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文章基本信息

  • 标题:L'analyse des interventions complexes en sante publique: le cas de la prevention des ITSS a Montreal.
  • 作者:Bilodeau, Angele ; Beauchemin, Jean ; Bourque, Denis
  • 期刊名称:Canadian Journal of Public Health
  • 印刷版ISSN:0008-4263
  • 出版年度:2013
  • 期号:March
  • 出版社:Canadian Public Health Association

L'analyse des interventions complexes en sante publique: le cas de la prevention des ITSS a Montreal.


Bilodeau, Angele ; Beauchemin, Jean ; Bourque, Denis 等


Depuis les annees 1980 l'intervention en reseau, telle que l'action intersectorielle et les partenariats publiccommunautaire, constitue un important mode de production des services d'interet public (1). Au Quebec, la loi de 2004 instituant les centres de sante et de services sociaux (CSSS) et leur mandat de coordination de reseaux locaux de services en renforce l'interet. Bases sur des negociations et des collaborations interprofessionnelles, inter-organisationnelles et intersectorielles, ces reseaux hybrides donnent lieu a des systemes d'action complexes, multi-strategiques et multi-niveaux ou la combinaison de savoirs et de ressources d'acteurs interdependants est susceptible de conduire a des innovations, comme solution a des problemes complexes (2,3). En revanche, ces formes hybrides d'organisation exigent de nouvelles formes de gouvernance collective. Dans ces reseaux hybrides, qu'ils soient emergents ou mandates, la necessaire construction de normes partagees et d'interactions mutuellement profitables est difficile a realiser et peu de connaissances systematiques en documentent les conditions d'un fonctionnement synergique et efficace (4-7). Cet article rapporte l'analyse d'un tel systeme d'intervention en reseau, mandate par un programme public, soit le programme montrealais de prevention des ITSS (infections transmissibles sexuellement et par le sang). Devant la difficulte du reseau a inflechir la progression des epidemies, la recherche a pour but de degager ses principaux problemes de fonctionnement et des scenarios possibles de changement pour une meilleure atteinte de ses finalites.

Comprises comme des systemes sociaux complexes, l'analyse de telles interventions requiert de recourir a des theories sociales qui permettent de les apprehender dans leur contexte, de considerer les interrelations entre les differentes entites faisant partie de la situation (8), de soutenir une interpretation structuree de l'action collective et d'investiguer les questions d'interet (9,10).

Cadre theorique

Le cadre theorique de l'etude a ete retenu pour sa capacite a apprehender l'intervention comme une action collective comprenant plusieurs acteurs d'horizons divers appeles a collaborer aux processus d'elaboration et de mise en oeuvre (8). Il prend appui sur les theories sociologiques de l'acteur strategique (11) et de l'acteurreseau (12-14) pour concevoir ce type d'intervention comme des systemes d'action complexes (Figure 1). Ces systemes sont definis comme des reseaux sociotechniques (RST) qui operent des processus de reproduction ou de transformation du social en vue de l'atteinte de finalites (15,16). Les RST relient des acteurs detenteurs de savoirs scientifiques et experientiels, de meme que des entites nonhumaines telles que des politiques, des programmes, du financement ou des technologies, qui disposent d'une capacite d'action. Les acteurs mobilises sont des acteurs strategiques en ce qu'ils ont une identite, une histoire et des projets et qu'ils occupent une position sociale qui comporte des contraintes et des atouts. Ils sont porteurs d'interets et deploient des strategies pour les satisfaire, en vertu des enjeux souleves par le changement. Les atouts dont disposent les acteurs, et qu'ils mobilisent, et les strategies qu'ils elaborent faconnent leurs rapports de pouvoir. Cette relation de pouvoir, bien que rarement equilibree, comporte l'interdependance des acteurs qui permet de concevoir le fonctionnement collectif et la cooperation.

