La solidarite tranquille. France's support to Poland during the Solidarnosc era/La solidarite tranquille. Comment la France a aide le peuple polonais pendant les annees Solidarnosc.
Mitrache, Marius
Le contexte politique de la France pendant la crise polonaise
En 1980 lorsque la crise polonaise commencait, la France se trouvait dans des negociations complexes avec l'URSS pour la construction d'un gazoduc, etant Deja sous fortes pressions de la part des Etats-Unis pour renoncer aux projets. La marge de manoeuvre de la France etait assez restrainte, mais Mitterrand voulait faire preuve de fermete. En septembre 1981 lors d'un sommet franco-britannique, il declarait (dans l'assentiment de Madame Thatcher) << tant que le Parti communiste tiendra bon, le danger d'intervention sovietique ne sera pas reel. Paradoxalement, c'est le degre de resistance du parti communiste a Solidarnosc qui, s'il est sufissant, pourra empecher l'invasion. (1) >> Quand le general Jaruzelski devient Premier secretaire du Parti communiste polonais, le president se demandait : << Un militaire au pouvoir : est-ce que l'annonce de l'arrivee des Russes ou l'ultime protection contre eux ? (2) >>
Claude Cheysson, ministre francais des Affaires Etrangeres, s'etait deplace en Pologne pour rencontrer les autorites gouvernamentales et Lech Walesa. Comme soutien aux autorites de Varsovie, le ministre francais promettait un reechalonement de la dette polonaise et un nouveau credit de 300 millions francs. Cheysson quittait la Pologne tres pessimiste, et dans sa place le Premier Ministre, Pierre Mauroy se preparait pour visiter ce pays, dont tout le monde ne cesse pas de parler. Mais cette visite prevue entre 16 et 19 decembre 1981 ne verra pas le jour, car les autorites polonaises voulaient la reporter sous le pretexte des travaux de la Diete. En realite, le 13 decembre l'etat de guerre est declare et Walesa arrete. Le lendemain, Mauroy affirmait : << la France n'est pas en mesure de mettre un terme aux rapport de force sanctionnes par les accords de Yalta, elle ne peut intervenir tant qu'il s'agit d'une action nationale sans intervention etrangere massive>> et lors d'une session du Conseil des Ministre, le 16 decembre, le plus proeminant ministre communiste, Georges Fiterman, affirme qu'il est << tout a fait solidaire de l'attitude du gouvernement. (3).>> De son cote Mitterrand soulignait : << Qu'attend-on de nous (les protestataires et l'opinion publique) ? Des mots ? Des vivres ? Des armes ? Pour les mots je suis preneur, pour les vivres je suis d'accord. Pour les armes, pas question. (4) >>
Cheysson, dans la presence de l'ambassadeur polonais declarait que << l'affaire polonaise doit etre traitee entre Polonais. (5) >> Le meme jour, apres avoir discuter avec le secretaire americain de la Defense, Caspar Weinberger, interroge par le poste de radio Europe 1 sur ce que la France 1 va faire, il repondait : << Naturellement, nous ne ferons rien. >> Plus tard il ajoutera qu'il voulait dire que de point de vue militairement la France ne fera rien. Mais sa reponse va provoquer un veritable tolle, une vague de protestation et accusations venues de la part de l'opinion publique, qui vont accuser le gouvernement de trahir le peuple polonais.
Mitterrand de son cote essaiera de faire preuve d'une attitude, certes concernee, mais temperee, et dans son discours de fin d'annee dira: << Il n'est pas de plus grande solidarite que celle qui nous unit au peuple de Pologne. Prouvons-le en refusant le systeme qui l'opprime et la domination qu'il engendre (6). >> En utilisant le terme systeme, il trouva un moyen general de faire reference au bloc communiste de l'est sans nommer directement l'influence de l'URSS sur ces pays.
