Quelques reflexions sur les 75 ans de la SCHEC, une societe en voie de secularisation.
Laperriere, Guy
Summary : This article was written on the occasion of the 75th
anniversary of the Societe canadienne d'histoire de l 'Eglise
catholique (SCHEC), the French section of the Canadian Catholic
Historical Association. The author first describes the evolution of this
section of the association since 1933, focusing in particular on the
importance of its academic membership. It then reflects on
secularization and its influence on the Societe since the 1960s, taking
into account certain data on membership and publications. As Quebec
society secularized, did the SCHEC follow a parallel path?
Resume : Ecrit a l'occasion du 75e anniversaire de la SCHEC
(1933-2008), cet article brosse d'abord un tableau de
l'evolution de la section francaise de la Societe depuis sa
fondation, montrant en particulier la place qu'y ont tenue les
universitaires. Une deuxieme partie propose quelques reflexions sur
l'evolution de cette societe d'histoire religieuse depuis les
annees 1960 et se demande, a partir d'un certain nombre
d'indicateurs, si elle ne suit pas une courbe assez semblable a
celle de la secularisation au Quebec.
**********
La Societe canadienne d'histoire de l'Eglise catholique
(SCHEC) est nee en 1933. Elle a donc eu 75 ans en 2008, et son Rapport,
devenu Sessions d'etude en 1966, puis la revue Etudes
d'histoire religieuse en 1990, est publie chaque annee depuis 1934.
Assurement, il s'agit d'une des plus anciennes revues
d'histoire publiee au Canada. Nous voulons ici retracer le parcours
de la Societe pendant ces 75 ans, puis reflechir sur la situation
actuelle et, eventuellement, sur les perspectives d'avenir.
Au moment de preparer cette communication, notre idee
d'ensemble etait relativement simple et toute faite. Elle se
presentait comme suit. Nee en 1933, la SCHEC avait epouse jusque vers les annees 1960 les fastes de l'Eglise catholique au Quebec et au
Canada francais. Par la suite, elle etait devenue une societe de plus en
plus scientifique, grace a la contribution des professeurs
d'universite. Et aujourd'hui, face a la secularisation
croissante, elle trouve de moins en moins sa place et devrait se poser
de serieuses questions sur son orientation future. L'examen des
documents nous a amene a une vision passablement differente. Les
documents, ce sont avant tout les 75 numeros de la revue, completes
depuis 1991 par le Bulletin, de meme que par quelques listes de membres,
dont la plus recente. Nous aurions aime faire des analyses plus poussees
: un historique de la Societe a partir de ses archives, conservees au
seminaire de Trois-Rivieres, aurait tout son interet. Notre propos se
presente en deux temps : nous proposons tout d'abord de parcourir
les 75 ans de la Societe, puis nous proposerons quelques reflexions dans
le contexte de la secularisation.
1. Parcourir les 75 ans de la Societe
Le fondateur de la Canadian Catholic Historical Association (CCHA)
est incontestablement James F. Kenney (1884-1946), un historien
irlandais, eleve de George M. Wrong a Toronto, qui travaillait alors aux
Archives publiques du Canada, a Ottawa (2). C'etait un membre actif
de l'American Catholic Historical Association (ACHA), fondee en
1919 apres le lancement en 1915 de la revue Catholic Historical Review
par Peter Guilday, auquel Kenney etait tres lie. En 1931, Kenney est
vice-president de cette association, en 1932, il en est le president et
c'est alors que celle-ci organise a Toronto son premier congres a
l'exterieur des Etats-Unis. A la fin du congres, le 30 decembre
1932, Kenney reunit une cinquantaine de personnes dans un hotel de
Toronto et leur soumet le projet de fonder un pendant canadien a
l'ACHA. Tout ceci participe de l'elan qu'on voit au
Canada anglais dans les annees 1920 pour donner a l'histoire ses
lettres de creance. Qu'on pense a l'apparition de la Canadian
Historical Review en 1920. La Canadian Historical Association, fondee en
1922, publie elle aussi un Annual Report: le meme James F. Kenney est
l'editor de la premiere edition, en 1923. Lors de la rencontre du
30 decembre 1932, l'eloquent Peter Guilday lance un vibrant appel.
Un comite est forme et le 5 mars 1933, une premiere reunion permet a la
societe de se mettre sur pied et de se voter une constitution. De telle
sorte que le 3 juin 1933, date qui figure encore a la premiere page de
chacun des volumes annuels, la Societe est officiellement fondee et deux
taches apparaissent alors priofitaires : etablir une section francaise
et preparer la tenue d'un premier congres.
Ce sont des archivistes qui sont a l'origine de la Societe.
L'archiviste Kenney consulte, du cote francais, le sous-archiviste
de la province de Quebec, l'abbe Ivanhoe Caron, qui suggere
qu' on s'inspire du foncfionnement de la Societe Royale du
Canada, avec sa section francaise independante. Il voit aussi a recruter
des membres, de telle sorte qu'en mai 1934, la section francaise
est sur pied: on adopte les modifications a la constitution en
consequence. Kenney consulte aussi des oblats professeurs
d'histoire a l'universite d'Ottawa, les peres Georges
Simard et Edgar Thivierge. Et la premiere reunion annuelle conjointe de
la Societe a lieu a Ottawa, les 29 et 30 mai 1934, au Chateau Laurier,
avec force messes, seances d'etudes, dejeuners-causeries, banquet
et discours. Un premier rapport est publie en 1934, avec quatre travaux
en anglais et trois en francais. La Societe etait lancee. On voit ainsi
l'apparition de cette petite revue d'histoire de l'Eglise
catholique au Canada, qui s'inscrit a la suite d'autres revues
du meme type : la Revue d'histoire ecclesiastique a Louvain en
1900, la Revue d'histoire de l'Eglise de France en 1910, la
Catholic Historical Review en 1915. Et on comprend aussi pourquoi la
section francaise aura son point d'ancrage a Ottawa, des origines a
1997. Seraphin Marion, des Archives nationales a Ottawa (tout comme
James Kenney), sera secretaire de la Societe de 1936 a 1954 (il a
remplace l'abbe Caron malade) ; le pere Edgar Thivierge, o.m.i.,
sera tresorier de 1933 a 1958.
