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文章基本信息

  • 标题:L'echec et l'illusion dans l'Education sentimentale.
  • 作者:Chen, Wei-ling
  • 期刊名称:Fu Jen Studies: literature & linguistics
  • 印刷版ISSN:1015-0021
  • 出版年度:2010
  • 期号:September
  • 出版社:Fu Jen University, College of Foreign Languages & Literatures (Fu Jen Ta Hsueh)

L'echec et l'illusion dans l'Education sentimentale.


Chen, Wei-ling


Introduction

Le texte raconte la vie de Frederic Moreau de 18 a 45 ans. A la fois par faiblesse et par indecision de nature, son trajet est celui d'un ambitieux qui passe a cote de sa vie. L'expedition dans une maison close decrite a la fin du roman, expedition qu'il ne concretisera pas au demeurant, vient demontrer parfaitement la ruine de notre antiheros. En meme temps symbole de ses desirs et de son impuissance a realiser ses ambitions, cette expedition, malgre sa faillite, est ce qu'il considerera comme un evenement tres important de cette existence revee plus que vecue. Le roman s'eteint alors par le refus, l'annulation de tout ce qui precede!

L'idee de Flaubert etait de rediger un livre sur rien, de decrire une vie ou il ne se passe rien. Les actions succedent aux actions, les rencontres aux rencontres, les dialogues aux dialogues. C'est comme un film qui s'ecoule. Il n'y a pas de scene principale, pas de morceaux. Pourtant, c'est comme une grande symphonie par l'entrelacements des themes, par des accelerations du rythme regulier, par des episodes plus importants, comme la soiree a l'Alhambra, le diner chez les Arnoux, le bal masque, la fete a Saint-Cloud, ou l'on a le sentiment que l'intrigue pourrait se nouer. Mais rien de tres important n'est arrive. Le romanesque, qui etait persifie dans Madame Bovary, est ici absent, et le roman tire parti de ce manque : il parvient a donner l'impression de ce qui se produit souvent dans le reel ou il ne se passe rien, ou c'est la vie qui passe. Frederic aurait pu reussir avec l'aide des Dambreuse, conquerir Mme Arnoux, se marier avec la petite Roque. Tout est en amorces d'aventures possibles, de drames qui ne se produisent pas. C'est donc une histoire entiere montrant le regard implacable de l'experience, ecriture d'un desastre collectif et d'une frustration generalisee.

Ceux que l'on a appeles les nouveaux romanciers ont bien apprecie Flaubert, et particulierement l'Education sentimentale. Et, en realite, dans ce roman, on peut trouver de nombreux aspects qui annoncent des oeuvres plus recentes, plus modernes. Et pour commencer, le theme. (1) L'Education sentimentale est le premier roman ou rien n'arrive, ou la vie, simplement, s'ecoule, ou les actions ne conduisent nulle part, ou les connaissances qu'on a des gens ne menent a rien. Cela explique le fiasco, lors de sa parution, de ce roman sans romanesque, dont la vrai valeur ne sera connue que vingt ans plus tard des naturalistes : en 1884, Henry Ceard publia lui-meme, sous le titre ironique de Une belle journee, l'histoire de la rencontre, un dimanche de pluie, d'un homme et d'une femme qui, la journee terminee, se separeront sans que rien se soit passe. Quelques annees plus tard, en 1955, Marguerite Duras recommencera ce sujet dans Le square. Ce roman de Flaubert, c'est evidemment une originalite parfaite, une censure de la societe contemporaine de l'auteur, c'est egalement une analyse exceptionnellement fine des detours de l'emotion amoureuse, mais c'est surtout le recit d'un renoncement, un classique d'une grande modernite (<<L'education sentimentale>>).

Nous observons sous un triple aspect le theme de l'echec dans l'Education sentimentale : echec sentimental, social et historique. Les deux premieres parties sont centrees sur l'acteur majeur de l'histoire, Frederic Moreau, qui, malgre son charme et son romantisme, fait figure d'anti-heros par son inertie, ses attitudes irresolues, ses lachetes. Histoire, dans l'Education sentimentale, se presente comme une cruelle offense apporte aux ideaux et comme une suite de actes insenses et mesquins. A travers l'Education sentimentale, le romancier nous illustre que cette situation sociale est imparfaite, derisoire, arrivee a sa degradation et condamnee au continuel avortement de ses desirs. Par l'intermediaire d'une vie de personnage, Flaubert donne a voir la stagnation de son epoque.

1. L'echec sentimental

L'Education sentimentale traite les memes questions que celles dans Madame Bovary. << Flaubert entend par education sentimentale celle qui apprend a juger par le sentiment, non par la raison, exerce aussi peu que possible le sens critique, fait voir les hommes et les choses sous de fausses couleurs et predestine ainsi ses victimes a de longues erreurs de jugement et de conduite, tout au moins a l'incertitude perpetuelle >> (Lemaitre). On a examine ce qu'est devenue une petite bourgeoise de province a cause de cette education ; voici maintenant ce qu'elle peut faire, dans d'autres circonstances, d'un jeune homme de fortune moyenne, mais intelligent et honnete, vivant a Paris sous Louis-Philippe et sous la republique de 1848.

