Se coordonner pour aider les sans-abri: les visages varies du travail relationnel de premiere ligne.
Farinas, Luc
Se coordonner pour aider les sans-abri: les visages varies du travail relationnel de premiere ligne.
Signes d'un phenomene social complexe, on ne s'entend
guere sur une definition unique de l'itinerance, ni sur le nombre
de sans-abri (1) et ni sur les solutions a y apporter (Dupuis et Farinas
2009). Par exemple, en 2015, a Montreal, l'itinerance se concoit
surtout comme une absence de toit ou une forme d'exclusion (Farinas
2016). Les chiffres avances varient entre 3 016 et 30 000 sans-abri
(Gagnon 2015), pour une population de 1 800 000 montrealais (Fleury et
coll. 2014). En plus des divers etablissements des 12 reseaux locaux de
services sociosanitaires, du systeme juridique, etc., au moins 152
organismes communautaires peuvent desservir ees personnes (Fleury et
coll. 2014). Cela multiplie les pistes possibles d'intervention
sans garantir un acces aux services. En administration publique,
l'itinerance s'avere un exemple cie de ees problemes
qu'on tente de <<solutionner>> a l'aide d'une
coordination interorganisationnelle (Dupuis et Farinas 2009; Brown et
coll. 2012; Laegreid et coll. 2014). Or, le role et la participation des
praticiens de premiere ligne (<<street level bureaucrats>>)
a cette coordination sont peu etudies dans ce domaine (Considine et
Lewis 2012; Bland 2017). Discours populaire et preoccupation classique
du secteur public (Hambrick et Rog 2000), la coordination constitue
aussi une pratique des intervenants de premiere ligne se realisant
parfois pendant leurs interactions (Dupuis et Farinas 2009). De nature
fluide et peu formalisee, elle se distingue difficilement des activites
d'intervention (Dupuis et Farinas 2009). Elle existerait deja dans
des systemes ou des reseaux que l'on dit marques par des problemes
de fragmentation, de specialisation ou de coherence (Vos et Wagenaar
2014), mais elle merite plus d'attention. C'est au niveau de
ees intervenants que cette coordination peut etre entravee ou se
produire (Dupuis et Farinas 2009). En outre, l'accessibilite, la
qualite des soins et l'equite relevent souvent de ees acteurs
(Maynard-Moody et Musheno 2012).
L'aide aux sans-abri peut preciser les contours de cette
coordination de premiere ligne. Les itinerants ont frequemment des
besoins varies qui s'accumulent --nourriture, vetements, logement,
readaptation, judiciarisation, pertes de papiers d'identite,
problemes de sante mentale ou physique, etc., (Roy et Hurtubise 2007;
Hurtubise et Rose 2016). Ni aucun praticien, ni organisation publique ou
communautaire ne dispose seul de tous les services necessaires pour
combler de tels besoins (Dupuis et Farinas 2009; Vos et Wagenaar 2014).
En tissant des relations entre eux, les intervenants des secteurs public
et communautaire peuvent tenter de proposer aux itinerants les services
necessaires ainsi que leur en faciliter l'acces (Dupuis et Farinas
2009; Hurtubise et Rose 2016; LeMoine 2016). L'etude du cas du role
de liaison de l'Equipe Itinerance et de ses partenaires (2) peut
approfondir davantage cette coordination par les interactions (Dupuis et
Farinas 2009). Afin de mieux saisir la participation de ees praticiens
de premiere ligne a cette coordination, cet article explore les
perspectives, les discours et les pratiques de ees intervenants. Sans
negliger les relations plus difficiles, celles qui <<se deroulent
bien>> (c.-a-d. celles qui sont percues positivement par les
intervenants et leur permettent de realiser le travail quotidien) sont
privilegiees pour etudier des ideaux de relations (Grace, Coventry, et
Batterham 2012), ainsi que les subtilites de liens qui se realisent
moins formellement (Romzek et coll. 2014). Cela approfondit le travail
relationnel ebauche par Dupuis et Farinas (2009). Ce texte esquisse
surtout trois perspectives adoptees par les membres de l'Equipe
Itinerance et ses principaux partenaires pendant qu'ils elaborent
leurs liens. Une premiere perspective, l'ouverture et
l'engagement, s'avere une posture ou les praticiens
privilegient un respect des differences tout en honorant leurs
promesses. La perspective du reseautage, plus pragmatique, consiste a
favoriser explicitement la constitution de liens. Celle de la procedure
s'apparente a une predilection pour le suivi de sequences
d'actions, formalisees ou pas. La participation des praticiens a
ees liens expose une competence de coordination et d'organisation
permettant de saisir la dynamique de reseaux peu formalises, une lacune
en administration publique (Isett et coll. 2011).
