La renaissance de la > par l'exercice physique au XVIe siecle : discours, pratique, preservation d'un patrimoine, ou transgression d'un interdit ? Une etude des archives du fonds ancien de la Faculte de medecine de Montpellier.
Gleyse, Jacques
I. Introduction
Le but de ce texte, souhaitant contribuer a l'histoire du corps et de la medecine au XVIe, siecle, essentiellement en France et specifiquement dans la ville de Montpellier (et peut-etre Lunel), ville de 15 000 habitants au cours de cette periode et siege d'une des plus anciennes universites d'Europe, est de tenter de poser quelques hypotheses explicatives, concernant le fait que lorsque l'on explore le fonds ancien d'un certain nombre de bibliotheques francaises (B.N.F., par exemple) et, particulierement, les fonds anciens de la bibliotheque de la faculte de medecine et de la faculte de droit de Montpellier (F.A.B.F.M.34), le nombre des ouvrages ou des chapitres d'ouvrages traitant des gymnastiques hygieniques (medicales), des exercices (exercitatio), des mouvements (motu ou motionibus), des gestes et des jeux est en croissance exponentielle a partir du milieu du XVIe siecle et jusque dans ses dernieres annees.
Montpellier fut le siege de l'une des premieres facultes de medecine dans le monde occidental (probablement avec Bologne et peut-etre avant Paris). En 1289, la bulle papale Quia Sapientia du pape Nicolas IV, instaure celle-ci. L'enseignement de la medecine y est atteste des 1150 (et peut-etre meme avant puisque les premiers medecins dont les noms figurent dans le hall de l'Universite de Montpellier I, aujourd'hui, sont nes au XIe siecle pour la plupart). Mais, ce qui rend cette ville importante pour le propos et la periode du XVIe siecle, c'est qu'elle fut une ville protestante, et qu'elle a ete designee comme telle par l'Edit de Nantes, en 1598. C'est en ce sens que les extraits de textes, issus du fonds ancien de cette faculte, presentes plus loin sont interessants pour definir les contours d'un monde humaniste et critique au regard de la religion catholique concernant le corps et la medecine. Ces extraits permettent aussi de mieux saisir a la fois la mise a distance du corps antique par les auteurs majoritairement protestants mais aussi les continuites au regard des positions galeniques ou hippocratiques, notamment la theorie des humeurs et des six non-naturels.
Le XVIe siecle pour ce qui concerne la litterature sur l'exercice, la gymnastique et les jeux, est une sorte de Renaissance, dans ce pays et dans ce fonds particulier (F.A.B.F.M.34). Dans le seul fonds ancien de la Faculte de Medecine de Montpellier, il est possible de denombrer entre 1530 et 1592 quatre-vingt trois ouvrages touchant au corps et aux techniques du corps (physiognomonie, anatomie, exercitatio, gymnastica, sanitate, sante ...). Avant le XVIe siecle, il faut pratiquement (a l'exception de Chirurgica magna, 1363, de Guy De Chaulhac) remonter aux textes grecs et latins classiques (Galien, Hippocrate ...) ou arabes (Avicenne, Averroes ...) et, ensuite, alors que les publications d'ouvrages, en general, sont en augmentation lineaire (essor de l'imprimerie), attendre le renouveau des gymnastiques rationnelles, dites << de chambre >> ou militaires (Amoros, Jahn, Ling ...), au tournant du XVIIIe et du XIXe siecle, pour voir s'accroitre, significativement, les publications. Par contre, dans les domaines de l'anatomie et de la biomecanique, c'est au XVIIe siecle que le nombre des publications explosera.
Ce texte tente de donner quelques interpretations, dont une, sans doute, un peu audacieuse, de ce mouvement singulier, de cette emergence. La piste, concernant l'interdiction par l'Index librorum prohibitum (1544) de bon nombre de livres arabes et grecs (touchant au corps, a la medecine et a l'hygiene), specifiquement dans l'Europe catholique du Sud (ou vont, a l'instar de Montpellier se dessiner des ilots de protestantisme) sera particulierement exploree. C'est en ce sens que le fonds ancien de la bibliotheque de la faculte de medecine de Montpellier, servira de base et de reference pour notre travail. Montpellier et Lunel (cite toute proche)--ou vient d'etre decouvert recemment une genizah, qui devait probablement contenir des ouvrages erudits (et ou aurait pu, selon certains historiens de la medecine, s'initier l'Universite de Montpellier avec Asher ben Saul de Lunel au XIIe siecle; le Ravad II de Posquieres, Abraham ben Daoud, ne a Montpellier en 1110) arabes, hebreux et grecs--furent, en effet, au cours de cette periode des guerres de religion et de la Reforme, des centres particulierement actifs pour ce qui est des travaux concernant l'exercice, la gymnastique et plus generalement la connaissance du corps et la medecine. Le nombre tres important de medecins (tel Andrea Vesalius) ou d'erudits protestants (Laurent Joubert) qui peuplera ou visitera cette cite (tel Rabelais) en fait, tout comme Bologne, un lieu digne d'interet pour l'historien du corps et de la medecine a la Renaissance.
En effet, a la suite du Commissariat de Jacques Coeur (1400-1456) pour les Etats du Languedoc, la ville de Montpellier devenue particulierement prospere, favorisera le developpement de la medecine a partir des travaux de medecins le plus souvent juifs (Marranes, venus du Khalifat de Cordoba en Espagne). Mais, l'avenement de la Reforme et de la religion protestante, dans cette ville, presque un siecle plus tard seront sans doute decisives pour qu'une veritable ecole de medecine s'y developpe et qu'elle contribue a proteger un certain nombre de documents ecrits anterieurement en grec, en arabe ou en hebreux. On considere que le College de Medecine de Montpellier sera cree en 1498, dans le centre de cette ville (les batiments subsistent encore).
Le travail qui suit s'attachera a etudier essentiellement le contenu des documents du fonds ancien de la faculte de medecine de Montpellier concernant l'exercice et posera plusieurs hypotheses explicatives concernant la croissance exponentielle de tels ecrits et de telles publications au cours du XVIe siecle. L'idee d'une protection d'un patrimoine culturel juif, arabe ou grec concernant l'exercice, sous la forme, finalement de sortes des cabinets de curiosites, par des protestants ou du moins des partisans de la Reforme, sera particulierement etudiee. On verra que ces documents reprennent largement a leur compte la theorie des humeurs (hippocratique et galenique), voire des << six non-naturels >>. L'exercice physique tout comme le repos font partie de ces << six non-naturels >>. Cependant, ils initient egalement quelques changements, notamment en s'interessant de plus en plus aux questions de la chaleur (calefaction), finalement assez proches des theories de la thermodynamique. Leur fond essentiel semble rester toutefois le desir de preserver un patrimoine recuse et voue a la destruction par l'index librorum prohibitum et qui meme a commence a etre detruit par les autodafes de Seville.
Par ailleurs, on verra, dans ce qui suit; que la somme tres erudite, produite par Colin Jones et Laurence Brockliss The Medical World of Early Modern France (1999), concernant l'Histoire de la medecine et montrant les liens avec les sorciers, les charlatans et autres visions traditionnelles preexistantes, puis prolongeant ses investigations au siecle des Lumieres, semble pouvoir etre rediscutee par la recherche presentee ici. En tout etat de cause, l'article pourra peutetre contribuer a nourrir la reflexion sur les raisons complexes qui ont permis l'emergence d'un renouveau de l'interet pour le corps et plus precisement pour l'exercice (c'est le terme le plus usuel au cours de la periode), la gymnastique (sera davantage employe au XVIIIe siecle) ou le jeu.
II. La rupture de la Reforme?
Est-il utile de repeter, ici, que de nombreux auteurs tels Michel Foucault (1), Max Weber (2), Alexandre Koyre pour les sciences (3), ou Norbert Elias (4), reperent une bascule radicale de << l'episteme >> au tournant du XVIe siecle. La plupart des auteurs la relient fortement, dans l'histoire des mentalites, a l'avenement de la Reforme (ou plutot de la Reformation), calviniste, lutherienne et anglicane, voire
a la Contre-reforme catholique, d'autres, a la Renaissance (5). Mais sans doute, faudrait-il se demander en amont a quoi est due la Reforme (6) et ce qu'elle est reellement--ce quia ete le lot de plusieurs articles de la Revue d'Histoire Moderne et Contemporaine (7) et d'un grand nombre, bien sur, egalement de la Bibliotheque d'Humanisme et Renaissance--pour encore mieux comprendre les racines de cette modification importante des mentalites, generalement dans la bourgeoisie et quelque fois dans l'aristocratie, puis au sein du peuple. L'hypothese d'une lecture directe de la Bible grace a l'imprimerie (apres 1454, au plus tot), faisant fi de l'institution ecclesiastique et d'ailleurs plus ou moins reprouvee, par elle, lors du concile de Latran (1512-1517), n'est pas a negliger. La multiplication de la diffusion des livres savants (qui deviendront rapidement heretiques) qui en resulte non plus. Tout cela est tres bien connu des historiens du XVIe siecle. Bien entendu, ce changement touche de maniere tres differenciee le Nord et le Sud de l'Europe.
Mais, ces transformations, supprimant finalement l'intercession ecclesiastique entre l'Homme et Dieu et realisant un premier pas pour rapprocher l'Homme de lui-meme, ne se produisent pas seulement dans la sphere religieuse (macrocosmos). Des auteurs comme Olaf Manson Magnus (1490-1557) pour l'humanisme, Juan-Luis Vives (1492-1540), pour la pedagogie, proche d'Erasme de Rotterdam ou Thomas Elyot (1490-1546) egalement pour l'education et l'humanisme, pourraient etre evoques pour renforcer la reflexion sur cette question mais leurs ouvrages ne figurent pas dans le fonds ancien etudie. Cela n'est pas surprenant dans la mesure ou Montpellier est une ville meridionale qui puise ses ressources vers le Sud notamment vers l'Italie et l'Aragon. (8)
Pour ce qui concerne le corps (microcosmos), le De Humani Corporis Fabrica de Vesalius (9), en 1543, publie avec l'aide de Charles Quint et dans le contexte de la guerre entre la France (Francois Ier), l'Ecosse et l'Espagne et l'Angleterre, est l'expression et le temoin privilegie de cette bascule (sauf s'il s'agit d'un artefact de l'analyse historienne). Par la connaissance rationnelle, anatomique du corps (bien distincte de la dissection antique le plus souvent pratiquee sur des animaux) : Vesalius affirme, tres vite, que ces dissections sont pratiquees sur des porcs ou des singes et non des Hommes, cet auteur fait glisser l'image de la corporalite d'une structure << donne naturel >> (ou produite par Dieu rerum opifex naturae), a un instrument ou un objet possiblement construit par l'Homme ou du moins modifie, transforme par la main de l'Homme (specifiquement du medecin, bien sur : manus opera. L'oeuvre de la main dit Vesalius). On pourrait presque dire << manufacture >>, reprenant l'etymologie du terme. Ce qui a ete discute et demontre ailleurs (10).
Cependant, l'idee d'une autre transformation du corps est en germe dans de nombreux ouvrages de la meme periode--ce qui sera etudie plus loin--et un certain nombre d'elements bibliographiques peuvent en temoigner specifiquement : la modification du corps par l'exercice physique (exercitatio) et par la gymnastique. Le corps peut etre ainsi purifie par le mouvement et l'exercice.
En fin de compte, ce que le livre de Vesalius est a l'anatomie, le livre de Mercurialis (11) l'est a la gymnastique. Le De Arte Gymnastica est, bien sur et avant tout, une somme des livres anciens (d'Hippocrates a Galenus en passant par Avicenne et Averroes), mais il est aussi l'expression, sans doute la plus achevee, du regard porte sur le corps a l'age classique et specifiquement a la Renaissance.