Malgre leur prudence de naviguer a travers une situation si sensible et epineuse, le president et son gouvernement ne reussiront de satisfier l'opinion publique, surtout en ce qui concernait la question de l'aide economique et alimentaire a la Pologne. Se posait le demande, tres populaire dans la presse francaise, si cette aide ne devrait-elle etre interrompue, et remplacee par des sanctions, voire un embargo. Aux ces questions tant vehicules par les journaux hexagonaux, Mitterrand repondait : << Nous ne soutenons pas un regime, nous aidons des gens assaillis par la famine et la misere. Il n'y a pas lieu, jusqu'a nouvel ordre, de changer notre politique et de recourir a un blocus alimentaire. (7) >> Pour lui il ne faut pas faire confusion entre les dirigeants politiques polonais et le reste du peuple, qui se trouvait en souffrance. D'ailleurs avec un blocus alimentaire ou des sanctions economiques qui serait reellement puni ? Etait-il vraiment efficace et utile de prendre des telles mesures qui seront nuisible pour la population, d'autant plus que le pays se trouvait dans un Etat de guerre ? Evidemment le president francais jugeait que non, etant donne le fait que les prix auraient ete paye par les demunis. Sa volonte d'eviter un blocus etait determine aussi le desir de compenser l'incapacite d'aider les Polonais dans une autre maniere.
Malheuresement pour lui ses opinions ne seront pas partages outre-Atlantique, et le president Ronald Reagan (soumi a la pression des lobbys polono-americains) dresse Deja une liste des sanctions economiques pour etre infliges a la Pologne. En janvier 1984, Claude Cheysson reussissait a convaicre les Ministres des Affaires Etrangeres des Dix (c'est-a-dire les dix pays componsant la Communaute europeenne) de continuer l'aide alimentaire destine au peuple polonais. Dans le cadre de l'OTAN, les ministres prends quelques mesure : la restriction aux deplacements des diplomates sovietiques et polonais, la reductions des echanges scientifiques et techniques, le non-renouvelement de certains accords d'echanges, et la suspension des credits commerciaux autres que ceux lies aux produits alimentaires (8). Des mesures plutot symbolique parce que personne n'osait faire plus.
En effet, Mitterrand se trouvait dans une certaine mesure dans la meme situation que Valery Giscard d'estaing a du gestioner. Comme chef de l'opposition il etait facile pour lui de critiquer les prises de positions de son adversaire et sa complesence envers l'est. Mais dans le fauteuil de l'Elysee il lui etait plus difficile d'agir dans une direction voulue par l'opinion publique qui sympathise avec les protestataires.
Premierement, parce qu'il croyait qu'une escalation des troubles amenerait a une invasion sovietique, qui pour lui signifierait le pire. Deuxiemement il voyait d'un oeil favorable le general Jaruzelski, au moins au debut, dont l'intervention rapide avait sauve son pays. D'ailleurs il n'etait pas le seul de penser ainsi, car le chancelier autrichien socio-democrate, Bruno Kreisky preferait plutot le police polonaise, que les chars sovietiques (9). Bien sur, une autre conception avaient ceux qui formait l'opinion publique francaise ; des intellectuels, tels Michel Foucault, Jorge Semprun, Andre Glucksman, Alain Touraine, Jacques Derrida, Jacques Le Goff, et des artistes, les plus celebres etant sans doute, le couple Yves Montand et Simone Signoret (10). La chercheuse Karolina Pietras dit que l'intellighentsia francaise avait eu avec la crise polonaise son propre chatarsis, apres des decennies d'idolatrie sovietique. Ils avaient vu dans le soulevement des Polonais leur propre revolte, et ils s'avaient approprie la contestation du syndicat Solidarnosc contre le systeme communiste (11). Pour eux il s'agissait d'une veritable croisade personelle. Derriere leur enthousiasme pour la cause des protestataires se trouvait le sentiment de corriger les fautes des dernieres annees, quand ils etaient hypnotises par les promesses utopiques d'une ideologie decevante qui au lieu du Paradis sur terre avait apporte le goulag. Le seul moyen de payer les peches d'une credulite jugee maitenant honteuse etait de soutenir la lutte du syndicat Solidarnosc. Tout d'un coup, le silence et peut-etre l'indifference gardee pendant les invasions de Budapeste et Prague semblaient vengees par le bruit mediatique fait pour la cause polonaise. Au vrai dire, ils avaient leurs propres comptes a resoudre avec le Communisme et l'URSS, et ils ne realisaient pas qu'ils risquaient tomber dans une autre sorte d'idolatrie. La plupart des intellectuels francais avaient ete marques et par les evenements de Mai 1968. Ce qui se passait en Pologne etait un sorte d'epilogue pour leur revolution avortee (12). La classe politique francaise etait plus reservee, prudente, car pour elle, une degeneration de la situation aurait porte seulement des troubles et des ennuis, tant pour le reste du monde que pour la France. Les plaintes de duplicite et machiavelisme vont ressurgir, pour accuser son realisme au detriment du moralisme, si cher a l'opinion publique. Toutefois son realisme ne l'empechera pas de demander la levee d'etat de guerre, la liberation des personnes en prisons, la reinstallation des libertes syndicales et civiques et bien sur la reprise du dialogue entre les parties du conflit (13).