Des la premiere rencontre, tels les grands romantiques, Frederic voue a Mme Arnoux, (2) un amour eternel, une passion serieuse, mystique. Meme la liaison avec Rosanette (3) et Mme Dambreuse, (4) qui n'est qu'un caprice, ne reussira jamais a faire oublier le seul vrai amour de Frederic. (5) Quant a celui-ci, il echoue a cause d'une espece d'inaction faite de pusillanimite, d'inconstance, de pressentiment cache de l'echec. (6) Les entrevues avec Mme Arnoux sont toujours l'affaire du hasard et jamais de l'initiative personnelle de Frederic. C'est Hussonnet qui l'introduit a << l'Art industriel >> (39) ; et s'il se met pour la deuxieme fois en presence de Marie Arnoux, (7) c'est grace a une invitation imprevue a diner. C'est le hasard aussi qui fait rater le rendez-vous de la rue Tronchet. Tellement amoureux, au point d'etre incapable de vraiment aimer tout autre femme, Frederic retarde cependant eternellement la date de l'aveu : << Depuis le matin, il cherchait l'occasion de se declarer ; elle etait venue. D'ailleurs, le mouvement spontane de Mme Arnoux lui semblait contenir des promesses ... Mais, quand il fut assis pres d'elle, son embarras commenca ; le point de depart lui manquait >> (61). Le jeune homme vit ainsi de promesses en permanence reconduites, d'aspirations constamment frustrees. La jouissance ne se trouve pas dans l'acte, mais dans la supposition ulterieure et douteuse de sa realisation. Ainsi, Frederic ne s'arrete pas de conjuguer son amour au conditionnel : << Elle serait la, quelque part, au milieu des autres, cachant sous son voile ses pleurs d'enthousiasme ; ils se retrouveraient ensuite >> (43) , jusqu'au jour ou il convient d'utiliser desormais le futur anterieur : << N'importe, nous nous serons bien aimes >> (62). Pendant ce temps-la, rien ne s'est produit au present car cet amour, entre promesse et nostalgie, s'est deploye dans l'imaginaire. Entre temps aussi, la realite a consacre la venue de nombreux et decevants remplacements. La sympathie du mari semble parfois equilibrer la non-possession de la femme, jusqu'aux limites de l'ambiguite, comme durant cette nuit au poste de la garde nationale ou Frederic et Arnoux partagent le meme lit de camp : le premier se transporte en imagination aux cotes de Mme Arnoux, alors que le second s'endort en balbutiant << Ma cherie ! mon petit ange ! >> (71). Car Frederic imagine sa passion au lieu de l'eprouver : << Il esperait que grace a la pluie ou au soleil, il pourrait la faire s'arreter sous une porte, et qu'une fois sous la porte, elle entrerait dans la maison >> (57). Aussi le roman est-il celui d'une passion insatisfaite, d'une possession toujours remise et jamais conquise.

Toujours hesitant dans sa recherche d'amour, le heros ne sait jamais saisir le bonheur qui s'offre a lui. C'est pourquoi il passe a cote de la jeune Louise Roque qui lui voue une admiration illimitee et qui ne veut que de lui. (8) Et c'est Deslauriers, (9) le camarade d'enfance de Frederic qui, au terme des annees de jeunesse, finira par epouser la riche provinciale. Et encore, comme l'a bien remarque David Agrech, quand Frederic pressent que Mme Arnoux soit venue pour se donner a lui, alors qu'il se trouve << pris d'une convoitise plus forte que jamais >> (210), Frederic hesite, et finit par renoncer. (10) La premiere raison qu'il se donne vient, evidemment, d'une idee complaisante pour Mme Arnoux : c'est << l'effroi d'un inceste >> (210), c'est-a-dire la crainte de toucher sa femme ideale ; mais il s'en ajoute une autre : la crainte << d'en avoir degout plus tard >> (211), c'est-a-dire de voir l'amour de toute une vie passer comme un autre, pas different d'un autre (Rosanette, Mme Dambreuse, etc.) et derriere cette deuxieme raison, plus secrete, la crainte de s'etre trompe si longtemps, et de l'apprendre. Un dernier pretexte apparait finalement : l' << embarras >> (211), traduire l'embarras materiel, pour l'existence bourgeoise, que signifierait cette relation avec une femme mariee, l'arrangement des rendez-vous, la legalite des rencontres, la simple probabilite des desavantages de cette demi-vie de couple, etc... Voyant ce mouvement, mais n'en comprenant que le premier raison, Mme Arnoux est << emerveillee >> (212) : << Comme vous etes delicat ! >> (212), dit-elle. La distance, entre ces deux personnages qui s'aiment, reapparait ici nettement. Au moment ou ils se retrouvent, Frederic ne peut que constater l'ecart qui reste entre eux. Les trois causes, allant du plus beau au plus trivial, maintiennent quant a eux la nature de son amour dans une explication indeterminee, y compris a ses propres yeux.

Tout bien considere, quatre femmes contribuent a l'education sentimentale de Frederic. Et quand les quatre amours, le vrai, le charnel, le vaniteux, le naif, ont cherche a faire de lui un homme, il se trouve un soir, vieilli, assis du coin de son feu avec son ami d'enfance Deslauriers, qui a aspire au pouvoir, sans plus le conquerir que Frederic n'a conquis un amour heureux (Zola). << Je veux faire l'histoire morale des hommes de ma generation ; sentimentale serait plus vraie. C'est un livre d'amour, de passion ; mais de passion telle qu'elle peut exister maintenant, c'est-a-dire inactive >> (Correspondance 133), ecrit Flaubert. (11)