Peut-etre est-ce la naissance de l'Humanisme qui joue un important role dans ce domaine. Probablement est-ce egalement la revalorisation de l'Antiquite grecque et romaine et la relecture dans les textes grecs d'auteurs comme
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Hippocrates ou Galenus. On pense, comme cela a ete precise plus haut, notamment a la theorie des humeurs et a celle des sept naturels (elements, temperaments, parties, humeur, esprits, facultes et action) et des six non-naturels (l'air respire, la matiere des aliments et de la boisson, le mouvement et le repos, le sommeil et la veille, ce que nous retenons dans notre corps, ce qui en sort, et enfin les affections de l'ame) attribues a Galien. Plus trivialement le reequilibrage de l'Education entre le corps et l'esprit est un element central dans cette promotion des gymnastiques. La predominance de l'ame sur le corps dans le dogme catholique joue de toute evidence un role decisif pour la construction des conceptions. La preoccupation concernant le corps est peut-etre plus presente chez les auteurs protestants que nous allons etudier que dans le dogme catholique de la periode, En meme temps on pourra voir dans ces textes que ce n'est pas dans De homine figuris (12) que nait la separation de l'ame et du corps.
Enfin, il n'est pas possible de nier que la rationalisation des techniques du corps, pour ce qui concerne l'activite laborieuse, imposee dans les manufactures royales en plein developpement, (13) trouve des analogies dans d'autres domaines (les rationalisations des corps dans les activites de gymnastique mais aussi d'escrime, d'equitation ...). Sur cette question les travaux en langue anglaise de Pamela Smith The body of Artisan: Art and experience in the scientific revolution (2004), permettent de mieux comprendre la question de la denomination du De Arte Gymnastica Mercurialis et le fond qui structure cette denomination.
Ceux de Sandra Carvallo Artisans of the body in Early Modern Italy. Identities, families and masculinity (2007) montrent comment a partir du XVIIe siecle des liens s'etablissent entre artisanat et chirurgie (les barbiers notamment) et conception artisanale du corps. En langue francaise Jacques Gleyse, des 1997, dans L'Instrumentalisation du corps, avait deja largement decrit ce lien entre les techniques, les conceptions artisanales et les representations du corps a la Renaissance pointant comment l'usage de la main (manus opera) chez Vesalius se situait entre une conception artisanale et manufacturiere du corps. Un recent seminaire de recherche publie par Rebekka von Mallinckrodt, dans le catalogue de la Bibliotheque de Wolfenbuttel : Korpertechniken in der fruhen neuziet (2008), en Allemagne a bien montre comment cette renaissance de l'interet pour le corps etait liee au contexte laborieux et langagier ainsi qu'au regain d'interet pour les theories antiques. Cette question cependant ne sera pas centrale dans le propos.
On verra plus loin que les ouvrages qui servent de base a cet article sont issus en grande partie du Fonds Ancien de la Bibliotheque de la Faculte de Medecine de Montpellier (l'une des plus ancienne en Occident). De nombreux ouvrages presents la ont ete recuperes par les armees de Napoleon Ier lors de la prise de Rome (notamment au Vatican).
Quelques ouvrages (arabes), tres rares, figurent dans ce fonds, mais ne seront pas etudies ici; ils constituent peut-etre les reliquats de la bibliotheque de la ville franche de Lunel, a vingt kilometres de Montpellier (14).
III. Les textes et la pratique. Quid?
Il faut immediatement souligner le fait que l'on ne sait presque rien d'une mise en oeuvre << reelle >> de ces pratiques de gymnastique au cours de la periode. Sans doute y a-t-il chez des auteurs comme Erasme de Rotterdam (15) ou chez Francois Rabelais (16), voire chez Michel Eyquem de Montaigne (17) le desir de donner une efficace a leurs discours, a la Cour ou chez les nobles, peut-etre meme dans la haute bourgeoisie, en plein essor. Mais, il est tres difficile d'obtenir les preuves d'une mise en oeuvre de la pratique.
On sait davantage, au cours de cette periode, que le Jeu de paume est bien le jeu royal par excellence en France. En effet, une lettre patente du 9 novembre 1527 est redigee par Francois premier qui autorise << le professionnalisme >> dans ce jeu. On sait aussi qu'Henri IV, le 23 mars 1594 disputa une partie de jeu de paume, le lendemain de son arrivee a Paris, a la Sphere. Cette partie publique fit beaucoup pour sa popularite dans la capitale. De nombreux terrains peuvent d'ailleurs etre repertories dans des chateaux royaux ou nobiliaires (18).
Bien sur, on ne peut pas oublier que Francois Rabelais promut egalement les jeux et les activites physiques, y compris la pratique de la paume qu'il conseille, par le truchement de Ponocrate, a Gargantua : lequel << gualantement s'exercoit le corps, comme il avoit son ame auparavant exercee >> (19).
Gabriel Compayre ecrit dans Histoire critique des doctrines de l'education en France depuis le XVIe siecle a ce sujet : << Equitation, lutte, natation, toute espece de jeux physiques, la gymnastique sous toutes ses formes, il n'est rien que Gargantua ne fasse pour degourdir ses membres et fortifier ses muscles. Il faut lire, dans le texte meme, la description etincelante de cette variete d'exercices. Le jeu des muscles et des membres, les mouvements du corps, c'etait pour une imagination comme celle de Rabelais, imagination sensible, volontiers eprise des formes materielles, une inepuisable mine a descriptions. Aussi, Rabelais s'en donne-t-il a coeur joie [...] Apres cette orgie de gymnastique, ou Rabelais, non sans exces, semble avoir voulu donner au corps une revanche sur l'ascetisme du Moyen Age [...] >> (20).
Le 17 septembre 1530, quatre ans avant la publication de Gargantua, Francois Rabelais s'inscrit a la faculte de medecine de Montpellier. Il y recut le titre de bachelier. Il donnait la des cours sur Hippocrate et Galien et connaissait donc les textes antiques concernant l'exercice. Il lisait bien sur le grec ancien (ses livres grecs lui sont confisques, a Paris, suite a la publication d'Erasme sur le texte grec des Evangiles, en 1523) (21).
Peut-etre avait-il pratique la paume dans la ville de Paris oU existaient de nombreuses salles mais peut-etre etait-ce a Montpellier oU existait une salle (il y a toujours aujourd'hui un << Boulevard du Jeu de Paume >>).
On sait aussi que depuis la fin du XVIe siecle, nombreux sont les nobles et les hauts bourgeois qui s'y adonnent. Erasme ecrit lui-meme quelques lignes sur le jeu en general et sur la Paume en particulier : << On dit que le caractere des enfants ne se decouvre nulle part aussi bien qu'au jeu >> (22). Mais il a peut-etre, lui aussi, decouvert la Paume lors de ses etudes a Paris a la Sorbonne, avec Calvin, notamment. Il n'en dit rien en tout cas (23).
En tout etat de cause, si au cours de la meme periode, dans le domaine medical, essentiellement, comme on va le voir, les livres fleurissent sur les gymnastiques et plus largement l'exercice physique nous ne pouvons trouver de preuve d'une veritable mise en oeuvre, a l'exception de la pratique de certains jeux de Cour.
Pourtant, la pratique des joutes tout au long du Moyen-Age ainsi que de l'entrainement aux armes pour la noblesse, notamment dans les Academies, laisse supposer que l'activite physique faisait partie des techniques du corps, valorisees au debut de la Renaissance, au minimum de techniques militaires de survie. L'equitation, les armes sont bien l'apanage des Academies. Il n'est pas impossible que, dans une sorte << d'euphemisation >> (24) des techniques, la gymnastique ait pu leur succeder a la Renaissance. Mais, encore une fois, nous ne pouvons avoir de certitude. S'il est, en effet, possible de retrouver les vestiges de nombre de jeux de paume (pila) et meme de jeux de ballons (globus) comme cela a ete dit plus haut, les salles de gymnastique ne semblent pas recensees dans l'inventaire des chateaux de cette periode, pas plus que dans les villes (alors que l'on a egalement la preuve de l'existence de nombreux bains turcs ou etuves, par exemple encore a Montpellier au cours de cette periode : aujourd'hui existe encore la Rue des Etuves).
On peut donc se demander finalement si ces textes sont prospectifs, cherchent a realiser la promotion de la Gymnastique, ou, au contraire, sont simplement des ouvrages d'erudition visant a rappeler les pratiques Antiques. Les sources ne permettent pas de trancher. On peut cependant penser, au regard du contenu des ouvrages, que la gymnastique etait avant tout utilisee au cours de la periode a des fins curatives et, moins frequemment, preventives ou prophylactiques. On peut penser qu'elle n'avait pas une reelle fonction de preparation a la guerre non plus. La gymnastique decrite est davantage celle que Platon, Hippocrate, ou Galien decrivent comme << gymnastique hygienique >>, c'est-a-dire a leurs yeux la seule qui soit une veritable education du corps et une veritable gymnastique en fin de compte.
IV. Le nouveau monde : celui de l'index librorum prohibitum?
Lorsque l'on songe a la fin du XVe siecle, l'image triviale et evidente qui surgit est celle de la decouverte d'un << Nouveau Monde >> ; mais, en fin de compte, peut-etre sont-ce davantage les ouvrages de Copernic ou de Vesalius voire dans le domaine religieux ceux de Calvin et Luther qui vont reellement formaliser un nouveau monde. Probablement etait-ce aussi reellement parce qu'un << nouveau monde >> possible avait ete decouvert, symbole de purete naturelle mais aussi d'obstacle sur la route des Indes que l'Occident chretien retourne son regard sur lui-meme (25). C'est peut-etre egalement en partie pour cela qu'il va tenter de purifier ses contreforts (la prise de Grenade, le decret d'Alhambra du 31 Mars 1492, l'exclusion des juifs : les marranes--la Limpieza de sangre--et des Arabes des villes occidentales).
Les autodafes lors de la prise de Grenade et surtout les autodafes de Seville, en 1559, detruisent la totalite ou presque des savoirs emmagasines entre 771 et 1492 en langue arabe. L' Espagne perd a ce moment pratiquement toute l'Histoire du Khalifat de Cordoba. Tres certainement, comme on le sait, de nombreux livres grecs et arabes sont irremediablement detruits.
On peut faire l'hypothese que c'est peut-etre l'une des raisons pour lesquelles, les medecins et juristes occidentaux, notamment protestants, dans le sud de l'Europe, tenteront de preserver--contre l'institution ecclesiastique--le savoir des medecins grecs (leurs livres sont souvent interdits et saisis ainsi que leurs commentaires, le grec est, plus ou moins, percu comme heretique a la suite du commentaire d'Erasme du manuscrit grec de la Bible), Arabes (26) ou Juifs tels ceux de Moise Maimonide (contemporains de ceux d'Averroes), dans des ouvrages en latin ou meme en langue vulgaire. Les marranes seront nombreux a se refugier dans le Sud de la France et une communaute importante existera, comme on l'a deja dit, bien avant le decret d'Alhambra, pres de Lunel (Posquieres), a Lunel et Montpellier.
Un autre element peut plaider en faveur de cette hypothese, c'est bien sur la mise a l'index par les conciles successifs d'un certain nombre d'ouvrages touchant au corps (pas tous, puisque par exemple celui de Vesalius ne sera pas interdit). L'Index librorum prohibitorum--aussi appele Index expurgatorius, Index librorum prohibitorum juxta exemplar romanum jussu sanctissimi domini nostri--est une liste d'ouvrages que les catholiques romains n'etaient pas autorises a lire, des << livres pernicieux >>, accompagnee des regles de l'Eglise au sujet des livres. Le but de cette liste etait d'empecher la lecture de livres contredisants ou critiquant l'Eglise et d'eviter ainsi que les fideles ne se detournent de leur foi.