Une idolatrie s'effondre
En realite en Pologne il y avait eu des troubles des l'ete de 1980, troubles conclues par les accords de Gdansk, reconnaissant le droit de greve, le droit a l'information et l'existence des syndicats independants, plus precisement << Solidarnosc >>. Mais ces libertEs etaient Deja menacees et l'opinion publique occidentale, et surtout francaise, se passionait pour les evenements qui suivront en Pologne. L'ancien president, Valery Giscard d'estaing, s'avait montre plus reticent et plus prudent a l'egard de cette crise. Le 21 janvier 1981, peu avant les elections presidentielles qu'il va perdre, il declarait aux televisions : << La Pologne se trouve a l'interieur du bloc sovietique et les communications du bloc sovietique passent au travers de la Pologne. Celui qui ignorerait ces donnees geographiques et strategiques n'a aucune chance d'etre acceptable pour l'Union sovietique. (14) >> Giscard d'Estaing etait toujours soucieux de menager les officiels de Moscou, avec lesquels il avait des excellent rapports. Sa defaite etait mal ressentie a Kremlin, car on se mefiait de Mitterrand, comme on se mefiait generalement des sociaux-democrates occidentaux. Pour les Russes c'etait plus facile de coexister avec un droite conservatrice, pour laquelle l'anti-communisme ne signifiait pas necessairement antisovietisme, favorisant la raison d'Etat et les liens historiques partages par les deux nations. Tel etait le cas du Giscard d'Estaing, qui beneficiait d'une assez forte popularite et appreciation parmi les dirigeants de l'Union sovietique. Sa faute se trouvait dans le fait qu'il ne se rendait pas compte que l'opinion publique francaise commencait a etre de plus en plus hostile aux Sovietiques (15). Au debut de la Guerre Froide a cause de l'attitude pendant la Deuxieme Guerre Mondiale, le Parti Communiste Francais joussait d'une grande popularite. Le voyage de 1944 du general Charles de Gaulle a Moscou pour rencontrer Staline et signer le 10 decembre un pacte franco-sovietique etait fait dans l'assentiment presque total de la population francaise. Le biographe du general, Jean Lacouture, donne une explication pour cette preception : << L'opinion francaise dans son ensemble, percut le voyage en URSS et la face a face de Gaulle-Staline comme les manifestations d'une renaissance nationale. Une operation si classique, si traditionelle, si bien inscrite dans le droit fil d'une histoire diplomatique qui court de Richelieu a Poincare, ne pouvait que seduire un peuple en proie a la plus apre nostalgie-sans parler de ce quart de la population francaise qui se reconnaissait dans le Parti communiste et voyait dans l'allie sovietique le constructeur du monde nouveau (16). >> Ensuite, suivait l'epoque ou presque toute l'intellighentsia francaise succombait au charme Slave des Sovietiques, car lors des evenements de Budapest en 1956 et puis de Prague de 1968, les reactions etaient plutot faibles et reservees. Quand les chars russes envahissaient la Tchecoslovaquie, le Premier ministre de l'epoque, Michel Debre, se permettait encore de dire qu'il s'agissait d'un simple << incident de parcours. (17) >>
Mais les decennies s'ecoulaient et les perceptions commencaient de changer. Apres le moment Soljenitsyne et surtout apres l'invasion en Afghanistan, il y avait eu en France une forte irruption anti-sovietique. L'URSS n'incarnait plus l'espoir messianique d'un nouveau monde, mais il devient de plus en plus associe aux termes de goulag, brutalites, invasions. Valery Giscard d'Estaing ne se rendait pas compte du changement de temps, et petit a petit il se trouvait dans une position opposee a l'opinion publique francaise de 1980-1981. Maintenant personne ne voulait menager plus l'Union Sovietique. Partisan de la detente et de la cooperation, Giscard d'Estaing etait soucieux de montrer son respect pour le droit de Moscou de disposer de sa sphere d'influence. Au vrai dire, il avait la mentalite d'un technocrate qui considerait que les echanges economiques et commerciaux entre l'Est et l'Ouest peuvent favoriser la coexistance pacifique du deux blocs antagoniste, mais pas forcement ennemis (18). D'ailleurs il lui donnait