Les actions menees par ces reseaux composent des processus qui reproduisent ou transforment les systemes d'action. Pour qu'un systeme d'action opere, il importe qu'un role soit accepte et endosse par chacun des acteurs engages (17). Le processus reussira mieux si les acteurs identifient et tentent de depasser les controverses qui les empechent de cooperer de meme que si les arrangements de partenariat sont construits de maniere a reduire la subordination decoulant du desequilibre structurel du pouvoir parmi eux (18). La finalite de tels systemes d'action est la transformation d'une situation jugee problematique. Elle s'articule autour d'un projet realiste et partage qui pousse les acteurs porteurs de missions specifiques a cooperer. Enfin, ces systemes d'action sont en interaction constante avec leur environnement qu'ils transforment et qui les transforme dans le temps, ou s'operent des echanges constants d'idees, de technologies ou de ressources.

METHODE

L'intervention sous etude est le programme montrealais de prevention des ITSS (19), balise par les orientations gouvernementales (20). Le reseau d'intervention rassemble des acteurs publics et communautaires autour de la mission de joindre et dispenser des services preventifs a differentes populations vulnerables aux ITSS.

Une recherche descriptive de nature interpretative, en reference au cadre theorique retenu, a ete realisee (21). L'unite d'analyse est l'intervention observee, de 2004 a 2008, suivant la creation des CSSS. L'etude documente les dynamiques collaboratives entre ses trois classes d'acteurs : DSP, CSSS et organismes communautaires (OC); les roles attendus et accomplis et les finalites visees par chaque classe d'acteurs; et les strategies deployees ou envisagees pour faire face aux problemes qui nuisent a la collaboration. Trois sources de donnees ont ete utilisees : 1) 18 entrevues realisees en 2008-2009 aupres des trois classes d'acteurs (4 DSP, 6 CSSS, 8 OC). Les repondants sont les responsables des services ITSS dans chaque organisation *. Les CSSS et les OC retenus sont representatifs des sous-regions du territoire, des populations cibles prioritaires (UDI, HARSAH ([croix]) et jeunes en difficulte) et de leur mission ITSS centrale ou peripherique (pour les CSSS, une mission regionale SIDEP ([croix double]): a ete consideree comme centrale); 2) Les documents administratifs relatifs a la gestion du systeme : comptes rendus de reunions des structures de concertation (~60) et leurs sous-comites pertinents, et documents attenants tels que des plans, guides de pratique et bilans d'activites; 3) Les politiques et programmes publics regissant historiquement le systeme d'action (~40 documents). Les donnees ont ete organisees par theme, en vertu du cadre theorique, en recourant au logiciel NVivo-8. Une analyse de contenu thematique a ete realisee en triangulant les trois sources de donnees (21). Le portrait des collaborations a d'abord ete produit et valide par classe d'acteurs. L'analyse a par la suite ete validee aupres de l'ensemble des acteurs lors d'un forum regional en janvier 2010. La validation a genere des informations nouvelles reintroduites dans l'analyse et a permis de preciser ou enrichir les interpretations des chercheurs.

RESULTATS

Les resultats (22) decrivent le reseau montrealais en prevention des ITSS tel qu'existant en 2009, les representations qu'ont les acteurs du probleme des ITSS et des solutions appropriees, les roles qu'ils accomplissent, leurs pratiques et leur experience des rapports interorganisationnels et intersectoriels au sein du reseau. Ensuite, les principaux problemes de fonctionnement du systeme d'action sont presentes ainsi que les strategies des acteurs pour y faire face.

Reseau sociotechnique mobilise

Le RST du systeme d'action relie ses trois classes d'acteurs : 1) la DSP est le planificateur public regional et le gestionnaire des programmes de financement des CSSS (SIDEP) et des OC. Elle assure la gouverne du reseau en fournissant des savoirs experts et des ressources informationnelles et financieres, en assurant l'interface avec le MSSS, et en soutenant la concertation au sein de chaque classe d'acteurs; 2) les 12 CSSS montrealais sont des acteurs publics locaux ayant une responsabilite populationnelle d'offre de services curatifs et preventifs et un mandat de coordination des reseaux locaux de services. Les CSSS du centre-ville et de la peripherie font face a des besoins populationnels differents et n'accordent pas la meme priorite aux ITSS; 3) les 17 OC finances par la DSP pour realiser le volet communautaire de l'intervention (19) ont, pour certains, une mission centrale de lutte aux ITSS, alors que d'autres integrent cette tache a leur mission principale d'intervention plus globale aupres des populations cibles. Ce reseau comprend aussi les populations vulnerables aux ITSS que les dispensateurs de services cherchent a joindre et a engager dans la prevention, de meme que les entites non humaines qui exercent un role structurant dans le systeme, soit les politiques et programmes ministeriels en prevention des ITSS (20,23) et les orientations de la DSP (19,24). Le RST est caracterise par une double sectorisation qui s'opere parmi ses acteurs selon les populations qu'ils desservent et le degre de centralite des ITSS dans leurs activites. Les acteurs se trouvent ainsi faiblement attaches entre eux, etant surtout lies par des interets instrumentaux tels que le programme de financement des OC ou le soutien de la DSP a la planification locale des CSSS en prevention des ITSS.