Ce roman peint un amour qui ne rencontre pas le moindre debut d'execution. (12) Adolescent, Frederic a eu envie d'entrer << chez la Turque >> (224), (13) une maison close. L'evenement demeure un insucces puisque l'emotion paralyse Frederic : il perd tout d'abord ses mots, puis apres le desir et il se sauve. Flaubert nous aide a comprendre que c'est une situation d'une grande complexite. Il y a trois raisons a la paralysie de notre heros : physique, psychologique et morale : << la chaleur qu'il faisait, l'apprehension de l'inconnu, une espece de remord >> (225). Il y a une contradiction physique : il a ce qu'on appelle un plaisir paralysant parce que tout d'un coup en tant qu'homme il se retrouve << seul >> (225) le mot est donne--face a << tant de femmes >> (225), il ne s'y attendait pas. En plus, cette paralysie va continuer et le tourner en derision : << il devint tres pale et restait sans avancer, sans rien dire >> (226). La troisieme raison est morale, c'est exprime par << une espece de remords >> (225). (14) Flaubert favorise sans cesse l'inacheve. Tout au long du roman, Frederic a ete en quete d'aventures qu'il n'a pas accomplies, c'est l'idee du livre mais cette rencontre des fills de joie annonce sa tendresse pour Mme Arnoux, qui restera chaste. En fait, comme l'a bien remarque Balene Sophie, ce qui a retenu Frederic, ce qui l'a empeche de vivre sa passion avec Mme Arnoux, c'est certainement la peur de la realisation (Balene 54).

2. L'echec social

Frederic a desire reussir. Il connait des ambitions artistiques et mondaines. Il a lu Rene et Les Souffrances du jeune Werther, ecrit des poemes et entreprend une Histoire de la Renaissance, mais une visite a Mme Arnoux suffit pour que cet ouvrage ne voie jamais le jour. En meme temps, ses velleites de devenir peintre, motivees par sa frequentation de Pellerin, (15) le peintre de << l'Art industriel >> (39), n'ont pas abouti. C'est que, comme plus tard le Swann de La Recherche du temps perdu, il prend la vocation artistique pour la vie : << Il se decida pour la peinture, car les exigences de ce metier le rapprocheraient de Mme Arnoux. Il avait donc trouve sa vocation ! >> (56) conclut avec ironie le romancier. Il croit arriver a l'art sans la perseverance, le travail acharne, le sacrifice stoique de soi que demande toute creation. D'un autre cote, la fortunee Mme Dambreuse qui flatte sa vanite peut lui procurer des soutiens politiques et sociaux. Mais il n'exploite pas le soutien de M.Dambreuse, ne reagissant pas a sa demarche de le faire entrer au Conseil d'Etat. Et au moment ou sa relation avec Mme Dambreuse lui ouvre de nouvelles probabilites d'ascension sociale, la disparition de son protecteur fait avorter l'entreprise. Il finira, perdant presque tout son argent, << ayant mange les deux tiers de sa fortune, il vivait en petit bourgeois >> (201). Mais jamais il ne force la chance ; jamais ici de << a nous deux maintenant >> (Balzac 290) lance comme un defi a Paris, du haut d'un quelconque Pere-Lachaise. Les funerailles de M. Dambreuse sont d'ailleurs une reference a celles du Pere Goriot de Balzac : << Frederic put admirer le paysage pendant qu'on prononcait les discours >> (98), ecrit Flaubert. Comme l'a bien remarque Urbanik-Rizk, contrairement au schema balzacien, a aucun instant le heros de Flaubert ne regarde la capitale dans une posture de victoire. Aucune prise de possession, ni investigation, ni decouverte. Le hasard, la deambulation regit les parcours de Frederic, au fond agites par la simple obsession des Arnoux, qu'il recherche et fuit a la fois. << C'est pourquoi, les lieux de succes ou les lieux ou se fait l'histoire n'ont d'autre existence que decorative, toile de fond presque factice du point de vue de Frederic.>> (Urbanik-Rizk 30) Le heros de L'Education sentimentale est bien un anti-Rastignac, un << galopin sans esprit et sans caractere , >> une << marionnette de l'evenement qui le bouscule, et qui vit, ou plutot vegete comme un chou, sous la grele des faits de chaque jour >> selon l'expression de Barbey d'Aurevilly (D'Aurevilly).

Le chapitre 1, dans sa perfection condensee, fait connaitre a quel point le jeune homme n'a rien d'un Rastignac, meme si tous les deux nourrissent des chimeres. Dans L'Education sentimental en roman d'education a rebours ?, on lit qu'autant Rastignac est tire vers le mouvement et l'esperance de la realisation, autant Frederic est deja decale de la vraie temporalite : << Frederic pensait a la chambre qu'il occuperait la-bas, au plan d'un drame, a des sujets de tableaux, a des passions futures. Il trouvait que le bonheur merite par l'excellence de son ame tardait a venir. Il se declama des vers melancoliques>> (44). Flaubert rend ridicule cette revendication de bonheur, liee au sentiment de superiorite innee, car inerte et sans consistance. Les mentors, les chimeres de jeunesse, les acquis de maturite, tout passe sous le regard inexorable de l'auteur qui accuse. Frederic ne comprend rien dans chaque milieu qu'il rencontre et n'arrive a saisir aucune occasion. Il ne comprend pas plus que le petit parapluie dont il casse le pommeau appartient a la maitresse d'Arnoux, qu'il ne sait se comporter au milieu des femmes legeres. A la fin de son apprentissage, il n'aura rien decouvert et restera toujours aussi niais devant les femmes comme Mme Dambreuse, qui le manipule comme une petite fille, et devant la societe qu'il evite. L'echec du heros parait marque, d'emblee, dans cet etat d'incapacite a vouloir la reussite concrete, a agir ou voire a saisir passivement les opportunites qui s'offrent. De la, cette attitude d'evasion systematique, genre de defaillance romantique a la maniere de Lorenzaccio (mais sans progression aucune !) De la ce gaspillage des atouts de debut, de la cet enlisement dans les compromis mesquins. Il ne sait ni repondre au sentiment des quatre femmes qui, chacune a leur facon, le trouve bien, ni rendre ses devoirs a l'ami de toujours, ni prendre position en politique. D'entree de jeu, il est largement pourvu de qualites que la societe exige : jeune, beau, seduisant, agreable aux hommes et aux femmes, il brule tous ses dons l'un apres l'autre, sans que ce soit la prodigalite balzacienne de la jouissance (que l'on rencontre dans La Peau de Chagrin) (Urbanik-Rizk 36-37). Traversant avec passivite et mefiance la Revolution de 1848, le jeune homme est neanmoins attire un moment par une profession politique que semblent favoriser les Dambreuse. Mais, une fois de plus, c'est l'intimite avec Rosanette qui l'emporte. Il se trouve a Fontainebleau avec son amante lors des evenements de juin.