1.1 Les 25 premieres annees (1933-1958)
Les deux sections se reunissent toujours ensemble, en alternance
entre le Quebec et l'Ontario. Le Rapport mentionne toutes les
activites de la Societe : il n'en est que plus precieux. Des la
deuxieme annee, les travaux des deux sections sont publies separement
(nous n'etudierons pour notre part que ceux de la section francaise
(3)). Cette annee-la, en 1935, les cinq travaux sont rediges par des
membres du clerge. Par la suite, dans les annees 1930, on publie de un a
trois travaux par annee. Les la'fcs y sont desormais presents : le
pere Carriere a calcule que pour les 40 premieres annees, jusqu'en
1973, ils ont produit 83 des 283 etudes publiees dans le volume annuel,
soit 29 % (4).
Dans les annees 1940, les congres sont mieux organises. Prenons
celui de Sherbrooke, en 1940. Lionel Groulx est le president general de
la Societe; le congres porte sur un theme : << Les problemes
religieux au Canada, apres la Conquete >> ; le comite
d'organisation compte ... 15 personnes ! Le volume du Rapport est
beaucoup plus important : 113 pages. Le congres de Saint-Hyacinthe, en
1942, traite de << La renaissance religieuse du Canada francais,
de 1840 a 1855>>, theme promis a un grand succes quand on pense
aux debats Rousseau-Hardy cinquante ans plus tard. Les neuf
communications sont publiees dans un volume de 146 pages. Le congres et
le volume qui suit grossissent toujours, au Quebec : en 1944, a Nicolet,
le volume atteint 212 pages! Les congres et les Rapports presentent
beaucoup d'histoire locale, tel ce congres de Quebec sur <<La
paroisse>> en 1948. En 1949, la Societe tient son congres pour la
premiere fois a l'exterieur du Quebec et de l'Ontario : a
Winnipeg. Il ira ensuite dans d'autres provinces, par exemple a
Antigonish (N.-E.) en 1953.
Dans les annees 1950, la Societe se reunit en general tous les deux
ans au Quebec. Elle se transporte d'un diocese a l'autre, avec
beaucoup de sujets locaux. Ainsi de Joliette en 1950 et Trois-Rivieres
en 1952. En 1954, toutefois, on tient un congres special, un congres
marial, pourrait-on dire, au Cap-de-la-Madeleine, pour celebrer a la
fois le centenaire de la proclamation du dogme de
l'Immaculee-Conception et le cinquantenaire de la prise en charge
du sanctuaire de Notre-Dame-du-Cap par les Oblats. En 1956, a
Chicoutimi, on voit un nouvel historien faire son apparition, Fernand
Ouellet; en 1957, a Montreal, au College Loyola, Fernand Dumont vient
presenter sa recherche sur un diocese (Saint-Jerome). En 1958, le
congres se tient a Quebec et on celebre en grande pompe Mgr de Lavai,
dont le vicariat apostolique de la Nouvelle-France a ete cree 300 ans
auparavant. C'est aussi le 25e anniversaire de la Societe : le
programme est alors tres clerical (ce qui n'etait pas forcement le
cas dans les annees 1930 et 1940).
A l'occasion de ce 25e anniversaire, l'abbe Arthur Maheux
tente de faire le point en 1959. Deja en 1948, il avait dresse un bilan,
pour le 15e congres, alors qu'il etait president general. Il avait
compile la liste des travaux depuis le debut : on voit que les auteurs
qui reviennent le plus souvent sont le sulpicien Olivier Maurault,
premier president de la section francaise, et l'historien Gustave
Lanctot, devenu en 1937 archiviste du Dominion (au detriment de James
Kenney), avec six travaux chacun, puis les abbes Arthur Maheux et
Elie-J. Auclair, avec quatre chacun. En 1959, Maheux elargit cette
synthese aux 25 premieres annees de la Societe, de 1934 a 1958. Il le
fait pour chacune des deux sections, francaise et anglaise. Pour la
section francaise, il releve 73 travaux par des ecclesiastiques et 37
par des laiques (hommes), 2 par des laiques (femmes) et 3 par des
religieuses. Il mentionne aussi les auteurs les plus productifs et les
themes traites (5). Cette annee 1959 est un point tournant : nous voici
deja au terme de cette premiere periode dans la vie de la Societe.
1.2 La periode universitaire (1959-1989)
Que se passe-t-il de significatif en 1959? C'est qu'on
discute de l'opportunite de tenir les congres de la
Societe--n'oublions pas que les deux sections siegent toujours
ensemble--dans le cadre des Societes savantes. Le principe est adopte en
1959, et applique pour la premiere fois en 1960, ce qui nous permet
d'appeler cette periode la periode << universitaire >>.
Mais qu'on ne se meprenne pas : c'est peut-etre au debut des
annees 1960 que la Societe parait la plus faible. En 1960, le congres a
lieu a Sudbury, en 1961, a Montreal, mais le Rapport ne montre rien de
tres universitaire. C'est faible : a peine 55 pages; et la section
anglaise est encore plus faible : 20 pages (deux communications
seulement). Le congres de Hamilton, en 1962, n'a rien de tres
universitaire non plus ; on y note cependant l'apparition du pere
Pierre Hurtubise. En 1963, a Quebec, il n'y a plus aucun
universitaire au conseil d'administration; par contre, on tient une
seance conjointe avec la Societe historique du Canada, et c'est la
que Marcel Trudel prononce sa substantielle conference sur << La
servitude de l'Eglise catholique du Canada francais sous le regime
anglais >>, une communication de 22 pages et de ... 101 notes !
Mais pour la Societe elle-meme, il y a tres peu de communications cette
annee-la.
Les deux annees suivantes, 1964 et 1965, la section francaise ne
suivra pas les societes savantes a Charlottetown ou Vancouver: ses
seances se tiendront (separement de la section anglaise pour la premiere
fois) a Saint-Jerome (Seminaire de Sainte-Therese) et Chicoutimi. Ce
congres de Chicoutimi publiera 12 communications : c'est la
qu'on voit apparaitre Pierre Savard. Les deux sections se
retrouveront en 1966 a Sherbrooke: les communications de la section
francaise sont encore tres clericales et institutionnelles. On parle
alors de << repenser la formule de nos congres >>.
Les annees 1966-1967 marquent un tournant: le Rapport devient
Sessions d'etude, et on ne trouve plus les proces-verbaux de la
Societe dans le volume annuel. Repenser les congres voulait dire leur
donner un theme.
