire sur les facteurs menant au progres technique, l'etude des professions non accomplies jette un peu de lumiere sur le processus complexe de la formation des groupes sociaux.

Notes

(1.) C'est une augmentation importance, en particulier pendant la decennie 1880, alors que le taux annuel moyen de croissance atteint 4,41 pour cent. Grace a 1'annexion des municipalites de banlieue, le territoire montrealais s'agrandit. Ainsi, la population passe de 126 000 habitants en 1871 a 324 880 en 1901. Les taux de croissance de Montreal sont nettement plus eleves que ceux de l'ensemble du Quebec. Paul-Andre Linteau, Histoire de Montreal depuis la Confederation (Montreal: Boreal, 2000), 38-41.

(2.) Ibid., 42.

(3.) En moyenne, un logement coute, a la fin du [XIX.sup.e]; sicole, 1,75$ par mois par piece pour un total de 8,75$ par mois. Dans les annees 1880, un journalier recoit entre 6$ et 9$ par semaine et un ouvrier qualifie peut obtenir, dans de bonnes conditions, le double de cette somme. L'ouvrier moyen consacre de 55 a 65 pour cent de son budget a la nourriture et de 15 a 25 pour cent au loyer. De plus, les ernployeurs peuvent maintenir les salaires a un bas niveau, car la main-d'oeuvre est abondante. ll est facile de remplacer un employe, surtout s'il occupe un emploi n'exigeant pas de qualifications. Rares sont les ravailleurs qui peuvent compter sur un revenu reguiler toute l'annee. Il existe un important chomage saisonnier, qui frappe surtout en hiver, quand le port est ferme et que les activites de construction sont presque arretees. Quant au secteur industriel, il arrive que les entrepreneurs ferment leurs usines pour une certaine periode quand la demande baisse. Ainsi, le bas revenu des families ouvrieres les oblige a se contenter d'un logement de moindre qualite, souvent insalubre. Terry Copp, Classe ouvriere et pauvrete: Les conditions de vie des travailleurs montrealais, 1897-1929 (Montreal: Boreal Express, 1978), 82.

(4.) John Ostell, Report of the City Surveyor Presented to the Corporation of Montreal for the Year 1842, 1843, 17-21, Fonds de la Commission de la voirie (VM36), Archives de la Ville de Montreal (AVM).

(5.) Ces deux medecins s'additionnent aux deux medecins vaccinateurs deja remuneres par le Bureau de sante. "Service de Sante; Organisation. 1796-1933. Notes sur l'organisation du Service de la Sante de Montreal", 3, Fonds du Comite de la sante VM45, AVM.

(6.) Benoit Gaumer, Georges Desrosiers, et Othmar Keel, Histoire du service de sante de la ville de Montreal (Sainte-Foy: Les Editions de I'lQRC, 2002), 47-48.

(7.) Ibid.

(8.) Peter Keating et Othmar Keel, sous la dir., Sante et Societe au Quebec [XIX.sup.e]-[XX.sup.e] siecle (Montreal: Boreal, 1995), 19.

(9.) Voir a ce sujet Michele Dagenais et Caroline Durand, "Cleansing, Draining and Sanitizing the City: Conceptions and Uses of Water in the Montreal Region", Canadian Historical Review 83, n[degrees]7(2006): 621-651.

(10.) Dany Fougeres, " Le public et le prive dans la gestion de l'eau potable a Montreal depuis le [XIX.sup.e] siecle", dans L'eau, l'hygiene publique et les infrastrutures, sous la dir. de Louise Pothier (Montrealm: Groupe PGV, 1996), 53.

(11.) Joel A. Tarr, James McCurley lll, Francis C. McMichael, et Terry Yosie, "Water and Wastes: A Retrospective Assessment of Wastewater Technology in the United States, 1800-1932", Technology and Culture 25, n[degrees] 2 (avril 1984): 226-263.

(12.) Ostell, John, Report of the City Surveyor Presented to the Corporation of Montreal for the Year 1842, 17, Fonds de la Commission de la voirie, 1843, VM36, AVM. C'est nous qui traduisons.