Debutant par une recension des travaux sur les praticiens de
premiere ligne et sur la coordination interorganisationnelle, cet
article poursuit en exposant l'approche interactionniste fondee sur
la notion de travail relationnel (Strauss 1993). Par la suite, il decrit
la methode. Une quatrieme section precise sa principale contribution,
soit les trois perspectives de ees praticiens pendant ce tissage de
liens. Leurs defis font l'objet de la cinquieme section. La sixieme
partie analyse ees trois perspectives. Finalement, notre article se clot
par une discussion des idees cles et d'avenues de recherche
ulterieures.
Des traces de coordination interorganisationnelle en premiere ligne
La coordination de premiere ligne ne constitue pas un domaine de
recherche etabli et bien delimite en administration publique. Afin de
mieux la cerner, les travaux sur les praticiens de premiere ligne et
ceux sur la coordination interorganisationnelle sont examines et
croises.
Les travaux sur les praticiens de premiere ligne en trois discours
En interagissant directement avec les citoyens, les praticiens de
premiere ligne construisent au quotidien les politiques publiques, les
services ou les sanctions publics (Lipsky 1980/2010; Maynard-Moody et
Musheno 2003; Hupe, Hill, et Buffat 2016). Trois images de ces
praticiens, precisant differentes approches du sujet, emergent de ces
travaux, soit le rouage demotive d'une machine bureaucratique, le
bureaucrate poursuivant ses propres interets ou encore le leader
heroique centre sur les besoins de ses clients (Meyers et Nielsen 2012).
Les chercheurs s'interessent essentiellement au pouvoir
discretionnaire de ces acteurs, a leurs decisions ainsi qu'a leurs
repercussions positives ou negatives, aux possibilites de controle
politique ou bureaucratique, a leur reddition de compte ou encore a leur
niveau de professionnalisation (Meyers et Nielsen 2012; Hupe, Hill, et
Buffat 2016). Leur focus est essentiellement intraorganisationnel
(c.-a-d. que ces recherches portent sur des praticiens oeuvrant au sein
d'une organisation). Trois discours representant ces praticiens
esquissent la contribution de ees etudes. Avec le discours de
l'agent du gouvernement (Maynard-Moody et Musheno 2003), lie au
bureaucrate demotive ou egoiste, ces intervenants doivent s'adapter
a chacun des cas rencontres en considerant les lois et les procedures
bureaucratiques, et ce, dans des conditions difficiles--une charge de
travail lourde, des ressources financieres rares, des objectifs
organisationnels flous et multiples, etc. (Lipsky 1980/ 2010). Cela les
plonge dans une ambiguite et une incertitude qu'ils tentent de
surmonter a l'aide de diverses strategies (les routines, les
simplifications, le rationnement, le deplacement des buts,
l'imposition de priorites, etc.). Leur pouvoir discretionnaire
apparait sous un jour complexe pour ne pas dire problematique.
Le discours de l'agent du citoyen (Maynard-Moody et Musheno
2003), lie a la figure du leader heroique, coexiste avec le precedent
discours. Leur pouvoir discretionnaire, avec leur jugement, fonde leurs
improvisations pragmatiques envers des usagers categorises comme
meritants ou non, et avec un risque d'exclusion pour ces derniers.
Avec de telles improvisations, leurs decisions ne s'ancrent pas
tant dans les regles ou les lois que dans l'interaction concrete
avec l'usager, les recits, les normes sociales, les ideaux, les
identites qu'ils tirent de leurs relations avec leurs clients,
leurs pairs ou leurs organisations. Face aux clients meritants, ils
peuvent se compliquer l'existence au travail plutot que de chercher
a se la simplifier. Leur pouvoir discretionnaire comporte un potentiel
d'egalites et d'inegalites (Maynard-Moody et Musheno 2012) et
il s'ancre davantage dans le jugement des acteurs ainsi que dans un
milieu socioculturel specifique.