grand plaisir et fierte de rappeler qu'il etait le premier ministre francais de l'economie a se rendre en URSS en 1964 et le premier president d'une Grande Commission destinee a surveiller ces echanges. Il commencait de se cramponner dans une politique bienveillante a l'egard de Moscou, se portant comme le garant de la volonte de paix de Leonid Brejnev, et faisant un titre de gloire de leur proximite (19). Mitterrand en tant que Premier secretaire du Parti Socialiste se montrait plus prudent et circonspecte envers Brejnev. En 1975, il se deplacait en Russie et repondait au leader communiste qui venait encore une fois de clamer sa volonte de paix, en disant << Je voudrais vous croire. (20) >>
Giscard d'Estaing le croyait Deja parce que la meme annee, aux demandes de Brejnev, il donne son accord pour la signature de l'Acte final de la Conference sur la Securite et la Cooperation en Europe, c'est-a-dire, les Accords d'Helsinki. Pour les Sovietiques c'etait un grande victoire, car depuis la fin de la Deuxieme Guerre Mondiale ils cherchaient la reconnaissance officielle des nouvelles frontieres de l'Europe de l'Est. Les pays de l'Occident avaient fait la signature de ce traite plus acceptable en raison du dispositions concernant les libertes et les problemes humanitaires que l'Union Sovietique s'engage de respecter.
Le climat intellectuel avant la crise polonaise
Neanmoins, les critiques avaient ete nombreuses, pour considerer ces dispositions hypocrites. Pendant que Giscard d'Estaing voyageait en Russie, et decorait le tombeau de Lenine avec des fleurs (il etait le seul chef d'Etat occidental a le faire) en clamant la necessite d'une detente dans la competition idEologique, le vent du changement soufflait, les annees '70 etant ceux de la decouverte de la litterature de dissidence par l'intellighentsia francaise (21).
D'abord le premier a tirer un cri d'alarme etait le scientifique et le futur dissident, Andrei Saharov qui avertissait l'Ouest de ne pas tomber dans le piege d'un detente unilaterale, avant de recevoir en 1975, l'annee des accords de Helsinki, le prix Nobel de la Paix. Un an apres cette victoire personelle, l'ecrivain Andrei Amalrik etait autorise d'immigrer et quitter le pays. Toujours en 1985, Vladimir Boukovski etait echange contre le communiste chilien Luis Corvolan. Les ecrivains, Alexandre Guizbourg et Edourd Kouznetsov seront expulses en Israel apres avoir ete liberes de leur captivite et des 1978 Alexandre Zinoviev pouvait se rendre dans l'Occident (22). Leur message etait unitaire dans la transmission que l'Union Sovietique ne representait pas du tout le pays des reves, mais plutot un pays concentrationel, un societe carcerale, qui etouffaitt et eliminait toute sorte d'opposition, de critique, un veritable universe-goulag. Leur temoignages offraient a l'opinion publique francaise les raisons d'un desenchantement spontamennent, apres des annEes de croire dans les promesses utopique sovietiques. Cette rEaction se traduisait par une hostilite de plus en plus grandissante envers la politique giscardienne de detente et cooperation. Ne se rendant pas compte des temps qui changeaient, Giscard d'Estaing signair et persistait dans son attitude envers l'URSS. Plus astucieux, plus malin, Mitterrand avait su surfer sur la vague de desillusionement et se rallier plus tot au courant des critiques envers les Sovietiques, traitant Giscard d'Estaing comme << le petit telegraphiste >> de Moscou (23).
Dans une certaine maniere cette attitude de Fronde, de contestation lui ont vallu beaucoup de votes, de la part des ceux qui voulaient une attitude plus ferme envers le colosse de l'Est. Mais apres mai 1981 quand Mitterrand gagneait les elections presidentielles, il etait oblige d'une facon ironique, de chercher un modus vivendi avec les Sovietiques. Il n'aimait pas du tout la gerontocratie de Kremlin, et les sentiments etaient reciproques tant en l'URSS que dans le bloc communiste. Les seuls pays de l'Est qui avaient recu avec sympathie la nouvelle de son election etaient la Hongrie et une Yougoslavie qui venait de perdre Tito, et esperait une France plus presente dans la region, comme autrefois (24).
