Quand le poker cesse d'etre un jeu: pratiques et discours d'aspirants joueurs professionnels.
Pastinelli, Madeleine ; Cote-Bouchard, Simon ; Papineau, Elisabeth 等
Cet article fait etat d'une enquete portant sur une communaute electronique de joueurs de poker, qui echangent ensemble en ligne au sujet de leurs pratiques et habitudes de jeu. L'analyse du contenu des echanges qui prennent place dans le forum vise a eclairer le rapport particulier qu'entretiennent ces aspirants joueurs professionnels de poker avec le jeu ainsi que le role que joue la frequentation d'un espace electronique de joueurs en regard du rapport qu'ils entretiennent avec le jeu. L'article montre que la pratique de ces joueurs est pensee comme un parcours, dans lequel on joue maintenant dans le but de s'ameliorer pour devenir un jour un joueur gagnant. L'article trace les contours du cadre disciplinaire dans lequel les joueurs envisagent le jeu et se penche sur les principes qui fondent les regles auxquelles ceux-ci disent vouloir s'astreindre en vue de devenir des << joueurs gagnants >>. L'analyse revele en outre la caractere structurant de l'opposition entre << poissons >> et << bons joueurs >> dans les representations et discours des joueurs qui frequentent le forum et montre enfin que la participation a ces echanges permet aux joueurs de se retrouver entre eux, autour d'une meme conception marginale du jeu, alors meme que leur entourage semble plutot susceptible de s'inquieter de leurs habitudes de jeu et du rapport qu'ils entretiennent avec le poker.
This article presents the results of an inquiry on an online community of poker players who exchange opinions about their practices and game habits in a discussion forum. A content analysis of these discussions aires to shed light on the peculiar relationship these aspiring professional poker players have with the game itself, and on how it is affected by the attendance of an online space. The article will show that the players' pratices are thought of as a journey, on which one plays in order to improve his game and become a "winning player". It will also outline the disciplinary framework through which the players view the game by looking into the founding principles of the rules that players constrain themselves to in their objective to become "winning players". The analysis also reveals the structuring character of the opposition between "pigeons" and "good players" in the discourses and representations of players who attend the forum. It will ultimately demonstrate that the participation in these electronic exchanges may enable players to gather around a shared marginal conception of the game, while their family circle often seem to worry about their game habits and their relationship to the game.
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<< La realite est que, sauf les rares exceptions, il faut "payer" pour apprendre la gaine >>
PedroXX, Forum de CoolPoker
Le developpement rapide et recent d'un veritable vedettariat entourant l'univers des joueurs de poker qui s'affrontent dans les tournois internationaux s'est accompagne de la multiplication, ces dernieres annees, des recits de ces professionnels du jeu, qui font etat du (long) parcours qui les a menes a devenir des << pros >> du poker Les profils des uns et des autres varient substantiellement, mais les parcours semblent avoir beaucoup en commun. En effet, si quelques rares joueurs construisent leur recit en disant que c'est en marge du jeu qu'ils ont developpe les aptitudes qui leur auraient permis de devenir des joueurs gagnants puisqu'ils n'auraient decouvert ce jeu que tardivement, la tres large majorite des recits de joueurs se construit avec pour point de depart l'enfance, pendant laquelle on rapporte avoir fait l'apprentissage du jeu en famille. Autant les recits de vedettes du cinema qui affirment par exemple, comme Shirley Bousquet, << C'est mon papa quand j'etais toute petite qui m'a appris a jouer au poker, j'avais 12 ans et on jouait au poker avec l'argent du Monopoly (1) >>, que ceux des joueurs professionnels, comme Thomas Fougeron qui raconte << Mon pere m'a initie au poker tres jeune, au lieu de jouer aux Legos je jouais au poker avec mon papa (2) >> donnent a comprendre que c'est parce qu'on a commence a jouer tres tot qu'on a pu devenir de bons joueurs. Cette structure narrative, pour repandue et recurrente qu'elle soit, n'en est pas moins etonnante, compte tenu de la place qu'occupe le poker dans la culture populaire depuis le milieu du XXe siecle. En effet, s'il est certainement tout a fait vrai qu'un nombre substantiel de joueurs-vedettes a appris a jouer au poker en famille pendant l'enfance, on peut assez raisonnablement suspecter que c'est egalement le cas pour une proportion non negligeable d'Occidentaux qui n'ont jamais participe a un tournoi de poker ni meme reve de gagner de l'argent en jouant a ce jeu. Mais peut-etre est-ce precisement parce que les vedettes du poker savent bien que le fait d'avoir appris a jouer a ce jeu avant l'age adulte n'est pas particulierement distinctif que plusieurs construisent leur recit en insistant sur le fait que non seulement leur apprentissage du jeu a ete precoce, mais qu'il impliquait en outre de sacrifier le divertissement (notamment les Legos et le Monopoly ...) a la discipline et a un apprentissage rigoureux et methodique de la strategie.
Avec l'avenement du vedettariat du poker qui est ne de la telediffusion des tournois apparue dans les annees 2000, la figure du pro du poker, la conception du jeu qui l'accompagne, les reves et espoir qu'elle est susceptible de faire naitre ont vraisemblablement contribue a transformer les representations sociales de ce jeu, de meme que les rapports qu'on entretient a celui-ci, pour en faire une veritable discipline, envisagee comme pouvant etre l'objet d'une pratique professionnelle (Hardy 2006; Brown 2006). En effet, s'il existe sans aucun doute encore aujourd'hui des contextes dans lesquels le poker demeure une activite ludique et peut s'averer etre d'abord un pretexte a la sociabilite, se trouvant subordonne a celle-ci alors qu'on joue en famille ou entre amis et qu'on ne met en jeu que des allumettes, de l'argent de Monopoly ou, a la rigueur, le contenu des vide-poches, ce jeu est aussi devenu pour d'autres l'objet d'un reve, voire d'un projet de vie, celui d'acceder a la gloire, a la fortune et a la reconnaissance en devenant un professionnel du poker ou, mieux encore, un joueur riche et celebre. On peut croire que la poursuite de ce reve est susceptible d'etre particulierement repandue chez les joueurs qui jouent au poker a l'argent sur Internet, la ou le jeu, s'il peut certes encore etre pense par certains comme une activite ludique, a dans tous les cas cesse d'etre une activite sociale, puisqu'on ne joue manifestement en ligne que de facon anonyme et contre de parfaits inconnus avec lesquels on ne s'engage ni dans des echanges qui se poursuivraient dans la duree ni non plus dans des liens.
C'est en vue d'eclairer et de mieux comprendre le rapport au poker de ceux qui revent d'en faire une pratique professionnelle que nous avons entrepris de faire enquete dans une communaute electronique consacree au poker (on n'y joue pas, on en discute) et rassemblant des joueurs que nous designons comme des aspirants professionnels. Les joueurs en question ne sont certainement pas representatifs de l'ensemble de ceux qui s'adonnent au poker. Mais il nous semble qu'en regard de leurs pratiques de jeu et du rapport qu'ils entretiennent a celui-ci, leurs representations et leurs pratiques du jeu se situent sans doute plus a l'extremite d'un continuum (3), qu'elles ne seraient en rupture complete avec celles de l'ensemble des joueurs de poker et plus particulierement de ceux qui jouent dans Internet. Notre demarche vise un double objectif. Nous nous sommes immerges dans l'univers discursif que partagent ensemble dans un espace electronique ces aspirants joueurs professionnels pour tenter, d'une part, de circonscrire la facon dont ils envisagent le jeu et le rapport qu'ils entretiennent a celui-ci et, d'autre part, pour tacher de comprendre quel genre de rapport ces joueurs entretiennent avec la communaute electronique d'aspirants joueurs professionnels et le role que peut jouer leur participation a celle-ci dans le rapport qu'ils entretiennent avec le jeu.
