Persister persuade. Union des municipalites du Quebec, 90 ans d'histoire 1919-2009.
Collin, Jean-Pierre
Rivest, Martin. Persister persuade. Union des municipalites du Quebec, 90 ans d'histoire 1919-2009. Montreal, Union des municipalites du Quebec, 2009. 159 pages.
A mi-chemin entre l'album d'histoire institutionnelle et la brochure de promotion des politiques actuelles de l'institution, ce document a ete publie par l'Union des municipalites du Quebec (UMQ) pour commemorer son 90[degrees] anniversaire. Abondamment illustre, cet essai redige par Martin Rivest comprend deux parties differentes par le contenu et par le ton. Les trois premiers chapitres proposent une histoire thematique et chronologique de I'UMQ articulee a trois grandes questions: les relations entre I'UMQ et le gouvernement du Quebec, l'enjeu de la decentralisation/centralisation et la fiscalite municipale. Ces pages permettent de suivre les grands evenements de l'histoire de I'UMQ tout en donnant des reperes utiles sur l'histoire des municipalites du Quebec. Les trois derniers chapitres sont consacres aux orientations actuelles de I'UMQ et aux perspectives du monde municipal quebecois sous trois dimensions: les nouvelles problematiques de la vie communautaire (immigration et urbanisation des communautes autochtones, patrimoine et culture, mobilisation citoyenne), l'environnement et le developpement durable, l'occupation du territoire.
Tout en proposant un survol historique interessant, cet essai se veut avant tout une << ode aux fondateurs et a tous ceux qui a leur suite [...] ont ceuvre a la [I'UMQ] batir puis la fortifier >> (p. 15). Une grande place est donc donnee aux entrevues avec quelques personnalites du monde municipal (maires et ex-maires, ministres et ex-ministres). Les memoires de I'UMQ depuis sa fondation, la revue Urba et les rapports de commission d'etude et d'enquete depuis la Commission Tremblay de 1954 representent l'autre source principale de donnees. Par contre, les travaux des historians, geographes, politologues et autres specialistes des etudes urbaines ont ete peu utilises.
Lessai de Martin Rivest est instructif en ce qu'il rend compte des preoccupations et des prises de position de I'UMQ depuis sa fondation en 1919. II nous permet de suivre les debats entre les maires des municipalites urbaines et les divers gouvernements provinciaux (de Lomer Gouin a Jean Charest) qui se sont succedes a Quebec. Cette perspective rend compte de la nature profonde de I'UMQ: un groupe de pression actif sur la scene provinciale pour faire valoir les interets et les besoins des municipalites urbaines. Encore qu'il faille deplorer qu'a trop vouloir epouser le point de vue de l'Union, l'auteur ne prend pas toujours la peine de rapporter tous les elements pertinents pour ne retenir que des morceaux choisis. C'est par exemple le cas du debat sur la tarification qui n'est certainement pas traite avec toutes les nuances qui s'imposent--les positions respectives du gouvernement du Quebec, d'une part, et de I'UMQ et du monde municipal, d'autre part, n'etant pas aussi simplement contraires et opposees que ce qui est pretendu au chapitre 3. Aussi, cette vision trop souvent dichotomique des relations provinciales-municipales amene malheureusement l'auteur a verser dans la polemique. C'est notamment le cas quand il denonce sommairement << la 'petite noirceur' qu'elles [les municipalites] ont du traverser le temps que passe la Revolution tranquille >> (page 103).
Cela dit, le survol historique propose permet de saisir a quel point, pour le monde municipal quebecois, la notion d'autonomie est d'abord, avant tout et presque exclusivernent une affaire de fiscalite. << Est advenue l'heure ou cette autonomie municipal revendiquee et defendue des son origine sans designation par I'UMQ recoit son qualificatif: fiscale. >> (p. 65) En placant ainsi la question de la fiscalite au centre de la revendication d'autonomie municipale, l'auteur est amene a illustrer le conservatisme tranquille et le relatif immobilisme du monde municipal quebecois pour qui << persister persuade >>. Dans son prologue, l'auteur se permet meme l'observation suivante: << cependant ... qu'il soit dit entre nous, l'histoire des municipalites, de decennie en decennie, radote un peu >> (p. 15). Cela rejoint le fait qu'au Quebec, comme dans l'ensemble du Canada d'ailleurs, le monde municipal adhere a la these de l'apolitisme municipal qui se traduit par la volonte de cantonner les municipalites dans le role d'administrations locales et de mettre en sourdine leur potentiel comme gouvernement d'une collectivite territoriale.
On comprend alors que la democratie municipale qui coiffe le titre du chapitre 2 est ramenee a la double question de la << centralisation/decentralisation du pouvoir, des deniers publics et des responsabilites a partager >> a l'exclusion de l'examen du cadre electoral et de la participation politique des citoyens a l'echelle municipale. La democratie municipale dans ce contexte se ramene a une question de proximite de la gestion des services publics et non pas a l'expression d'un programme politique. Si une telle approche est significative de la qualite de la democratie municipale quebecoise telle que percue et promue par les ediles (maires et conseils municipaux), il aurait ete necessaire de l'assortir d'un examen critique des debats, des realisations et des enjeux qui ont marque l'histoire et qui se posent aujourd'hui.
Car la relative mise en echec du monde municipal--deploree tout au long de l'essai--ne se resume pas a une seule histoire de fiscalite ou, plus exactement, de partage fiscal. En effet, cette question des regles de l'exercice de la democratie municipale a aussi marque l'histoire politique et sociale du Quebec depuis Lord Durham. S'il y a eu resistance de la part des contribuables a l'implantation des municipalites comme machines a taxer, il y a eu aussi resistance de la part des maires et des municipalites au developpement des municipalites comme 'machines democratiques de gouvernernent'.
II faut aussi deplorer le peu d'attention portee a la Federation quebecoise des municipalites (FQM). Le monde municipal quebecois ne se limite pas a I'UMQ, loin s'en faut, comme le laisse entendre l'auteur dans son prologue. Les assises politiques et territoriales de l'Union sont essentiellement en milieu urbain (bien qu'il y ait eu un certain elargissement du membership de I'UMQ ces dernieres annees) pendant que le monde des municipalites rurales et des municipalites regionales se reconnaissent plutot dans la FQM. Aussi des municipalites urbaines parmi les plus importantes ont parfois boude I'UMQ--comme ce fut le cas des banlieues regroupees sous l'Union des municipalites de banlieue de Montreal (UMBM) dans les annees 1990 et, depuis 2004, de la Ville de Montreal.
Une autre deception concerne les defauts de la presentation. En premier lieu, l'essai est ecrit dans une langue souvent indigeste avec une volonte trap manifeste de faire de l'effet de style, ce qui se traduit souvent par des phrases trop longues et mal construites. Un peu plus de simplicite aurait fait bon effet et une revision linguistique aurait ete de mise. D'autant que les coquilles et les fautes sont assez nombreuses. Au premier abord, l'abondance des illustrations seduit. Toutefois, il faut deplorer qu'a l'exception des photos de dirigeants de I'UMQ ou de personnalites politiques quebecoises et municipales, ces photos ne sont pas veritablement reliees au texte. Elles decorent plus qu'elles n'ajoutent au propos. Par ailleurs, les legendes et attributions des photos (pages 158-159) sont incompletes et plusieurs fois erronees. Finalement, un peu de cartographie n'aurait certainement pas fait de tort.
Jean-Pierre Collin
Centre Urbanisation Culture Societe de I'INRS (Montreal)