(13.) Robert Gagnon, Questions d'egouts: Sante publique, infrastructures et urbanisation a Montreal au [XIX.sup.e] siecle (Montreal: Boreal, 2006).

(14.) Helene Harter, Les ingenieurs des travaux publics et la transformation des metropoles americaines, 1870-1910 (Paris: Publications de la Sorbonne, 2001), 111-112.

(15.) Joanne A. Goldman, Building New York's Sewers: Developing Mechanisms of Urban Management (West Lafayette: Purdue University Press, 1997).

(16.) Catherine Brace, "Public Works in the Canadian City: The Provision of Sewers in Toronto 1870-1913", Urban History Review/Revue d'histoire urbaine 23, n[degrees] 2 (1995): 33-43.

(17.) Voir notamment Rodney J. Millard, The Master Spirit of the Age: Canadian Engineers and the Politics of Professionalism (Toronto: University of Toronto Press, 1988).

(18.) Robert Gagnon, " Les discours sur l'enseignement pratique au Canada francais 1850-1900", dans Sciences et medecine au Quebec, sous la dir. de Marcel Fournier, Yves Gingras, et Othmar Keel, 19-39 (Sainte-Foy: Les Editions de l'lQRC, 1987).

(19.) Le Department of Practical and Applied Science prend place a l'interieur de la Faculte des Arts de l'Universite McGill. ll sera hisse au rang de Faculte en 1878, il devient alors la Faculty of Applied Science. En 1931, cette faculte prend le nom de Faculty of Engineering, Voir S. B. Frost, McGill University: For the Advancement of Learning,vol. 1, 1801-1895 (Montreal et Kingston: McGill-Queen's University Press, 1980).

(20.) Pour une histoire exhaustive de l'Ecole Polytechnique de Montreal, voir Robert Gagnon, Historie de l'Ecole Polytechnique de Montreal: La montee des ingenieurs francophones (Montreal: Boreal, 1991). En 1876, le gouvernement quebecois, par trois arrets en conseil, transforme ce cours specialise en une institution prodiguant un enseignement universitaire, habilitee a decerner le titre d'ingenieur et dotee d'un nom prestigieux: l'Ecole Polytechinique de Montreal. Toutefois, la Polytechnique sera sous le controle de la Commission des Ecoles catholiques de Montreal jusqu'en 1887, annee ou effe devient une ecole affiliee de I'Universite Laval a Montreal. II est important de souligner que McGill profite d'um marche beaucoup plus large que celui de la Polytechnique. Plus de la moitie des ingenieurs formes a McGill ne sont pas originaires du Quebec et un tiers seulement vont oeuvrer dans la province. A la Polytechnique. les diplomes proviennent presque tous du Quebec et y travaillent.

(21.) Comme I'ecrit I'historien Arthur J. Viseltar: " following these courses, the students were taught the rudiments of chemistry and biology, since sanitary engineers were to an extent also chemists in order that they (should know how to) plan and interpret sanitary analyses. Similarly, the sanitary engineer nificance of bacteriology and the laws which (governed) the causation of disease ". Arthur J. Viseltear, " The Emergence of Pioneering Public Health Education Programmes in the United States ", dans A History of Education in Public Health, sous la dir. de Elizabeth Fee et Roy M. Acheson (Oxford: Oxford University Press, 1991), 131.

(22.) II fut decide, lors de cette rencontre, que la sante publique devait inclure a la fis la medecine, qui s'interesse principalement aux maladies et a l'education sanitaire aupres d'individus, et la science sanitaire, qui s'interesse a l'assainissement des villes par la mise en place d'aqueduc, d'egouts, a la ventilation, au nettoyage des rues et a l'enlevement des ordures. Ces elements appartiennent au domaine du genie sanitaire.

(23.) Elizabeth Fee, " Designing Schools of Public Health for the United States ". dans Fee et Acheson, 186.

