Denise Goulet, Quand l'Amour tisse une vie. Mere Marie du Sacre-Coeur (Frederica Giroux), Fondatrice des Soeurs Missionnaires du Christ-Roi.
Foisy, Catherine
Denise Goulet, Quand l'Amour tisse une vie. Mere Marie du Sacre-Coeur (Frederica Giroux), Fondatrice des Soeurs Missionnaires du Christ-Roi, Outremont, Carte Blanche, 2009, 377 p.
<< Faire de ma vie une reponse d'amour>> mere Marie du Sacre-Coeur
Dans ce livre qui est le fruit d'un labeur de plus de cinq ans, soeur Denise Goulet retrace la vie de mere Marie du Sacre-Coeur, nee Frederica Giroux, fondatrice des Soeurs Missionnaires du Christ-Roi (MCR). Ce n'est pas tant le soin porte a etablir les principaux reperes sociohistoriques de la vie de la fondatrice qui soit remarquable que la recherche constante de l'auteure d'etablir la maniere dont Dieu s'est revele dans notre monde a travers la vie de cette femme. En ce sens, il nous semble essentiel d'articuler ce compte rendu de lecture autour de trois idees principales. Premierement, nous verrons comment divers evenements ont forme cette femme a accueillir la volonte et la Providence de Dieu. Deuxiemement, nous soulignerons la maniere dont l'Amour du Christ fut la source vivifiante de son engagement. Troisiemement, nous tenons a expliciter la maniere dont ce livre s'inscrit plus largement dans l'histoire missionnaire contemporaine du Quebec.
Bien que nee dans un milieu socio-economiquement privilegie, Frederica Giroux fait rapidement l'experience de la perte. Elle a onze ans quand elle apprend la fragilite de la vie avec la mort de son unique frere, Francois. Trois ans plus tard, c'est sa mere qui est prematurement ravie a sa famille. A travers ces deuils, sa foi en Dieu ne cesse de s'approfondir, au point qu'elle decide de lui donner sa vie apres des etudes a l'ecole normale Jacques-Cartier, dirigee par les Soeurs de la Congregation de Notre-Dame (CND) et une annee de perfectionnement en latin et en anglais. Le 22 aout 1908, alors agee de 20 ans, Frederica entre dans la congregation des Soeurs Missionnaires de l'Immaculee-Conception (MIC). Devenue professe deux ans et demi apres son entree dans la communaute, soeur Marie du SacreCoeur entretient une relation privilegiee, marquee par une veritable harmonie de vision et d'actions, avec la fondatrice et superieure des MIC, soeur Marie du Saint-Esprit (Delia Tetreault). Son ascension au sein de la jeune communaute, fondee en 1902, est fulgurante: d'abord nommee des 1915 maitresse des novices alors qu'elle n'est que professe temporaire, elle est rappelee a la maison mere de Outremont ou la superieure generale la charge de sa correspondance et de la reception de visiteurs au parloir.
Des la fin de l'annee 1920, le lien de confiance entre les deux femmes commence a se fissurer. Notons ici que quelques professes avaient quitte l'Institut au cours des annees precedentes, contribuant a creer un climat d'insecurite. C'est dans ce contexte incertain, commencant a reconnaitre un appel a servir Dieu selon un charisme christocentrique plutot que marial comme chez les MIC, que Frederica est privee de sa << voix passive>> en 1923. Elle vit alors une annee purificatoire ou, bien que soutenue humainement par les peres Foucher et Daignault, c'est Dieu qui se revele comme seul et unique necessaire de sa vie. De cette experience d'abandon et apres de longs mois de doute interieur, soeur Marie du Sacre-Coeur decide de donner des mains a ce qu'elle reconnait finalement etre la volonte divine : fonder une communaute entierement vouee aux missions ad extra et animee d'un charisme christocentrique. Dans une lettre envoyee des le 3 juillet 1926 a monseigneur Ross, eveque de Gaspe, elle evoque une possible fondation, mais ce n'est que le 17 janvier 1930 que la fondation de la congregation des Soeurs Missionnaires du Christ-Roi (MCR) est approuvee par la Sacree Congregation des religieux a Rome. Le 20 fevrier 1930, soeur Marie du Sacre-Coeur devient la premiere professe perpetuelle des MCR.
Enfin, il va sans dire que soeur Denise Goulet propose ici une lecture profondement spirituelle de l'experience de vie de la fondatrice des MCR, meme lorsqu'elle aborde le developpement des premieres missions au Japon, dans l'Ouest canadien, puis dans l'ancien Congo belge. Il nous semble tout de meme judicieux de souligner trois aspects qui meriteraient une plus grande attention, puisqu'ils semblent reveler certains paralleles interessants avec les autres communautes missionnaires de fondation quebecoise ainsi que des liens entre des moments cles de notre histoire religieuse. Premierement, le role joue, tant au plan humain que spirituel, par les jesuites dans la fondation des MCR, trouve des echos chez les MIC et a la Societe des Missions Etrangeres du Quebec. Deuxiemement, il est evident que les Soeurs de la CND, en dignes filles de Marguerite Bourgeoys demeurees fideles a la vie voyagere de Marie, ont joue des roles cruciaux dans la concretisation des projets respectifs portes par Frederica Giroux et Delia Tetreault. Troisiemement, devant le role joue par les jesuites et les Soeurs de la CND, n'y aurait-il pas lieu d'approfondir le lien entre le caractere profondement missionnaire de la fondation du Quebec et celle de ce<< communautes missionnaires representant une reponse probante a la lettre apostolique de Benoit XV Maximum Illud (1919)?
Catherine Foisy
Centre for Interdisciplinary Studies in Society and Culture
Universite Concordia