Le phenomene des communautes electroniques << extremes >>
La demarche dont nous presentons ici les premiers resultats constitue le point de depart d'un projet plus vaste, qui vise a aborder les espaces electroniques reunissant des aspirants joueurs professionnels comme des lieux d'elaboration et de partage d'une norme sociale alternative. Nous souhaitons en faire l'etude en vue de mieux comprendre comment la participation a ce genre de communaute electronique contribue a transformer les rapports qu'entretiennent ceux qui les frequentent a la norme sociale la plus largement admise.
La democratisation des communications electroniques a en effet donne lieu a la multiplication d'espaces specialises de sociabilite en ligne, qui regroupent des individus sur la base d'interets ou de pratiques tres singulieres et etroitement circonscrites (Wenger 2002; Wellman et Haythornthwaite 2002). Parmi ceux-ci, certains sont parfois qualifies d' << extremes >> (Bell 2007), et consideres ni plus ni moins que comme des espaces de socialisation a la deviance ou d'incitation a la pathologie (Mulveen et Hepworth 2006; Fox et al. 2005). Peu importe la maniere dont on envisage ces espaces de marginalite, on peut reconnaitre que les modalites d'interaction et le rapport a l'autre que permettent et favorisent les communications electroniques sont de nature a donner une forme inedite a l'experience qu'on y fait. En effet, la frequentation d'une communaute de pratiques electronique differe sur plusieurs plans de l'inscription des individus dans des groupes deviants (4) hors ligne, notamment en ce qu'il est possible de frequenter activement et sur une base reguliere un espace electronique sans pour autant que celui-ci et que les liens qu'on y developpe ne soient amenes a deborder dans les espaces sociaux dans lesquels les individus evoluent hors ligne (Amichai-Hamburger et al. 2002; Joinson 2003; Kendall 2002; Pastinelli 2007; Turkle 1995; Velkovska 2002). La frequentation de tels espaces peut meme deboucher sur une superposition des temporalites et espaces sociaux, alors qu'on peut frequenter ses pairs de l'espace electronique depuis le bureau, la maison ou l'ecole sans jamais les rencontrer.
Jusqu'a maintenant, les travaux prenant pour objet les communautes electroniques dites extremes (5) se sont limites a l'analyse des echanges observables en ligne, pour mieux en connaitre et en comprendre la teneur, et ne se sont pas interesses a la facon dont la participation a ce genre d'espaces s'articule aux trajectoires individuelles, au quotidien hors ligne, aux pratiques de ceux qui les frequentent et a l'ensemble des espaces sociaux dans lesquels ils evoluent. Or, si on peut certes, en ligne, s'inscrire dans une sociabilite elective et tres specialisee pour contester certaines normes et en negocier de nouvelles, il n'en demeure pas moins que chacun n'echange en ligne que comme individu d'abord pleinement inscrit dans le social et le quotidien hors ligne, la ou les liens sont moins susceptibles d'etre aussi librement choisis et ou prevalent sans doute plutot d'autres normes (Joinson 2003; Jones 1999; McGerty 2000; Miller et Slater 2000; Pastinelli 2007; Wellman et Haythornthwaite 2002). Sur la base de ce constat, on peut se demander dans quelle mesure et de quelle maniere la participation des individus a de telles communautes contribue ou non a transformer leurs representations du monde, le rapport qu'ils entretiennent avec la norme sociale et la facon dont leur experience de ces espaces s'articule a leurs pratiques, a leur vie quotidienne et aux autres espaces sociaux dans lesquels ils evoluent hors ligne. Pour mieux connaitre ce phenomene et en comprendre les enjeux, nous prevoyons, dans la prochaine phase de ce projet de recherche, nous livrer a la conduite d'une serie d'entretiens individuels visant a mieux comprendre les impacts de la participation a une communaute electronique d'aspirant joueurs professionnels sur leur univers social hors ligne et leur experience du jeu. Dans le present volet de la recherche, nous nous sommes plutot interesses a ce en quoi consiste la participation a une communaute electronique de joueurs de poker, cela afin de mieux comprendre la nature des echanges qu'ont ensemble les joueurs, la norme qu'ils partagent vis-a-vis des pratiques de jeu et par laquelle ils definissent certaines facons de jouer comme normales et acceptables ou a l'inverse comme deviantes.
L'analyse des echanges entre aspirants professionnels
Pour circonscrire les representations des aspirants joueurs professionnels, nous avons procede a l'analyse des echanges qu'ont les participants du forum (6) de CoolPoker (7). Cette plate-forme consacree au poker a ete creee en 2000 par un joueur professionnel quebecois qui a fait de nombreuses apparitions mediatiques et qui est l'auteur d'un ouvrage de strategie consacre au poker. CoolPoker est un des plus anciens sites francophones du genre. Il contient plusieurs rubriques, des blogues, des articles de strategies, et est le support, depuis 2004, d'une communaute electronique de joueurs, qui echangent sur une base reguliere dans le forum que comporte le site. Certains des participants frequentent le forum depuis sa creation en 2004, et certains ont meme poste en moyenne plus d'un message par jour depuis les quatre dernieres annees. Il faut preciser que le forum et le site lui-meme ne constituent pas des espaces de jeu : on ne s'y branche pas pour jouer, on joue plutot sur des sites comme Poker star, Party Poker, etc. Plusieurs habitues du forum semblent se connaitre entre eux, leurs echanges donnant a comprendre que certains se retrouvent parfois en ligne sur des sites de jeu ou en face a face lors de tournois. Mais ce n'est vraisemblablement pas pour jouer entre eux qu'ils echangent sur le forum (8), celui-ci etant plutot l'occasion de discuter de leur experience, d'avoir des conseils des autres sur la strategie et de partager de l'information sur les sites de jeu, les bonus offerts, les livres a lire, etc. Le forum compte pres de 5000 membres, ce qui n'inclut pas ceux qui ne feraient que lire les discussions sans y participer (9). Tous les participants ne sont bien sur pas aussi actifs sur le forum : 1300 participants ont poste au moins 10 messages depuis leur inscription au forum, alors que 600 participants ont poste plus de 50 messages et ont donc contribue de facon plus reguliere. En outre, il va de soi que le nombre de lecteurs du contenu du forum est plus important que le nombre de ceux qui y participent activement.