(24.) William Macdonald a lui seul versera plus de 11$ millions. Pour une analyse des conditions socio-ecomiques du developpement de l'enseignement du genie a Montreal, voir Yves Gingras et Robert Gangnon, " Engineering Education and Research in Montreal: Social Constraints and Opportunities ". Minerva 26, n 1 (1988): 53-65.

(25.) Graduates' Bulletin and List of Graduates in the Faculty of Applied Science 7 (June 1912), McGill University.

(26.) A ce propos, Milivoj Petrik, L'enseignement du genie sanitaire: Les ecoles et les programmes en Europe et aux Etats-Unis d'Amerique (Geneve: Organisation mondiale de la Sante, 1958).

(27.) McGill University Calendar, 1882-1883, 72.

(28.) McGill University Annual Report, 1889, 8.

(29.) McGill University Calendar, 1890-1891, 78. Precisons qu'au cours de l'annee scolaire 1921-1922, un cours de sanitary science est ajoute au curriculum des cours du programme de genie civi a la troisieme annee d'etude.

(30.) McGill University Calendar, 1899-1900, 282.

(31.) Une entente entre Johnston et Laberge va ainsi permettre aux etudiants de faire un stage de six mois sous la supervision du medecin officier de sante. Proces-verbaux. 9 mars 1900, 42, Fonds de la Commission de sante (VM45), AVM.

(32.) McGill University Calendar, 1909-1910, 309-310.

(33.) Gagnon, Histoire de l'Ecole Polytechnique, 104.

(34.) En effet, si l'on compare le contenu des cours offerts par les deux institutions d'enseignement, on remarque des ressemblances notables, notamment en ce qui concerne l'approvisionnement en eau et le traitement des eaux usees. De plus, la duree des cours magistraux et en laboratoire est la meme qu'au MIT. A cet effet, voir les informations contenues dans l'ouvrage Petrik, L'enseignement du genie sanitaire. Toutefois, aucum document nous permet d'attester que Lafreniere a importe une partie du programme du MIT.

(35.) A partir de 1911, la Faculte de medecine de l'Universite Laval a Montreal (Universite de Montreal a partir de 1919) met en place, en effet, son premier programme specialise en hygiene qui s'adresse aux medecins afin de leur donner une formation specialisee. Ce programme, qui comporte quelques elements de genie sanitaire, sera connu sous differente appellation au cours des annees subsequentes, dont Ecole d'hygiene publique en 1927, decrite comme une annexe de la Faculte de medecine. Entre 1911 et 1940, annee de sa disparition il produira 27 diplomes, tous des medecins trancophones et masculins. Voir Benoit Gaumer et Georges Desrosiers (avec la collaboration de Jean-Claude Dionne), Enseignement et recherche en sante publique: L'exemple de la Faculte de medecine et de l'Ecole d'hygiene de l'Universite de Montreal (1911-2006) (Montreal: Les Presses de l'Universite de Montreal, 2007), 15-17.

(36.) Programme du cours d'hygiene pour les eleves de l'Ecole Polytechnique, Dossier du D Joseph-Albert Baudouin Archives de l'Ecole Polytechinque de Montral.

(37.) La medecine preventive se caracterise par la mise sur pied de mesures de prevention contre les maladies, notamment par la vaccination et l'education aupres des populations. Ces mesures sont surtout eleborees par les medecins.

(38.) Anne Hardy, " Public Health and the Expert: The London Medical Officers of Health, 1856-1900", dans Government and Expertise: Specialists, Administrators and Professionals, 1860-1919, sous la dir, de Roy MacLeod (Cambridge: Cambridge University Press, 1988). 128.

(39.) Parmi ces praticiens oeuvrant dans le secteur de la medecine preventive, nous retrouvons entre autres les medecins, les ingenieurs, les ingenieurs sanitaires, les infirmieres, les bacteriologistes et les inspecteurs sanitaires.