Au debut de l'hiver 1868-1869, les deux amis, Frederic et Deslauriers, (16) lui-meme abattu par le ratage, << resumerent leur vie >> (220). Leur echec les conduit a s'interroger et a se rendre dans le passe. De souvenirs en souvenirs, ressuscitant leur jeunesse, ils remonterent aux temps facetieux de l'adolescence. Un jour de 1837, pendant les annees de college a Sens, ils avaient failli entrer tous deux chez la Turque qui leur semblait remplie de mystere et de poesie. Les bras pleins de gros bouquets de fleurs, ils avaient subi la raillerie des filles et s'etaient envoles le plus vite possible. << C'est la ce que nous avons eu de meilleur ! dit Frederic.--Oui, peut-etre bien ? C'est la ce que nous avons eu de meilleur ! dit Deslauriers >> (225). C'est dans ce souvenir d'adolescence que Frederic et Deslauriers decouvrent ce qu'ils ont << eu de meilleur >> (225) : mais ce souvenir est celui d'un geste perdu, inabouti : les deux jeunes gens vont chez les filles mais, au dernier moment, ils se sauvent au lieu d'entrer. Desirs inaccomplis, mecontentements reiteratifs dans lesquelles on semble se complaire : telle est la conclusion de cette derisoire education.

Pour les deux jeunes hommes, le meilleur souvenir, c'est un echec, c'est donc la negation de l'education sentimentale (titre ironique au combien) et a travers elle du roman romantique. Pour deux raisons, cette derniere scene se situe hors de l'action : elle remonte a un evenement anterieur au recit et elle relate un recul devant l'action. Sa presence en conclusion s'explique par le besoin d'eclairer tout le parcours de Frederic de facon retrospective afin de lui donner sa signification profonde.

Apres tout, aucun des efforts professionnels et sentimentaux du heros n'est menee a terme. Cette vie d'un bon a rien devrait avoir pour epigraphe la << scie >> de Gautier : << Et puis, vois-tu, rien ne sert a rien. Et d'abord il n'y a rien. Pourtant tout arrive. Mais cela est fort indifferent >> (Cogny 98). Nous ne connaissons pas d'ecrit qui fasse autant sentir jusqu'au bout l'incomparable futilite de l'existence, l'illusion des mouvements humains, l'arbitraire du hasard, ce qu'il y a de relatif dans le mal et dans le bien (la vertu meme de Mme Arnoux reste secrete ou obscure) et, pour tout dire, << la mediocrite de notre espece, >> selon le mot de Thierry Poyet (Poyet 51).

Si le jeune homme, nous l'avons vu, ne fait rien, ne croit a rien et, selon les criteres de l'heroisme traditionnel, ne vaut presque rien, on doit peut-etre finalement mettre cette attitude sur le compte d'une esthetique nihiliste tendant vers le rien. De meme que Baudelaire avait fait du flaneur, du dandy nul et oisif, l'image favorie de l'heroisme de la vie moderne, Flaubert reussit avec son anti-heros, permeable a tous les silences, a toutes les inactivites et a tous les ennuis, l'une des figures symboliques de la modernite romanesque. (17) Dans une typologie de type balzacien, Frederic serait a classer du cote des incompetents, des faibles, meme des rates de la vie et de la societe. Meme si le createur exerce plus d'une fois l'ironie a l'endroit de son caractere lache et velleitaire, l'amant de Marie Arnoux--en tant qu'acteur principal du recit--est dans une relation d'adequation parfaite avec un univers qu'habitent de moins en moins le sens et les valeurs. << Ni dieu, ni ideologie, ni utopie ne viennent structurer l'education de Frederic et l'histoire collective ou elle s'inscrit. Rien finalement ne se construit dans l'oeuvre que le mouvement meme d'une ecriture porteuse de cette insignifiance (Rince 117). Et c'est a Mallarme encore, autre grand ecrivain de l'absence, que nous pourrions emprunter, dans un verset de son Coup de des, un exergue pour l'Education sentimenale ou un epitaphe pour Frederic Moreau : << Rien n'aura eu lieu que le lieu, excepte peut-etre une constellation >> (Rince 117). Plus qu'un roman realiste, ce roman de Flaubert est profondement innovateur car il montre l'une des premieres expressions de l'anti-heros et donne au Temps une place dominante ouvrant la voie au roman du XIXe siecle.