Un dernier discours, l'entrepreneur civique, emerge d'une
des rares etudes sur une pratique interorganisationnelle de premiere
ligne. Durose (2011) examine la participation d'intervenants a la
gouvernance locale d'une communaute vivant de la pauvrete en
Angleterre. Ces entrepreneurs, ressemblant aussi aux leaders heroiques,
tentent de tisser des liens avec les individus et les organisations
d'un territoire en vue de le developper et de realiser des
objectifs publics. Dans des conditions difficiles, ils peuvent deployer
au moins trois strategies : rejoindre les groupes marginalises et les
referer aux services necessaires; developper leurs capacites; et
reconcilier leurs objectifs et priorites ainsi que ceux du gouvernement.
Ce champ de recherche considere peu la participation de ces
praticiens a des reseaux de relations interorganisationnelles ou
intersectorielles (Considine et Lewis 2012; Bland 2017). Cet article
vise a combler cette lacune en observant que les intervenants
construisent parfois 1'accessibilite aux services des sans-abri en
tissant des liens avec ces derniers de meme qu'avec d'autres
praticiens. Ce tissage fait partie de leurs improvisations pragmatiques.
Les travaux sur la coordination interorganisationnelle : un design
structurel ou la pratique?
En administration publique, les recherches fort nombreuses sur la
coordination interorganisationnelle (CI) apparaissent sous differents
termes interchangeables comme la cooperation, la collaboration, le
partenariat, le reseau ou la gouvernance (Dupuis et Farinas 2009;
Farinas 2016). Des approches distinguent certains de ces termes
(Alexander 1995; Laegreid et coll. 2014), alors que d'autres ne le
font pas (Hambrick et Rog 2000; Dupuis et Farinas 2009). Deux groupes de
travaux peuvent etre reperes en retenant les etudes portant
explicitement sur la CL Le premier groupe traite de documents exposant
des syntheses sur le sujet, soit la Cl en general. II propose une
approche de design structurel de la coordination, a au moins deux
niveaux, celui des systemes et celui des services (Rogers et Whetten
1982; Alexander 1995; Laegreid et coll. 2014). La CI se realise par le
deploiement de mecanismes ou d'outils de coordination, de nature
formalisee ou non, en vue de mettre en place des systemes plus integres.
Au niveau du systeme, les gestionnaires peuvent utiliser la formation,
la colocalisation, la planification conjointe, les ententes de services
ou les systemes d'information partages (Rogers et Whetten 1982;
Alexander 1995; Laegreid et coll. 2014). Alors qu'au niveau des
services, plus rarement etudie, c'est surtout par des activites de
gestion de cas (accueil, outreach, reference ou suivi) et les
discussions de cas que les intervenants peuvent se coordonner (Rogers et
Whetten 1982). Ces recherches ont aussi repere un ensemble de conditions
pouvant faciliter cette CI (l'historique relationnel positif, la
confiance, le partage du langage, de valeurs ou d'objectifs,
l'ouverture d'esprit, la disponibilite des ressources, la
clarte et l'entente sur les missions organisationnelles, etc.) ou
la contraindre--habituellement, le contraire des conditions precedentes
(Alexander 1995). Le principal ecueil de cette approche par design
structurel, c'est qu'elle ne precise ni comment ces mecanismes
sont deployes au quotidien, dans les situations particulieres
rencontrees par les praticiens (Faraj et Xiao 2006), ni comment ces
conditions sont detectees et mises en action.
Le second groupe de documents, peu nombreux, etudie la CI dans
l'aide aux sans-abri. Deux approches y coexistent. L'approche
dominante concoit aussi cette CI comme une forme de design structurel
concernant surtout les gestionnaires (Hambrick et Rog 2000; Brown et
coll. 2012; Fleury et coll. 2014). Par exemple, Hambrick et Rog (2000)
ou Moseley et James (2008) s'interessent au deploiement de
mecanismes de coordination, ceux du repertoire precedent, et
1'integration qui peut en resulter. Mosley (2014) et Doberstein
(2016) examinent la participation manageriale a des structures de
concertation et ses repercussions. Une autre approche, plus recente et
rare, considere que la CI emerge des interactions entre les praticiens
de premiere ligne (Dupuis et Farinas 2009; Grace, Coventry, et Batterham
2012; LeMoine 2016) ou entre les gestionnaires (Vos et Wagenaar 2014).