Dans un premier temps de la demarche, nous avons parcouru les pages d'environ 200 discussions dans differentes categories-sujets du forum afin d'etablir une grille d'analyse preliminaire. Dans un deuxieme temps, nous avons soumis a notre grille d'analyse l'ensemble du contenu de la categorie << discussion generale >> du forum, laquelle comptait alors pres de 6000 discussions, afin de selectionner les interventions qui nous semblaient presenter un contenu de nature a renseigner sur la conception du jeu des participants, leur rapport au jeu et la place qu'occupe leur participation au forum dans leur rapport au jeu. Nous avons retenu un peu plus de 1500 interventions. En fonction des questions de recherche qui nous guidaient et du contenu des echanges entre joueurs, nous avons raffine notre grille d'analyse initiale et degage sept categories thematiques a partir desquelles nous avons effectue le codage des interventions retenues. Nous avons ainsi code le contenu faisant etat 1- des pratiques considerees par les joueurs comme appropriees ou inappropriees en vue de gagner ou de s'ameliorer au poker ; 2- celui faisant etat des ambitions, reves et projets des joueurs a longue echeance ; 3- celui faisant etat de leurs objectifs a plus court terme; 4-le contenu dans lequel on debat et juge de la pertinence des reves, des ambitions et des strategies des autres ; 5- celui a travers lequel se donnent a voir l'historicite de la communaute electronique et la nature des liens entre les participants (s'ils se sont deja rencontres hors ligne, s'ils ont deja joue ensemble au poker, s'ils semblent avoir deja echange ensemble dans le passe ou si a l'inverse leur rapport demeure impersonnel et anonyme) ; 6- les messages dans lesquels les joueurs font etat retrospectivement de leur parcours, de leur succes ou de leurs echecs au poker ; 7- enfin, ceux dans lesquels ils font etat de leurs pratiques, representations ou experiences d'autres jeux de strategie (echec, backgammon, etc.) ou d'autres jeux de hasard que le poker et ses differentes variantes (black jack, machines a sous, roulette, etc.).
Avant de faire etat de ce que l'analyse a permis de mettre au jour, il convient de tracer les contours de la perspective sur la base de laquelle nous abordons les discours, recits et ambitions des joueurs. Tout d'abord, il faut bien dire que les representations sociales des jeux de hasard et d'argent et la normativite entourant ceux-ci ont connu une importante transformation au XXc siecle, passant d'une perspective dans laquelle certaines pratiques de jeu pouvaient etre considerees comme deviantes par rapport a la nonne sociale la plus largement admise a une perspective dans laquelle ces memes pratiques apparaissent desormais comme relevant de la << pathologie >> et sont donc aussi devenues l'objet du discours et du controle du pouvoir medical (Conrad 1992, Conrad et al. 1992b; Rosecrance 1985). Sur ce plan, si en regard de leurs representations du jeu et de leurs pratiques de jeu, les aspirants joueurs professionnels peuvent sans doute etre qualifies de deviants par rapport a la norme sociale et s'il n'est pas a exclure que nombre d'experts puissent juger leurs pratiques et representations comme presentant un caractere pathologique, nous n'envisageons pas nous-memes leurs pratiques dans une telle perspective. Il convient en outre de rappeler que notre demarche n'a surtout pas pour objectif de statuer a savoir si les aspirants professionnels de poker ont ou non des << problemes de jeu >> mais qu'elle vise plutot a comprendre et eclairer le rapport qu'ils entretiennent avec le jeu.
En ce qui concerne plus particulierement le poker, il nous apparait indiscutable que ce jeu repose sur un complexe melange de hasard et de strategie, de telle sorte que, en principe, un joueur maitrisant le jeu mieux qu'un autre serait plus susceptible -- toute chose etant egale par ailleurs -- de gagner plus souvent que celui qui le maitrise moins bien (Hardy 2006; Responsible Gambling Council, 2006; Shead et al. 2008; Wilson 2006; Wood et al. 2007). Ceci etant dit et puisque, en pratique, toutes choses ne sont jamais egaies par ailleurs, en depit du fait que la question ait retenu l'attention de plusieurs specialistes (10) (voir notamment Croson, Fishman et Pope 2008; Sevigny 2008), il semble qu'on ne s'entende toujours pas quant a savoir quelle est l'importance relative de la strategie et du hasard sur l'issue du jeu, pas plus qu'on aurait pu etablir ce que seraient la strategie << gagnante >>, le jeu mettant en cause un trop grand nombre de facteurs et supposant un trop large eventail de situations possible (Shead et al. 2008; Woodward 2006). En outre, si certains joueurs vedettes ont pu a l'evidence developper leur maitrise du jeu suffisamment pour en faire une activite professionnelle lucrative (ce qui en fait rever plus d'un) (Hardy 2006; Brown 2006), un grand nombre joue depuis beaucoup plus longtemps sans parvenir a de tels resultats, cependant que plusieurs etudes ont etabli qu'une proportion substantielle de joueurs qui jouent regulierement au poker dans Internet presente des problemes de jeu ou y perdent des sommes importantes (Shead et al. 2008; Wood et al. 2007; Wood et Williams 2007). Dans ce contexte, on comprendra aussi que la perspective voulant que le poker soit un jeu de strategie auquel on peut devenir gagnant a condition d'etre pret a y investir temps et argent apparaisse comme marginale en regard de la perspective beaucoup plus largement partagee et suivant laquelle un joueur qui passe beaucoup de temps a jouer et perd des sommes importantes au jeu est probablement un joueur qui a un probleme de jeu, beaucoup plus qu'il ne serait un riche champion en devenir. C'est du moins ce que porte a croire une enquete menee en Ontario et visant a circonscrire les representations sociales de ce jeu (Responsible Gambling Council 2006).
Dans le cadre de notre demarche, il nous semble qu'il serait bien vain de vouloir statuer a savoir si les aspirants joueurs professionnels sont, comme plusieurs d'entre eux l'esperent, de potentiels champions en devenir ou s'ils ne seraient pas plutot des joueurs susceptibles de presenter des problemes de jeu ou se trouvant engages dans la poursuite chimerique d'un reve couteux. Sur la base d'une posture qui se veut comprehensive, nous reconnaissons plus simplement que ces joueurs ont de bonnes raisons de croire qu'il leur est possible d'accroitre leur maitrise du jeu de facon a jouer mieux. Bref, nous tenons pour acquis qu'ils ne sont ni fous, ni << malades >>, ni troubles par des << pensees erronees >> qu'il y aurait lieu de corrigez En revanche et bien que nous n'en presumons rien vis-a-vis de chacun d'eux, il nous apparait tout a fait improbable que tous ces appeles de la pratique professionnelle du poker puissent effectivement un jour gagner plus qu'ils ne perdent et reussir a gagner leur vie du poker.