Le RST engage ses trois classes d'acteurs dans des roles specifiques et, bien qu'il y ait convergence de vue sur ces roles, trois tensions principales reduisent leur capacite a les endosser pleinement et a collaborer. Premierement, pour la DSP, son role de soutien a la premiere ligne et de mise en reseau des acteurs s'exerce mieux dans des rapports horizontaux alors que son role de gestionnaire et de bailleur de fonds impose un rapport plus hierarchique vis-a-vis les OC et les CSSS; deuxiemement, pour les CSSS, leur organisation par programme (ex.: dependances, sante mentale) rend difficile leur mission de services de premiere ligne aupres des personnes vulnerables aux ITSS qui requierent des interventions transversales; troisiemement, les acteurs publics comptent particulierement sur le role d'intermediaire endosse par les OC afin de joindre et favoriser l'acces des personnes vulnerables aux services publics. Cette complementarite recherchee entre en tension avec le maintien de l'autonomie et de la specificite de l'action communautaire qui privilegie une pratique plus globale.

Les actions produites par le reseau sont de joindre les populations vulnerables aux ITSS et leur favoriser l'acces au materiel de protection, aux services de depistage et de traitement, et aux services psychosociaux de proximite. Ces activites sont largement definies de l'exterieur par les programmes gouvernementaux, et a l'interne par la DSP, qui agissent en definisseur des problemes et solutions. Differentes innovations sont developpees par le reseau dans ce creneau, telles que : les services infirmiers de proximite; les sites d'injection supervisee; une charte d'engagement des lieux commerciaux a la promotion de pratiques sexuelles securitaires; ou des strategies d'empowerment individuel et collectif conduisant a la defense des droits. Les acteurs font toutefois le constat que, malgre leurs efforts, ce qu'ils font est insuffisant pour endiguer les epidemies (24). Ils mettent de l'avant deux ordres de facteurs explicatifs, soit les problematiques sociales qui rendent l'intervention difficile aupres des populations vulnerables aux ITSS et des facteurs lies a l'organisation des services preventifs et curatifs.

Cinq problemes de fonctionnement du systeme d'action

Les tensions au sein du reseau, qui nuisent a l'accomplissement des roles, se repercutent dans divers problemes du systeme d'action qui en reduisent l'efficacite. Cinq problemes ont ete reconstruits par les chercheurs a partir des constats des acteurs. Puisqu'ils n'ont pas tous les memes interets, ces problemes ne soulevent pas pour eux les memes enjeux et ils n'anticipent pas forcement les memes gains et pertes face au changement.

1) Liaison difficile des services publics et communautaires de premiere ligne

L'acces aux services des CSSS, organises par programme, pose probleme pour les usagers des OC qui font face a des difficultes multiples necessitant des interventions globales, continues et sans delai. La continuite s'organise principalement autour de l'infirmiere de proximite du CSSS qui dispense ses services dans les locaux des OC et agit comme gestionnaire de cas pour l'accompagnement et la reference vers les autres services du CSSS. Ces services infirmiers extra-muros sont souvent instables et discontinus vu le fort roulement de personnel a ces postes. De plus, les ententes de collaboration CSSS-OC sont precaires et entrainent peu d'apprentissage organisationnel du fait qu'elles sont negociees a la piece entre des personnes et rarement formalisees entre les organisations. L'enjeu pour les CSSS est de repondre adequatement aux besoins des usagers a haut risque sans compromettre leur offre de services generaux, en contexte de ressources limitees. Quant aux OC, un meilleur arrimage est necessaire pour davantage de reconnaissance comme partenaire indispensable du reseau.