Le premier Index fut publie par la Faculte de Theologie de Paris en 1544 (y figurent Erasme bien sur, Calvin, Luther, Dole et, concernant l'exercice physique, les deux ouvrages de Rabelais : Pantagruel et Gargantua, mais aussi Aristote, ainsi que tous les ouvrages sur le Deuteronome et frequemment aussi sur le Rire--diabolique--, ou les catechismes en langue vulgaire). L'index romain est publie par le pape Paul IV en 1559, a la demande de l'Inquisition, et confirme le 24 Mars 1564. La Congregation de l'Index fut instituee en 1571. Les autodafes de Seville coincident exactement avec la fabrication du premier index romain. On doit cependant dire que cette mise a l'index ne s'appliquera avec fermete que dans le sud de l'Europe et dans les pays catholiques, bien plus faiblement dans le nord (ce qui explique aussi les publications a Amsterdam par exemple de nombreux ouvrages interdits).
Les medecins et les lettres, de l'Europe du Sud (et sans doute pas seulement, on pense aussi a des imprimeurs comme Robert Estienne, 1520-1559), avant la promulgation de l'Edit de Nantes, generalement protestants (27) (parfois juifs) voyant la perte de ce savoir ont pu tenter en s'appuyant sur l'imprimerie de le preserver en le publiant en langue vulgaire ou meme, parfois, en latin, moins reprouve que le grec. On notera, bien sur, que la plupart des ouvrages arabes et grecs tout comme ceux d'Erasme, de Montaigne, de Rabelais figurent a l'index librorum prohibitum romain ou parisien.
Evidemment, il s'agit la d'une hypothese un peu hardie qu'il faudrait etayer bien davantage mais qui pourrait permettre de comprendre en quoi cette production relativement massive peut avoir des sources en definitive assez materialistes. Par ailleurs, peut-etre y a-t-il chez certains auteurs face a cet index une volonte de provoquer et de transgresser. On le verra plus loin.
L'interet pour la gymnastique peut-etre aussi une facon de recuser le dogme religieux validant le primat de l'ame sur le corps. Enfin, le fait que cette periode soit celle de l'Age classique, en peinture, montre le regain d'interet pour la periode grecque (on traduit aussi les bibles grecques), pour sa statuaire et ses mythes, mais aussi pour les representations du corps qui en sont issues. Par ailleurs on ne peut pas, bien sur, ignorer le fait que l'imprimerie en plein essor favorise au debut de ce siecle la vulgarisation de bon nombre de connaissances. Cela pourtant n'explique pas pourquoi la production disparait pratiquement ou du moins se ralentit tres fortement, au tournant du XVIIe siecle, dans le domaine precis des exercices du corps.
V. Preserver et classer davantage que pratiquer?
L'un des tout premiers auteurs imprimes qui a tente de preserver et de rendre presentable ou de ranimer le savoir des medecins arabes et grecs pour ce qui concerne l'exercice physique est loannes Valverdus Hispanus (Jean Valverde d'Amusco, 1525-1588). Juan Valverde de Amusco, ne dans un village (Amusco) du royaume de Leon et Castille, en Espagne, est un anatomiste forme a Padoue par Andre Vesale. Il est considere comme l'un des renovateurs de l'anatomie de la Renaissance. Il a etudie a Padoue avec Colombi. Il devint son assistant a l'Universite de Pise. Il fut le continuateur de l'oeuvre de Vesale mais il la critiqua aussi dans l'esprit de la science empirique du XVIe siecle. Il s'opposa a l'interdiction de la dissection de cadavres et de toutes les formes de prohibitions contre l'empirisme, notamment en Espagne. Il appuya d'autres renovateurs de l'anatomie comme Pierre Gimenez et Luis Collado. Son livre Histoire de la composition du corps humain signale quelques erreurs de Vesale.
Il fut l'un des premiers a montrer la circulation pulmonaire. Ses ouvrages ont la particularite d'etre publies en langue vulgaire et pas seulement en latin. (28).
L'ouvrage publie en 1552, chez l'imprimeur parisien Christophe Plantin (29), qui fut un imprimeur de renom a Paris, puis a Anvers dont la devise etait Labore e Constantia (par le travail et la perseverance) et dont les proximites discretes avec les Protestants sont bien connues, lui, est peut-etre une sauvegarde en langue latine des ouvrages grecs et arabes qu'il possedait dans sa bibliotheque et qu'il avait probablement reussi a sauver de l'Inquisition en Espagne, mais il est egalement possible qu'il ait pu consulter nombre d'ouvrages lors de ses sejours a Rome et a Pise, pres de Vesale et Colombi. En tout etat de cause, il ne reviendra jamais en Espagne et travaillera jusqu'a la fin de ses jours en Italie.
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Bien que Valverdus ait publie essentiellement des ouvrages d'anatomie, ici il tente de collectionner toutes les connaissances disponibles sur la sante et sur les sens mais aussi en filigrane sur le mouvement (motu) et l'exercice. Son ouvrage De Animis et corporis Sanitate tuenda, comporte une reproduction quasi exacte des savoirs galeniques et hippocratiques sur l'exercice, ni plus ni moins. Mais il se refere egalement a Aristote (l'Ethique de Nicomaque), Avicenne et a Averroes (30), pourtant deja interdits aussi bien en Espagne que par le concile de Latran, puis de Trente.
Peut-etre que la preservation de ce patrimoine antique et arabe est l'un des objectifs de Jerome de Monteux de Meribel (ou de Merybel), du Dauphine (1518-1559) qui fit ses etudes medicales a Montpellier (eut-il connaissance des ouvrages peut-etre encore conserves a Lunel?) et fut medecin, comme son pere Sebastien de Monteux, a Lyon. Il soigna Catherine de Medicis, lors de sa premiere grossesse, et resta attache au dauphin Francois, puis fut nomme medecin conseiller par Henri II. Praticien habile, c'est un hygieniste de bon sens (31). En 1559, lorsque cet auteur produit un ouvrage en langue vulgaire intitule: Commentaire de la conservation de la sante et de la prolongation de la vie contenant un important chapitre concernant : << De l'exercice et de l'oisivete et de leurs differences >>, sans doute s'inscrit-il dans la tradition medicale Antique (Hippocrate, Galien), Arabe (Avicenne, Averroes) et Juive mais aussi dans le contexte qui a ete mis en evidence plus haut (rationalisation du travail dans les manufactures, humanisme de la Renaissance, Reforme, interdiction ...).
Cependant, peut-etre une petite innovation se met-elle en place, dans cette reproduction de textes plus anciens : il s'agit de ce que Michel Foucault nomme la << taxinomia >>, c'est-a-dire la volonte de classer et qu'il considere comme les premiers moments d'une mise en forme scientifique. (32) Jerome de Monteux, en effet, tente de bien delimiter, dans un premier temps, ce qui est exercice et ce qui ne l'est pas:
<< Tous les mouvements ne sont pas exercice, mais seulement le mouvement volontaire et un peu vehement. Et la fin et termination de la vehemence est le changement d'alaine : de maniere que Galien tient ceux la en nombre des oisifs lesquelz pour tout exercice ont seulement en usage licts bralans et le promener >> (33).
Ici, Jerome de Monteux retrouve ce qui faisait l'une des specificites de Vesale quelques annees plus tot. Mais, si Vesale realisait cette taxinomia, pour le corps immobile, en latin (34), De Monteux de Merybel tente de le faire, en reprenant bien sur les textes anciens pour le corps en mouvement, mais en langue vulgaire. Ainsi, cherche-t-il a clarifier les effets en fonction du type de mouvement
<< Tous mouvements volontaires forts avec vehemence et vitesse sont propres aux nerfs, et aux muscles, combien qu'ils exercent aussi par accident les arteres, avec lesquelles les os, les veines, la chair, les ligaments et autres parties se mouvent en semble. Les mouvements de cause externe sont comme se faire porter a cheval, en chariot, en litieres, en bateaux et navires, et toute autre maniere que ce soit. Les differences d'exercice prinse au lieu et place oU il se font sont, comme s'exercer sous un couvert ou a decouvert, ou bien moitie l'un moitie l'autre : Item s'exercer en lieu chaud, ou froid, ou tempere : en lieu sec ou humide, ou moyen entre les deux >> (35).
La difference, pourtant, entre la production de De Monteux de Merybel et Valverde (du moins dans ses premieres versions) reside dans le fait que le langage est uniquement << vulgaire >>, mais, aussi et surtout, que le premier ne nous dit pas d'oU proviennent ces connaissances, si elles sont simplement le fait de l'observation oU s'il s'agit de paraphraser des auteurs grecs ou latins. De tres rares references, a Galien ou a Hippocrate, parcourent l'ouvrage, mais on ne peut pas trouver ici d'indications precises citant un ouvrage prohibe. Il est pourtant tres probable que c'est bien a ces ouvrages, sans doute en grec, que s'est nourri de Monteux, a l'Ecole de Montpellier ou a Lune136. Ici, il convient de rappeler que le texte de Galien fut publie dans une version incomplete en 1490 et dans une version integrale, mais en Grec, en 1525. Ce qui ne doit pas etre sans effet, sur la plupart des medecins, generalement hellenistes.
Les litanies distinctives, de De Monteux, tentent, en tout etat de cause, de parvenir a une exhaustivite qui, parfois, presente des classes tin peu baroques ou surprenantes aujourd'hui, car l'auteur distingue difficilement l'aspect biomecanique et l'aspect bioenergetique du mouvement et de l'exercice. Paribis, il se contente de classer en fonction simplement du visible. Il oscille, comme l'a fait Vesale, entre l'in vivo et l'in vitro. Voici, a titre d'illustration, les remarques concernant les pratiques de << combat >> :
<< Les differences de l'exercice sont prinses de leur cause efficiente, pourtant les mouvements procedent de tout le corps, ou des parties, ou quelque cause externe. Des mouvements procedans de tout le corps sont, comme les combats qui se font entre ceux qui sont armez, la luitte qui se fit a outrance, le combat que faisoient les anciens a coup de poing avec gros gands doubles, et generalement tous les mouvements qui se sont au jeu d'espee et de toutes autres. Tous jeux d'escrime, ont mouvements propres aux bras et mains, aussi ont les luttes qui se faisoient anciennement de l'extremite des mains et du bout des doigts, sans s'empoigner ny accrocher. Semblablement se lassent les bras et mains a getter le palet ou a porter conta'e poix aux mains comme boule de plomb que portoient les anciens pour mieux sauter. Pareillement celui qui se courbe et se redresse continuellement, s'exerce fort le rable et toute l'epine du dos. Idem la poitrine et les poumons sont exerces par fortes respirations. Le marcher, le courir et la danse exercent fort les jambes. La danse exprime par gestes et certaines mesure ce que l'on chante [...] >> (37).
On voit que nombre de references sont faites aux pratiques Antiques, que le medecin de Catherine de Medicis et le conseiller d'Henri II a du lire dans des ouvrages plus anciens, notamment des incunables et peut-etre meme des reproductions d'ouvrages grecs anterieures a l'imprimerie, ici ou la. La reference a la Ceste ou au Pancrace, est explicite. La theorie des humeurs, tout comme celle des << six non-naturels >>, d'Hippocrate ou de Galien, ne sont pas absentes de ces ecrits. Cependant, certains effets du mouvement sont soulignes qui renvoient davantage a une recherche des retentissements profonds et pourraient meme se situer dans une vision bioenergetique de l'exercice physique qui n'adviendra reellement au plan scientifique qu'au XIXe siecle apres la formulation des theories de la thermodynamique par Sadie Carnot :
<< Outreplus tout mouvement est calefactif, c'est a dire qu'on acquiert chaleur par mouvement quel qu'il soit. Et premierement qu'ainsi soit le mouvement local (qui est d'un lieu en l'autre) est calefactif, ou par ce qu'il amene la chose eschauffante, comme le mouvement du ciel qui amene les astres et planettes sur notre hemisphere, qui ont vertu de nous eschauffer [...] L'exercice et travail echauffe en ces dernieres manieres, non toutefois de Soy, comme aucun doctes l'ont estime : il refrigere aussi et desseiche par accident, quand il vient a resoudre et dissiper l'humidite et chaleur naturelle par la violence et exces >>38.