Des joueurs et leurs aspirations
Bien que nous ne soyons pas en mesure d'etablir avec certitude le profil social des participants du forum, plusieurs indices nous permettent d'en tracer un portrait a prendre avec reserves. Tout d'abord, les participants au forum de CoolPoker sont vraisemblablement des Quebecois pour la plupart, des hommes dans une ecrasante majorite et des hommes relativement jeunes, ages plutot entre le debut de la vingtaine et le milieu de la trentaine. Plusieurs sont etudiants au collegial ou a l'universite (ils font couramment reference a leurs etudes et au calendrier scolaire, avec les fins de sessions, les travaux a remettre, etc.), niais tous ne sont pas aussi scolarises, plusieurs se presentant explicitement comme des ouvriers manuels. Quelques-uns, une dizaine plus exactement, disent ne plus avoir aucune autre activite professionnelle que le poker, c'est-a-dire qu'ils affirment gagner leur vie en jouant au poker, essentiellement sur Internet. Une proportion plus importante dit avoir d'autres activites --ils travaillent ou sont aux etudes-- et dit tirer du poker des revenus d'appoint. Enfin, la tres grande majorite joue vraisemblablement au poker sans en tirer de revenus substantiels, en perdant ou en gagnant tin peu a l'occasion, mais tous les participants du forum semblent soucieux de s'ameliorer et partagent le reve de devenir un jour des << joueurs gagnants >>, c'est-a-dire de jouer mieux que la plupart de ceux qui jouent en ligne et dans les casinos, de facon a pouvoir faire de leur pratique du poker au moins un revenu d'appoint, au mieux leur principale source de revenus :
[...] meme si je nage pas encore (11) dans les profits, je crois bien qu'un jour je serais assez bon pour prendre ma retraite de ma job de 9 a 5. (SPFoxNoze (12))
[...] Si je m'ameliore, l'argent se pointera tot ou tard, ce n'est qu'un resultat. Mon objectif est de faire des tournois majeurs et d'y faire bonne figure. J'ai toujours dit que je ferai les WSOP [series mondiales de poker] avant de crever et je tiens mon but. Cependant, je me construit une carriere avant de poker plein temps. (Steppah)
Je ne compte pas arreter tout dans ma vie pour me mettre au poker tout suite ... c'est clair que non.. Je joue des limites trop petites et je manque de tout ... (experience, bankroll (13) ... ect) Mais je suis curieux. Curieux de savoir : [...] c'est beaucoup facile et stable d'avoir des revenu en cash gaine? Les revenus sont t'ils trop "up and down" pour vivre seulement de revenu en tournoi? (Warm)
Je joue au poker depuis environ 2 ans, j'ai lu quelques livres et j'ecoute beaucoup le poker a la tele. Je me considere comme avance, mais aucunement comme professionnel car je suis consicent que j'en ai encore enormement a apprendre, comme 99,9% des joueurs. (Dave)
Pour ma part, apres 3 mois d'experience, je continue de rever qu'un jour je quitterais mon usine de chauffe-eau de marde (William_Ave)
Mon but n'est pas forcement d'etre le meilleur mais bien d'etre un joueur gagnant qui vit de son poker. Si ca vient un jour, l'ambition me devorera peut etre un peu et j'aurais envie de pousser plus loin mais a l'heure actuelle, mon seul objectif raisonnable (j'espere qu'il l'est en tout cas) est celui la. (Patotal)
Les ambitions des uns et des autres varient bien sur substantiellement. Alors que dans le discours de certains, gagner sa vie du jeu apparait comme un projet qu'on s'applique a essayer de concretiser ici et maintenant, pour d'autres il semble bien qu'il s'agisse plutot d'un reve qu'on situe dans un avenir relativement lointain et vis-a-vis duquel on conserve certaines reserves (c'est parfois a moitie en blague qu'on dit qu'on veut devenir un champion de poker). Mais ce que ces aspirations revelent et que traduit tres bien le contenu de l'ensemble des discours des participants au forum, c'est que ce qu'on fait ici et maintenant a jouer au poker trouve son sens dans l'attente d'un << apres >>, la pratique du jeu au present etant pensee en fonction de ce temps a venir dans lequel on sera, du moins on l'espere, un joueur gagnant. En outre, on ne joue pas d'abord dans le but de gagner ici et maintenant, mais plutot dans le but d'ameliorer son jeu pour pouvoir gagner plus tard. Bref, les discours donnent a voir une experience qui est pensee comme un parcours, comme la quete d'un but qu'on espere atteindre dans un quelconque avenir et non pas comme le temps d'une rupture dans le quotidien qui serait celle du plaisir immediat de la pratique du << jeu >>.
L'apprentissage, le travail et la discipline
Le poker est bien sur unanimement envisage par les participants du forum comme une discipline, et cela au double sens du terme. Le jeu apparait en effet a la fois comme une matiere pouvant faire l'objet d'un enseignement, du cumul d'un savoir et donc d'un apprentissage (au meme titre que la sociologie ou la chimie) et en meme temps comme une pratique qui suppose qu'on s'astreigne a l'observance rigoureuse d'un ensemble de regles. Pour acquerir le savoir permettant de jouer mieux, on ne fait pas que jouer au poker, on etudie egalement les probabilites et les enjeux strategiques du poker en lisant des livres, des articles de strategie et en observant (par l'ecoute des tournois televises) ceux qu'on envisage comme des maitres :
[...] ca devrait ossiller a environ 10 heures par semaine d'etude + 5-6 heures de jeu. Devrais-je arreter ca ici ou est-ce que je peux m'ameliorer de facon a un jour devenir un joueur gagnant avec ce nombre d'heure? (L'euthousiaste)
Alors maintenant je vais travailler la dessus ... je vais justement aller acheter tin livre (faut bien commencer par un) j'en avais un, mais il est vraiment trop basique ... (Zaltor)
[...] Tiger Wood passe des heures et des heures a pratiquer son elan a chaque semaine, meme s'il est deja dans les meilleurs au monde. Les grands maitres d'echec passent 10 fois plus de temps a etudier qu'a jouer. Et bien le secret pour performer au poker, c'est pareil, il faut travailler et etudier, meme si quelques surdoues y parviennent sans trop d'effort ou meme si quelques joueurs ont une enorme chance a leurs debuts, le secret est dans le travail pas ailleurs!! Combien d'heure tu mets par semaine a l'etude de ton poker? (Calembour)
On peut remarquer au passage que cette elevation du joueur par la discipline, a l'instar des echecs ou du jeu de go (Papineau 2000), confere au poker un statut plus digne dans les representations sociales, une aura plus intellectuelle que celle qui entoure les autres jeux de hasard et d'argent.
En plus de juger essentielle l'etude de la strategie et des probabilites, les aspirants professionnels partagent egalement la conviction que, pour bien jouer, ils doivent se discipliner, c'est-a-dire se contraindre a differentes regles ayant pour objet le corps, l'humeur ou l'esprit et leur permettant d'etre en pleine possession de leurs moyens lorsqu'ils jouent. Ainsi, l'un dit faire du sport pour se detendre et jouer mieux, plusieurs etablissent et determinent le maximum d'heures consecutives qu'ils peuvent passer a jouer pour ne pas etre trop fatigues, manquer de jugement et << tilter >> (14) :
[il faut] avoir quelques heures de libres quand tu commence une session, [autrement] tu [vas] surtout etre "presser" de faire du cash parce qu'il te reste peu de temps a jouer (fisher31).
Il faut se reserve a premiere vue un bon deux heures minimum. J'avais souvent entendu, d'y aller a son rythme, une heure ici, une demi heure la. [mais] j'ai l'impression qu'a moins d'etre un adepte des hit and run. Ce n'est pas viable et pas tres interessant. (Ramses73)
En general je vais jouer environ 6 heures, prendre un break d'une heure ou deux et rejouer un autre 4 heures. [...] Reste que je mets un point d'honneur a arreter de jouer si je suis on tilt ou que j'ai juste pas de "feel" et que ma concentration n'est plus a son meilleur (Reqin)
Toujours avec l'idee d'etre le mieux a meme de se concentrer et de garder leur sang-froid, un bon nombre disent qu'ils s'abstiennent de boire quand ils jouent, un autre fait de la meditation pour etre plus zen, alors qu'un autre s'applique plutot a faire de la visualisation :
[...] c'est une de mes technique de visualisation .Si jeme vois comme le meilleur et j'y crois je vais tout faire pour y arriver.C'est une de mes techniques de visualisation Presentement je joue et etudies les strategie 14h/jours des fois plus. (MisterZ)
Bien que les moyens mis en Luvre par les uns et les autres et que les regles que chacun imagine et se donne soit des plus variees, tous s'entendent en somme sur le fait que la simple pratique du jeu -- le seul fait de jouer -- ne suffit pas pour devenir un joueur gagnant. On a meme plutot l'idee que celui qui n'etudierait pas le jeu de maniere livresque et qui jouerait sans se fixer de regles pour demeurer concentre et mieux dominer ses pulsions serait assure de perdre, qu'il serait en outre le << poisson >> contre lequel ceux qui etudient et se donnent des conditions pour demeurer calmes et concentres pourront gagner. Dans ce sens, il apparait clairement que la pratique des aspirants joueurs professionnels deborde largement le seul fait de jouer et que pour circonscrire le cadre dans lequel leurs pratiques de jeu sont intelligibles, il est imperatif de s'interesser non seulement a ce qu'ils font quand ils jouent, mais egalement a tout ce qu'ils font, en plus de jouer, dans le but de parvenir a jouer << mieux >>, c'est-a-dire a gagner plus et plus souvent.