2) Approches generalistes versus specialisees en prevention des ITSS

Deux conceptions de l'intervention en proximite coexistent parmi les pratiques communautaires et une controverse a cours sur les referents en vue d'etablir leur efficacite. L'approche generaliste, empruntant au travail de rue, privilegie la sante globale des personnes sollicitant les services et tente de repondre a l'ensemble de leurs besoins, dont la distribution du materiel de protection; l'approche d'agent de prevention cherche plutot a se rendre aux usagers (outreach) en ciblant particulierement les risques imminents en ITSS afin de leur procurer le materiel necessaire. Pour les uns, l'outreach est considere comme une instrumentalisation du travail de l'intervenant qui se trouve reduit a la distribution du materiel de protection au detriment de la creation de liens avec l'usager alors que pour les autres, le travail de rue n'est pas denature puisque le materiel de protection sert d'outil d'approche et permet de tisser des liens. L'enjeu porte sur l'objectif d'efficacite promu par la DSP qui en appelle a l'uniformisation des interventions autour des pratiques considerees efficaces et prioritaires, a savoir l'outreach et une distribution accrue du materiel de protection, en contrepartie de la reconnaissance des savoirs d'experience et de la diversite des pratiques communautaires.

3) Offre regionalisee ou localisee des services en CSSS

En vertu de son role de planificateur regional, la DSP s'attend a ce que chaque CSSS offre un tronc commun de services locaux pour chaque population cible. Or, les services existants en CSSS sont inegalement repartis alors que certains CSSS disposent deja de SIDEP, d'une concentration sur leur territoire d'OC pouvant contribuer a l'offre de services et, pour d'aucuns, de collaborations avec des cliniques medicales specialisees en ITSS. L'attente de la DSP est partagee par les CSSS centraux, sur-sollicites, tandis que des CSSS plus peripheriques n'en voient pas l'utilite en raison d'autres priorites populationnelles et de la faible presence de certaines populations cibles sur leur territoire.

4) Statu quo versus refonte du mode d'allocation financiere des OC

Bien que le programme regional de financement soit le principal element liant les OC au systeme d'action, les regles d'allocation financiere viennent contraindre leurs collaborations de trois facons principales. Premierement, le financement par organisme, par projet ou entente de services, et sa non-recurrence, induisent un climat de competition et un cloisonnement entre les organismes; il permet peu la planification a long terme, l'integration et la continuite des activites dediees aux memes populations, du fait que des ressources additionnelles seraient requises pour la coordination. Deuxiemement, le financement par categories d'OC definies en vertu d'une population cible principale renforce leur cloisonnement puisque leur participation a la planification est sollicitee par la DSP pour cette population alors que la plupart ont developpe une expertise avec plusieurs populations. Troisiemement, une iniquite percue persiste dans le financement des differentes categories d'OC selon qu'on se refere a la prevalence ou l'incidence des ITSS chez les differentes populations cibles. L'enjeu est ici de taille puisqu'il s'agit d'un jeu a somme nulle (pas de financement additionnel) et que tous n'en sortiraient pas gagnants.

5) Consolidation ou extension du reseau d'acteurs

Devant la progression constante des epidemies d'ITSS, des acteurs considerent une reconfiguration de leur reseau afin d'accroitre l'efficacite de leur systeme d'action. D'une part, certains privilegient une consolidation du reseau actuel autour du continuum prevention-protection-depistage-traitement, invitant les OC finances qui accomplissent diverses actions connexes a la prevention des ITSS devant les problemes complexes a recourir a la reference et a resserrer leurs pratiques autour des roles attendus d'eux. La consolidation appelle aussi la participation d'OC non actuellement finances et un engagement accru des services publics de depistage et de traitement, sans negliger les populations cibles a davantage interesser. D'autre part, des acteurs privilegient de s'associer de nouveaux partenaires, vers l'amont, pour des actions davantage populationnelles en prevention-promotion de la sante, et vers l'aval, pour rendre plus accessibles les services hors ITSS destines aux memes populations en les adaptant et les arrimant aux services ITSS, notamment par l'etablissement de corridors de services. Les enjeux d'une extension du reseau sont importants, en aval comme en amont, puisque celle-ci pourrait entrainer des pressions pour une reproblematisation de la prevention des ITSS et un nouveau partage des ressources.