On voit, dans cet extrait, a la fois la reference a des << doctes >> (on suppose Galien, Hippocrate, Averroes ou Aristote et a la theorie des humeurs voire des six << non-naturels >>), mais aussi la critique de ceux-ci. La position de De Monteux, est donc bien identique a celle de Vesale qui, par certains aspects, valide les theses de Galien et par d'autres les refute radicalement, expliquant notamment que celui-ci n'a pas disseque des cadavres humains. De Monteux tente, lui, de realiser une synthese critique des positions antiques. On trouve, la, en la circonstance, les rares references explicites a Galien :
<< Galien suivant cette opinion [de Platon cite plus haut] dit ce labeur estre tresutile, qui non seulement exerce le corps mais qui peult aussi par mesme moyen delecter et rejouir l'esprei, principalement si c'est exercice qui puisse mouvoir egalement tout le corps, et qui puisse, aussi eslever en supreme vehemence, et s'abaisser en tres petit mouvement, ce qui se trouve au jeu de la petite paume : car en celui vous pouvez faire travail de telle force et violence comme vous voudrez : et au contraire tant lentement comme il vous plaira >> (39).
Il faut souligner l'interet porte, specifiquement, a la petite Paume dans ce fragment. On doit se souvenir que ce jeu est une veritable passion, pour nombre de contemporains de De Monteux et, notamment, pour la bourgeoisie protestante en plein essor. L'interet, pour l'exercice de type gymnastique ou ludique, se developpe tres probablement au cours de cette periode, mais, encore une fois, il est difficile de savoir si les textes correspondent a une pratique autre que guerriere ou de combat ou qu'au jeu de Paume. Cela est certainement pertinent pour la bourgeoisie intellectuelle des villes.
De Monteux analyse, par ailleurs, en medecin, les effets hygieniques de l'exercice:
<< L'exercice apporte trois singulieres comnoditez a notre corps. Car premierement par celle attrition et frottement d'une partie contre l'autre il rend les membres plus durs, plus forts et robustes : il augmente la chaleur naturelle, et esveille avec grand'emotion tous les esprits. Par la durete et force des membres, il en sont plus patiens au labeur et au travail, en font mieux leur office. [...] De l'augmentation de la chaleur naturelle, il s'en suit meilleure nourriture, avec une fusion ou relaxement de chacune partie au moyen de laquelle des parties solides se ramollissent, l'humeur grosse s'attenue, et les pores se rarefient davantage, et se font plus laxes et ouverts. Et par la forte et subite emotion des esprits, les dits pores et autres conduits sont necessairement purgez et par iceux les exrements expulsez, et le tout sans colliquation ni dissolution de la partie carneuse, et sans attenuation des parties solides : lesquelles incommoditez, succedent volontiers a la diete, et aux medecines laxatives. Parquoy s'il est besoing de colliger les differences de l'exercice par ses commoditez, vous en trouverez deux principales l'une ser d'amoindrir et diminuer les exrements, et l'autre a la bonne habitude et disposition du corps >> (40).
Preservation du passe, proselytisme, propagande ou analyse des pratiques, il est impossible de dire quel est le statut de ce texte. Tout ce qu'il est possible d'affirmer, c'est que durant la Renaissance les pratiques ludiques sont multiples au cours de differentes fetes religieuses (41) ou profanes. Il est aussi evident que la bourgeoisie urbaine est attiree par ces exercices ainsi que par le besoin de se distinguer (42), par ces formes d'exercice, differentes de celles pratiquees par la noblesse (essentiellement les armes et l'equitation) et des jeux paysans pratiques par le peuple. L'interet, pour l'activite laborieuse de cette classe specifique, peut aussi expliquer la rationalisation de l'exercice et du corps ou, du moins, ses premieres tentatives sur des bases antiques voire simplement mecaniques.
VI. Mercurialis eneyelopediste ou eollectionneur de l'exercice
Bien entendu, l'auteur dont le nom est le plus connu et le plus vulgarise, au cours de cette periode est JerOme Mercurialis (30/09/1530, Forli, 13/11/1606, Bologne). C'est la raison pour laquelle on s'y attardera moins.
Mercurialis fit ses etudes de medecine et de philosophie a Padoue, comme la plupart des auteurs precedents, il parle tres probablement, en plus des deux langues classiques, l'Hebreux et l'Arabe. En 1552, il revient a Forli ou il exerce sa profession de medecin. Il fut le protege du Cardinal Farnese, neveu de Paul III, grand meeene des arts et des sciences qui l'invita chez lui pour y poursuivre ses etudes dans de bonnes conditions. Il accompagna Alexandre Farnese dans ses deplacements et l'on sait qu'entre 1562 et 1569, il achete en Sicile des codex grecs tres precieux (on ne sait pas lesquels mais on peut penser a des textes de Galien, Hippocrate ou d'autres encore), c'est certainement ces documents et ceux issus de la bibliotheque du Cardinal qui serviront de base a son texte.
Le 31 octobre 1569, il devient enfin professeur de medecine a Padoue. Il ira alors soigner Maximilien II a Vienne et le guerira, ce qui lui vaudra un pont d'or. Il termine sa carriere a l'Universite de Pise et prend sa retraite a Forli. Il y diagnostiquera les propres causes de sa mort (des calculs renaux) que l'on pourra constater par autopsie post mortem.
Il convient toutefois de souligner que son texte, dont la premiere edition est publiee en 1569, contrairement a celui de De Monteux, n'est pas en langue vulgaire et donc s'adresse davantage aux intellectuels lettres et aux medecins qu'a l'ensemble de la bourgeoisie urbaine. Peut-etre, en ce sens, est-il davantage un recueil eclaire de la periode antique? Peut-etre cherche-t-il encore davantage, a preserver ou simplement a ranimer les precieux documents du passe trouves en Sicile ou dans la Bibliotheque Farnese?
De fait, ne dans une periode de profonds bouleversements (Concile de Trente et Traite de Cateau-Cambresis), il est de plain-pied, comme l'auteur precedent, dans le monde de Vesale, de Copernic ou de Titien pour l'art pictural, et de la Reforme c'est-a-dire le monde des remises en cause des dogmes religieux et meme d'une remise en cause de la representation du monde au sens large.
Les anciens, d'Hippocrate a Avicenne en passant par Homere, Herodote, Aristote, Lucrece, Pline, Tertulien ou Seneque (Mercurialis cite plus de 120 references), ne sont pas tant la pour le type de connaissance precise, scientifique qu'ils ont apporte, que pour servir de base a une taxonomie la plus exhaustive possible, d'exercices supposes hygieniques et curatifs. Mais, il est necessaire de souligner que nombre d'auteurs cites dans ce texte, explicitement, font partie de l'Index Librorum Prohibitum. Les citer est donc, la encore, sans doute une maniere de les sauver et de preserver le passe mais aussi transgresser un interdit. Sans doute, pourtant, n'est-ce pas la seule volonte de Mercurialis. Il serait d'ailleurs assez surprenant qu'il cherche a choquer, en utilisant des ecrits a l'index, le Cardinal Farnese43 qui l'a parraine et aide dans ses recherches. Son desir est plus medical et hygieniste, car il cherche, avant tout, les meilleures recettes pour l'entretien du corps.
Mercurialis elimine donc, sans scrupule, des contenus d'une gymnastique hygienique tous les exercices dits athletiques (qui n'avaient pour but que l'acquisition d'une force exceptionnelle : finalement ce qui correspondrait aux champions actuels et au sport moderne) mais, aussi, les exercices militaires qui ne peuvent veritablement trouver d'application que dans le domaine qui leur est propre. En cela, il se distingue de la noblesse d'armes et peut-etre meme de Cour.
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Les livres IV a VI du De Arte Gymnastica evoquent donc, avant toute chose, les exercices les mieux adaptes a l'entretien ou a l'amelioration de la sante. La gymnastique, dans cette perspective, devient, par voie de consequence, une sorte de medicament, de panacee universelle, pour bien portants ou pour convalescents. Et c'est sans doute cela qui fait de Mercurialis un homme de son temps. Il ne se contente plus de voir Dieu rappeler les Hommes a lui quand il le desire, mais il veut, en quelque sorte, transformer le plan divin en agissant sur l'homme de maniere preventive.
<< L'exercice est le mouvement energetique volontaire du corps humain avec alteration de l'haleine. Il est favorable a la conservation de la sante et est une bonne habitude au regard de ses bons effets >> (44)
On voit que la facon de distinguer l'exercice, de ce qui n'en est pas, est tres proche de celle fournie par De Monteux, au tout debut de son chapitre sur le sujet.
Les premiers chapitres du Arte Gymnastica, quant a eux, forment une collection exhaustive des exercices s'inscrivant dans la meme demarche que celle de Vesale ou de l'esprit << manufacturier >> (45) Denombrer, collectionner, recueillir, permet de mieux connaitre. Connaitre permet de fabriquer autrement que la seule nature ou Dieu le veulent. Connaitre, permet a l'Homme de se fabriquer, de sa propre main (ou par sa propre pratique). Voici l'oeuvre de Mercurialis resumee en quelques mots.
Un dernier point doit encore etre explicite. De Arte Gymnastica signifie bien << a propos de l'art de la gymnastique >>, mais Arte ne veut pas seulement dire art au sens d'artistique mais surtout art au sens d'artisan. Arte peut donc etre renvoye, dans ce cas, a une fabrication concrete du corps tout comme Fabrica, dans le De Humani corporis fabrica de Vesale (qui peut signifier << a propos de cet objet fabrique qu'est le corps humain >>). Ici, il faut noter que ces deux ouvrages se situent dans le temps des << manufactures >> et sont peut-etre impregnes de cet esprit laborieux. La rationalisation des gestes se retrouve autant, finalement, dans la << techne >> que dans la << poiesis >>.
La gymnastique est, en tout etat de cause, decrite comme l'un des piliers de la science medicale, tout comme dans le Commentaire de De Monteux:
<< La gymnastique qui a pour but cela et qui fait partie de la science medicale a comme idee premiere que l'homme avec l'aide d'un exercice regulier acquerra la sante et la conservera formant ainsi une constitution robuste >> (46).
Il serait trop long d'evoquer la totalite des apports de cette somme qu'est le De Arte gymnastica puisqu'il tente de classifier et d'expliquer les effets de tous les exercices pratiques, aussi bien dans l'Antiquite que dans son temps. Sont ainsi evoques tour a tour : les jeux de grosse balle (Globus), les jeux de petite balle (Pilae), la lutte (qui inclut pugilat, pancrace et ceste : depugilatu etpancratio et cestibus), la course, les sauts, les porter, l'halterophilie et les jeux de force, (De disco et halteribus), les lancers, dont le lancer de disque, les grimpers et les equilibres (funambulum) et plus loin encore dans l'ouvrage la natation. D'autres pratiques, considerees dans l'Antiquite comme exercices, sont egalement decrites : les cris et le rire (de vociferatione et de risu), les mouvements passifs (oscillae par exemple), tels que balancoire, porte en litiere ou chaise a porteur, des exercices decrits comme semi-passifs, tels la navigation ou l'equitation. On trouve, meme comme exercice bien sur, la chasse (de veneria). La << collection >> ne saurait etre plus exhaustive que dans ce << cabinet de curiosite >> qu'est le De Arte.
