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文章基本信息

  • 标题:Vestiges de l'indiscipline. Environnements d'art et anarchitectures.
  • 作者:Roussel, Valerie
  • 期刊名称:Ethnologies
  • 印刷版ISSN:1481-5974
  • 出版年度:2009
  • 期号:September
  • 出版社:Ethnologies

Vestiges de l'indiscipline. Environnements d'art et anarchitectures.


Roussel, Valerie


Vestiges de l'indiscipline. Environnements d'art et anarchitectures. Par Valerie Rousseau. [Gatineau, Musee canadien des civilisations, << Collection Mercure, Etudes culturelles >> no 81, 2006, Pp. 193, ISBN 9780660972329]

Forme d'art insoupconnee, et qui echappe par ses dimensions temporelle, spatiale et philosophique a la categorisation, les environnements d'art se differencient peut-etre trop des oeuvres d'art classiques pour faire partie de notre imaginaire culturel collectif. S'il n'est pas envisage dans le livre de decrire les environnements d'art comme une forme plus grandiloquente d'expression de soi, il n'en reste pas moins que le nombre d'artistes dont le support des pulsions creatrices s'est etendu a l'espace domestique et aux cours arriere et avant, est limite, ce qui confirme une certaine rarete. D'un autre cote, cette rarete est parfois source d'eloquence, si l'on se fie a Vestige de l'indiscipline. Environnements d'art et anarchitectures.

L'auteure de l'ouvrage, Valerie Rousseau, est doctorante en histoire de l'art a l'UQAM et a fonde la Societe des arts indisciplines (SAI). Le discours qu'elle developpe dans Vestige de l'indiscipline est specialise et mis a l'epreuve d'une ethnologie de l'art indiscipline. Il n'est pas un instant ou la reflexion de l'auteure s'arrete pour categoriser ou figer dans le temps l'oeuvre d'un artiste dont de toute maniere on connait mal le passe, et dont on ignore l'avenir et les intentions. En fait, nous decouvrons que les createurs d'environnements d'art sont d'autant plus mysterieux qu'ils evitent en tout point d'embrasser les lieux communs de la vie artistique qui seraient susceptibles de les rendre sans doute trop lisibles. La visite des environnements d'art est celle d'une ethnologue sur les terres d'un voisin chez qui il y a encore beaucoup a saisir, a observer. C'est ainsi que Valerie Rousseau tente d'habiter quelques instants les univers d'une multitude d'artistes qui, au-dela de leurs personnalites differentes, ont souvent en commun le choix de s'etre reclus dans leur chez-soi microcosmique, de s'etre bati ce que l'auteure appellera leur "paradis". Ils sont independants et meme souverains pontifes dans le cas de l'artiste Palmerino Sorgente, le pape de Montreal. C'est donc l'usage du regard distant sur les univers artistiques d'un groupuscule meconnu et profondement a part qui vient caracteriser la partie ethnographique du livre et, disons-le, la connaissance qu'a Rousseau de l'anthropologie du processus creatif est mise au service d'une ethnographie definitivement humanisante.

Le livre lui-meme, de 190 pages, n'est pas un ouvrage qui peut pretendre a l'exhaustivite en la matiere. Les pages 55 a 135 contiennent les photos des creations de huit artistes. Ces pages separent la premiere partie, celle des ethnographies, et la partie plus reflexive du livre. On comprendra que l'espace important occupe par les photographies prises par Rousseau et Richard-Max Tremblay se justifie par l'intention chez l'auteure de preserver et diffuser la memoire de ce patrimoine culturel.

Si elles peuvent nous etre offertes comme des visites libres, completes et ephemeres, c'est parce que les presentations des environnements d'art sont vraisemblablement etoffees de la longue experience de l'auteure avec les createurs des sites et des nombreuses discussions qui ont pu avoir lieu entre eux durant ses annees de recherche sur les environnements d'art (1996 a 2004). Bien davantage qu'une description esthetique de chaque site, le lecteur a droit a un expose ethnographique allant entierement dans le sens du concept de profondeur de la culture : social, psychologique, esthetique, personnel, linguistique, historique, et toutes ces categories sorties de la subjectivite a la lecture d'un contenu ethnographique aussi dense. Les sept portraits des huit artistes passent d'abord par quelques elements biographiques marquants de leur vie. La demarche ethnographique inductive de Valerie Rousseau est un vaet-vient entre un discours de l'interieur humain et celui de l'exterieur technique. Elle s'approprie le langage de l'artiste, fait ressentir sa presence ou son absence, decrit les environs, les creations, les gestes qui ont fait l'oeuvre, et l'impact de l'oeuvre sur l'entourage du createur ou sur le tourisme local. Souvent crees autour de l'age de la retraite, ces environnements semblent jaillir d'un besoin enfoui de polyvalence et de liberte. Nous pouvons nous demander s'il n'y a pas un lien conscient entre la philosophie de chaque createur et sa facon de choisir son materiel, ses techniques de creation et son support. Et ce questionnement, aussi facilement nait-il, n'en est toutefois pas moins marquant et vient ajouter une dimension particuliere a nos tentatives de comprendre ce qu'il y a a comprendre dans chaque environnement d'art, dans ce qui l'unit a celui qui le faconne.