3. L'echec historique

Il faut constater dans ce roman le tres grand interet historique. L'histoire se passe sur fond d'emeutes et d'agitations politiques--la revolution de 1848, puis le coup d'etat de Louis-Napoleon Bonaparte. (18) La revolution de 1848 et les conflits sociaux de son temps ont fortement marque le romancier. La revolution de 1848 ouvre pour lui la democratisation niveleuse. A la fin du recit, Frederic a 47 ans, le meme age que Flaubert quand il termine l'Education sentimentale. (19) Il appartient a la meme generation, celle qui, nourrie de romantisme et donc pleine d'illusions, s'est precipitee au-devant de la vie, mais s'est brisee sur une realite qui ne satisfait pas ses reves. Le dernier chapitre fait le bilan decu de cet echec que symbolisent Frederic et Deslauriers : << Et ils resumerent leur vie. Ils l'avaient manquee tous les deux, celui qui avait reve l'amour, celui qui avait reve le pouvoir >> (220). Derriere eux apparaissent toute une generation qui a vu ses reves detruits par les deceptions de la revolution de 1848. << Nous allons vivre ensemble la plus sublime des poesies >> (Crouzet 68), affirmait Lamartine, membre du gouvernement provisoire. Mais la poesie se termine en massacre sous les coups de fusil du pere Roque.

Education sentimentale forme de nombreux echos autant narratifs que emblematiques entre la fiction et l'Histoire : la liquidation du mobilier des Arnoux, qui, a cause de cette ruine, sont obliges de quitter la France, se deroule ainsi au meme moment que la chute de la Republique. L'echec sociale du couple repond, en mineur, a une defaite historique majeure. Cette defaite de la Republique devoile la defaillance de nature et d'ame de ce microcosme parisien, et correspond a l'echec de la vie de Frederic et de son ami Dussardier. Ces derniers reconnaissent eux-memes qu'ils ont rate leur vie, ils << accuserent le hasard, les circonstances, l'epoque ou ils etaient nes, >> (249) ecrit Flaubert dans le dernier chapitre. Frederic ressemble, en effet, par un point essentiel, au milieu qu'il traverse ; il est alternativement trop au-dessus ou trop au-dessous de son desir. Il le quitte et le reprend pour le perdre encore. Il ne saisit jamais l'ideal qu'il a concu ; il est en proie a la realite qui le manipule constamment, il reste un heros mediocre. Vrai jusqu'au bout, heros authentiquement mediocre, il n'en finit pas de ne jamais rien finir. Il pense que le meilleur de son existence a ete d'eviter un premier peche, et il se demande s'il n'a pas reussi dans son reve de bonheur par sa faute ou par celle des autres Par Education sentimentale, le romancier humoriste, moqueur exigeant et profond, nous prouve que cet etat social est mediocre, ridicule, arrive a sa decompostion et condamne a l'eternel avortement de ses aspirations.

On le voit, comme l'a bien remarque Nakano Shigeru, << passion amoureuse et evenements politiques sont etroitement lies >> (Nakano 331). L'idealisation de Marie Arnoux correspond aux reves et aux espoirs d'une generation ; l'infidelite amoureuse coincide avec le desordre d'une revolution ratee ; enfin, la vente des biens des Arnoux incarne la faillite irrevocable de la passion et des esperances romantiques. Mme Dambreuse rachetant aux encheres le coffret de Marie marque le succes de l'affairisme et de l'ordre qu'etablit, le lendemain de la vente, le coup d'Etat de 1851. Le rendez-vous manque de la rue Tronchet, le 22 fevrier 1848, (20) est a la fois un rendez-vous rate avec l'Histoire. 21 Rapport profond entre la trahison de Frederic, qui renonce a son grand amour pour un succedane facile (Rosanette) et son renoncement politique, qui va faire de lui un spectateur impuissant et, d'une maniere indirecte, complice de la defaite des ideaux de 1848 ; Frederic, s'adonnant entierement a ses passions, ne se trouve jamais concerne par les faits politiques qui ont jalonne sa jeunesse. Pareillement, il assistera, passif, a la vente aux encheres du mobilier des Arnoux avec Mme Dambreuse, sa maitresse, comme il assistera sans reagir au coup d'Etat de decembre, le lendemain de la vente.

Histoire, dans l'Education sentimentale, se presente comme une suite d'evenements mesquins et sots : << Frederic ne comprenait rien a tant de rancune et de sottise >> (188), et comme une cruelle offense apportee aux ideaux. Mais cela, Flaubert le fait voir, il ne le dit pas. Respectant son esthetique impersonnelle, il laisse le reel temoigner de lui-meme. Le destin de deux amis de Frederic, Dussardier et Senecal, est fort revelateur a ce sujet. Le premier est un ouvrier un peu sentimental et idealiste, le second est un socialiste intolerant. Tous deux participent avec ardeur aux evenements de fevrier 1848--durant lesquels << les ouvriers et les bourgeois s'embrassent >> (211)--mais en juin 1848, au moment de l'emeute qui oppose le peuple et la bourgeoisie, ils se retrouvent dans deux camps hostiles : Dussardier, non sans quelque malaise, soutient la Republique contre les rebelles, parmi lesquels se trouve Senecal, rapidement ecrases avec violence. Apres, lors du coup d'Etat de 1851, Dussardier est mis a mort par un agent : Senecal. On ne saurait mieux prouver la circularite de l'Histoire, son incapacite profonde a evoluer. << Les convictions s'annulent et s'aneantissent, l'horreur cotoie inexorablement la betise. Le roman saisit les regimes politiques au moment de leur chute car tout est caduc dans le domaine public, tout comme dans la sphere privee, et ne propose aucune figure de la legitimite >> (Crouzet 70). Frederic hesite entre Mme Arnoux qui passe dans la vie les yeux baisses, tenant a son honneur, et Rosanette, la courtisane. Flaubert examine une societe qui s'enthousiasme pour la vertu, tout en se gavant de plaisirs faciles. Nous sommes a la veille de la Revolution de 1848. Jamais l'on n'a plus discute de la democratie, de la Republique et de la propriete. Ses amis s'engagent, luttent. Quant a Frederic, lui, il pense a sa carriere et calcule. La sottise regne sur les bourgeois, dans les assemblees de l'Etat, les ateliers et les salles de redaction. De cette oeuvre noire ou Flaubert a mis beaucoup de lui-meme, tout le roman moderne est sorti