Notons, tout a fait accessoirement, au debotte, que de risu : a propos du rire, renvoie notamment a Aristote et que justement la Poetique d'Aristote est l'un des ouvrages interdits (en raison du passage sur la Comedie, selon les periodes) et, au minimum, vivement recuse par l'institution ecclesiastique romaine, tout comme le rire est largement considere, notamment par l'Inquisition, comme l'expression du diable, du demon. Traiter du rire, comme d'un exercice physique favorable, est donc plus ou moins risque en cette periode.
VII. A la maniere du cabinet de curiosites : sauver ou transgresser?
La mode des cabinets de curiosite ou plutot l'interet pour les secrets de la nature au Moyen-Age et a la Renaissance a deja ete etudiee par William Eamon dans Science and the Secrets of Nature: Books of Secrets in Medieval and Early Modern Culture en 1996. Ce travail montrait comment la maitrise de la nature, que l'on retrouvera tres clairement formulee presque un siecle plus tard chez Descartes ou Bacon, etait deja presente dans la mode des cabinets de curiosite. C'est egalement une explication possible pour les ouvrages de Guillaume Du Choul (1496-1560) (47).
C'est bien a la maniere d'un cabinet de curiosite, que cet auteur va presenter son ouvrage, paru a Lyon, chez Guillaume Roville, deux ans avant celui de Mercurialis, intitule en langue vulgaire : Discours de la religion des anciens Romains : de la castremation et discipline militaire d'iceux ; des bains et antiques excitations Grecques et romaines (1567, la premiere edition date de 1556).
Apres avoir etudie le droit a l'Universite de Valence, Du Choul fut pourvu de l'office de Bailli des Montagnes du Dauphine, par lettres du 11 avril 1522. Il fut encore nomme maitre des requetes ordinaires du dauphin, le 25 octobre 1523. Il est Conseiller du roi de France, Henri II. Les recherches biographiques, sur cet auteur, en font un lettre collectionneur. Il aurait notamment, conserve dans son cabinet de curiosite des centaines de medailles et pieces de monnaies qui servent d'illustration a un certain nombre de ses ouvrages. En tout etat de cause, il a publie un premier ouvrage a Turin, qui n'evoque pas du tout la gymnastique, puis il publiera progressivement ses ouvrages sur la discipline militaire, la religion et les bains (48). On les trouve ici lies, pour fournir un seul texte. On peut egalement affirmer que sa bibliotheque d'Antiquite devait etre tres consequente (a moins qu'il ne s'agisse que deuxiemes mains). Le nombre des auteurs antiques, cites dans son ouvrage, est en effet a peu pres aussi consequent que celui de Mercurialis. Mais, on notera, la encore, que la reference a des auteurs interdits et a des ouvrages grecs ou rediges en langue grecque y est frequente. Une fois de plus, Galien et Hippocrate sont les principaux auteurs cites.
Une difference notable est a signaler par rapport au De Arte Gymnastiea c'est, bien sur, que le chapitre sur la gymnastique ne constitue qu'une partie de l'ouvrage mais, surtout, qu'il ne donne pas autant de descriptions des effets des mouvements que le faisait Mercurialis ou meme De Monteux. Cela est logique si l'on pense que Du Choul ne cherche pas a produire un ouvrage de medecine mais un ouvrage de << curiosites >> romaines et grecques, ll cherche non pas a guerir mais a rehabiliter la culture Antique, comme le font les peintres italiens ou d'autres auteurs dans le domaine mathematique ou physique.
Pourtant, Du Choul s'inscrit, lui aussi, dans cette logique d'une culture << bourgeoise >> plus que nobiliaire ou aristocratique. Il se situe egalement, peutetre, dans la logique de << l'ethique protestante >> (il est tres probablement partisan de la reforme) visant a rehabiliter ou du moins a valoriser l'activite laborieuse, quelle qu'elle soit, face a l'oisivete :
<< Il ne se trouve chose, qui tant entretienne la bonne sante que l'exercitation [...] le labeur trop grand est mauvais. Par quoy suffit a plusieurs personnes le pounnener, aller doucement a pie depuis la ville jusqu'aux champs. Il ne se trouve chose, qui tant rende hebete le corps que la paresse [...] le labeur rend la longue jeunesse [...] il est necessaire de reposer quelque fois mais le plus souvent s'exerciter >> (49).
On voit que ce n'est pas seulement le passe que Du Choul rehabilite mais qu'il utilise cette << tradition >> pour valoriser la position laborieuse (de la bourgeoisie urbaine finalement). En fait, il souhaite peut-etre, egalement ainsi, sauver de la perte des documents antiques pour la plupart interdits de diffusion et de publication dans l'Europe catholique du Sud. Il est necessaire de dire que cette lutte contre l'oisivete sera le lot de tout le siecle des Lumieres en France. Ce sera meme l'un des leitmotiv de la Revolution francaise : a la noblesse oisive s'opposera la bourgeoisie et le peuple << travailleurs >>. La noblesse sera stigmatisee pour cela et ridiculisee pour son oisivete, dans de nombreux pamphlets de la periode.
L'ouvrage, quoi qu'il en soit, probablement grace aux collections realisees par Du Choul, est magnifiquement illustre. On y voit de nombreuses monnaies et medailles ainsi que des reproductions de thermes et autres lieux de bains et activite physiques.
Petrus Faber, nom latinise de Pierre du Faut de Saint Jory (1540-1600), est egalement un juriste qui s'est beaucoup interesse a Pindare mais aussi aux jeux et, specifiquement, aux Jeux Olympiques grecs. Lui aussi touche, ici, a des objets sulfureux (les jeux grecs). Il est protestant (son nom fait partie de l'histoire du protestantisme en France). Il etudia d'abord le droit a Bourges, et quand ses etudes furent terminees, il revint dans sa ville natale, ou il fut nomme conseiller, puis maitre des requetes. Pendant les troubles de la Ligue, il se retira a Castelsarrasin mais, apres l'edit de Folambray et la soumission de Mayenne, qui mit fin aux dissensions civiles, il fut ramene en triomphe a Toulouse et fut nomme par Henri IV premier president (50). Probablement connaissait-il personnellement le roi (et donc peut-etre le jeu de Paume) dont il est le conseiller, comme indique sur l'ouvrage qu'il publie en 1592. Le titre de l'ouvrage, en latin, est (donc davantage a l'adresse des lettres que celui de De Monteux ou de Du Choul) : Agonisticon. Sive de Re Athletica ludisque, verterum gv'mnicis, musicis, at que circensibus Spicilegiorum tractatus (51). On peut le traduire librement par : Traite de recueil des Jeux c'est-a-dire des jeux athletiques et des antiques gymnastes et musiciens ainsi que du cirque.
L'ouvrage est plus volumineux que celui de Mercurialis. Son titre, notamment le mot spicilegiorum (glanage, recolte), genre usite au cours de la periode, en fait egalement une sorte de cabinet de curiosite. Il est probablement aussi plus complet que le texte de Mercurialis, car il fait place aux Jeux Olympiques, aux Jeux du cirque, a l'athletisme. De fait, il ne cherche pas a decrire les exercices bons pour la sante, mais tous les exercices Antiques. Par ailleurs, il ne se contente pas de parler des pratiques, mais il decrit, egalement, de maniere detaillee des structures qui accueillent ces pratiques. Le livre II n'est finalement qu'un traite de la chose athletique chez les grecs et chez les romains, de maniere secondaire. Au contraire de Mercurialis, il ne donne que tres peu les effets hygieniques ou curatifs escomptes. Il se contente, mais encore une fois c'est logique dans la mesure ou il est juriste, de se referer a Pindare, Plutarque, Horace, Galien, bien sur, et Ciceron.
Son livre, paru en 1592, clot en quelque sorte la production massive du XVIe siecle dans ce domaine. Mais, on doit encore souligner le fait que Pierre du Faur est protestant, qu'il peut sans doute etre considere comme un humaniste de la Renaissance ou du moins de l'Age Classique.
Les deux derniers auteurs cites s'interessent cependant, a des choses plus ou moins licites (ici les Jeux Grecs). Il n'est pas possible de dire s'ils cherchent a promouvoir une pratique distinctive reelle. Ils semblent, bien plus, vouloir informer leurs contemporains sur le passe en rehabilitant l'Antiquite grecque et romaine, peut-etre en rehabilitant un savoir perdu ou qui aurait pu l'etre. Pour le dernier, probablement y a-t-il egalement volonte de se situer en conflit avec l'ordre etabli (catholique) dans la mesure ou il est un fervent protestant.
IX. Le rire et la gymnastique
Laurent Joubert, eleve de Guillaume Rondelet (1507-1566), fut chancelier de la Faculte de medecine de Montpellier. Il est ne a Valence le 16 decembre 1529. Il est possible qu'il ait commence des etudes, a la faculte de medecine de cette ville. En tout cas, il se fit immatriculer a l'Universite de Medecine de Montpellier le ler mars 1550. Bachelier le 27 fevrier 1552, il fit alors un stage de pratique a Aubenas et a Montbrizon puis il frequenta en Italie les facultes de Padoue, de Ferrare et de Bologne ainsi que la ville de Turin (comme Du Choul et a peu pres au meme moment). Revenu a Montpellier, il fut recu docteur le 5 juillet 1558. Il remplaca aussitot le professeur Honore Castelan dans ses cours universitaires, avec un succes retentissant si bien qu'a la mort de Rondelet (Rondibilis pour Rabelais), en 1566, les etudiants firent une petition pour qu'il soit nomme a sa place. Son succes en clientele fut aussi grand.
On l'appelait de toute part. L'annee fit appel a lui ainsi que Marguerite de Valois, jeune epouse du roi de Navarre qui, lui aussi, fut de ses clients. Plus tard, il sera encore appele en consultation aupres de Louise de Savoie, epouse d'Henri III, atteinte de sterilite. Il sera, enfin, medecin ordinaire d'Henri II puis Henri III. Nomme chancelier de l'Universite de medecine au mois de decembre 1573 et jusqu'en 1582, il sut faire preuve de fermete dans ses nouvelles fonctions. Il est mort a Lombers dans le Tarn le 21 octobre 1583. Il avait, toute sa vie, professe la religion protestante (52).
L'oeuvre de Laurent Joubert est tres importante, tout autant que l'est le personnage comme on peut le constater. Mais son oeuvre est une sorte de contre-pied permanent a la religion catholique et au dogme ecclesiastique. En effet, l'essentiel de son travail consiste a commenter et a discuter Aristote et Theophraste, y compris en grec (son premier ouvrage) (53). Il ecrit aussi sur le dionysiaque, ce qui etait, bien sur, prohibe (54).
Il est decrit, dans plusieurs de ses biographies, comme provocateur et iconoclaste, voire comme beretique (54). Il a chez lui l'un des cabinets de curiosite les plus importants de la ville de Montpellier, cabinet decrit par plusieurs auteurs et dans plusieurs ouvrages (56). On comprend donc qu'il est curieux de tout et dans ce tout est inclus l'Antiquite, bien sur, mais aussi tout ce qui est interdit par la religion officielle.
Il recueille ainsi de tres nombreux temoignages de fausses croyances concernant les naissances autour de la ville de Montpellier et en publie un ouvrage (57). Mais l'ouvrage, qui sans conteste, est totalement iconoclaste, parait trois ans avant ses textes sur les gymnastiques et un an avant sa mort, il s'agit du Traite du ris, dont il convient de donner le titre complet : << contentant son essance, ses causes, et mervelheus effais, curieusemant recherches, raisonnes & observes ... Item, La cause morale du Ris de Democrite, expliquee & temognee par Hippocras. Plus, Un Dialogue sur la Cacographie Fransaise, avec des Annotacions sur l'orthographie de M. Joubert >>58.