A celui de Rimouski en 1967, le theme retenu est celui des eveques
et de la Confederation. Quatre communications portent sur ce sujet, bien
en vogue a l'epoque, et quatre autres sur des questions locales,
concernant Rimouski ou la Gaspesie. Cette annee-la, la section anglaise
siege a Ottawa: c'est bien la findes congres conjoints. C'est
a partir de 1967 qu'on peut dire que le tournant universitaire et
scientifique est nettement pris, pour une dizaine d'annees. Au
congres de Hull, en 1968, organise par le pere Hurtubise, de
l'universite Saint-Paul, l'interet scientifique est manifeste,
avec des noms comme ceux de Gilles Chausse, Cornelius J. Jaenen, Rene
Hardy. Celui de Quebec, en 1969, porte sur les communautes religieuses,
et s'ouvre avec une communication de Claude Galarneau. Les
communications portant sur differentes communautes sont prononcees par
des membres de ces congregations : on prend bien soin de mentionner
leurs titres academiques dans la table des matieres! On voit poindre
aussi a ce moment-la, dans la Societe, des inquietudes sur le sombre contexte religieux de cette findes annees 1960, avec les nombreuses
sorties de pretres et de religieux (6).
De 1970 a 1977, le programme des congres et les publications des
Sessions d'etude sont nettement plus universitaires. Apres deux
congres qui voulaient souligner des anniversaires (le Manitoba, 1970, le
Seminaire des missions etrangeres, 1971), les congres se tiennent
d'ailleurs dans des villes ou sont etablies desormais des
universites : Trois-Rivieres, Chicoutimi, Sherbrooke, Sudbury, Quebec,
Ottawa. La decennie suivante, de 1978 a 1989, donne lieu a une serie de
congres ou la dominante est plutot locale : l'interet scientifique
y diminue passablement, tandis que l'enracinement local, en general
dans de plus petits eveches, y est plus manifeste. On pourrait qualifier
ainsi les congres qui s'echelonnent de 1978 a 1989, en particulier
ceux de Valleyfield, Gaspe, Saint-Hyacinthe, Edmundston, au
Nouveau-Brunswick, Rouyn, Longueuil, Nicolet, Joliette et Chicoutimi
(7).
Il faut signaler cependant de notables exceptions. D'abord, le
congres du cinquantenaire, en 1983 : c'est un super-congres,
reunissant pour la premiere fois depuis longtemps les deux sections
francaise et anglaise, avec, dans la publication, 17 communications en
francais et 12 en anglais (auxquelles il faut ajouter pour la section
anglaise les cinq communications du congres de Vancouver, ou se tenaient
cette annee-la les Societes savantes). C'est a ce congres de 1983
que Pierre Savard produit sur les cinquante premieres annees de la
Societe une etude lumineuse et stimulante (8).
Autre exception du meme geme: la rencontre de Montreal en 1986,
soulignant le 150e anniversaire du diocese. Ce congres s'est elargi
en une semaine d'histoire de l'Eglise, du 19 au 25 octobre, et
le theme du congres, << Le renouveau religieux a Montreal au XIXe
siecle >>, permit a une serie de conferenciers de pointe de
prendre la parole, de Louis Rousseau a Brigitte Caulier, de Gilles
Chausse a Huguette Lapointe-Roy ou a Micheline Dumont, de Benoit Lacroix
a Jean Delumeau, qui venait de publier alors son Ce queje crois et qui
recevait au meme moment un doctorat d'honneur de l'universite
de Sherbrooke : c'est lui qui prononca la grande conference
publique.
Comme demiere exception du meme genre, mentionnons le congres tenu
en juin 1989 a l'universite Laval, en meme temps que les Societes
savantes. On invita bien la section anglaise a participer a une des
seances, mais la principale innovation etait l'organisation
d'un congres conjoint avec la Societe canadienne d'histoire de
l'Eglise, mieux connue comme la Canadian Society of Church History
: nous y reviendrons dans un moment. Autour du theme <<
Changements culturels et education de la foi >>, le congres avait
toutes les allures des congres de la Societe historique du Canada :
communications alternant du francais a l'anglais, avec president et
commentateur pour chacune des sept communications. Parmi celles-ci, on
reconnaissait les piliers de la Societe a Quebec : Raymond Brodeur, Nive
Voisine, Brigitte Caulier. Ce congres annoncait les changements a venir.
1.3 Une epoque de renouveau (1990-2008)
C'est en effet en 1989 que Raymond Brodeur devient president
de la Societe et Brigitte Caulier vice-presidente. C'est sous leur
regne qu'on voit la transformation la plus importante de la
Societe. L'invitation de la Canadian Society of Church History en
manifeste l'esprit: cette Societe canadienne d'histoire de
l'Eglise--elle porte le meme nom que la SCHEC, le mot catholique en
moins--est << une association non-confessionnelle pour la
promotion de la recherche en histoire du christianisme, en particulier
du christianisme au Canada>>. C'est ce qu'a toutes fins
utiles est devenue la SCHEC, notamment depuis 1990. C'est alors que
la revue prend un nouveau nom, Etudes d'histoire religieuse, et
tente de devenir une revue scientifique, independante en quelque sorte
des congres de la Societe. Les principales nouveautes sont l'appel
a des articles de l'exterieur, avec comite de lecture, et
l'introduction d'une rubrique de comptes rendus. La couverture de la revue prend des couleurs et devient plus attrayante. En 1993, le
Centre de recherche en histoire religieuse du Canada de
l'universite Saint-Paul prend en main la coordination de la
bibliographie annuelle d'histoire religieuse canadienne publiee
dans la revue conjointement par les deux sections. Jusque la, ce sont
les basiliens du St. Michael's College, a Toronto, qui avaient
assure cette bibliographie depuis 1964.
La section anglaise avait pris les devants dans les changements:
depuis 1984, sa revue s'intitulait Canadian Catholic Historical
Studies, qui deviendra tout simplement, lors de la mue de 1990,
Historical Studies. Le paradoxe ici, c'est que la Canadian Society
of Church History, fondee en 1960, publie a partir de 1988 des
Historical Papers (9). On a donc d'un cote les CSCH Historical
Papers et de l'autre les CCHA Historical Studies, tout portant a
croire que les articles de la Canadian Catholic Historical Association
sont beaucoup plus << confessionnels >> que ceux de la
Canadian Society of Church History (10).
De toute evidence, avec le congres conjoint de 1989, la section
francaise de la SCHEC a fait son lit du cote des etudes d'histoire
religieuse. Sans changer son nom cependant, comme la Societe
d'histoire ecclesiastique de la France, devenue en 1986 la Societe
d'histoire religieuse de la France. En France, c'est la
societe qui a change de nom, tandis qu'au Canada, c'est la
revue qui a pris un nouveau nom.