Elle se produit essentiellement pour les intervenants alors qu'ils
accomplissent au quotidien des activites de gestion de cas comme la
reference ou 1'accompagnement (Dupuis et Farinas 2009; Grace,
Coventry, et Batterham 2012; Hurtubise et Rose 2016). Cette Cl ressemble
beaucoup a la definition proposee par Faraj et Xiao (2006 : 1157) et
entretenue dans cet article : <<a temporally unfolding and
contextualized process of input regulation and interaction articulation
to realize a collective performance.>> Cette coordination
constitue un processus emergent accompli par des praticiens alors
qu'ils articulent leurs interactions et leurs taches dans des
conditions marquees par 1'interdependance et l'incertitude.
Des recherches existantes en travail social ou en sociologie pourraient
enrichir ce corpus en administration publique (Farinas 2016).
L'interet de ce champ de recherche sur la CI pour la
coordination de premiere ligne semble recent et plutot peripherique.
Suite a 1'etude de Dupuis et Farinas (2009), cet article cherche
aussi a approfondir comment cette coordination peut se produire pendant
les interactions d'intervenants aupres des sans-abri. C'est ce
que la notion de travail relationnel permet de faire.
Une approche interactionniste fondee sur la notion de travail
relationnel
Afin de combler les deux lacunes precedentes, soit le peu de
recherches sur la pratique interorganisationnelle des praticiens de
premiere ligne et sur leur coordination, une attention aux subtilites
des interactions, a leur nature processuelle et a leur articulation
s'avere essentielle. C'est ce que l'approche
interactionniste et la notion de travail relationnel de Strauss (1993)
peuvent realiser. D'un cote, Dupuis et Farinas (2009) utilisent
deja cette notion pour decrire trois formes et orientations possibles de
la coordination (unilaterale, bilaterale et multilaterale). De
l'autre, cette notion precise l'articulation au cceur de la
definition proposee par Faraj et Xiao (2006). Plus precisement, le
travail relationnel refere au temps, aux efforts et a l'energie
necessaires pour interagir (Strauss 1993). Les relations humaines au
travail constituent un accomplissement actif de la part des interactants
(Strauss 1993).
Cette notion de Strauss s'avere aussi plus complexe et
multidimensionnelle que l'usage qu'en font Dupuis et Farinas.
Strauss attribue au moins quatre dimensions a ce travail. Les
interactions requierent une articulation ou une coordination des lignes
de conduite des interactants. Cela se produit par des ententes sur les
facons d'organiser les taches. Ces arrangements peuvent porter sur
ce qu'il faut faire, avec qui, pour quelle duree, ou, avec quels
benefices, avec quelle signification et selon quels criteres
devaluation. Ces ententes peuvent etre etablies, entretenues ou revisees
grace a des strategies relationnelles comme la negociation, le
compromis, la discussion, 1'education, la persuasion, le
<<lobbying>>, la manipulation, la menace ou la coercition.
De tels repertoires de strategies et d'ententes s'averent non
exhaustifs. Ensuite, ce travail s'accomplit a partir des
perspectives des interactants, soit leur positionnement face a leurs
taches, a leurs ententes et a leurs marges de manoeuvre. Finalement, il
vise souvent a maintenir ou a transformer les conditions structurelles
et organisationnelles dans lesquelles ils sont plonges--sans toujours y
parvenir.
En outre, les liens etablis par ce travail relationnel peuvent etre
de nature forte ou faible (Granovetter 1973; Montanari, Scapolan, et
Gianecchini 2016). Les premiers se distinguent des seconds par leur
anera ge dans la duree, leur intensite emotionnelle, leur intimite et
leur reciprocite plus grandes. Dupuis et Farinas (2009) explicitent
comment ce travail fonde la mise en place de reseaux de relations
organiques, peu formalises et autoorganises dans l'aide
montrealaise aux sans-abri.