(40.) Voir M. Jeannot, " Le role de l'ingenieur sanitaire dans la direction et le fonctionnement des bureaux municipaux d'hygiene ", Congres d'assainissement et de salubrite: Compte rendu des travaux (Paris: Baudry 1897), 246-254. La loi favorise egalement la mise en place d'infrastructures urbaines. En effet, les enquetes precedentes, dont celle de 1892, ont revele le sous-equipement des communes en ce qui concerne l'adduction d'eau et le rejet des eaux usees. La loi fournit egalement de nouvelles bases de negociation entre l'Etat et less municipalites. Par ailleurs, les decouvertes bacteriologiques, qui ont fait l'objet de longues disputes entre les specialistes, s'imposent definitivement et les laboratoires de bacteriologie voient leur nombre augmenter progressivement allant de 30 laboratoires d'analyses francais en 1908, a 58 en 1919, puis a 62 en 1938. Finalement, au debut du XX siecle, la France assiste a une croissance des activites economiques liees au developpement de l'hygiene publique. Voir, notamment, Lion Murard et Patrick Zylberman, L'hygiene dans la Republique: La sante publique en France, ou l'utopie contrariee, 1879-1918 (Paris: Fayard, 1996). 109-110. Finalement. Viviane Claude nous assure que l'equipement sanitaire--tuyaux, compteurs d'eau, pompes, systemes de desinfection et autres appareils - a pris de l'ampleur grace au developpement des fonderies, de la chimie appliquee et de la bacteriologie. Viviane Claude, " Technique sanitaire et reforme sanitaire: l'Association generale des hygienistes et techniciens municipaux, 1905-1920 " dans Laboratoires du nouveau siecle: La nebuleuse reformatrice et ses reseaux en France, 1880-1914, sous la dir. de Christian Topalov. (Paris: Editions de l'EHESS, 1999).

(41.) Viviane Claude, " Sanitary Engineering as a Path to Town Planning: The Singular Role of the Association generale des hygienistes et techniciens municipaux in France and the French-Speaking Countries ", Planning Perspectives 4 (1989): 155.

(42.) Stanley K. Schutz, Constructing Urban Culture (Philadelphie: Temple University Press, 1989).

(43.) lbid., 146.

(44.) Pour comprendre comment cet environnementalisme moral a contribue a construire une veritable culture urbaine, voir Schultz, Consturcting Urban Culture.

(45.) A.B. Larocque, [Rapport des medecins officiers de sante]. 13 janvier 1869, AVM, VM21, Fonds de la Commission d'hygiene, 121-13-2-00, dossier the-matique "Organisation IV", rapport 62, p. 4.

(46.) Rapport de l'etat sanitaire pour la Cite de Montreal pour l'annee 1880, 1881, 15, Fonds de la Commission d'hygiene (VM21), AVM.

(47.) Rapport de l'etat sanitare pour la Cite de Montreal pour l'annee 1881, 1882, 6, Fonds de la Commission d'hygiene (VM21,) AVM.

(48.) Requete no 15, Lettre de A.B. Larocque a George D. Ansley, 18 Janvier 1882, Fonds de la commission de la voirie (VM36), AVM.

(49.) Report from the Road Committee to Transfer the Inspectorship of Private Drains to the Health Department, 26 novembre 1888, Fonds de la Commission de la voirie (VM36), AVM.

(50.) Dr Elzear Pelletier,"Reformes et preceptes sanitaires", Journal d'hygiene populaire 5, n[degrees] 8 (decembre 1888): 144. Meme apres l'embauche d'un ingenieur sanitaire au Bureau de sante de la Ville de Montreal, le Dr Pelletier maintiendra qu'il faut "donner libre essor, en les encourageant vivement, aux arts mecaniques (genie sanitaire) qui visent l'assainissement, la salubrite, le confort, et la beaute des cites et des "villes" "Sanitation (art et science sanitaire)", Journal d'hygiene populaire 10, n[degrees] 12 (avril 1894): 370.

(51.) Dr J. I. Desroches, "Hygiene municipale". Journal d'hygiene populaire 5 (juillet 1888): 46.

(52.) Report of the Sanitary State of the City of Montreal for the Year 1888, 1889, 10, Fonds de la Commission d'hygiene (VM21), AVM.