Le parcours et le decoupage du temps
La poursuite de cette ambition de devenir un joueur gagnant est systematiquement pensee par les joueurs comme un parcours que l'on peut planifier et qu'il convient de decouper en etapes successives, afin d'eviter de perdre trop d'argent dans l'apprentissage du jeu. Cette vision des choses mene couramment les joueurs a se doter d'un veritable programme, qui suppose une projection dans l'avenir de leurs pratiques de jeu et un decoupage du temps en paliers ou en etapes. On se fixe des objectifs a court, a moyen et a long terme et on essaye de prevoir le temps necessaire a l'atteinte de ceux-ci, de determiner le moment ou, par exemple, on se permettra de jouer des sommes plus importantes ou de s'essayer a une autre variante du jeu (en tournoi, sans limite, en salle, etc.) :
Hey je viens de finir l'ecole. 3 mois et demi de brake. [...] je suis en train de me monter un plan dans la tete. Je met bientot 500$US sur Party Poker. [...] En jouant 3 tables a 100NL [no limit], je recolte 700$ sur! Je vais commencer a jouer 2 tables a 25NL [no limit]. Je prevois jouer environ 20-30 heures par semaine. J'utiliserai ma strategie du "comment faire 10K [10 000 $] en 1 an" sur Prince Poker. Je suis certain d'y arriver. Un de mes amis est rendu a 6000$ avec cette strategie.[...] Pour ce qui est des tournois, je ne jourai pas plus que 3R [rebuy] ou 10 freezout [tournoi sans rebuy] pour commencer. J'espere vraiment que sa va marcher. Je crois que comme toujours, lire est tres important et que je ne le fait pas assez. La l'ete est arrive alors je vais lire le plus possible. Prince, le livre de Skalansky que j'ai et je vais en trouver d'autre apres comme Harrington 1-2 ... Je vais aussi tenter de jouer quelques gaine live [...] Je magasine un auto et j,espere pouvoir la payer avec le poker d'ici 1 and ... (environ 10 ou 12k [10 0000 ou 12 0001) ;) (ChrisZaa)
[...] J'ai alors decide d'organiser mon poker. Je veux apprendre tout sur le Texas Holdem!!!! Mais, je veux commencer par le commencement pour bien evoluer en tant que futur professionnel de poker J Je vais etudier tout ce qui a apprendre sur le Texaslimit. Une fois ses concepts assimiles et rentabilises, je vais passe au no limit et apres je vais m'attaquer serieusement au poker de tournoi. J'ai l'intention de participer activement au forum pour evoluer le plus rapidement possible sans bruler d'etape. En passant, je suis etudiant a l'Uqam en administration des affaires. (MaximMax)
Le programme et les objectifs qu'on se donne concernent habituellement les montants qu'on espere gagner, les variantes de jeu qu'on va jouer et, surtout, l'importance des mises qu'on va jouer en fonction de son << fond de roulement >>. Le Texas Hold'em << avec limites >> est une variante du poker dans laquelle le montant de la mise de depart et de ce que chaque joueur peut miser a chaque tour de table est fixe et predetermine. Cette variante du jeu se joue bien sur avec differentes limites, les joueurs pouvant jouer par exemple a 2$/4$, a 5$/10$, a 10$/20$, etc. Le principe auquel adherent generalement les participants au forum de CoolPoker etant qu'on devrait toujours commencer son apprentissage en jouant a des << microlimites >>, c'est-a-dire sur des tables electroniques ou la mise est fixee a 0.05$/0.10$ ou a 0.10$/0.20$, pour eviter de perdre des sommes trop importantes, et ensuite passer progressivement a des limites plus elevees lorsqu'on gagne et que son fond de roulement augmente suffisamment. Si ce principe apparait tout a fiait raisonnable a premiere vue, il convient de souligner que celui-ci ne va pas sans poser de probleme dans la mesure ou les joueurs s'entendent egalement sur le fiait que la maniere de jouer varie de facon importante selon les limites auxquelles on joue. C'est d'ailleurs precisement parce que le jeu differe substantiellement selon l'importance des mises qu'on partage aussi la conviction qu'il n'est pas possible d'apprendre a jouer en s'en tenant aux tables de << play money >>, c'est-a-dire a des espaces (comme ceux qu'offrent Yahoo, Facebook de meme que certains sites de poker) dans lesquels on joue de l' << argent virtuel >>, uniquement pour le plaisir. C'est que, lorsqu'il n'y a pas d'argent en jeu ou lorsque les sommes jouees sont peu elevees (certains sites permettant de jouer a 0.01$/0.02$), les joueurs seraient beaucoup moins enclins a coucher leur main de peur d'etre battus et ils n'hesiteraient pas a suivre, voire a relancer la mise des autres, meme lorsqu'ils ont une mauvaise main, de telle sorte que, comme un grand nombre de joueurs demeurent dans le jeu jusqu'au << river >> (la derniere carte qui est mise sur la table), le vainqueur serait d'abord celui qui se verrait favorise par le hasard --meme en ayant commence avec une mauvaise main-- et non pas celui qui aurait le << mieux >> joue. Avec des mises plus substantielles, les joueurs seraient beaucoup moins enclins a miser, a suivre la mise ou a relancer avec de mauvaises mains, de telle sorte qu'a l'issue du jeu, les joueurs restants seraient moins nombreux et que le vainqueur serait plutot celui qui aurait joue de facon raisonnable et strategique. En outre, alors qu'un joueur maitrisant bien le jeu aurait de bonnes chances de gagner avec une bonne main quand il joue strategiquement la ou les mises sont substantielles (par exemple a 10$/20$), il serait, dans les memes conditions, beaucoup plus susceptible de subir un << badbeat >> a une microlimite.
Le << badbeat >>, qui occupe une place centrale dans les representations et discours des participants au forum, designe le fait de perdre alors qu'on a joue habilement avec une bonne main et qu'on est vaincu par un joueur qui a joue avec une mauvaise main, mais qui a ete favorise par le hasard. En outre, les joueurs s'entendent sur le fait que les << badbeats >> sont beaucoup plus frequents aux microlimites --celles auxquelles le debutant devrait jouer pour apprendre-- et donc aussi que la strategie a adopter n'est pas du tout la meme que lorsque les mises sont plus elevees :
Quand tu te force a bien jouer serrer tu riais ce que tu a faire tu joue micro limite tu perd le petit peu que tu gagne comme sa a chaque fois >> (RockBoy25).
[...] aux micro limites le jeu est tres "loose". donc les bad beat sont plus frequents, la comparaison avec le nl200 n'est donc pas comparable (DonCarlo).