La reference a Democrite et a Hippocrate est tout autant iconoclaste et transgressive que le fait de traiter, dans le detail, du rire pour le promouvoir (<< merveilleux effet >>). Les ouvrages anterieurs peuvent, egalement, etre concus ainsi. A moins qu'il ne s'agisse, encore une fois ici, de fabriquer un << cabinet de curiosite >>, ou de realiser une taxonomie exhaustive de pratiques humaines.
En tout etat de cause, dans son Operum Latinorum, parue a Frankfort en 1599 (2eme edition, Iere Edition 1582) chez Heredes Andrea Wecheli (Andre
Wechel), un important livre est consacre a : De gymnasiis et generibus exercitationum apud antiquas celebricum (De la gyrmlastique et de tous le genres d'exercices chez les auteurs antiques celebres). Les chapitres 1 a V y decrivent, dans le detail, les gymnases en Grece antique au travers des ecrits celebres (tous les auteurs deja vus). A partir du chapitre VI, l'auteur realise une << taxinomia >> quasi exhaustive des exercices physiques commencant par les exercices solitaires dans la palestre et s'achevant par la chasse et les frictions, en passant par la vociferation et la dispute, l'art du saut, le lancer, la << spheromachie >> (jeux de balle), l'hoplomachie ... bref, de plus d'une vingtaine d'activites physiques antiques. Le dernier chapitre (XXVII), lui, tente d'expliquer ce que l'on peut, en termes de sante, esperer d'un exercice quotidien (Quenam commoditas ex quotidianis exercitationibus expectatur). Il faut citel; ici, une phrase importante qui resume tout l'esprit de la Renaissance, mais aussi tout l'esprit, a l'autre sens du terme, de Joubert :
<< Lorsque ces formes d'entrainement superieures etaient proposees, les jeunes gens etaient habitues a supporter des efforts, et habiles a parer les coups, ils se tiraient egalement d'affaire, et ensuite ne se detournaient pas avec crainte des blessures. Assurement de tels entrainements rendaient ardentes les ames des jeunes gens de sorte qu'ils n'epargnaient pas leurs corps pour aller s'exposer au danger. En outre ils s'assuraient une condition physique plus saine et en tout devenaient robustes et endurants a l'effort. [...] les jeunes gens qui s'appuyaient sur les entrainements mentionnes precedemment, les uns par leur teint rouge, les autres par leur teint tbnce, etaient moderement colores sous l'effet du soleil, le visage tout a fait male, montraient beaucoup de vigueur, d'ardeur et de virilite, ni trop obeses, ni au contraire trop maigres et secs, d'un poids excessivement grand mais dotes d'un corps de juste proportions puisqu'ils eliminaient par leur sueur une masse abondante de viande molle aussi inutile que superflue. [...] En effet ce que font les hommes vannent le froment en l'agitant dans l'air, les gymnastes l'executent pour eux dans les corps en chassant par le souffle les bales et les epis vides, mais en mettant de c6te et en amoncelant le grain pur. En vertu de cela, necessairement de tels jeunes gens jouissaient d'une sante excellente et solide et perduraient aussi longtemps que possible dans les efforts >> (59).
La metaphore de ce texte a ete soulignee ailleurs,60 comme l'archetype << mecanique >> et laborieux de la periode, comme une sorte d'anamorphose dans le domaine des gymnastiques de l'esprit du temps. << Le grain de ble pur >>, compare a la corporeite, contient tout l'esprit des medecins de la Renaissance. Il s'agit, par les gymnastiques, de purifier un corps a l'image de l'homme protestant, laborieux, humaniste. Le grain, purifie de la bale et des epis, est le parangon de cette periode pour ce qui concerne les representations du corps.
Cela dit, on ne pourra pas repondre clairement au questionnement pose depuis le debut de ce texte. L'interet de Joubert pour les gymnastiques correspond-il a la logique du << cabinet de curiosites >> ? a la volonte de preserver des savoirs face a l'index librorum prohibitum ? a une vaste provocation adressee aux tenants de la religion officielle ? Dix ans apres le massacre de la Saint Barthelemy, a Paris, dans la nuit du 24 aout, si tel etait le cas, il s'agirait d'un acte de courage ou de provocation de la part de Laurent Joubert. Celui-ci semble ne pas en avoir manque, en transgressant les interdits de l'Index pratiquement depuis le debut de son oeuvre.
IX. L'un des premiers medecins pedagogues ?
Simon de Vallambert (1537-1565), a l'instar d'Erasme ou de Rabelais, voire de Michel de Montaigne, cherche a realiser l'education integrale--pourrait-on dire--des enfants. Il est le medecin de la Duchesse de Savoie et de Margueritte de France. Il sera egalement precepteur princier, ce qui est indique au tout debut de son ouvrage. Il s'etonne des pratiques de son temps et de l'attitude de ses confreres notamment, qui, tout a l'oppose des Anciens Grecs et Romains, ne se soucient pas assez de donner un bon traitement aux enfants en bas age :
<< Le mouvement, dit Galien, est a eviter, lequel est fort et violant, comme d'un charriot, d'un bateau, ou d'une littiere, et tout autre mouvement de semblable qualite, qui est trop fort pour l'enfant, qui est encore bien foible, de peur d'etonner ou faire tourner son cerveau, esmouvoir son sang et rompre son corps [ ... ] Sur quoy on donne a disputer aux Medecins, A savoir que ce qui se fait aujourd'huy en France et ailleurs, contre le conseil de Galien et d'Avicenne [...] >> (61).
La reference explicite, encore une fois, a Galien et a Avicenne laisse presager de l'espace dans lequel se situe l'auteur. Lui aussi est protestant. Lui aussi est proche d'Henri II puis de Charles IX. Lui aussi ne semble pas etre tres touche par les interdictions de l'Index, puisqu'il promeut la vision grecque et arabe, plus precisement, finalement, la vision medicale, de << l'elevage >>, << l'institution >> des enfants.
Son ouvrage, tres complet : De la maniere de nourrir et de gouverner les enfants de leur naissance ..., publie a Poitiers, en 1565, promeut l'exercice physique et surtout le mouvement pour les enfants. Des le premier age, c'est-a-dire de la naissance a l'age auquel on cesse d'allaiter les enfants, il s'interesse a : << l'exercice et recreation des sentimens corporels de l'enfant >> (62). A partir du deuxieme age, c'est-a-dire de la fin de l'allaitement au moment ou les enfants commencent a perdre leurs dents et ou l'on change habituellement les vetements, il dit qu'il convient de : << faire esbatre et prendre exercice a l'enfant >> (63). Mais c'est surtout a partir du 3eme age (c'est-a-dire du moment ou l'enfant perd ses dents au moment ou elles repoussent) qu'il se soucie de maniere plus detaille des pratiques systematiques d'exercice. Ainsi ecrit-il que :
<< Ce n'est assez d'exercer et recreer l'enfant par le frotement et mouvement de ses membres et de tout son corps : il est expediant pareillement l'accoustumer avec plaisir es operations et sentimens d'iceux, a fin que corne les parties sensitives sont rendues plus fortes et plus saines par exercice, aussi leurs actions soyent plus parfait et meilleurs par icelui >> (64).
Le but est, en effet, de souscrire, d'une part, au besoin suppose de mouvement de l'enfant (ce qui semble etre une decouverte et contredirait la position de Philippe Aries qui dit que l'on invente l'enfance plutot au XVIIe ou XVIIIe siecle) (65) et, d'autre part, de l'accoutumer a l'activite laborieuse. Afin de justifier cette position, c'est toujours Galien qui est appele a la rescousse :
<< Il est necessaire de le faire esbatre et prendre exercice car outre les commoditez qui en aviennent comme la fortification des membres, le nettoyement et purgation des mesmes superflitez, la conservation et entretenement de la sante, il semble que nature l'appete : et a la verite, il est aussi a congnoistre par cest eage, dit Galien quelle societe, il y ha de notre nature avec l'exercice et mouvement du corps : parce que quand on tiendrait les enfant en un lieu enclos et enfermez, on ne les Scaurait en garder qu'ils en courent et sautent et s'esgayent comme les veaux et les jeunes poulains : car chacun animal appete naturellement son propre et convenable exercice pour conserver sa sante >> (66).
La volonte de promouvoir l'exercice physique se retrouve donc, sous une deuxieme forme de discours, qui n'est plus adresse aux adultes, mais sous la forme d'une << pedagogisation >>, passant necessairement par l'enfance, processus largement present chez Erasme de Rotterdam et Francois Rabelais. Sans doute s'agitil d'une vision humaniste typique de cette periode ? Plus largement, par cet equilibre du corps et de l'esprit dans l'education, il est probablement question de redefinir la vision religieuse orthodoxe qui place l'ame avant le corps. Il est aussi peut-etre question de promouvoir, ainsi, l'autre forme de religiosite qui, bien que tres ascetique, stigmatise peut-etre moins la corporalite et le rapport a la vie dans ce monde, notamment par la promotion du travail : la religion reformee.
En tout etat de cause si les ouvrages precedents pouvaient etre consideres comme des << cabinets de curiosite >> et n'impliquaient pas necessairement un rehabilitation concrete de ces pratiques ici, dans la mesure ou Simon de Vallambert est egalement medecin et precepteur princier, il est possible que l'education qu'il promeut ait pu etre mise en oeuvre aupres d'enfants de la cour ou proches du roi. Il est pourtant etonnant de voir des valeurs comme l'exercice et le travail musculaire, relevant davantage de visions bourgeoises, trouver grace aux yeux de la noblesse de Cour.
On doit cependant noter que De Vallambert ne propose pas la pratique de la gymnastique antique pour les enfants mais plutot une sorte d'exercice naturel. La se retrouve l'une des ambiguites fortes du XVIe siecle pour ce qui concerne les representations du corps. Il est a la fois objet de la nature (ou de Dieu) et a la fois fabrication de la main de l'Homme.
A la suite de ces productions, au tournant du XVIe et du XVIIe siecle, la publication d'ouvrages sur l'exercice devient moins frequente, du moins dans le fonds ancien explore. De nombreuses hypotheses peuvent etre faites ici : diminution de l'influence et du rayonnement de la Faculte de medecine de Montpellier (on sait que les etudiants y sont moins nombreux) (67), nouveau changement du rapport au corps et a la religion (Montpellier est designee par l'Edit de Nantes--1598--comme une ville protestante), regard d'avantage tourne vers la botanique, l'herboristerie et la pharmacopee (en 1592 est cree le jardin des plantes). On peut aussi penser que la deuxieme guerre de religion, a partir du debut du XVIIe siecle, s'achevant par le siege de Montpellier mis en oeuvre par Louis XIII en 1622, n'a sans doute pas favorise le developpement culturel et economique de la ville.
X. Conclusion
L'article, realise ici avait pour but de mettre en relation un certain nombre d'elements contextuels et les contenus d'une reactivation de la gymnastique hygienique au XVIe siecle. On a vu que de nombreuses questions restent posees et que de nombreux elements d'analyse peuvent etre formules, sur la fonction de la rehabilitation des gymnastiques ainsi que sur la realite de leur pratique. Certainement que le discours n'a que peu de repercussion dans la pratique, a l'exception de celles des jeux et specifiquement de la Paume (peut-etre du jeu de Mail a Montpellier, specifiquement).
L'humanisme de la Renaissance est sans aucun doute un environnement favorable. L'Ethique protestante en est certainement un autre quoi qu'il faille le relativiser en fonction du protestantisme dont il est question (lutherianisme ou calvinisme) dans la mesure, par exemple, ou Calvin interdit toute activite physique a Geneve, alors que les catholiques peuvent s'ebattre le dimanche. La volonte de sauver un patrimoine qui risquait d'etre perdu n'est pas une hypothese a negliger (68). Celles de la taxinomia et du << cabinet de curiosites >> sont, probablement, tout autant pertinentes.