On reconnait dans l'Education sentimentale le pessimisme historique deja montre dans Salammbo. Mais on ne voit presque plus des scenes de carnage de celui-ci. Si la violence existe, elle ne se presente plus comme la demonstration essentielle de l'Histoire. << Refractee a travers la conscience des personnages, vecue surtout a travers les reactions de Frederic, elle perd toute unite et toute coherence >> (Crouzet 72). Ainsi, eparpillee en un enchainement d'impressions contradictoires, la revolution de 1848 transmet une sensation de trouble et de desordre. Frederic dans le Paris revolutionnaire de fevrier/juin, c'est Fabrice a Waterloo, dans La Chartreuse de Parme, tous deux spectateurs du declin d'un monde. Surgissant en outre soudain dans le destin du heros, l'Histoire passe pour inintelligible, imprevisible, a la maniere d'un coup de theatre. Agites par les evenements, les personnages prennent des attitudes contradictoires, qui met en evidence l'absence de signification des evenements. En depit de ce qui le rattache au roman historique, dont Flaubert fut un grand admirateur, (22) l'Education sentimentale est ainsi un anti-roman historique. Tandis que celui-ci mettait en scene des forces collectives opposees, un devenir possedant une signification, le roman flaubertien revele une Histoire incoherente, divisee, dont les acteurs eux-memes ne saisissent pas le sens. Elle correspond, comme l'a montre Georges Lukacs, a une << mutation de la conception de l'histoire apres 1848 >> (Lukacs 125). Devenue obscure, ne suivant plus une evolution nettement sentie, elle devient une histoire arretee, repetant un eternel present : << C'est a l'absence totale de toute realisation d'un sens que Flaubert reussit a donner forme >> (Lukacs 104).

Conclusion

Par l'Education sentimentale, nous sentons a quel point un ecrivain est parfois plus interesse par un echec que par un succes. Malgre son titre, qui le range dans la tradition du roman d'apprentissage, (23) l'Education sentimentale est surtout un roman de l'echec, de la faillite tant individuel qu'historique. La vie se repete plutot qu'elle avance ; elle se presente comme une terne suite d'insucces plutot que comme une sure trajectoire arrivant a realiser un but. On peut donc considerer le roman comme une caricature de roman d'apprentissage. Sur tous les points, le roman ne s'arrete pas d'evoquer pietinements et difficultes. Effectivement, en plus de l'intrigue romanesque centrale, vouee a l'amour authentique et insatisfait de Frederic pour Mme Arnoux--trop bourgeois et trop moderne pour prendre une hauteur reellement tragique--, de nombreux episodes romanesques sont composes suivant cette logique preponderante de l'echec. De cette facon, le combat entre Frederic et Cisy, loin de creer un evenement heroique, echoue dans le ridicule : avant meme que le duel n'ait ete engage, Cisy tombe << sur le dos, evanoui >> (124). Rien ne se passe, rien n'evite le ressassement : les velleites de Frederic de s'enrichir ou d'entreprendre une carriere politique tournent court, tout comme ses differents projets de mariage. Tandis que tout est effort et semble realisable, une secrete et invincible destruction impose sa loi

Flaubert a remplace les conflits dramatiques du roman balzacien par le tragique d'une dislocation qui n'aboutit a rien. Il a compose << l'envers de plusieurs romans possibles >> (Duquette 67), le roman de l'echec : echec d'un amour, echec d'aspirations. Il etait tout a fait conscient de ce qui faisait la singularite de sa tentative en deployant le caractere de Frederic qui, malgre sa grace et son esprit romantique, fait figure d'anti-heros par son inertie, ses attitudes vacillantes, ses mollesses. Ce jeune homme a la psychologie tres fouillee est peint de maniere realiste et, par cette perspective, annonce les heros modernes. Frederic Moreau est dedouble : observe et observateur, il est un element de la fiction mais il revendique de plus une conscience toute nouvelle relativement a l'illusion qu'est la creation romanesque. Vaguement railleur, Frederic a tendance a se regarder de plus en plus et a agir de moins en moins. Il reve de ne rien faire, il devient petit a petit un homme sans merites, il s'abolit dans l'ordinaire des choses, completement occupe par sa nouvelle passion : se voir en train d'etre vu.