Strategies de changement des acteurs devant les problemes de leur systeme d'action

Trois types de strategies sont deployees ou envisagees par les acteurs en vue d'ameliorer le fonctionnement de leur systeme d'action, soit des strategies structurelles, cognitives et politiques (25). Les strategies structurelles (restructuration et reorganisation) consistent a modifier les structures organisationnelles, physiques ou symboliques (systemes de croyances, de valeurs), afin de remodeler les rapports entre les acteurs et orienter les pratiques. Les strategies deployees cherchent surtout a construire dans le reseau une force centripete pour faire contrepoids a la sectorisation, telle que la creation de structures de concertation regionale comme lieux d'echange sur les pratiques et de production de regles communes. Deployees en synergie avec les precedentes, les strategies cognitives sont des possibilites pour que les acteurs creent des liens, partagent de l'information, des savoirs et des outils, de sorte a developper un repertoire commun et ameliorer leurs collaborations et leurs pratiques. Il peut s'agir de presentations sur les services ou les organisations, d'activites de formation ou d'explicitation des pratiques en vue d'une meilleure reconnaissance. Les structures de concertation regionale sont frequemment utilisees pour ces interactions. Enfin, les strategies politiques (influence) cherchent a agir sur des acteurs internes ou externes du systeme dont l'action (ou l'inaction) est jugee nevralgique, au sens ou elle conditionne l'atteinte des resultats souhaites. Ces strategies consistent pour les acteurs a mobiliser leurs atouts (ex. : presentation de memoires, representations politiques, alliances ou coalitions) pour viser des changements dans le sens de leurs interets, tels qu'un financement accru, l'amelioration de l'acces et des services ITSS ou l'interessement de nouveaux acteurs aux besoins des populations cibles.

DISCUSSION

Afin de soutenir la reflexion des acteurs sur la resolution des problemes de fonctionnement exposes, parmi diverses trajectoires possibles, cette recherche permet d'appuyer la discussion de deux scenarios de transformation du RST qui comportent chacun des incertitudes, des possibilites et des limites. Le premier est axe sur le renforcement du reseau autour de son approche de reduction des risques et le second implique un recentrage de l'intervention sur les determinants sociaux des ITSS, dans une perspective de promotion de la sante.

Dans le systeme etudie, les acteurs sont relies par le cadre programmatique de l'intervention, par le role de leadership et de regulation de la DSP et par la concertation regionale structuree par classe d'acteurs. Ce cadre definit les finalites et les strategies de l'intervention selon une approche principale consistant a cibler des conduites individuelles a risque sur le plan des ITSS chez des groupes sociaux vulnerables. Cette condition permet la constitution d'un savoir considerable, scientifique et experientiel, et le developpement de pratiques innovantes autour de la strategie de reduction des mefaits qui est centrale dans le programme. En contrepartie, cette condition a pour consequence de releguer a la peripherie du systeme d'action la reproblematisation plus globale de la prevention des ITSS. Puisque joindre davantage les populations vulnerables est au coeur des preoccupations, un scenario de changement a considerer est de chercher constamment a placer ces populations au centre du reseau et, consequemment, les OC qui sont reconnus pour en etre des porte-parole et agir en intermediaire. La position strategique occupee par ces acteurs peut etre revue en rehaussant leur statut et leurs roles, notamment de deux facons : par une contribution plus importante a la planification pour l'ensemble du systeme d'action, plutot que pour le seul volet communautaire, au sein d'une structure regionale qui reunirait ses trois classes d'acteurs; par davantage d'ouverture au pluralisme des strategies de prevention qui favoriserait la resolution des controverses au sujet de leur efficacite.