Les micros limites sont parfaites pour developper les bases ABC du poker. Tes adversaires seront trop looses et trop weak, ce qui fait que la meilleure strategie reste un poker tres TAG. Les badbeats seront effectivement plus frequents mais tu accumuleras les profits rapidement lorsque la chance ne sera pas trop contre toi. Fais toi en pas avec une main comme ca, on s'essuie pis on continue (Tight)
Le passage d'une limite a l'autre implique donc aussi, en toute logique, que le joueur soit paradoxalement amene, lorsqu'il decide de passer a l'etape suivante de son programme, a faire un nouvel apprentissage du jeu et a se livrer de nouveau a la recherche d'une strategie appropriee. Et puisque ce n'est pas en jouant a des microlimites que les joueurs peuvent esperer faire des gains suffisants pour tirer du jeu des sommes significatives et qu'il faut reapprendre a chaque fois qu'on passe a un autre type de jeu ou a des mises plus elevees, on comprendra aussi que la plupart des joueurs soient presses d'en arriver aux dernieres etapes de leur programme.
Evidemment, nous ne saurions dire dans quelle mesure les joueurs s'astreignent ou non effectivement aux programmes et aux regles qu'ils se donnent, ni non plus s'ils atteignent ou non les objectifs qu'ils se fixent, puisque ceux-ci ne reviennent a peu pres jamais a posteriori sur les programmes qu'ils se sont donnes au prealable pour faire etat des resultats qu'ils ont obtenus. Plusieurs font couramment etat de leurs gains ou de leurs pertes des semaines ou des mois precedents, mais c'est habituellement toujours pour mieux reorganiser leur avenir et jamais pour rendre compte de la reussite ou de l'echec de leurs projections anterieures, les etapes et les paliers avec lesquels on decoupe le temps se trouvant toujours plutot du cote de l'avenir que de celui du passe. Cette facon de vouloir a la fois se dominer soi-meme, s'astreindre a l'etude et << organiser >> le temps a venir donne a l'observateur l'impression que les joueurs sont engages dans un combat permanent pour tenter d'exercer un controle sur le chaos eventuel du monde a venir. En somme, tout se passe comme si la rigueur a laquelle on s'emploie a planifier et a reguler de facon systematique ses propres pratiques devait permettre de conjurer le sort, qu'elle venait en fin de compte palier l'absence de controle dans laquelle on se trouve toujours alors qu'on attend de recevoir ses cartes ou qu'on surveille la table pour voir quelle place les cartes qu'on a en main pourront occuper dans cet ordre du monde qui se dessine avec les cartes que jette le croupier sur la table.
Des bons joueurs qui perdent et des << poissons >> qui gagnent
Lorsque les joueurs font etat de leurs experiences, c'est generalement pour rapporter leurs << bons coups >>, c'est-a-dire leurs gains ou les << badbeats >> dont ils ont ete victimes, les fois ou le hasard les a fait perdre alors qu'ils auraient du gagner si leur adversaire n'avait pas << mal >> joue, s'il s'etait abstenu de jouer une mauvaise main avec laquelle il a gagne parce qu'il a ete << chanceux >>. En outre, si on fait volontiers etat des fois ou on perd, ce n'est a peu pres jamais pour flaire etat des fois ou on aurait << mal >> joue. Il convient dans ce sens de souligner que, pour les aspirants professionnels, il existe une distinction bien nette entre << bien jouer >> et << gagner >>. Si le fiait de << bien jouer >> est ce qui devrait normalement permettre de gagner (et cela a plus forte raison qu'on joue contre d'autres qui jouent << mal >>), le hasard fait cependant couramment en sorte que les << bons >> joueurs perdent contre les << mauvais >>, lorsque ceux-ci sont favorises par la providence. Dans ce sens, le << badbeat >> occupe une place tout a fait centrale dans les representations des joueurs et se trouve au coeur de l'opposition entre << bons >> et << mauvais >> joueurs, entre ceux qui attendent la victoire de la chance et ceux qui l'obtiendraient par la strategie. Les echanges des participants au forum concernant leurs experiences de jeu donnent a voir de bons joueurs qui gagnent parce qu'ils sont bons, alors qu'ils perdent parce qu'ils sont malchanceux, lesquels jouent contre de mauvais joueurs, qui perdent parce qu'ils sont mauvais et qui gagnent parce qu'ils sont chanceux. Le discours des joueurs au sujet des << badbeats >> est toujours structure par cette opposition, suivant laquelle le hasard favorise celui qui ignore tout de la strategie et fait perdre celui qui joue habilement. Or, on s'en doute, la frontiere est parfois bien mince entre mal jouer et bien jouer et elle est dans tous les cas l'objet de vives discussions. Ainsi, le joueur qui fait etat du << badbeat >> dont il a ete victime court toujours le risque, selon ce qu'il dit avoir joue, de se faire traiter de << mauvais >> joueur par les autres, de meme que celui qui fait fierement etat d'une main qu'il a remportee peut parfois se faire dire par les autres qu'il a tres mal joue et que c'est le hasard qui lui a permis de gagner : << Ouais c'est la strategie du gros poisson qui se prends pour un requin >> (Fanamu33). Il semble en somme que ce soit autour de ces debats permettant de departager les (bons) joueurs qui sont victimes de badbeats des (mauvais) joueurs qui n'ont eu que ce qu'ils meritaient que se jouent les mouvements d'agregation/ exclusion dans la communaute que forment les participants au forum de CoolPoker.