Reste a voir maintenant les resultats de cette nouvelle politique :
quel allait etre le lien entre les congres et les articles de la revue ?
De maniere generale, la plupart des articles de la revue sont issus du
congres de I'annee precedente, avec l'ajout d'un ou deux
articles soumis independamment. Souvent, le fait de donner a un congres
un theme mobilisateur a eu d'heureux effets sur la publication : on
peut ainsi citer le congres de Rimouski en 1994 sur la monographie
diocesaine ou celui de 1996, au Gesu a Montreal, sur la participation du
Canada francais a Vatican II. A d'autres moments, aucun article de
la revue ne provenait du congres. Ce fut notamment le cas lors des
congres d'Ottawa en 1997, a l'occasion du 150e anniversaire du
diocese, ou de Nicolet en 1998, portant sur le patrimoine religieux du
monde rural. Dans ce cas, l'ensemble des communications fut publie
par l'organisateur Jean Roy, << sans intervention de
l'editeur >>, dans un cahier de 86 pages distribue apres coup
aux participants. Quatorze interventions, la plupart assez courtes,
purent ainsi trouver le chemin de la diffusion. Il fallut par contre
peiner un peu plus pour meubler la section << articles >> de
la revue ces annees-la ...
Periodiquement, la direction de la SCHEC frappe un grand coup. En
l'an 2000, pour marquer le millenaire, a l'instar de plusieurs
autres revues, notamment d'histoire religieuse (11), la directrice
de la revue Etudes d'histoire religieuse, Brigitte Caulier,
organisa un grand congres a l'universite Lavai qui ailait etre le
couronnement de son activite pour le renouveau de la Societe et de sa
revue. Qu'on en juge : les seuls articles du numero de 2001
couvrent 300 pages bien comptees, sous le titre << Nouvelles
tendances et perspectives en histoire socioreligieuse >>. Et la
Societe avait eu la bonne idee de combiner cette imposante manifestation
scientifique avec un hommage bien senti a Nive Voisine, un grand
inspirateur de l'histoire religieuse au Canada francais. Il y avait
la un heureux alliage de syntheses par les meilleurs specialistes avec
les resultats de travaux de jeunes chercheurs. Des collaborateurs
francais, Bernard Delpal, Michel Lagree, firent aussi des contributions
remarquees. Au total, vingt-trois des trente-deux communications furent
ainsi publiees. Ce fut la un sommet dans l'activite scientifique de
la Societe.
L'activite de la SCHEC depuis 1990 ne s'est cependant pas
limitee aux congres et a la publication de la revue. On a mis sur pied
en 1991 un Bulletin de liaison, qui avait au debut de larges ambitions,
notamment celle de contribuer a << faire de la Societe un lieu
d'echange et d'appartenance >>. Il fut produit par deux
membres actifs de l'Ouest canadien, Guy Lacombe, d'Edmonton,
malheureusement decede en 1994, puis Gilles Lesage, de Saint-Boniface,
qui lui donna beaucoup d'elan jusqu'en 1997. Longtemps, le
centre nevralgique de la Societe s'est trouve a Ottawa, ora
plusieurs secretaires se sont succede : M. Conrad Charlebois, de 1954 a
1975, et, pour sauter au dernier de la serie, le pere Romuald Boucher,
responsable des archives Deschatelets, qui fut secretaire-tresorier de
1989 a 1997.
C'est a ce moment que le centre de gravite de la section
francaise de la Societe passa d'Ottawa a Trois-Rivieres, avec Jean
Roy, en poste de 1997 a 2005 (12). Son activite fut multiforme : il prit
en main le Bulletin, fut vice-president, puis president de la Societe de
1999 a 2003, et enfin secretaire ; il sut mobiliser autour de lui toute
une serie de personnes, notamment a Trois-Rivieres, qui gardent la
Societe bien vivante. Sous sa gouverne, et a l'occasion du congres
de Saint-Hyacinthe en 2003, il souhaita que le congres se transforme
plutot en journee d'etudes, le vendredi, avec visite de lieux
patrimoniaux le samedi matin. La formule reste souple et on
l'applique de maniere fort variee.
Toujours avec l'intention de rendre plus vivante
l'activite de la Societe a ete introduite en 1998, sous la
presidence de Dominique Deslandres, la pratique d'un seminaire
annuel, qui se tient habituellement en mai. Le Bulletin rend regulierement compte de ces seminaires. En 2002, la Societe fait son
apparition sur la toile, avec un site Internet annoncant ses differentes
activites; ce site est heberge par le Centre interuniversitaire
d'etudes quebecoises (CIEQ), dans son antenne de Trois-Rivieres.
Voila donc le tour d'horizon que nous avons pu dresser de
l'activite de la SCHEC durant ses premiers 75 ans. Passons
maintenant a quelques reflexions qui nous sont venues dans la
conjoncture presente.
2. Quelques reflexions dans le contexte de la secularisation
A premiere vue, le tableau qu'on vient de peindre donne une
image fort dynamique de la Societe. Des questions se posent pourtant,
que nous serions tente de relier au climat de secularisation qui a
caracterise l'evolution de la societe quebecoise surtout depuis
1960.
On connait la la'icisation des personnes et des institutions
qui s'est produite dans les annees 1960: la baisse des vocations et
les sorties de communaute, surtout entre 1964 et 1974, en sont des
signes manifestes. Sur une plus longue periode, la secularisation
progressive de l'enseignement religieux a l'ecole, qui connait
aujourd'hui son denouement, est peut-etre le signe le plus
fondamental de cette transformation. Et depuis l'an 2000 surtout,
la fusion ou la fermeture de nombreuses paroisses et la reaffectation ou
la demolition de plusieurs eglises resultent de la combinaison de trois
facteurs : la diminution du nombre de pretres, la baisse de
frequentation par les fideles et l'augmentation des depenses. Dans
ce contexte, on comprend que tout l'edifice catholique--pour ne
parler que de celui-la--a tendance a se modifier profondement et il
faudrait se mettre la tete dans le sable pour s'imaginer que cela
n'a pas de consequences sur le plan scientifique. Essayons de poser
un certain nombre de questions et d'avancer un certain nombre de
reflexions.
2.1 Le membership de la Societe
Le membership de la Societe a beaucoup varie d'une annee a
l'autre. Des listes regulieres et comparables n'existent pas.