Le fait est que la rehabilitation des moeurs grecques, dans le domaine de la gymnastique, tout autant que du patrimoine hygienique des medecins arabes ou grecs, notamment : Avicenne, Averroes, Galien et Hippocrate, temoignent d'une reelle volonte des auteurs.
Mais, il y a plus. En effet, cette mise en forme, peut-etre bourgeoise, voire meme, manufacturiere des corps constitue, tres certainement, une premiere rupture avec les visions anterieures de l'Homme et du Monde (microsmus et macrocosmus). Au moins depuis Vesale, l'Homme s'est autorise a mettre sa main (manus opera : l'oeuvre de la main dit Vesale) en lieu et place de celle de l'Opifex, du grand artisan, ou de la nature artisane (Rerum Opifex Naturae) dans le corps humain pour le reparer ou pour le soigner. Vesale tentera d'ailleurs une telle << reparation >> chirurgicale apres l'accident d'Henri II de France, l'operant en s'appuyant sur ses connaissances anatomiques, mais il ne parviendra pas a changer le cours des choses, puisque le roi mourra.
Les gymnastiques ont aussi cette fonction : fabriquer un corps tel qu'on le desire (culturel) mais aussi conforme a la necessite naturelle. Ce processus peutetre qualifie << d'autopoiese >>. L'Homme (d'ailleurs au moins depuis homo sapiens sapiens, sans doute, si l'on en croit les travaux de l'anthropologue Andre Leroy-Gourhan (69)) est bien decide a se fabriquer, ou se re-fabriquer lui-meme par la culture au sens extensif. La mise en place d'une religion, sans intermediaire ecclesiastique avec Dieu, lui a peut-etre permis d'accentuer cette dynamique (voir Max Weber) en accroissant le souci du comportement terrestre, l'attention a la vie ici et maintenant.
C'est certainement de ce desir mais aussi d'une conjonction complexe de la collection, de la transgression et de la preservation que sont issues les oeuvres de De Valverde, De Monteux de Merybel, de Joubert, de Du Faur, de du Choul, de Mercurialis, de De Vallambert et de quelques autres. La rehabilitation par l'Art de l'Antiquite n'est, probablement, pas non plus a negliger.
La naissance d'une nouvelle science, la bio-mecanique, a la fin du XVIIe siecle (avec J.A. Borelli, De motu animalium), n'aurait pas ete possible si les medecins et juristes humanistes de la Renaissance n'avaient pas pose les bases d'une fabrication du corps humain a partir des preceptes des medecins Arabes et Antiques, a partir aussi de la theorie des humeurs et des six << non-naturels >>, dont fait partie J'exercice. En meme temps elle est. visiblement, une rupture radicale avec leurs visions.
(1) Michel Foucault, Les Mots et les choses, Paris, Gallimard, 1966.
(2) Max Weber, L'Ethique protestante et l'esprit du capitalisme, Paris, Plon, 1964.
(3) Alexandre Koyre, Du Monde clos a l'univers infini, Paris, Gallimard, 1973.
(4) Norbert Elias, La Civilisation des moeurs. Paris, Calmann-Levi, 1973 et Norbert Elias, La Dynamique de l'occident, Paris, Calmann-Levi, 1975, premiere edition des deux ouvrages 1969. These de 1939. On ne doit, bien sur, pas passer sous silence les theses opposees de Hans Peter Duerr, Nudite et Pudeur; Le mythe du processus de civilisation, Paris, Editions de la MSH, 1998.
(5) Voir a ce sujet le numero 49 de la Revue d'Histoire Moderne et Contemporaine : La Renaissance ou le sens du changement culturel, 2002 ; et particulierement, l'article de Jouanna Arlette, << La notion de Renaissance : reflexions sur un paradoxe historiographique >>, Revue d'Histoire Moderne et Contemporaine, 49, 2002, 5-16. ou dans ce meme numero Alazard Florence << Les tempos de l'histoire : a propos des arts dans l'Italie de la Renaissance, >> Revue d'Histoire Moderne et Contemporaine, 49, 2002, 17-37.
(6) De tres nombreux textes traitent plus ou moins de cette question de la reforme dans l'eglise catholique, par exemple : Paul Broutin, S. J., La reforme pastorale en France au XVIIe siecle. Paris, Desclee et Cie, 1956, vol. 1, p. 25-33; Louis Welter, La reforme ecclesiastique du diocese de Clermont au XVIIe siecle, Clermont-Ferrand, Memoires de l'Academie de Clermont, 2e serie, t. 45, 1956, p. 19-21; Jeanne Ferte, La vie religieuse dans les campagnes parisiennes. 1622-1695, Paris, Vrin, 1962, p. 184; Louis Perouas, Le diocese de La Rochelle de 1648 a 1724, Paris, S.E.V.P.E.N., 1964, p. 194-205; Robert Sauzet, Les visites pastorales dans le diocese de Chartres pendant la premiere moitie du XVIIe siecle. Rome, Edizioni di Storia e Litteratura, 1975, p. 115-92 et Contre-reforme et reforme catholique en Bas Languedoc. Le diocese de Nimes au XVIIe siecle, Bruxelles, Nauwelaerts, 1979, p. 79-141, 325-76, 500-01; Rene Taveneaux, Le catholicisme dans la France classique, Paris, SEDES, 1980, vol. 1, p. 137-44; Philip Hoffmann, Church and Community in the Diocese of Lyon, New Haven, Yale University Press, 1984, p. 3, 5, 44-52, 71-83, 98-101: Marc Venard, << La fonction catechetique des statuts synodaux >> dans R Colin ed., Aux origines du catechisme en France, Tournai, Desclee, 1989; Denis Richet, De la Reforme a la Revolution, Paris, Aubier, 1991, p. 83-95; numero special de la Revue d'histoire de l'Eglise de France (ci-apres RHEF), vol. 77, 1991, p. 7-230 : << Eglise et vie religieuse en France au debut de la Renaissance (14501530) >>.
(7) A titre d'exemple : Jean-Michael R. Hayden & Malcolm R. Greenshields Les Reformations catholiques en France : le temoignage des statuts synodaux, Revue d'Histoire Moderne et Contemporaine, 48, 1, 2001.
(8) On peut consulter concernant le premier : Images de femmes dans l'Historia de gentibus septentrionalibus d'Olaus Magnus (1555) dans : La transmission des savoirs au Moyen-Age et a la Renaissance. Volume 2, au XVIeme siecle. Besancon, 2005, Presses universitaires de Franche-Comte, collection Litteraires, p. 149-172. << Olaus in vinea >> : Nord et Sud dans l'Historia de gentibus septentrionalibus (1555) d'Olaus Magnus P.R.I.S.M.I., Esprit, lettre(s) et expression de la ContreReforme a l'aube d'un monde nouveau : actes du colloque international 27-28 novembre 2003, 6, pp. 63-81, Nancy, C.S.L.I. Guerra e pace nella Historia de gentibus septentrionalibus (1555) d'Olao Magno dans Guerra e pace nel pensiero del rinascimento : atti del XV Convegno internazionale (Chianciano- Pienza, 14-17 luglio 2003), Firenze, Franco Cesati, 2005, collection Quaderni della rassegna ; 41, p. 551-572.
(9) Andrei Vesalius, De Humani corporis fabrica, Basilae, apud J. Operimus, 1555, 1ere Edition 1543, in folio, (Fonds Ancien de la Faculte de Medecine de Montpellier, 34, Eb 87 dans fo).
(10) Jacques Gleyse, L'Instrumentalisation du corps, Paris, L'harmattan, 1997.
(11) Hieronimy Mercurialis, De arte Gymnastica, Venetiis, Apud lunta, 2eme ed. 1573 (1ere Ed. 1567), FA BFMM34, Eb 195, dans fo.
(12) Descartes Rene De homine figuris, Lugduni Batav., FA BFMM34, Eb 164, dans 40.
(13) Jacques Gleyse, << La Fabrication du corps? Le discours de l'Age classique sur le mouvement et l'exercice >>, STADION, International Journal of the History of Sport, no XXIII, 1997, p. 60-82; Andre Rauch, Le Souci du corps, Paris, PUF, 1983.
(14) Thomas Millerot, Histoire de la ville de Lunel, Nimes, (1981 Iere Ed.), 1993.
(15) Erasmus Rotterdami, De Civilitate morum puerilium, Christianus Wechelus, Fribourg, 1530 1ere Edition. FA FMM, 34, Eb. 34 dans 80.
(16) Francois Rabelais, Les grandes et inestimables croniques : du grant et enorme geant Gargantua : Contenant sa genealogie/ La grandeur & force de son corps. Aussi les merveillieux faictz darmes quil fist pour le roy Artus / comme verrez cy apres, Lyon, Jean Chantarel, 1534. FA FMM,34, Ee, 123, dans 12[degrees]. Cet auteur et ce livre seront mis a l'index en 1559.
(17) Michel de Montaigne Les Essais, Bordeaux, 1580, 1ere Edition, FA FDM, 34, Ee 88, dans 80.
(18) Collectif, Jeu de Paume, roi des jeux, dans La France pittoresque, 20, Octobre, Novembre, Decembre 2006, Paris. << L'Estoile raconte pour sa part que, apres l'entree d'Henri IV dans Paris, on retrouva le roi, des le lendemain, au jeu de la Sphere. C'etait le 15 septembre 1594 : << Il etait tout en chemise, encore etait-elle dechiree sur le dos, et il avait des chaussures grises, qu'on appelle a jambes de chien >>. << Le 27 octobre, le roi avait gagne quatre cents ecus a la paume. >> p. 28.
On peut egalement trouver de nombreuses archives au Tenniseum a Paris (Musee du Tennis et du Jeu de Paume, Rolang Garros, Paris). Voir egalement : Jean-Michel Mehl, Les Jeux au Royaume de France du XIIIe au debut du XVIe siecle, Fayard, Paris, 1990.
(19) Francois Rabelais, Gargantua, Lyon, 1534. Rabelais (Chapitre XXIII), fait jouer Gargantua a la paume : << Ce fait, yssoient hors, toujours conferant des propos de la lecture, et se deportaient en barcque ou es pre, et jouaient a la balle, a la paume, a la pile trigone, galentement s'exercant les corps comme ils avaient les ames auparavant exercees >>. p. 48.
(20) Gabriel Compayre, Histoire critiques des doctrines de l'education en France depuis le XVIe siecle, Paris, 1883, 4e edition, tome l, p. 45.
(21) Voir a ce sujet les excellents articles de l'encyclopedie en ligne Wikipedia sur Rabelais et Erasme. Voir aussi : Bibliotheque d'Humanisme et Renaissance, Geneve (CD Rom de tous le numeros).
(22) Cite par : Erika Rummel : Les << Colloques >> d'Erasme Renouveau spirituel et Reforme, Paris, 1998, p. 48.
(23) Leon E. Halkin, Erasme parmi nous, Paris, 1997.
(24) L'euphemisation est un neologisme qui veut dire : adoucissement, moindre violence, ce terme a ete invente par Georges Vigarello, Le Corps Redresse, Paris, L'harmattan, 1978, pour montrer le passage de la violence reelle a la violence symbolique, de la contrainte physique a la contrainte interiorisee.
(25) Jacques Attali : 1492, 1992, Paris, p. 235.
(26) Avicenne : Abri 'Al al-Husayn ibn 'Abd Allah ibn Sina, Averroes : Abu'l-Walid Muhammad ibn Rushd. En 1512, ses ouvrages sont interdits par le cinquieme concile de Latran.
(27) Henri Dubief, Jacques Poujol & Henri Vassaux : La France protestante : histoire et liette de memoire, Paris, 2005. Voir aussi : Jean-Pierre Willaime & Denis Cusenier : Histoire des religions. Tome L Le protestantisme, Paris ; Quentin Ludwig, Les religions. Catholicisme. orthodoxie, protestantisme, judaisme, kabbale, islam, bouddhismes, Paris, 2006.