L'activite et l'implication des acteurs non-etatiques
Si les reactions officielles de la France, de la presidence, du gouvernement doivent etre prudentes, reservees, en revanche la reaction de l'opinion publique sera decidemment plus forte et engagee en faveur de la cause des protestataires. Avec cette occasion on peut observer la force et les poids qu les acteurs non-etatiques peuvent avoir dans la gestion d'une telle crise, car eux aussi, dans une certaine maniere trouvaient leur raison d'etre. Par leurs prises de positions aux abus dont la faible << societe civile >> etait soumise, dans ces pays communistes, autrefois plutot courtoisees, les acteurs de la societe civile occidentale peuvent legitimer leurs propres aspirations, accomplir leur statut d'opposition a leurs propres gouvernements (d'ailleurs timides et maladroits concernant cette crise) et contribuer a cette croisade envers le regime communiste, maintenant tellement decrie.
Deja entre aout et septembre 1980, c'est-a-dire avant la proclamation de la loi martiale, plusieurs associations avaient ete creees, comme << Solidarite avec Solidarnosc >> ou << Solidarite France-Pologne >> qui existe encore aujourd'hui. La seconde regroupait parmi beaucoup d'autres, l'historien Jacques Le Goff, l'homme politique Jean-Louis Bianco ou l'acteur Andrzej Seweryn, et son but initial etait de renforcer les liens entre les syndicats polonais et francais. A part de cet objectif, cette association avait contribue au jumelages des plusieurs villes francaises et polonaises. Mais peut-etre le plus important, a travers les activites et le lobby de cette association, des syndicalistes, et des specialistes pouvaient aller en Pologne, tels Etienne Grumbach et Laurent Parleani (25).
Une autre organisation, Le Secours Catholique venait de repondre a l'appel polonais a une aide materielle (nourriture, medicaments, vetements), un appel desesprere fait en juin 1981 par le Fond Social du Solidarnosc, dont les membres etaient des Polonais celebres tels Lech Walesa, Andrzej Wajda, Bronislaw Geremek, Marek Edelman. C'est grace aux efforts soutenus du Pere Eugene Plater, que le Secours Catholique reussira d'envoyer plus de 500 tonnes de nourriture en Pologne avant la proclamation de la loi martiale (26).
Quand meme, parmi tous les acteur non-etatiques qui s'avaient pleinement implique dans les malheurs de la Pologne, un s'est distingue du reste par le devotement absolu et l'amitie sincere pour Solidarnosc et le peuple polonais, s'agissant du syndicat Confederation Francaise Democratique du Travail (CFDT).
A la fin des annees '70 et au debut du 1980 la CFDT ne comptait pas les pays de l'Europe de l'Est parmi ses priorites, etant orientee plutot envers le Troisieme Monde, comme Marcin Frybes lui-meme le reconnaissait : << La CFDT n'etait pas totalement insensible aux problemes des libertes a l'Est, mais il faut reconnaitre qu'elle etait a l'epoque sur ce sujet, relativement peu presente, principalement a cause d'une sorte de conditionnement ideologique, vehicule d'un cote par le rapprochement avec la CGT et les projest d'une unite et de l'autre cote, par la place reconnue et acceptee a l'URSS et aux autres pays satellites du bloc de l'Est dans les rapports internationaux. (27) >> Il faut preciser quand meme que auparavant des contacts Existaient. Au debut des annees '60, a l'epoque quand il y avait encore la Confederation Francaises des Travailleurs Chretiens, la CFTC, d'ou plus tard en 1968 la CFDT se detachera, une delegation francaise, presidee par Gerard Esperet et Rene Lalande avaient fait un sejour en Pologne pendant lequel ils avaient rencontre et puis etabli des contactes avec membres du milieu catholique, dont Tadeusz Mazowiecki. Ensuite, ils avaient eu l'opportunite de faire connaissance avec les membres de l'association des catholiques laiques ZNAK, qui dans leur majorite appartenait au Club de l'Intellighensia Catholique (KIK) (28). Apres cette visite, les liens etaient tenus a travers les emigres polonais a Paris, membres du << Comite de soutien aux travailleurs polonais >>, parmi eux etant Pomian ou Karol Szurek (29).