On dispose de quelques donnees. En 1934, la section francaise comptait
109 membres; dix ans plus tard, elle en denombre pres de 500, un sommet
(le congres de Nicolet de 1944 en avait amene a lui seul 188) (13). La
liste des membres est publiee dans le Rapport annuel jusqu'en 1969.
Nous avons retrouve dans nos papiers une feuille donnant le total des
membres pour chaque annee, de 1970 a 1983. On y passe d'un minimum
de 180 en 1970 a un maximum de 352 en 1981, en hausse constante. Un gros
effort de recrutement a du etre fait entre 1978 et 1980, puisque le
membership augmente alors de 87 membres en deux ans, soit une
augmentation de 35%. De la meme maniere, dans le Bulletin de liaison de
juin 1992, la presidente Brigitte Caulier annonce que quelque 85
nouvelles personnes et institutions ont adhere a la Societe et elle
entend poursuivre le recrutement dans le monde universitaire. Nous avons
compile la derniere liste de membres publiee dans le Rapport annuel,
celle de 1969, et nous y avons compte un total de 291 membres. Pourtant,
la feuille que nous citions a l'instant, et qui commence en 1970,
l'annee suivante, ne totalise plus pour cette annee-la que 180
membres, soit 111 de moins. Comme quoi il faut prendre ces chiffres avec
des pincettes ...
Pour avoir une idee de la variation du membership, nous avons
analyse les donnees de quatre listes, celles de 1969, 1979, 1995 et
2008, qui comptent respectivement 291, 270, 331 et 215 membres (tableau
1). En 1969, nous avons ete frappe par le grand nombre de membres
provenant du Canada francais hors Quebec. Il y en a 54 en tout, soit 19%
des membres; 33 de ceux-la etaient en Ontario, dont 16 a Ottawa. De 1969
a 1979, le nombre de membres ne varie guere, mais il y a certains
deplacements. Le nombre de pretres chute de 59 a 27 (plus de la moitie).
Entre 1979 et 1995, on assiste a une grosse augmentation: de 270 a 331
membres. Les communautes religieuses, surtout feminines, y sont pour
beaucoup : leurs 149 membres representent 45% de l'ensemble. Par
contre, les bibliotheques de colleges ont beaucoup baisse, passant de 17
a 6.
En 2008, il y a une baisse importante, puisque le membership se
situe a 215 (moins 35 % par rapport a 1995). Certains secteurs se
maintiennent tres bien, notamment les gratuites (!), mais aussi le
clerge (eveques et pretres, reduits maintenant a 18; par contre, les
eveches ont baisse de 17 a 5). Les professeurs d'universite se
maintiennent aussi bien, passant de 28 a 24 (sans compter les pretres),
soit le tiers des << laics >>. Ce qui a baisse le plus, ce
sont les religieux et les religieuses. De 149 en 1995, leur nombre est
ramene a 80 en 2008, soit une diminution de pres de la moitie (46%).
Pour 2008, la repartition geographique des membres est assez bien
equilibree. La section francaise compte 162 abonnes au Quebec, soit les
trois-quarts ; 38 dans le reste du Canada, repartis dans cinq provinces,
dont la majorite a Ottawa; 6 aux Etats-Unis et 9 en Europe, ces 15
derniers etant surtout des gratuites bibliographiques. La section
anglaise de la Societe (CCHA) publie regulierement des statistiques de
ses membres dans son Bulletin. Celui de l'automne 2007 cite un
chiffre global de 235 membres (dont 24 font egalement partie de la
section francaise) ; celui du printemps 2007 fournit une repartition
geographique des 284 membres. Les 250 membres canadiens sont bien
repartis dans tout le pays: 132 en Ontario, 54 dans l'Ouest, 42
dans les Maritimes et 22 au Quebec. Vingt-neuf sont des Etats-Unis et 4
d'autres pays. Il faut garder a l'esprit que les membres de
chacune des deux sections recoivent le volume qui comprend a la fois
Etudes d'histoire religieuse et Historical Studies. On peut donc
dire que la revue compte en 2007 un total de 425 abonnes.
Avons-nous raison de penser cependant que, pour la section
francaise, le membership s'est profondement modifie depuis une
quinzaine d'annees? Jusqu'aux annees 1980, la Societe tentait
d'attirer a ses activites le public universitaire et le grand
public : elle se voulait une societe a la fois savante et populaire,
<< dont le but, comme le proclamaient les Statuts reproduits en
page-titre de la revue, est de susciter l'interet pour
l'histoire de l'Eglise >>. Depuis lors, il nous semble
que les congres regroupent surtout des scientifiques et qu'on ne
fait plus guere appel au grand public. C'est comme si le public de
la Societe s'etait en quelque sorte secularise lui aussi ...
2.2 La nature de la Societe et ses relations avec la section
anglaise
Ainsi, on pourrait dire que la section francaise de la Societe est
devenue un groupe non-confessionnel, regroupant des scientifiques
principalement universitaires. Elle a pratiquement perdu son caractere
de societe populaire tentant de diffuser l'histoire religieuse dans
le grand public. On ne tient plus de congres dans des villes autres
qu'universitaires. On y attire certes des etudiants, mais surtout
des etudiants qui viennent y presenter leurs travaux et ne sont guere
interesses a devenir membres. D'ou les difficultes de recrutement.
La Societe garde un grand fonds de membres catholiques, qui la
quitteraient peut-etre s'ils connaissaient sa tendance
non-confessionnelle (je pense au clerge et aux communautes religieuses,
qui representent actuellement environ 53% du membership). La section
anglaise a un caractere beaucoup plus confessionnel, auquel elle est
tenue presque par definition. Dans son cas, le mot Catholic conserve
toute son intensite, puisque d' autres societes savantes
d'histoire religieuse existent autour d'elle, ce qui
n'est pas le cas pour la SCHEC. De fait, nous ne croyons pas nous
tromper en affirmant qu'il n'existe pratiquement plus de liens
entres les deux sections, anglaise et francaise, sinon des liens de
courtoisie et de cooperation tisses lors des reunions annuelles rendues
necessaires par l'incorporation des Editions Historio Ecclesiae
Catholicae Canadensis en 1978. Les mentalites des deux sections
paraissent passablement differentes.