(53.) Report from the Board of Health in re Appointment of a Sanitary Engineer, 25 avril 1892, 4, Fonds de la Commission d'hygiene (VM21), AVM.

(54.) Lettre de D. H. Fergusson au maire de Montreal, 22 aout 1892, Fonds de la Commission d'hygiene (VM21), AVM.

(55.) Petition de J. Alcide Chausse pour etre nomme ingenieur sanitaire, 25 juillet 1892, Fonds de la Commission d'hygiene (VM.21), AVM.

(56.) Proces-verbaux, 20 juin 1892, 198, Fonds de la Commission d'hygiene (VM21). AVM.

(57.) Aucun document ne nous permet de comprendre les raisons qui ont entraine la nomination de Dore a ce poste. ll faut souligner toutefois que cette nomination fut vivement contestee. En effet, dans une lettre adressee, dix ans apres la nomination de Dpre, aux membres de la Commission d'hygiene, M. Lemire, ingenieur civil, exige qu'une enquete soit menee sur les faits qui ont accompagne la nomination de M. J.-E. Dore au poste d'ingenieur sanitaire de la ville. ll precise dans cette lettre que deux echevins lui ont declare formellement que M. Dore etait tout a fait incompetent pour remplir la charge d'ingonicr sanitaire. Les membresdu Comite de sante ont replique a ces critiques en signalant que leur tache se limite a inspector les dossiers de candidature et a recommander une de celles-ci. Lenquete n'a toutefois jamais eu lieu. Dans une autre lettre de M. Lemire, datee du 15 decembre 1902, nous apprenons que la Commisions des finances ne pouvait acquiescer a sa demande, ne pouvant trouver dans le coffre municipal la somme de 200$, mordant requis pour couvrir les frais d'une telle enquete. M. Lemire propose meme de defrayer les couts de cette enquete afin de prouver que M. Dore a eu recours a certaines influences politiques. L'affaire fut finalement etouffe et M. Dore conservera sa position au poste d'ingenieur sanitaire jusqu's son deces en 1912. Dossiers administratifs, 15 decembre 1902, Fonds Commission d'hygiene (VM21), AVM.

(58.) Voir a ce propos les statistiques sur les secteurs d'emplois des ingenieurs francophones et anglophones dans Gagnon, Histoire de l'Ecole Poiyiechnique.

(59.) Gagnon, Question d'egouts.

(60.) Martin Tetreault, 'Letat de sante des Montrealais, 1880-1914' (memoire de M.A., Universite de Montreal, 1979), 122.

(61.) Letty Anderson, "L'approvisionnemenl en eau", dans Batir un pays: Histoire des travaux publics au Canada, sous la dir. de Norman Ball (Montreal: Boreal, 1988), 227.

(62.) Gaumer, Desrosiers, et Keel, Histoire du service de sante, 109.

(63.) Les huit divisions sont les suivantes; la Division des maladies contagieuses dirigee par le D' J.-E. Laberge; la Division de l'hygiene de l'enfance menee le Dr E. Gagnon; la Division de ['inspection des aliments sous la gouverne du Dr A. J. Hood; la Division de l'assistance municipale avec a sa tete M. A. Chevalier; la Division du controle medical dont le chef est le Dr E.-P. Chagnon; la Division des recreations publiques dirigee par le Dr J.-P. Gadbois; la Division des.laboratoires dont la direction est assuree par le Dr H. Saint-Georges; la Division des statistiques que dirige le Dr M. Ward; la Division de la salubrite dirigee Conjointement par M. J.-E. Durocher et M. A. Cousineau, ingenieur sanitaire. Le secretaire du Service de sante est le Dr F. Pelletier. Bulletin d'hygiene 4, n[degrees] 3 (1918): 12.

(64.) Michele Dagenais, Des pouvoirs et des hommes (Montreal et Kingston: McGill-Queen's University Press, 2000), 49.

(65.) "Sanitary Engineers", Classification des fonctionnaires: Attributions et salaires, Expertise par Arthur Young, 1920, Fonds du Conseil de Ville (VM1), AVM.