Frederic et Deslauriers << resumerent leur vie >> (220) : << Ils l'avaient manquee tous les deux, celui qui avait reve l'amour, celui qui avait reve le pouvoir ... Puis, ils accuserent le hasard, les circonstances, l'epoque ou ils etaient nes >> (225). Cette derniere formule ote jusqu'a l'essence unique, exceptionnelle du destin en le rangeant dans sa dimension historique. L'echec est bien celui d'une generation dont Flaubert a l'intention de faire revivre l'epoque derisoire. Echec de la generation coincee entre la revolution de 1848 et le coup d'Etat du 2 decembre 1851, ceux que l'ecrivain nommait lui-meme par l'expression de << fruits secs >> (Correspondance 213). Leur ratage politique vient pour l'ecrivain sans doute du meme principe que le ratage sentimental, d'un exces d'idealisation de l'image romantique, devenu suranne a une epoque vouee a l'imitation fade des aines grandioses. Se pose ici de maniere decisive la question des rapports entre l'Histoire et la destinee individuelle, qui a pu faire mettre en rapprochement le texte de Marx Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte et L'Education sentimentale. Le roman d'apprentissage predestine les hommes a l'echec car il les situe a une periode de caricature. Par la vie d'un personnage, Flaubert fait voir la paralysie de son epoque. Mais cette nostalgie de la legende romantique, en politique comme en art ne fait-elle pas sens en elle-meme et ne peut-on en degager quelque verite concernant les illusions qui regnent sur le texte ?

D'une certaine facon, la lecon de L'Education sentimentale est l'idee que la chimere est la maitresse de toutes choses. Chimere des esperances vaines, chimere des jeux de la conscience avec le reel, chimere qui conduit a l'Art. On l'a plus d'une fois repete, Frederic rate sa vie car il rate la realite a force de l'entourer d'illusions. Tout le roman est ponctue, de maniere d'autant plus vive que l'episode est decisif, de ces << derapages >> de l'imaginaire. Chaque personnage est caracterise par la nature de ces sortes de romans interieurs : << Deslauriers ambitionnait la richesse, comme moyen de puissance sur les hommes. Il aurait voulu remuer beaucoup de monde, faire beaucoup de bruit, avoir trois secretaires sous ses ordres, et un grand diner politique une fois par semaine. Frederic se meublait un palais a la mauresque, pour vivre couche sur les divans de cachemire, au murmure d'un jet d'eau, servi par des pages negres ;--et ces choses revees devenaient a la fin tellement precises, qu'elles le (Frederic) desolaient comme s'il les avait perdues >> (49).

Frederic souffre d'un certain etat de bovarysme, sans le mysticisme et la fascination de l'infini, et sa conscience est egalement genee par le motif oriental auquel tient les romantiques. D'autre part, l'illusion se moque d'elle-meme au point de meler les limites du reel et du fictif. La temporalite est tellement brouillee qu'elle detruit le present en ce que Proust a enonce comme impression subjective. Frederic ne peut souhaiter le reel que par disparition du present, qu'il soit projete dans un avenir idealise ou reduit par la nostalgie retrospective. Contrairement au heros stendhalien, jamais Frederic ne peut trouver son interiorite dans l'instant epicurien. Le moment heureux est toujours decrit dans son absence navrante et vague, nostalgie d'un moment lui-meme fugitif et derealise. Enfin, sans arriver au theme pourtant traditionnel du << theatrum mundi, >> (24) selon l'expression de Annie Urbanik-Rizk, il semble que la force du heros flaubertien consiste en son intuition que la vie est un songe. La reside la vraie modernite de Flaubert, << dans cette espece de phenomenologie, de predominance de la perception subjective pour donner vigueur a la realite. << La passivite de Frederic, ses echecs, ses hesitations prennent alors un nouveau sens, celui d'une vie vecue dans le reflet d'une conscience, mirage du monde >> (Urbanik-Rizk 39). De ce point de vue, Flaubert annonce Kafka, Joyce, Virginia Woolf et Faulkner, tous romanciers qui ont renverse le point de vue narratif en le centrant sur la sensation d'un individu.

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Notes

(1) Le second aspect moderne de l'Education sentimentale, c'est ce qu'on pourrait appeler le realisme subjectif, c'est-a-dire le fait que la realite n'est evoquee que telle qu'elle est percue par le regard du heros. Mais l'aspect sans doute le plus moderne de l'Education sentimentale, c'est que ce roman est un des premiers a se construire autour de l'errance d'un heros desempare par un monde trop complique dans lequel il a le sentiment de ne pouvoir agir (Raimond).

(2) Mme Arnoux, bourgeoise vertueuse, sera l'amour de toute une vie et l'enjeu principal de cette histoire d'un jeune homme. Le mari de Mme Arnoux, Jacques Arnoux se caracterise par sa bonhomie, sa legerete, sa vulgarite, son optimisme, sa forfanterie, sa conduite cynique avec les femmes. Homme d'affaires, il a des projets ambitieux et nombreux, mais est victime de son incurie.

(3) Avec Rosanette, une demi-mondaine, Frederic a une liaison et un enfant qui mourra.

(4) Il a refuse le mariage avec Mme Dambreuse, veuve d'un de ces banquiers opportunistes a qui M. Guizot disait : << Enrichissez-vous. >>

(5) Au moment ou Frederic rencontre Mme Arnoux pour la premiere fois, il vient d'etre recu bachelier et c'est pour lui--au sortir de la chrysalide de l'enfance et de l'adolescence--le veritable depart dans la vie. Tout en papillonnant autour de l'une et de l'autre, Frederic demeure fidele en pensee a Mme Arnoux, la femme idealisee dont il devient, peu a peu, le confident.

(6) Une autre raison, essentielle a notre avis, qu'on a souvent oublie de citer, empeche Frederic d'arriver a ses fins : la vertu de Mme Arnoux.