Continuite et rupture du temps et des nombres
Si la chance peut certes favoriser un joueur a l'occasion, les aspirants professionnels, confiants dans la loi des grands nombres, savent bien aussi que sur des dizaines de milliers de mains, la chance ne devrait pas, en principe, favoriser plus souvent les uns que les autres. En outre, on partage la conviction que si un mauvais joueur peut a l'occasion etre chanceux et si ceux qui usent habilement de strategie peuvent neanmoins aussi connaitre par moment leur part de malchance, celui qui maitrise mieux le jeu que d'autres devrait, en principe, s'averer globalement gagnant a longue echeance. Pour cette raison, on comprendra aussi que les aspirants professionnels se montrent tres preoccupes par cette idee du << long terme >>, se disant que c'est a << long terme >> qu'on peut determiner si on a ou non reussi a devenir un joueur gagnant, puisqu'a << court terme >>, le hasard contribuerait trop souvent a determiner l'issue du jeu. Or, tout le probleme est bien de savoir ou finit le << court terme >>, dans lequel la providence dicte sa loi, et ou commence le << long terme >>, ou regnent en maitres la strategie, le talent et la discipline. La question pourra certes paraitre absurde a un statisticien qui pense le role du hasard en termes de continuite et de progression et jamais dans une logique ou il y aurait un point de rupture entre le monde des petits et celui des grands nombres. Mais pour les aspirants joueurs professionnels, qui decoupent le temps et le jeu en paliers et en etapes, c'est generalement dans ces termes que se pose le probleme --et il est pour eux de grande importance :
Tous les joueurs serieux sont au courant de ce fait : "A court terme, la chance peut determiner vos resultats ; mais au long terme, ce sont les connaissances et les habiletes qui comptent." Mais comment faitesvous pour savoir que vous etes rendu au long terme? [...] Est-ce que le fait de perdre 1200$ sans avoir gagne une seule main veut dire que vous etes rendu dans le long terme? Est-ce que ca prend une semaine ou plus? (Oloroko)
J'aimerais avoir votre avis sur les facteurs indiquant qu'il est temps de monter de niveau (stake). J'ai 20k [20 000] mains de jouer en NL2 et je suis even (j'ai un blanc pour le mot francais). J'ai commence avec un bankroll de 25$ sur Fulltilt et avec les Bonus et le fait que je n'ai pas perdu d'argent, j'ai presentement 60$ >> (Patmarky)
Bien que les unites de mesure employees dans ces exemples ne soient pas les memes -- l'un compte les jours, l'autre le nombre de mains -- et que [es sommes dont il est question ne soient pas du meme ordre (l'un a perdu 1200$ alors que l'autre en a gagne 35$), la question qui tenaille Patmarky est exactement la meme que celle qu'Oloroko adresse aux autres. Comment savoir qu'il est temps de passer a un autre niveau ? Est-ce que le fait d'avoir gagne 35$ sur 20 000 mains en jouant au Texas Hold'em sans limite avec mise de depart a 2 $ temoigne du fait qu'on maitrise le jeu suffisamment pour s'aventurer a jouer des sommes plus importantes ou est-ce que ce ne serait pas tout simplement qu'on n'a pas ete trop malchanceux ? Cette question revient de facon incessante dans les echanges qu'ont les joueurs, qui non seulement s'interrogent a savoir ce que sont les sommes qu'ils peuvent se permettre de jouer, mais qui s'inquietent aussi de savoir s'ils peuvent legitimement se considerer comme des << joueurs gagnants >> ou en voie de le devenir Dans un monde ou les bons joueurs qui misent sur la strategie s'opposent aux poissons qui comptent sur la chance, il y a en effet peu de place pour les entre-deux et les zones grises que suppose le continuum du temps et des nombres qu'est celui des probabilites. C'est donc toujours sous le mode de la rupture et de l'opposition que les joueurs semblent penser le temps, la distinction entre << long terme >> et << court terme >> sur laquelle ils s'appuient ne laissant que peu de place a une temporalite intermediaire. Mais en fin de compte et quoi qu'il en soit du nombre de mains jouees ou du nombre d'heures passees derriere l'ecran, en pratique, il apparait que c'est d'abord la reconnaissance des autres qui permette a chacun de s'assurer qu'il n'est pas du cote des << poissons >>.
Le lieu de l'entre-soi
Si le forum est vraisemblablement pour plusieurs l'occasion d'obtenir des conseils pour ameliorer leur jeu et pour d'autres l'occasion de faire valoir leur maitrise du jeu et leur succes, il nous semble que celui-ci est pour la plupart d'abord un espace de reconnaissance, dans lequel les joueurs peuvent se voir confirmer leur place dans le monde des (futurs) << joueurs gagnants >> et, plus fondamentalement, trouver aupres des autres la confirmation de leur conception du jeu et du rapport qu'ils entretiennent a celui-ci. En effet, on se retrouve sur CoolPoker pour parler de strategie, mais aussi tres souvent de ses pratiques et de ses aspirations. Et si on se rend dans un forum pour en discuter avec des inconnus, c'est sans doute parce qu'on ne pourrait pas le faire ailleurs. Nombreux sont d'ailleurs les echanges dans lesquels les joueurs font etat de l'incomprehension ou de la desapprobation de leur entourage vis-a-vis de la maniere dont ils concoivent le poker :
[...] non mais serieux, moi aussi je tennais sa mort avec [a famille etc ... [Si] tu leur explique, il comprendrons peut erre ou non, mais une fois que tu va l'avoir dit il vont te foutre la paix une fois pour toute.... (peut erre tout le monde sauf tes parents bien sur ) (PatLefou)
Aussitot qu'on JOUE a l'ARGENT, ca fait un declic dans la tete de la plupart des gens ... Ne vous tuez pas a essayer de faire valoir votre point de vue aux plus tetus, vous les ferez jamais changer d'avis! Le jeu fait peur a bien du monde, c'est pas demain la veille que ca va changer. (Spirit)
Ahhh les prejuges et les idees preconcues ... Je joue sur l'heure du midi au bureau, au debut mes collegues et surtout mon patron me regardaient d'un drole d'oeil ... Evidemment j'ai eu droit aux quelques petits commentaires d'usages des - fait attention! a tu vas y laisser ta chemise! (RomaBaby)
Le forum apparait en outre pour les participants comme un cercle d'inities, dans lequel on peut se retrouver entre soi, avec des semblables qui partagent sa conception et son rapport au jeu, bien a l'abri des autres (la conjointe, les parents, le patron), ceux qui ne savent pas, ne comprennent pas et qui redoutent qu'un des leurs ne perde au jeu ou ne developpe un << probleme >> de jeu. Dans ce sens, il nous semble que ce genre d'espace en est bien un de socialisation a une norme alternative. Evidemment, le fait de pouvoir echanger sur le forum avec de vrais professionnels, avec des joueurs qui sont meilleurs que soi sans pour autant etre des champions du monde, donc des figures dans lesquelles les amateurs peuvent plus facilement se projeter et se reconnaitre, contribue tres certainement a nourrir les espoirs et les reves des aspirants professionnels. Plusieurs affirment d'ailleurs explicitement que leur decouverte du forum et leur participation a celui-ci les encouragent dans leur projet :
Mon but est simple ... jeveux debuter par la base et me faire un petit bankroll car j'ai l'intention de monter les etapes au fur et a mesure que mon bankroll me le permettra. [...] meme si je ne vous connais paspersonnellement j'ai vraiment l'impression de faire partied'une communaute de mordus qui on a coeur leur developpement. Vos commentaires me donnent envie de pousser plus loin mon apprentissage et de prendre encore plus plaisir a jouer a ce merveilleux hobby. (Caiman)
En meme temps, il semble que la communaute electronique puisse aussi jouer le role de rempart pour certains. La conception du jeu qu'on partage, c'est bien que si on se discipline et qu'on etudie serieusement, on pourra devenir un joueur gagnant, mais on partage aussi l'idee que le parcours qui permet d'y arriver est long et seme d'embuches et qu'il n'est pas a la portee de tous. En somme, l'espace des aspirants professionnels, c'est aussi le monde des elus virtuels, de ceux qui pourront gagner, parce qu'ils jouent contre des joueurs qui, eux, n'etudieraient pas les strategies, n'observeraient pas de regles, ne sauraient pas se discipliner et passeraient leur temps a << tilter >>. En toute logique, on croit inversement que les joueurs qui ne sont pas assez perseverants, ceux qui ne peuvent dominer leurs emotions, ne pourront jamais devenir des pros et risquent de perdre. Les participants conseillent donc parfois a quelques-uns d'arreter de jouer ou de jouer pour le plaisir, sans esperer en tirer de revenu. Mais le plus souvent, la reponse qu'on adresse a l'aspirant professionnel qui se desole de perdre consiste d'abord a lui dire qu'il devrait peut-etre arreter de jouer pour ensuite le rappeler a l'ordre de la discipline, lui dire ce qu'il devrait faire (lire, etudier, se discipliner pour se controler et ne pas bruler d'etapes) pour devenir meilleur :
Plus jamais je metterai de l'argent sur ces maudits site de poker [...] j'ai lu l'article comme de quoi on peu faire 10 000$ avec 50$ ben laisse moi vous dire que je n en crois aucun mots pour les raisons que je vous ai donnes. A moins d etre tres chanceux et extrement patient.... ce qui n'est pas mon cas. Bon alors merci de m'avoir ecoute, je vais maintenant jeter mon ordi en bas du troisieme etage (MarcTrembl)
REPONSES :
T'as raison. Lache le poker, ca va etre mieux pour ton portefeuille. T'as vraiment pas l'attitude et la patience pour devenir un bon joueur de poker. (Dave 98)
[...]je crois que tu devrais plus jouer au poker ni autre forme de jeu a l'argent, tu as tout les signes d'un gambleur. Donc si jamais tu veut jouer au poker quand meme je te conseille de lire un ou deux bouquins et d'oublie l'argent perdu pour pas vouloir simplement te refaire.... (Ear)
En outre, la detresse de celui qui perd semble bien etre d'abord pour les autres l'occasion de reaffirmer les principes disciplinaires qui structurent leur rapport au jeu. Les plaintes de ceux qui perdent se repetent et appellent systematiquement le meme rappel a l'ordre disciplinaire des membres du forum de CoolPoker :
Je sui tanner ostie jai envie de toute detruite jai pu le gout de rien je demoraliser je joue serrer pi je joue ma position un bon poker abc pi je fais des tournois a 2.50 pi collis apres 4h de jeux je pogne un bad beat de merde sortis de nimporte ou qui me fais perde pi je gagne 20 cent de profit.