(66.) Ibid.

(67.) Au debut du [XIX.sup.e] siecle, le Bureau de sante de la Ville de Montreal change de nom a deux reprises. En 1916, il devient le Bureau municipal d'hygiene et de statistiques de Montreal et, en 1918 au moment de sa reorganisation, le Service de sante de la ville de Montreal. Afin d'eviter toute confusion, nous conserverons I'appellation Bureau de sante. A ce sujet, voir Gaumer, Desrosiers, et Keel, Histoire du Service de sante.

(68.) Bulletin d'hygiene 28, n[degrees] 6 (1942): 3-4.

(69.) Bulletin d'hygiene 30, n[degrees] 4 (1944): 8-9.

(70.) Ibid., 8-9.

(71.) Bulletin d'hygiene 37, n[degrees] 3 (1951): 25.

(72.) Ibid., 18-19.

(73.) Denis Goulet, Gilles Lemire, et Denis Gauvreau, "Des bureaux d'hygiene municipaux aux unites sanitaires: Le Conseil d'hygiene de la province de Quebec et la structuration d'un systeme de sante publique" Revue d'histoire de I'Amerique francaise 49, n[degrees] n[degrees] (1996): 495.

(74.) Dr J.-A. Beaudry, "L'hygiene publique dans la province de Quebec", Compte rendu de la [7.sub.e] Convention annuelle des services sanitaires de la province de Quebec tenu a Quebec du 26 au 28 juillet 1918, Bulletin sanitaire 18 (fevrier-decembre 1918): 29.

(75.) Rapport annuel de l'ingenieur saritaire, Conseil d'hygiene de la province de Quebec, 1910-1911, 112-117.

(76.) Conseil d'hygiene de la province de Quebec, Rapport annuel de I'ingenieur sanitaire.. 1944-1945, 84-85.

(77.) Ibid., 86.

(78.) Ibid., 89.

(79.) Theodore-Joseph Lafreniere, "Le traitement des eaux usees", Canadian Chemistry and Metallurgy 22 (1928): 26.

(80.) On peut en mentionner quelques-uns. Les chambres a detritus sont employees pour enlever les matieres minerales lourdes non sujettes a la decomposition. Les tamis servent, quant a eux, a enlever les matieres en suspension. Les bassins de sedimentation, grandes chambres dans lesquelles on reduit la vitesse d'ecoulement de l'eau, sont utilises pour favoriser le depot de la plus grande partie des solides en suspension dans l'eau. Les solides retenus dans ces bassins sont enterres ou desseches pour servir ensuite au remplissage des terrains vagues. Une panoplie de procedes, dits d'oxydation, sont employes pour transformer la matiere organique demaniere a eviter la putrefaction: l'epandage qui consiste a repandre les eau"e les eaux a la surface du sol de maniere a utiliser la matiere organique comme engrais, la filtration intermittente qui n'est applicable que dans les endroits pres de terrains sablonneux; les lits de contact ou les lits percolateurs qui sont constitues generalement par de la pierre coneassee. Finalement, un dernier procede pour l'oxydation des eaux est designe sous le nom de boues actives. Dans ce procede, la membrane biologique, au lieu d'etre fixee aux elements qui constituent le milieu filtrant, est maintenue en suspension dans les eaux sous une forme floconneuse par l'admission d'air sous pression par le fond des bassins. Cette methode a l'avantage d'enlever de 90 a 95 pour cent des germes contenus dans les eaux d'egouts. Lafreniere, "Letraitement des eaux usees". 26-27.

(81.) Conseil d'hygiene de la province de Quebec rapport annuel de l'ingenieur sanitaire, 1944-1945, 90.

(82.) Rene Cyr. "Disposition des eaux residuaires des industries alimentaires" Revue Trimestrielle Canadienne 42, n[degrees] 168 (1956): 25-30.

(83.) Luc Boltanski, Les cadres (Paris: Editions de Minuit, 1982).

Robert Gagnon et Natasha Zwarich
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