2.3 La rarefaction des specialistes d'histoire religieuse dans
les universites
La force de la Societe, depuis cinquante ans, a beaucoup repose sur
les specialistes en histoire religieuse des diverses universites du
Quebec et du Canada francais. Nommons ici les principaux (les noms
marques d'un asterisque sont ceux des personnes ayant occupe des
responsabilites a la SCHEC) :
Universite Saint-Paul : Pierre Hurtubise *, Claude Champagne *,
Paul-Andre Turcotte
Universite d'Ottawa : Robert Choquette *, Jean-Claude Dube *,
Pierre Savard, E.-Martin Meunier
Universite Lavai: Philippe Sylvain, Claude Galarneau, Nive
Voisine*, Brigitte Caulier *, Raymond Brodeur *, Jean Simard *, Gilles
Routhier, Frederic Laugrand, Paul-Andre Dubois *
Universite de Montreal: Lucien Campeau, Lucien Lemieux *, Gilles
Chausse *, Dominique Deslandres *, Ollivier Hubert *
Universite de Sherbrooke: Andree Desilets *, Guy Laperriere *,
Christine Hudon *, Louise Bienvenue
UQAM : Louis Rousseau *, Dominique Marquis *
UQTR : Rene Hardy *, Serge Gagnon*, Jean Roy *, Lucia Ferretti *
Universite Sainte-Anne : Gerald C. Boudreau
Universite Concordia : Jean-Philippe Warren *
La liste ne se pretend pas complete--nous avons tout de meme
ratisse large--, mais elle donne un bon gros noyau de 33 noms. Sans
offenser personne, on peut dire qu'a peine 7 de ces universitaires
peuvent encore etre classes dans la categorie <<jeunes>>
(nes apres 1963) et que 19 d'entre eux sont decedes, a la retraite
ou sur le point de la prendre. Cela ne laisse pas beaucoup
d'ouvriers pour prendre la releve et, a une ou deux exceptions
pres, on ne voit pas bien qui pourrait bientot etre engage dans cette
specialite dans l'une ou l'autre universite.
2.4 L'histoire religieuse remise en cause comme discipline
Peut-on aller jusqu'a dire que l'histoire religieuse
serait remise en cause comme discipline ou comme pratique ? En voici
quelques indices. Certains des meilleurs specialistes en histoire
religieuse seraient-ils attires ces dernieres annees par d'autres
champs de specialisation? Ainsi l'equipe Christine Hudon--Ollivier
Hubert--Louise Bienvenue, qui s'interesse a l'education (les
colleges classiques), reflechit beaucotrp plus a des problematiques de
pouvoir ou de genre qu'a des questions de nature proprement
religieuse; a Trois-Rivieres, Lucia Ferretti travaille surtout sur des
questions d'assistance, dans une ligne qui la rapproche de
Jean-Marie Fecteau ou de Janice Harvey.
Prenons a temoin les congres des annees 2000. Ils ont souvent
recrute des specialistes d'autres sciences humaines, d'autres
disciplines, en leur faisant jeter un coup d'oeil sur l'aspect
religieux de leur activite principale qui, elle, ne l'est pas. On a
ainsi mis a profit :
* en 2001 : les medias (Pierre Page, Renee Legris, et des
specialistes du cinema)
* en 2002 : l'assistance (Francois Guerard, Yvan Rousseau,
Sylvie Menard)
* en 2003 : la demographie historique (Danielle Gauvreau, Diane
Gervais)
* en 2004 : l'education (Monique Lebrun, Therese Hamel)
* sans oublier des specialistes de la litterature et de la censure (Pierre Hebert, Marie-Pier Luneau)
On a ainsi reussi a ouvrir la Societe sur bien d'autres
realites, mais ces participants d'horizons divers, s'ils
viennent bien volontiers a ces rencontres, ne deviennent pas pour autant
des membres actifs de la Societe, bien pris qu'ils sont par leurs
propres societes disciplinaires.
Nous avons effectue a cet effet un petit test dans la revue des
cinq dernieres annees (2003-2007) en posant la question suivante:
combien d'auteurs d'articles publies durant ces annees sont
membres de la Societe en 2008? Sur 27 articles releves, 9 de leurs
auteurs sont membres de la Societe, soit le tiers. Cela dit une partie
de l'histoire ...
Ajoutons a cela que d'autres disciplines sont aussi apparues
au fil du temps, notamment l'histoire intellectuelle, qui se
manifeste par la revue Mens, publiee depuis l'an 2000. Cette petite
revue semestrielle publie chaque annee au moins un article qui interesse
l'histoire religieuse, qu'on pense notamment a tous les debats
autour de Lionel Groulx.
2.5 Etudes d'histoire religieuse parmi les publications
d'histoire religieuse
Pour terminer, nous avons voulu faire une enquete sur la place que
tient la revue Etudes d'histoire religieuse dans l'ensemble
des publications qui, au Quebec et au Canada francais, publient des
articles en histoire religieuse. L'operation n'est pas aisee
d'un point de vue methodologique, mais voici comment nous avons
procede. Nous tenons depuis plusieurs annees une bibliographie, classee
par annee et ou les publications en histoire religieuse sont reparties
en trois categories : livres, ouvrages collectifs, revues (14). Laissons
ici les livres de cote, et cherchons a voir ou les specialistes publient
leurs articles d'histoire religieuse. C'est soit dans des
revues, soit dans des collectifs (acres de colloque, par exemple). Nous
avons fixe un seuil minimum, soit les contributions d'une quinzaine
de pages et plus (en pratique, nous avons le plus souvent retenu 14
pages comme minimum). L'operation a ete pratiquee sur dix ans, de
1997 a 2006. Au total, cela nous a donne 80 contributions a des
collectifs et 220 articles de revues (15).
Examinons les 220 articles de revue (tableau 2). Ce qui frappe de
prime abord, c'est le nombre incroyable de revues dans lesquelles
sont publies des articles interessant l'histoire religieuse.
Evidemment, nous avons ratisse large, mais malgre tout, chaque annee
quatre a six nouveaux titres de revues s'ajoufent, pour un total,
sur les dix ans analyses, de 71 revues. Comme on peut s'y attendre,
dans 39 cas (18% des articles, mais plus de la moitie des revues), ces
revues ne comportent qu'un seul article en histoire religieuse du
Quebec ou du Canada francais (quelques exemples : Revue canadienne de
science politique, Annales d'histoire de l'art canadien,
Archives de sciences sociales des religions, Theologiques). De ces 71
revues, 24 sont du Quebec, 23 du Canada, 12 des Etats-Unis, 8 de France
et 4 d'autres pays d'Europe.