Le 25 juillet 1980, la Commission executive de la CFDT declarait qu'elle etait solidaire avec les grevistes polonais, pour qu'en aout la meme annee de commencer a aider financierement le syndicat, et le 2 septembre 1980 pendant sa premiere conference en faveur de Solidarnosc (a laquelle participeront Pomian, Jacques Chereque, Edmond Maire ou Raymond Juin) et partageant son credo que le socialisme sans democratie et liberte syndicale ne serait pas possible. Les premiers rencontres, le 17 septembre 1980 avec << leurs camarades >> polonais avaient eu quelque chose tres emouvant, comme Edmond Maire l'avait remarque, car << Pour le Syndicat (Solidarnosc) la CFDT joue le role d'un intermediaire, la CFDT en revanche interiorise de maniere affective l'experience de son partenaire polonais. (30) >> Cette premiere deleation de la CFDT qui arrivait en Pologne rencontera Adam Michnik, Jacek Kuron, Bogdan Lis, Tadeusz Mazowiecki ou Bronislaw Geremek. A la fin de leur rencontre, les deux syndicats, un communicat de presse publie le 30 septrembre affirmera : << La rencontre a permis de souligner les profondes convergences qui les lient et au-dela des rapporst fraternels existant entre les travailleurs et les peuples des deux pays. Ces convergences s'affirment notamment par une volonte commune de voir les travailleurs prendre en charge leur avenir individuel et collectif dans une demarche autogestionnaire, par leur attachement a l'independance du mouvement syndical, facteur de dEmocratie dans la societe, condition pour realiser des reformes Economique au service du plus grand nombre. (31) >>
L'annee prochaine, entre 18 et 25 octobre c'Etait le tour de Lech Walesa de visiter Paris ou il rencontrerait tant les membres de la CFDT, mais aussi ceux de la Confederation de l'encadrement (CFE-CGC), de la Federation de l'Education Nationale (FEN), et ceux de la Force Ouvriere (FO). Le but de sa visite Etait de renforcer les liens avec ses allies de l'Occident, et de prEparer l'arrivee des aides par des camions en Pologne. C'etait aussi une excellente occasion et etendre ses reseaux et faire des amis. Le 3 decembre 1981 les premiers camions avec des aides partaient envers la Pologne. Quand meme, peu apres, le 13 decembre, un coup de tonnerre venait sur le ciel de l'Europe, car le Jaruzelski proclamerait l'etat de guerre (32).
En France, les rEaction n'attardaient d'apparaitre. Le lendemain, les cinq syndicats (la CFDT, la CFTC, la CFE-CGC, la FEN et la FO, sauf la CGT qui dorenavant va s'eloigner) se trouvaient Deja devant l'ambassade polonaise a Paris pour reclamer l'action de Jaruzelski. Les declarations de Claude Cheysson et Pierre Mauroy venaient d'etre desavouees par Andre Bergeron (Force Ouvriere) et Jean Menu (CFE-CGC), Edmond Maire de son cote ajoutant : << Lorsque la liberte d'un pays est en cause il ne s'agit plus d'une affaire interieure. (33) >> Finalement, le 29 decembre 1981 une alliance entre les quatre syndicats sera formee sous la presidence de Rene Salanne, pour mieux gestioner leur reponse face a la crise polonaise (34).
Au debut, ils organiseront des manifestations, entre 13 decembre 1981 et 20 janvier 1982, il y auront 130 manifestations organisees par la CFDT et 94 manifestations organisees par la FO. Apres 1982 , avec le declin des participation, la necessite de trouver une autre forme de solidarite s'imposait. Il y avait besoin de trouver une formule pour garder l'opinion publique concentree sur les evenements de Pologne, et la sort des membres du syndicat Solidarnosc. Une formule de succes etait l'organisation des Journees de la Solidarite, tres en vogue en 1982 et 1983, qui offraient la possibilite de decouvrir des dernieres nouvelles de Pologne, condamner les represailles du gouvernement polonais, penser aux nouvelles initiatives, mais aussi voir films sur la Pologne et son histoire, et vendre des petits calendriers ou montres, marchandises avec les symboles du Solidarnosc, le profit Etait destine a eux. Un moyen ingenieux de toujours garder a l'esprit ce qui se passait en Pologne et en meme temps de protester activement etait d'envoyer des cartes postales avec les symboles Solidarnosc ou le portrait de Walesa (surtout apres avoir gagner le Prix Nobel de la Paix) a l'ambassade polonaise en France. C'etait une initiative tres populaire car les premiers trois mois apres fevrier 1982 plus de 400 000 cartes postales avaient ete envoyees. A travers l'organisation des differents << happeninngs >> (match de rugby ou football, ou les medailles portaient l'effigie de Walesa) dedies a Solidarnosc, le but poursuivit par les organisateurs etait de transposer le symbolisme du syndicat polonais dans l'espace publique et d'atteindre la memoire collective (35).