(7) Dans cette soiree, il cotoie longuement la femme de son coeur et l'ecoute chanter une romance italienne. Le contact de la main qu'elle lui tend, au moment de la quitter, le met dans un etat absolu d' << excitation-dilatation , >> selon le mot de Michel Crouzet : << Il n'avait plus conscience du milieu, de l'espace, de rien>> (32). Son Moi parait meme se dissoudre dans une euphorie irreelle et intarissable que Madame Arnoux seule a rendu possible : << Alors, il fut saisi par un de ces frissons de l'ame ou il vous semble qu'on est transporte dans un monde superieur >> (71).

(8) Frederic songe un instant a l'epouser.

(9) Deslauriers est un garcon dur, qui a la pretention d'etre pratique.

(10) Mme Arnoux s'en va, elle n'est plus la pour donner sa trame au roman qui des lors s'interrompt. De Mme Arnoux, le lecteur conserve, il faut bien le dire, l'image d'un personnage pale, efface ; a ce titre il se rappelle que Deslauriers la trouvait << pas mal, sans avoir pourtant rien d'extraordinaire >> (52) ; la scene de l' apparition, comprend-t-on alors, ne brillait d'un certain eclat que parce qu'elle etait vue par les yeux de Frederic, qui constatait d'ailleurs lui-meme, mais presque comme un paradoxe, que << ceux qui etaient la, pourtant, n'avaient pas l'air de la remarquer >> (65). Le lecteur se souvient aussi d'une remarque intrigante de Rosanette, durant la scene de separation, au sujet de Mme Arnoux : << des yeux grands comme des soupiraux de cave, et vides comme eux >> (90).

(11) L'autobiographie tient une grande place dans l'Education sentimentale, qui est un peu l'equivalent francais du Bildungsroman allemand ou du life novel anglais et qui constitue une autre etape majeure de l'evolution romanesque au XIXe siecle. Pour Flaubert, l'autobiographie romancee est surtout un moyen de regler ses comptes avec le jeune homme qu'il fut. Sa rencontre avec Elisa Schlesinger a ete deja evoquee dans les Memoires d'un fou. (Oeuvres de Flaubert)

(12) Le theme de l'amour impossible et jamais realise a ses sources dans la tradition litteraire et le romantisme a, en effet, donne une nouvelle jeunesse a La Princesse de Cleves (publie en 1678 par Madame de La Fayette). Le Dominique de Fromentin suscite l'enthousiasme de Flaubert ainsi que, sur le meme theme, Volupte de Sainte-Beuve (1834) et surtout Le Lys dans la Vallee de Balzac (1835) (Urbanik-Rizk 21).

(13) Frederic etait en realite avec son ami Deslauriers. Nous reparlerons de cette experience chez la Turque un peu plus haut, dans la partie << Echec social. >>

(14) On ne sait pas par rapport a quoi.

(15) Pellerin qui reve d' une veritable theorie du Beau est un peintre rate lui aussi. Il est devenu a la fin photographe.

(16) La complicite entre Frederic Moreau et Charles Deslauriers datait de leurs communes annees d'etudes secondaires au college de Sens ou Charles, eleve a la dure par son pere, un huissier acariatre, trouvait en son cadet Frederic un admirateur pour son courage et ses succes scolaires. Bien que de caracteres fort opposes, les deux adolescents avaient bati ensemble, au cours d'interminables discussions, des reves de fortunes et de conquetes amoureuses.

(17) Depuis, les artistes n'ont eu de cesse de chercher a reduire l'oeuvre d'art a sa plus simple expression--a neant : c'est Duchamp, qui, au debut du 20e siecle, presente un porte-bouteilles et une roue de bicyclette en guise d'oeuvres d'art (ou--plus subversif encore--un urinoir) ; c'est Malevitch et son Carre noir sur fond blanc, par exemple, qui, a la suite du cubisme, deconstruit completement le systeme de la perspective albertinienne classique.

(18) L'intention premiere de Flaubert a certainement ete de resumer tout un age, les annees troubles allant de 1840 a 1851, et il a pris pour motif principal l'agonie lente et inquiete de la monarchie, coupee par les coups de feu de fevrier, de juin a decembre.

(19) Le recit se deroule entre 1840 et le coup d'Etat de 1851, periode que Gustave a parfaitement connue, de dix-neuf a trente ans.

(20) Le jour ou Frederic choisit pour rencontrer Madame Arnoux marque le debut de la Revolution de fevrier. Clouee au chevet de son fils malade, Mme Arnoux ne vient pas a ce rendez-vous decisif . Frederic se refugie alors dans les bras de Rosanette.

(21) La majuscule designera ici la realite historique.

(22) Flaubert est hante par le roman historique qu'il considere comme un sommet de l'Art.

(23) Le roman d'apprentissage a pour racine l'Allemagne ou il porte le nom de Bildungsroman. Le modele du Bildungstroman demeure Les Annees d'Apprentissage de Wilhelm Meister ecrit par Goethe entre 1794 et 1796. La litterature romanesque francaise du XIXe siecle va s'inspirer du Bildungsroman et nombreux seront les auteurs a ecrire des romans d'apprentissage.

(24) C'est une expression latine qui designe le << monde comme un theatre. >> Vision a l'origine religieuse, du monde d'ici-bas devalorise par rapport a l'eternel, elle est devenue un theme litteraire, fort en vogue au XVIe mettant en scene les jeux de l'illusion du monde.
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