(28) Dans Dictionna(re biographique general de la medecine, Paris, 1868, Tome 23 p. 431. La plupart de ses ouvrages figurent dans le Gordon, inventaire imprime du Fonds ancien de la Faculte de Medecine de Montpellier. Voir aussi, a ce sujet : Francisco Guerra, << Juan Valverde de Amusco >>. Clio Medica, 4, Novembre 1967, pp. 339-362 et Louis Choulant, History and bibliography of anatomic illustration. Trans. and annotated by Mortimer Frank, New York, Hafner, 1962, pp. 205-208. Juan Riera; Juan Valverde de Amusco e la medieina del renacimiento, Madrid, 1986.
(29) Voir a ce sujet l'encyclopedie en ligne Wikipedia ainsi que les documents du musee PlantinMoretus d'Anvers. Parmi les ouvrages contenus dans la bibliotheque du musee se trouvent deux bibles Gutenberg et le seul exemplaiJ'e connu de l'Index Librorum Prohibitum. Plantin est represente par Rubens avec tous les attributs d'un partisan de la refohne (aspect ascetique, vetement ...). [Il est egalement accuse, en 1562, d'avoir publie des livres heretiques, c'est l'une des raisons pour les-. quelles il part a Anvers.
(30) A titre d'exemple, sur le sens de la vue et la lumiere : <<4 Sed superest explicandum, quae qualitas sit. Pro quo nota ex Avicenna, 6 Naturalium 3 p, cap 2, 7 D Thoma, dans 2, d 13, a 3, et hic, lect 14, 5 quod lux et lumen non sunt idem, sed lux dicitur * qualitas lucens, prout est in principio illuminante, ut lux solis; lumen vero dicitur illa qualitas quae in medio recipitur; et haec eadem dicitur radius, inquantum per linem cnrvam vel rectam tendit usque ad oculum; et haec eadem qualitas solet dici splendor; et tunc * praecipue, quando huiusmodi lumen ex reflexione causatur ab aliquo * corpore terso. Ou plus loin : 8 His habitis, secunda conclusio sit: Lumen est qualitas habens proprium esse naturale et reale. Tenent, hic, communiter expositores: Alexander, Simplicius, Themistius, Philoponus et Averroes, Albertus, lib 22, tract 3, cap 10 et 11, Avicenna, supra, Scholastici, in 2, d 13, D * Bonaventura, Richardus, Durandus, q 2, Hervaeus, Quodl 7, q 18. Et rationes D Thomae sunt optimae.>> (Hispanus Ioannes Valverdus, De animi et corporis sanitate, Christophe Plantin, Lutecia 1552, p. 124).
(31) Henri de Terrebasse, La Vie et les livres" de Jerdme de Monteux medecin et conseiller des rois Henri II et Francois II, seigneur de Miribel et de la Rivoire en Dauphine, Brun, Lyon, 1889.
(32) Michel Foucault, Les Mots et les choses, Paris 1966.
(33) Jerome de Monteux de Merybel, Commentaire de la conservation de la sante et de la prolongation de la vie. Lyon 1559, p. 119 (FA FMM, 34, Ee, 31, dans 40)
(34) Vesale ecrit : << Du reste pour que mon ouvrage ne soit pas sans profit pour tous ceux a qui l'observation experimentale est refusee, j'ai developpe assez longuement les passages qui traitent du nombre, de la position, de chaque partie du corps humain, de sa forme, de sa substance, de sa connexion avec les autres organes, et de nombreux details que n'avons pas l'habitude de scruter lorsque nous dissequons ; j'ai insiste aussi sur la technique de dissection des corps morts et vivants ; enfin dans le texte j'ai insere des representations si fideles des divers organes qu'elles semblent placer un corps disseque devant les yeux de ceux qui etudient les oeuvres de la nature >> (Andre Vesalius, De humani corporis fabrica, J. Operimus, Basilae, 2eme Ed. 1555, p. 39 (1ere Ed. 1543), (FA FMM, 34, Eb 87, dans fo). Plus loin : << J'ai voulu traiter a fond, en me conformant strictement a la verite des choses, l'histoire naturelle de l'organisme humain, qui comprend, non pas dix ou douze (comme pourrait le croire un spectateur distrait) mais plus de mille parties diflerentes >> (op. cit., p. 47).
(35) De Monteux, p. 121.
(36) Charles Dulieu : La medecine a Montpellier, 7 tomes, Montpellier, 1975-1999. Ici Tome II, 1979.
(37) De Monteux, p. 120.
(38) De Monteux, p. 122.
(39) De Monteux, p. 123-24.
(40) De Monteux, p. 120.
(41) Collectif, Encyclopedie des sports, Paris, Larousse, 1924 et Philippe Daryl, EnTclopedie des sports, Paris, Larousse, 1892.
(42) Jacques Defrance, L'Excellence corporelle, Rennes, PUR et AFRAPS, 1987, Jacques Gleyse : L 'Instrumentalisation du corps, Paris, L'harmattan, 1997.
(43) Le Cardinal Alexandre Farnese grand protecteur des arts n'a pas toujours ete en tres bon termes avec le Pape, notamment a la suite d'un conflit concernant une succession. On doit tout de meme souligner qu'il tentera une conciliation entre Charles Quint et Francois ler qui n'aboutira pas, sur la demande du Pape. 11 faut aussi rappeler qu'il a habite episodiquement a Avignon (donc tout pres de Montpellier et davantage encore de Lunel) et par ailleurs qu'il a obtenu pendant quelques annees le diocese de Jaen en Andalousie, tout pres des lieux ou avaient vecu Avicenne et Averroes. Cela aurait pu peut-etre lui permettre d'acceder a certains manuscrits rares en langue arabe ou hebraiq ue.
(44) Exercitatio est motus corporis humani ventoses volontarius, cum anhelitu altero vel sanitaires tudesque, vel habitus boni comparandi gratias factus Hieronirnus Mercurialis, De arte Gymnastica, Venetiis 2eme ed., Apud Iunta,1573 (1ere Ed. 1569), Livre 2 chap. I, p. 44.
(45) Freccero Renata & Gleyse Jacques (2001) La Fabrica dei corpi, Levrotto & Bella, Torino.
(46) << medicina enim sanitem, atque morbum in corpore humano considerans, alterum expellere, alteram comparare. & conservare nititur, at gymnastica in eorpore sano bonum habitum generare, <<umque tamquam sanitatis vel partem, vel <<ausam conservantem retinere conatur >> Mercurialis, 1573, p. 13.
(47) Voir a ce sujet, pour toutes les indications biographiques, la these de Jean Guillemain : Recherche sur l 'antiquaire lyonnais Guillaume dz<< Choul, Ecole des Chartes, 2002 ainsi que : Richard, A. Cooper, << L'antiquaire Guillaume Du Choul et son cercle lyonnais >>, dans Lyon et I 'illustration de la langue francaise a la Renaissance, dir. Gerard Defaux, Lyon, ENS, 2003 (<< Langages >>), p. 261-86. Orth (Myra) Dickman, << Lyon et Rome a l'antique : les illustrations des Antiquites romaines de Guillaume Du Choul >>, dans Lyon et l 'illustration de la langue francaise a la Renaissance, dir. Gerard Defaux, Lyon, ENS, 2003 (<< Langages >>), p. 287-308.
(48) Guillaume Du Choul, Des antiquites ivmaines, Turin, 1547 ; Guillaume Du Choul, Discours sur la castrametation et discipline militaire des Romains, Lyon, G Roville, 1554 ; Guillaume Du Choul, Des bains et de la palestre, Turin, 1547 " Guillaume Du Choul, Des bains et antiques exer<<irations grecques et romaines, Lyon, G. Roville, 1553, (FA BFMM, 34, Fd, 198, dans 40) ; Guillaume Du Choul, Discours de la religion des anciens Romains, Lyon, 1556.
(49) Guillaume du Choul, Discours de la religion des anciens Romains ; de la castremation et discipline militaire d'iceux ; des bains et antiques excercitations Grecques et romaines, Lyon, G. Roviile, 1592, p. 153-154 (FA BFMM, 34, Fd, 198, dans 40).
(50) Des indications biographiques figurent sur le dictionnaire biographique mais aussi sur l'encyclopedie en ligne Wikipedia a son nom ainsi que dans l'histoire des protestants (site pedagogique de Toulouse). Il est reconnu comme l'une des personnes sollicitees, par le Roi, a Toulouse, pour faire appliquer l'Edit de Nantes. Voir aussi Emile Leonard, Histoire generale du protestantisme. Paris, 1964.
(51) Petri Frabri Agonisticon, De Re Athetica Ludisque, Veterum Gymnicis, musicis at que circencibus Spicilegiorum tractatus, tribus libris comprehensi, Lugduni (Lyon), 1592, 363 p. (FA FMM, 34, Eb 194, dans 40).
(52) voir Nicolas Belmont, << Corps savant et corps populaire dans l'oeuvre de Laurent Joubert, >> Erreurs populaires au fait de la medecine et regime de sante (1578) >> dans coll. :Le corps humain : Nature, Culture, Surnaturel. Congres international des societes savantes (CTHS), Paris, 1985, pp. 83-91 ; Dulieu, Louis, << Laurent Joubert, chancellier de Montpellier >>, Bibliotheque d'Humanisme et Renaissance, 31 (1969), 139-167.
(53) Laurent Joubert, Opera Latinorum, Lyon, 1571.
(54) Laurent Joubert, Opera Latinorum, Lyon, 1571.
(55) Dulieu, Louis, << Laurent Joubert, chancellier de Montpellier >>, Bibliotheque d'Humanisme et Renaissance, 31 (1969), 139-167.
(56) Pierre-Joseph Amoreux, Notice historique et bibliographique sur la vie et les ouvrages de M. Laurent Joubert, chancelier en l'Universite de medecine de Montpellier au XVIe siecle, Geneve, 1971.
(57) Laurent Joubert, Erreurs' populaires au .]'ait de la medecine et regime de sante, Bordeaux, 1579.
(58) Laurent Joubert, Traite du ris ..., Paris, 1579.
(59) Je traduit librement : Laurent Joubert, Operum latinorum Tome II : Liber unus De gymnasiis et generibus exereitationum apud antiquos celebricum, Franckfurti, Heredes Andrea Wacheli. 1582, T. 2, p. 219, (FA, FMM, 34), Eh 19, dans fo).
(60) Jacques Gleyse, L 'histrumentalisation du corps. Paris, L'harmattan, 1997, p. 104.
(61) Simon de Vallambert, De la maniere de nourrir et de gouverner les enfants de leur naissance ..., Poitiers, Marnfetz et Bouchetz freres, 1565, p. 35 (FA FMM,34, Ee 45, dans 40)
(62) Idem, p. 118.
(63) De Vallambert, p. 170.
(64) Idem, p. 182.
(65) Philippe Aries, L 'enfant et la vie familiale sous l'ancien regime, Paris, 1960.
(66) Idem, p. 171.
(67) Voir a ce sujet Louis Dulieu op. cit.
(68) On doit cependant noter qu'a notre connaissance (mais il n'a pas ete possible d'acceder a toutes les versions de l'index prohibitum) les textes etudies n'y figurent pas. Par contre, comme on le sait, ceux de Montaigne, d'Erasme, de Rabelais en sont partie integrante.
(69) Andre Leroy-Gourhan, L'Homme et la matiere, Paris, 1943.
Jacques Gleyse est un professeur des Universites en] Sciences et Techniques des Activites Physiques et Sportives (74eme section) a l'Institut Universitaire de Formation des Maitres de Montpellier, Universite de Montpellier II, Campus Averroes.