La theorie de l'acteur-reseau appelle aussi au rallongement des reseaux en vue d'apporter d'autres expertises, ressources et possibilites d'action (8,12,26). Les acteurs deja engages ciblent des acteurs pertinents avec lesquels batir de nouveaux reseaux d'action, entrainant un deplacement ou l'elargissement de leur reseau initial pour atteindre des finalites collectivement redefinies. Ce qui implique un coinvestissement de ressources dans le reseau ainsi reconfigure. Le rallongement du systeme d'action vers l'amont apparait etre un scenario de changement a envisager afin de conjuguer l'approche par populations a risque, qui domine actuellement la pratique, a une approche par populations vulnerables, plus appropriee en promotion de la sante. La premiere s'adresse a des risques sanitaires lies a des conduites individuelles alors que la seconde s'adresse aux conditions sociales qui rendent des groupes sociaux vulnerables a des risques specifiques. Cette derniere approche est plus apte a reduire l'incidence en agissant sur les mecanismes sociaux de production des conduites a risques (27). L'enjeu est l'integration des ITSS avec d'autres problemes socio-sanitaires connexes qui affligent les memes populations, tels que la discrimination, les dependances, le passage a la rue ou la prostitution avec la perspective de s'adresser, de facon plus globale et sur une base territorialisee, aux conditions sociales communes qui rendent ces populations vulnerables*. Cela implique, pour les acteurs en prevention des ITSS, de considerer que l'action plus en amont sur les conditions sociales de vulnerabilite fait partie de leur domaine d'action, alors que ces strategies

* L'epidemiologie des ITSS et des conduites a risque chez les jeunes en difficulte appuie cet argument. Elle montre qu'une forte majorite des jeunes de la rue a deja transite par le systeme de protection de la jeunesse (28). Si une importante proportion (~30 %) des jeunes de la rue consomme des drogues par injection (29), chez les jeunes encore a la charge du systeme de protection de la jeunesse, leur consommation de drogues par injection est plutot faible (6,2 % a vie chez les filles et 1,5 % chez les garcons) (30). Chez cette population, le passage a la rue apparait comme une condition sociale de vulnerabilite et un determinant important du passage a l'injection qui, lui-meme, comporte un risque important d'infection au VIH et au VHC. demeurent sous-problematisees dans leur cadre programmatique actuel (19,24).

CONCLUSION

Recourir aux theories sociales pour l'analyse et le developpement des interventions conduit a focaliser sur leur transformation afin d'accroitre leur efficacite, en les concevant comme des systemes d'action dynamiques qui interagissent avec leur contexte. Ainsi, reconfigurer ou rallonger le reseau d'acteurs peut permettre de diversifier les sources de savoirs, creer de nouveaux roles et de nouvelles actions, et mobiliser de nouvelles possibilites dans les contextes d'action.

Remerciements: Cette recherche a beneficie du soutien financier du ministere de la Sante et des Services sociaux du Quebec. Nous remercions les membres de la Direction de sante publique de l'Agence de la sante et des services sociaux de Montreal, les CSSS et les organismes communautaires montrealais en prevention des ITSS pour leur participation a la recherche.

Conflit d'interets: Aucun a declarer.

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Recu: 24 aout 2012

Accepte: 5 janvier 2013

* En vertu du certificat ethique (MP-ASSS-MTL-08-002) emis par le Comite d'ethique de la recherche de l'Agence de la sante et des services sociaux de Montreal, un consentement ecrit a participer a ete signe par les participants, comportant l'engagement des chercheurs a la confidentialite; l'anonymat des participants est assure par la de-nominalisation des donnees pour ce qui est des individus.

([croix]) UDI : Utilisateur de drogues par injection; HARSAH : hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes.

([croix double]) Services integres de depistage et de prevention des infections transmissibles sexuellement et par le sang (SIDEP).

Angele Bilodeau, Ph.D. [1,2], Jean Beauchemin, MSc., mph [1], Denis Bourque, Ph.D. [3], Marilene Galarneau, MSc. [1]

Author Affiliations

[1.] Direction de sante publique de l'Agence de la sante et des services sociaux de Montreal, Montreal, QC

[2.] Departement de medecine sociale et preventive de l'Universite de Montreal, Montreal, QC

[3.] Departement de travail social de l'Universite du Quebec en Outaouais, Gatineau, QC Correspondance: Angele Bilodeau, Direction de sante publique, Agence de la sante et des services sociaux de Montreal, 1301 Sherbrooke Est, Montreal, QC H2L 1M3, Tel.: 514-528-2400, poste 3399, Telec. : 514-528-2351, Courriel: abilodea@santepub-mtl.qc.ca
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