Leonce Durette, le premier artiste populaire presente, a su, comme les six autres, ramasser, conserver et classer des objets apparemment inutiles pour ensuite les utiliser dans ses creations : des materiaux echoues sur le bord de la mer ou des vestiges de bois de chantier. Beaucoup d'objets, collectes pour le << frisson >> ressenti par l'artiste a leur vue, ont servi a creer un environnement flamboyant, majestueux. L'auteure remonte au cabinet des curiosites pour laisser naitre en nous une nouvelle vision du collectionnisme des artistes, qui s'accommodent volontairement de contraintes, reperent le potentiel d'objets delaisses en les reintegrant dans de nouvelles entites par le biais de techniques variees. Ces choses, ces machins, deviennent des objets de compagnie aux particularites subjectives et identitaires. Graduellement, nous avons le loisir de decouvrir quelques parties de l'oeuvre de Durette, comme le magnifique plafonnier de sa maison, jusqu'a ce que nous saisissions l'etendue de son audace : un environnement d'objets et de gestes artistiques qui couvrent entierement l'interieur et l'exterieur de son logis. Les objets utilitaires deviennent banals, dissimules dans cet univers de nouveaux sens, dense et heteroclite. Alors qu'il n'est plus en etat physique et mental de creer, Durette percoit son Luvre comme un prolongement de son existence, qui peut aussi bien disparaitre avec lui.

Richard Greaves est celui pour qui le terme d'anarchitecture utilise dans le titre de l'ouvrage prend tout son sens. Ses maisons sculpturales, completement hors-normes, deformees, fragiles, sont pourtant parfaitement solides et fascinent. A la vue d'un visiteur, l'artiste se derobe de son village de sculptures (habitables pour la plupart) afin de laisser aux spectateurs le loisir de creer des sens, mystifies par l'absence du createur. Puis, Charles Lacombe decrit fierement la spontaneite contenue dans ses creations dessinees a meme des rebuts dont il sait reperer le potentiel (pintes de lait, goulots de boisson gazeuse, etc.). Il y a Roger Ouellette, l'homme a tout faire, qui a parseme furtivement salon, jardin, grange et montagne sacree de ses personnages faits de bois et de ciment, des materiaux aussi utilises autrefois pour fabriquer les cercueils. Il a d'ailleurs construit le sien. Emilie Samson a directement inspiree sa fille Adrienne Samson-Fortier a l'art de tout transformer ce qui lui tombe sous la main, des rebuts de la cuisine aux accessoires de couture.

L'omniscient Palmerino Sorgente, autoproclame pape de Montreal, cree quant a lui coiffes, vetements, pierres eclatantes et chapeaux de personnages importants, et consacre son temps au don de soi, vivant bien plus que totalement sa vision religieuse du monde et imprimant sur son environnement ses gouts et elans esthetiques naifs et particuliers. Le trajet de cette route des environnements d'art se termine a la maison d'Arthur Villeneuve, de Chicoutimi, qui a la fin des annees 1950 est devenu celebre en deux ans en elaborant un << programme pictural complexe >> sur tous les murs de sa maisons, des surfaces dites << cedees par sa femme >>. Il a ensuite peint 4000 toiles et est l'auteur de 2000 dessins. Aujourd'hui, sa maison, qui etait un musee de son vivant, a ete deplacee a l'interieur d'un centre culturel, ou l'on peut toujours l'admirer.

Les artistes rencontres par Valerie Rousseau sont polyvalents, habiles, et excessivement productifs. Rousseau releve aussi chez quelques-uns un trait recurrant : leur attitude mediumnique, comme s'ils craignaient d'assumer la totale responsabilite de cet art non savant et comme s'il ne s'y retrouvait pas une volonte consciente. La mosaique des appellations depuis 1960 traduit bien la difficulte a cerner le statut de ces manifestations d'art qui, de la part de leurs createurs eux-memes, ne recoivent aucun nom de categorie. Souvent par opposition aux arts nobles et savants, les termes d'art populaire--folk art chez les Anglo-Saxons--, d'outsider art (Roger Cardinal), sans oublier celui d'art indiscipline et bien d'autres renvoient a un deni de l'existence propre de cet art.

Fait interessant, puisque nous n'en savons jamais trop a propos de l'histoire des artistes populaires non traditionnels du Quebec, le repertoire qui a servi << d'amorce >> pour Rousseau et ses collegues avant d'effectuer leurs recherches sur les environnements d'art provenait d'un livre publie en 1978 et intitule Les patenteux du Quebec. S'ils n'ont pas trouve de sites qui existaient encore aujourd'hui, ils ont pu sillonner le Quebec afin de dresser un nouveau repertoire des environnements d'art vivants et entretenus. Ces environnements, au meme titre que d'autres lieux culturels, deviennent fragiles et ephemeres lorsqu'ils sont laisses a l'abandon. Il y a aux Etats-Unis quelques dizaines d'organismes et de communautes de sauvegarde de folk art environments, ainsi que des projets universitaires de protection et de restauration de lieux, particulierement de sites dont les createurs sont decedes. Comme c'est le cas pour les autres types d'expression artistique, la sauvegarde des environnements d'art passe par des dilemmes similaires. Par exemple, si des modifications ou des restaurations sont apportees sur un site, perdra-t-il de son authenticite ? La vente de produits derives pour financer l'entretien du site nuira-t-elle a l'esprit du lieu?

Dans le cadre d'une investigation dans les environnements d'art indiscipline, il aurait ete indelicat et reducteur de poser une hypothese classique et de proceder a l'analyse en se servant d'outils qui n'ont jamais servi dans un tel contexte. Au sein de ces petits musees personnels en constante evolution, le lent processus d'adhesion a l'oeuvre renvoie autant les chercheurs que les curieux a leurs propres perceptions. Pour etablir cet inventaire de huit artistes quebecois peu communs, Valerie Rousseau a use d'un sens aiguise de la reflexivite qui a fait appel a ses propres experiences et a son propre interet pour les arts indisciplines et l'art en general.

Valerie Roussel

Universite Laval
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