Nous avons voulu pousser l'analyse plus loin et avons cherche
a savoir si les chercheurs publiaient leurs meilleurs articles
d'histoire religieuse dans Etudes d'histoire religieuse ou les
envoyaient plutot a d'autres revues. Pour ce faire, pour chacune
des dix annees etudiees, nous avons choisi trois articles retenus comme
etant les << meilleurs >> de l'annee, choix personnel,
il va sans dire. Cela nous a donne, au total, 30 articles, soit 10% de
l'ensemble des 300 articles.
Trois fois, les articles choisis se trouvaient dans des ouvrages
collectifs. Les 27 autres titres se repartissent entre 16 revues, dont
12 ne sont mentionnees qu'une fois. Il reste donc quatre revues ou
se trouvent plus d'un titre :
Revue d'histoire de l'Amerique francaise 5 (sur 16, rang 2)
Canadian Historical Review 4 (sur 11, rang 3)
Etudes d'histoire religieuse 4 (sur 30, rang 1)
Les Cahiers des Dix 2 (sur 11, rang 3)
Cesquatre revues rassemblent donc la moitie (15) des articles
retenus. On constate qu'elles sont aussi celles qui publient le
plus d'articles en histoire religieuse. Certes, Etudes
d'histoire religieuse tient bien sa place, mais on voit aussi que
les chercheurs ont tendance a envoyer leurs meilleurs articles aux deux
grandes revues nationales, la Revue d'histoire de l'Amerique
francaise et la Canadian Historical Review. Repetons-le: cette derniere
analyse repose sur des donnees eminemment subjectives.
2.6 La SCHEC, lieu de sociabilite
Les reflexions ci-dessus ont ete presentees au 75e congres de la
SCHEC, le 26 septembre 2008, a l'universite Laval. Elles ont
suscite un echange anime et plusieurs interventions ont complete la
communication de maniere fort opportune. Nous avons cru utile de
presenter ici certains de ces propos. Plusieurs membres ont insiste sur
le lieu de sociabilite que constitue la Societe. Janice Harvey la voit
comme le seul lieu scientifique ou l'on sait que les questions
discutees sont exclusivement religieuses. Louis Rousseau souligne
qu'au dela de la revue et des textes, l'aspect de communaute
de chercheurs que representent les rencontres est precieux: il favorise
les echanges et les contacts entre specialistes qui partagent un meme
langage. Nouveau chercheur en histoire religieuse du Quebec, Rick van
Lier explique qu'il a pu, en devenant membre de la Societe, entrer
rapidement en contact avec les chercheurs de ce domaine.
Jean-Philippe Warren insiste lui aussi sur cet aspect, et souleve
l'hypothese d'une desaffection pour les societes
professionnelles qu'il a relevee lors d'une enquete en 1995
sur la sociologie (16). Est-ce l'effet de l'Internet, qui
permet des communications rapides entre chercheurs, ou d'une autre
forme de sociabilite academique qui amenerait les chercheurs a
travailler en reseaux plutot qu'au sein d'associations
professionnelles ? Pour sa part, Ollivier Hubert attribue a la revue un
role de generateur d'articles. Il plaide pour que la revue soit
mise le plus rapidement possible sur Internet, dans une plateforme de
niveau universitaire; autrement elle risque d'etre ignoree par les
auteurs et les lecteurs. Ce devrait etre pour lui LA priorite de la
Societe.
Que conclure de tout cela? La SCHEC est certes une societe active
et vivante : ses congres, sa revue, ses seminaires, son bulletin, son
site Internet, son conseil d'administration en attestent. Elle
oeuvre dans un contexte ou la secularisation de la societe progresse
sans cesse, a une cadence que je qualifierais d'acceleree. Dans
quelle direction va-t-elle s'orienter? C'est ce que
l'avenir nous dira.
ANNEXE
Liste des congres de la SCHEC, 1984-200917
51. 1984 Longueuil
52. 1985 Nicolet
53. 1986 Montreal
54. 1987 Joliette
55. 1988 Chicoutimi
56. 1989 Quebec
57. 1990 Trois-Rivieres
58. 1991 La Pocatiere
59. 1992 Montreal
60. 1993 Ottawa
61. 1994 Rimouski
62. 1995 Saint-Boniface
63. 1996 Montreal
64. 1997 Ottawa
65. 1998 Nicolet
66. 1999 Sherbrooke
67. 2000 Quebec
68. 2001 Montreal
69. 2002 Trois-Rivieres
70. 2003 Saint-Hyacinthe
71. 2004 Quebec
72. 2005 Montreal
73. 2006 Sherbrooke
74. 2007 Trois-Rivieres
75. 2008 Quebec
76. 2009 Montreal
Guy Laperriere (1)
(1.) Membre de la SCHEC depuis 1971, Guy Laperriere a fait partie
de son conseil d'administration de 1975 a 1983; il etait president
lors de son 50e anniversaire en 1983. Lorsque la revue a pris le nom
d'Etudes d'histoire religieuse, il a ete responsable de la
nouvelle rubrique des comptes rendus de 1991 a 1997, puis de nouveau,
avec Dominique Marquis cette fois, de 2002 a 2008.
NDLR : Lors de son 75e congres tenu a l'Universite Laval les
26 et 27 septembre 2008, la Societe canadienne d'histoire de
l'Eglise catholique (SCHEC) a remercie Guy Laperriere pour les
nombreux services rendus a la SCHEC. Son importante contribution a la
vie de l'association et a l'histoire religieuse au Quebec a
alors ete soulignee.
(2.) Sur la carriere de Kenney et la fondation de la CCHA, voir
Glenn T. WRIGHT, <<James Francis Kenney, 1884-1946, Founder of the
Canadian Catholic Historical Association>>, CCHA, Study Sessions,
50 (1983), p. 11-45.
(3.) Pour la section anglaise, on peut se referer a Richard A.
LEBRUN, <<Canadian Catholic History : The CCHA Journal over
Seventy Years >>, CCHA, Historical Studies, 73 (2007), p. 27-43,
qui analyse la production des debuts a 2004.
(4.) Gaston CARRIERE, <<Les quarante ans de la Societe
d'Histoire de l'Eglise catholique (1933-1973)>>, SCHEC,
Sessions d'etude, 40 (1973), p. 25-32, p. 30.
(5.) Arthur MAHEUX, <<OU en sommes-nous en fait
d'histoire de l'Eglise canadienne?>> SCHEC, Rapport
1959, p. 13-18. C'est en 1959 que fut publie le premier Index,
couvrant les annees 1933-1958.