J'arrive jamais a progresser sur ce site de merde je reload continuellement criss je pourrai me ruiner avec la malchance que jai sur ce site bref pas normal ce que tu gagne tu finie toujours pas le perde.
J'AI BESOIN DE LE DIRE DE TOUT MES FORCE JE ENCULE POKERSTARS JE SUIS PAS UN GARS MAUVAIS OU VULGAIRE MAIS JAI CRAQUER VRAIMENT CA SE PEUT PAS DITE MOI SI JE SUIS LE SEUL.
REPONSES :
ok je pense que tu as besoins d'une petite pause lecture ! Donne toi une semaine de break sans jouer et lire qq articles (Maxiro).
Tu devrais lire Poker Mindset: la psychologie du poker de lan Taylor et Matthew Hilger. Tres bon livre qui explique le tilt, le bankroll, les adversaires, les mauvaises passes et les bad beats. Toutes les attitudes essentielles pour reussir au poker sont la (Aklamir).
A la recherche de l'Introuvable poisson
Si on croit qu'en travaillant tres fort, en se disciplinant et en etudiant le jeu serieusement on peut toujours avec le temps devenir un joueur gagnant et faire de l'argent, c'est evidemment aussi parce qu'on estime que le monde du poker est empli de << poissons >>, c'est-a-dire de joueurs qui perdent, parce qu'ils sont de << vrais gamblers >>, qui jouent au poker comme d'autres jouent au Monopoly et qui esperent avoir la chance de leur cote. Or, si on admet le fait qu'il existe bien une certaine proportion de joueurs qui maitrisent le jeu mieux que d'autres et qui effectivement parviennent plus souvent que les autres a gagner et a gagner plus, on peut se demander dans quelle conception du jeu et dans quel rapport au jeu s'inscrivent les autres, ceux qui perdent. Vu l'ampleur qu'a pris le vedettariat du poker, vu le nombre d'ouvrages grand public consacres au poker parus ces dernieres annees, mais aussi de sites, de blogues portant sur la strategie, il nous semble qu'on peut penser que, au moins dans l'univers du jeu par Internet, les joueurs qui envisagent le poker
comme un divertissement et comme un jeu reposant tres largement sur le hasard dans lequel il serait raisonnable de jouer en escomptant avoir la chance de son cote sont plutot rares, en outre que le << poisson >> qui joue au poker comme d'autres jouent a la roulette ou au bingo, c'est evidemment toujours l'Autre. Celui qui gagne peut se reconnaitre lui-meme comme plus discipline et comme maitrisant le jeu mieux que celui qui perd, alors que celui qui perd se percoit sans doute plutot lui-meme comme inscrit dans un parcours dans lequel, s'il perd aujourd'hui, c'est pour etre mieux a meme de gagner plus tard. En somme, on peut se demander dans quelle mesure, sur Internet, tous les joueurs de poker n'ont pas adopte cette meme conception disciplinaire du jeu et ne se reconnaissent pas tous eux-memes comme revant de devenir des professionnels. En attendant d'y arriver, on accepte vraisemblablement de perdre et ... on continue a etudier !
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Madeleine Pastinelli
Universite Laval
Simon Cote-Bouchard
Universite Laval
Elisabeth Papineau
Institut national de sante publique du Quebec
(1.) http://www.poker-actu.fr/ezine/article/-/id/747/poker/interview-poker- shirley-bousquet
(2.) http://www.casinopokerchipsets.com/thomas-fougeron/
(3.) Allant du ludisme dans lequel le jeu est subordonne a la sociabilite, a la pratique des professionnels pour lesquels le jeu semble n'avoir plus rien de ludique et ne coincide dans tous les cas que marginalement avec un temps de sociabilite.
(4.) Nous employons ici le concept de deviance suivant la maniere dont il est defini en sociologie, c'est-a-dire pour qualifier les pratiques et discours qui sont non conformes a la norme sociale.
(5.) Voir notamment Adler et Adler 2007; Bardone-Cone et Kamila 2007 ; Bell et al. 2006; Bell 2007; Clarke et Amerom 2007; Davies et Lipsey 2003; Fox et al. 2005; Lyons et al. 2006; Mulveen et Hepworth 2006.
(6.) Nous avons travaille sur le contenu du forum entre janvier et mai 2008 tel qu'il etait alors disponible.
(7.) Pour preserver l'anonymat de ceux qui interviennent dans ce forum, nous avons remplace le nom de celui-ci par un nom fictif.
(8.) Ils jouent principalement en ligne contre des joueurs qu'ils ne connaissent pas.
(9.) Au moment ou nous avons effectue notre travail d'analyse, il etait possible de lire le contenu du forum sans s'inscrire a celui-ci et en devenir membre, seuls ceux souhaitant intervenir sur le forum se voyant contraints de s'y inscrire.
(10.) Cette question a notamment retenu l'attention de nombreux chercheurs et lobbyistes dans la mesure ou, dans le cadre de la juridiction de plusieurs etats americains, le poker pourrait etre legalise si on etablissait qu'il s'agit d'un jeu reposant d'abord sur [es habiletes des joueurs.
(11.) Nous soulignons.
(12.) Pour preserver l'anonymat des participants, nous avons remplace leur pseudonyme par des pseudonymes fictifs.
(13.) Le << bankroll >> ou fond de roulement est en quelque sorte l' << outil de travail >> du joueur, il s'agit de la somme qu'un joueur utilise pour jouer, qu'il reserve au jeu et tente de preserver ou de faire augmenter. En pratique, il semble qu'il s'agisse habituellement et plus exactement du solde du ou des comptes dont un joueur dispose sur un ou plusieurs sites de poker en ligne.
(14.) Dans le langage des joueurs, << tilter >> consiste a perdre ses moyens et a se laisser emporter par le jeu et la pulsion du moment, en jouant un coup irrationnel et irreflechi. Sur la base de ce que les joueurs en disent, meme si c'est le caractere irrationnel de la facon dont une main est jouee qui semble definir le << tilt >>, il semble que celui-ci ne soit etablit que retrospectivement, lorsqu'on a perdu une main. En effet, on peut suspecter qu'alors qu'un coup sera plutot pense comme un bluff habile ou comme un risque calcule par celui qui gagne une main, il pourra etre vu par le joueur comme un << tilt >> s'il perd sa main.