Suivant cette logique, la station de metro << Stalingrad >> sera rebaptisee << Solidarite >>, le drapeau rouge et blanc de la Pologne sera hisse sur la Tour Eiffel, des plaques commemorative partout ou Walesa avait passe en Paris ou en France seront mises, tout avec l'espoir de pouver maintenir l'attention et l'engagement des Francais sur << la crise polonaise >> et de les rappeler toujours les dangers dans lesquels, les syndicalistes polonais se trouvaient. Un moyen assez ingenieux de le faire etait par l'oganisation des colonies pour les enfants des syndicalistes (tant francais que polonais) d'une cote et l'autre du rideau de fer. Quand meme cette pratique un peu controversee (surtout a cause des dangers dont les enfants francais s'exposaient en allant en Pologne) connaitra un resultat mitige. C'est vrai que depuis 1985 jusqu'en 1989 plus d'un millier d'enfants polonais beneficieront des colonies en France. En revanche le nombre des enfants francais qui avaient ete en Pologne etait clairement plus bas, sutourt apres la tragedie de Tchernobyl (36).
A part des efforts de propagande blanche pour garder les liens entre les deux pays et leurs syndicats, la plus importante aide que les syndicalistes francais pouvaient offrir a leur camarades etait sans doute celle financiere. La plus grande partie d'agent venait des collectes faites par la CFDT et la FO, en 1982 la somme gagnee par la FO et versee dans le comptes bancaires (a Paris et a Bruxelles) de Solidarnosc etant de 8 324 060 FRF. Dans dix ans, en 1992, lorsque les comptes bancaires seront liquides il y avait encore 10 102 000 FRF. Une grande partie de l'argent etait dirigee pour la Pologne, principalement pour les familles des leaders Solidarnosc emprisonnes, l'autre partie restait en Occident pour le financement de la propagande blanche faite en faveur du syndicat polonais.
Outre les actions prise en Occident, il y avait aussi une dimension d'aide humanitaire, qui visee directement le peuple polonais, et qui signifiat des colis et des camions envoyes avec nourritures, medicaments, marchandises manquantes, produits d'hygene surtout pour les enfants, mais aussi papiers, machines a ecrire, encres et autres objets destines a maintenir la resistance (37).
Ce type de soutien continuera jusqu'a la fin des annees '80, quand la Pologne arrivera au moment de la Table Ronde, aux negociations et finalement a la fin du communisme, tant dans ce pays, mais aussi dans toute l'Europe Centrale-Orientale. Les Polonais seront reconnaissant, mais il faut preciser qu'apres 1989 le modele d'outre-Atlantique, le modele americain sera plus fort, du point de vue economique (l'economie de marche) mais aussi socio-culturel. Les idees de l'autogestion, theorisees autrefois par les syndicalistes Polonais, si chers pour la Deuxieme Gauche francaise (celle proche de la CFDT) seront abandonE en faveur << d'un capitalisme a l'americaine. >> Ce qui demeura en revanche sera l'amitie entre les deux pays, qui en 1991 aboutira a la formation du << Triangle de Weimar >>, une cooperation trilaterale entre la France, la Pologne et l'Allemagne. Les regimes changent, mais la solidarite, elle doive rester la meme.
Bibliographie :
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16. Vedrine, Hubert (1996), Les mondes de Francois Mitterrand, Paris: Fayard.
Sources en-ligne :
1. Mitterrand, Francois, President la Republique (21 decembre ,1981), Interview au journal << Ouest-France >>, notamment sur les relations Ouest-Est, la politique gouvernamentale en matiere de fiscalite et d'agriculture, [http://lesdiscours.vie-publique.fr/pdf/817169600.pdf] accesse le 25 septembre 2012.
(1) Jacques Attali, Verbatim. Premiere partie 1981-1983, Fayard, Paris, 1995, p. 128.
(2) Ibid., p. 178.
(3) Michele Cotta, Mitterrand, carnets de route, Editions Pluriel, 2011, p. 484.
(4) Pierre Favier, Michel Martin-Roland, La decennie Mitterrand, t. 1: Les ruptures (1981-1984), Seuil, 1995, p. 375.