(6.) Invite au congres, le ministre Jean-Marie Morin evoque
<<ce moment precis ou tout semble deboussole et desordonne
>> (p. 9) et la presidente Reine Malouin parle des nombreuses
controverses et des critiques << plus ou moins fondees >>
qui se produisent au sujet des communautes religieuses; elle souhaite
que le congres vienne << reequilibrer nos pensees>> (p. 12).
(7.) On trouvera en annexe une liste des congres de la section
francaise de 1984 a 2009.
(8.) Pierre SAVARD, <<Un demi-siecle d'historiographie
religieuse du Canada francais a travers les congres de la S.C.H.E.C.
>>, SCHEC, Sessions d'etude, 50 (1983), p. 47-58.
(9.) Ces Papers sont <<a selection of papers delivered at the
Society's annual meeting>>, cette societe se reunissant avec
les societes savantes. Nous n'avons trouve cette revue dans aucune
bibliotheque d'universite francophone du Quebec, pas plus qu'a
l'universite d'Ottawa ou a l'universite Saint-Paul. Elle
se trouve aux universites McGill et Concordia.
(10.) Pour ajouter a la confusion, disons que de 1967 a 1989, la
Societe historique du Canada a publie son volume annuel egalement sous
le titre de Historical Papers (en francais : Communications
historiques). Il existe aussi un Journal of the Canadian Church
Historical Society, publie a Toronto depuis 1950 par The Canadian Church
Historical Society, fondee en 1946 par le Synode general de la Church of
England in Canada. Ce periodique, qui parait encore aujourd'hui
deux fois par annee, ne se limite pas seulement a l'anglicanisme.
(11.) Signalons deux bilans particulierement substantiels: J.
PIROTTE et E. LOUCHEZ, dir., <<Deux mille ans d'histoire de
l'Eglise. Bilan et perspectives historiographiques >>, Revue
d'histoire ecclesiastique, 95 (2000), 800 p. ; <<Un siecle
d'histoire du christianisme en France. Bilan historiographique et
perspectives >>, Revue d'histoire de l'Eglise de France,
86 (2000), p. 319-769.
(12.) Lors du congres, Claudette Lacelle a souligne avec a propos
l'important role des oblats et de l'universite Saint-Paul dans
le soutien financier de la Societe, notamment par ses.services de
secretariat. On peut dire la meme chose depuis 1997 de l'universite
du Quebec a Trois-Rivieres.
(13.) Chiffres mentionnes dans G. CARRIERE, <<Les quarante
ans ... >>, p. 28.
(14.) Commencee en 1996, cette bibliographie a pris la suite de
<<La Feuille Bleue >> que nous avons publiee pour la Societe
de 1981 a 1990, suivie de deux rubriques bibliographiques publiees dans
le Bulletin de liaison de 1992 a 1996. Nous tenons cette bibliographie a
la disposition de toute personne interessee : il suffit de nous la
demander a Guy.Laperriere@USherbrooke.ca.
(16.) J.-Ph. WARREN, << Sociologizing Alone? Is
Anglo-Canadian Sociology Really Facing a Crisis? >>, Canadian
Journal of Sociology, 31 (2006), p. 91-105. Le classique de Robert D.
PUTNAM, Bowling Alone : The Collapse and Revival of American Community
(N.Y., Simon and Schuster, 2000) irait dans le meme sens, elargissant le
diagnostic a l'ensemble des associations.
(17.) On trouvera la liste des congres tenus de 1934 a 1983 dans
SCHEC, Sessions d'etude, 50 (1983), p. 693-694.
Tableau 1--Membres de la SCHEC (section francaise)
Annee Total Clerge * CF ** CM **
1969 **** 291 69 39 55
1979 270 45 31 51
1995 331 39 80 69
2008 215 23 45 35
Biblio.
Annee Laics Laics ***
Femmes Hommes
1969 **** 17 59 .51
1979 12 45 54
1995 28 56 38
2008 26 42 24
* Clerge : eviques, eviches, pritres seculiers
** Ordres et congregations :individuels, institutionnels (CF :
Communautes feminines, CM :Communautes masculines)
*** Bibliotheques: universites, colleges, municipalites
**** La liste des membres de 1969 ne permet pas de distinguer les
gratuites, sans doute reparties dans toutes les categories.
Source : listes de membres, pour chacune des annees mentionnees.
Tableau 2--Nombre d'articles d'histoire religieuse sur le Quebec
et le Canada francais publies dans des revues, 1997-2006
* plus de 15 articles (2 revues, 46 articles, 21 % du Nombre
total)
SCHEC, etudes d'histoire religieuse 30
Revue d'histoire de l'Ameri ue fran aise 16
* de 9 a 11 articles (5 revues, 50 articles, 23 % du total)
Les Cahiers des Dix 11
Canadian Historical Review 11
Histoire sociale/Social Histo 10
CCHA Historical Studies 9
Mens (de uis 2000) 9
* de 5 a 7 articles (8 revues, 45 articles, 20 % du total)
Cahiers d'histoire (Universite de Montreal) 7
Recherches amerindiennes au Quebec 6
Studies in Reli ion / Sciences reli ieuses 6
Societe ** 6
Historical Studies in Education / Revue d'histoire de 5
l'education
etudes Inuit Studies 5
Journal of the Canadian Historical Society / Revue de la 5
Societehistori ue du Canada
Journal of Eastern Townships Studies / Revue d'etudes des 5
Cantonsde l'Est
* de 2 a 4 articles (17 revues, 40 articles, 18 % du total)
Church Histo 4
3 articles : 4 revues
2 articles 12 revues
* 1 article (39 revues, 18 % du total)
TOTAL : 220 articles
Source : G. Laperriere, << Bibliographie des ouvrages et des articles
ayant trait a l'histoire religieuse du Quebec et du Canada francais,
1992-2008 >>, 17 septembre 2008. ** Les six articles de la revue
Societe constituent un cas unique: il s'agit du numero 20/21 de cette
revue intitule << Le chaenon manquant >> (ete 1999, 450 p.), dont le
dernier article, << L'horizon << personnaliste >> de la Revolution
tranquille >>, de J.-Ph. Warren et E.-M. Meunier, qui fait plus de 100
pages, a par la suite ete publie en volume (Sortir de la a Grande
noirceur >>, Septentrion, 2002, 210 p.).