(5) Mario Bettati, Le droit de l'ingerence mutation de l'orde international, Odile Jacob, 1996, p. 23.
(6) Hubert Vedrine, Les mondes de Francois Mitterrand, Fayard, Paris, 1996, p. 201.
(7) Interview de M. Francois Mitterrand, President la Republique, au journal << Ouest-France >>, notamment sur les relations Ouest-Est, la politique gouvernamentale en matiere de fiscalite et d'agriculture, lundi 21 decembre 1981 [http://lesdiscours.vie-publique.fr/pdf/817169600.pdf] accesse le 25 septembre 2012.
(8) Hubert Vedrine, op. cit., p. 203.
(9) Gunter Bischof, Anton Pelinka, The Kreisky Era in Austria, Transactions Publishers, 1994, p. 135.
(10) Karolina Pietras, << L'Europe de l'Ouest face aux tensions dans le bloc communiste. La crise polonaise des annEes 1980 >>, in Michele Affinito, Guia Migani, Christian Wenkel (dir.) The Two Europes, (Peter Lang, 2007, p. 83.
(11) I. Goddeeris, << Western Trade Unions and Solidarnosc. A Comparison from a Polish Perspective >>, in The Polish Review, No. 52/3, 2007, p. 314.
(12) Karolina Pietras, op. cit., p. 86.
(13) Hubert Vedrine, op. cit., 205.
(14) Ibidem p. 200.
(15) Thomas Schreiber, Les Actions de la France a l'Est ou Les Absences de Marianne, L'Harmattan, 2000, p. 167.
(16) Jean Lacouture, De Gaulle, t. 2, La Politique, 1944-1959, Seuil, 1990, p. 85.
(17) Marie-Pierre Rey, La tentation du rapprochement: France et l'URSS a l'heure de la detente, 1964-1974, Publications de la Sorbonne, 1991, p. 223.
(18) Maurice Vaisse, << La Puissance ou l'influence ? (1958-2004) >> in Histoire de la diplomatie francaise, t 2 : De 1815 a nos jours, Editions Perrin, 2007, p. 498.
(19) Michel Tatu, << Valery Giscard d'Estaing et la detente >>, in : Samy Cohen et Marie-Claude Smouts (dir.), La politique extErieur de Valery Giscard d'Estaing, Presses de la FNSP, 1985, pp. 196-217.
(20) Hubert Vedrine, op. cit., p. 206.
(21) Thomas Schreiber, op. cit., p. 147.
(22) Jean-Louis Panne, << Dissidence >> dans Stephane Courtois (dir.), Dictionnaire du communisme, Polirom, pp. 224-230.
(23) Hubert Vedrine, op. cit, p. 108.
(24) Thomas Schreiber, op. cit., p. 168.
(25) Marcin Frybes, << French Enthusiasm for Solidarnosc >>, in European Review, Tome 16, Numero 01, fevrier 2008, p. 67.
(26) Ibid. p. 68.
(27) Natalie Begin, << Kontakte zwischen Gewerkschaften in Ost und West. Die Auswirkungen von Solidarnosc in Deutschland und Frankreich. Ein Vergleich >>, in Archiv fur Sozialgeschichte, 45. Band, 2005, p.295.
(28) Andrzej Chwalba, Frank Georgi, << France : Exceptional Solidarity ? in Idesbald Goddeeris (dir.), Solidarity with Solidarit: Western Trade Unions and the Polish Crisis 1980-1982, 2010, p 194.
(29) Natalie Begin, op. cit., p. 296.
(30) Ibidem, p. 305.
(31) Ibidem, p. 307.
(32) Marcin Frybes, op. cit., p. 68.
(33) Natalie Begin, op. cit., p. 317.
(34) Marcin Frybes, op. cit., p. 69.
(35) Andrzej Chwalba, Frank Georgi, op. cit., pp. 204-205.
(36) Ibidem, p. 206.
(37) Ibidem, pp. 206-207.
Marius Mitrache **
* This work was possible with the financial support of the Sectoral Operational Programme for Human Resources Development 2007-2013, co-financed by the European Social Fund, under the project number POSDRU/107/1.5/S/76841 with the title "Modern DoctoralStudies: Internationalization and Interdisciplinarity".
** Marius Mitrache is PhD candidate at the Faculty of History and Philosophy, Babes-Bolyai University, Cluj-Napoca.
Contact: marius_mitrache@yahoo.com