Methode
L'etude de cas a ete retenue pour saisir comment un phenomene
peu explore, la coordination de premiere ligne au niveau des activites
quotidiennes, se deroule dans un contexte particulier (Yin 1989). Plus
precisement, il s'agit d'une etude de cas exemplaire sur les
relations etablies par les membres de l'Equipe itinerance (El) et
ses principaux partenaires alors qu'ils realisent son role de
liaison a Montreal. Creee en 1990, cette equipe regroupe essentiellement
des infirmieres, des travailleurs sociaux et un psychoeducateur qui
offrent leurs services (references, cartes d'identite, soins) dans
la rue, dans leurs bureaux au Centre integre universitaire de sante et
de services sociaux du CentreSud-de-l'ile-de-Montreal (3) ainsi
que dans certains organismes communautaires. Afin de realiser son mandat
de faciliter l'accessibilite des sans-abri aux services
sociosanitaires (McKeown et Plante 2000), cette equipe, une pionniere de
Paction publique quebecoise en itinerance (Roy 2009), tisse des
partenariats peu formalises avec des organismes publics et
communautaires pendant ses interventions (McKeown et Plante 2000).
Realisee en 2008-2009, cette etude interpretative repose
principalement (4) sur 35 entrevues semi-dirigees, d'une duree
moyenne de lh30, aupres des 9 intervenants de l'equipe, de ses 2
gestionnaires ainsi que de 24 de ses partenaires (15 intervenants et 9
gestionnaires) de quatre organismes communautaires (une soupe populaire,
des centres de jour, un refuge et des travailleurs du milieu), une
organisation privee (pharmacie) et huit organismes publics (offrant des
services sociosanitaires, en securite publique, de curatelle et en
readaptation). Regroupant 24 femmes et 11 hommes, d'un age moyen de
40 ans, beaucoup de ces praticiens appartiennent a des ordres
professionnels (14/35). Ces 13 organisations partenaires ont ete
choisies par les membres de 1'EI, avec comme seul critere de
selection, qu'elles s'averaient essentielles a la realisation
des taches quotidiennes. Cela comporte le risque de restreindre
1'acces a des partenaires avec qui cela va bien et l'avantage
que les praticiens ainsi reperes ont tous accepte de participer a la
recherche tout en offrant une variete de perspectives. Les entretiens
ont porte sur cinq themes : 1) les mandats organisationnels; 2) le role
organisationnel et le travail effectue; 3) deux recits de situations
recentes (moins d'une annee) impliquant des contacts avec des
partenaires; 4) leur conception d'un lien reussi ainsi que de ses
conditions facilitantes et de ses obstacles; 5) les impacts de la
reforme de 2003 sur leur travail et leurs relations. Ce materiel
empirique constitue un discours sur la pratique plutot qu'un reflet
exact de cette derniere. Contraint par les limites de la memoire
humaine, il devoile aussi la richesse des perspectives et categories des
repondants. Une analyse de contenu, a l'aide des quatre dimensions
du travail relationnel, a ete accomplie sur le materiel empirique
recueilli en privilegiant les extraits concernant les relations qui se
deroulent bien. Les liens plus difficiles ont ete regroupes et analyses
sous la thematique des defis. Les analyses fondant cet article ont ete
validees en cours de recherche (9 repondants) et a son terme (2
repondants).
Trois perspectives sur la coordination de premiere ligne dans
I'aide montrealaise aux sans-abri
Les intervenants publics et communautaires designent surtout leurs
coordinations par interactions sous le terme
<<partenariats>>. Comme ceux decrits par Dupuis et Farinas
(2009) ou LeMoine (2016), ils se produisent pendant des activites
quotidiennes comme la reference, l'accompagnement, I'aide, la
rencontre ou la visite, la defense de droits, l'outreach (reperage
actif) ou les ordonnances de cours (Farinas 2016). Ces conduites,
souvent associees a la gestion de cas (Rogers et Whetten 1982; Grace,
Coventry, et Batterham 2012), ne s'averent pas mutuellement
exclusives et se combinent sans que la frontiere soit facile a tracer
entre ces dernieres (Farinas 2016). Ces partenariats, de nature peu
formalisee et souvent personnalisee (Dupuis et Farinas 2009; Grace,
Coventry, et Batterham 2012; LeMoine 2016), revetent surtout la forme de
liens bilateraux (des dyades). Ils se concretisent par des
communications orales en face-a-face, mais egalement a distance, par le
biais de telephones (Dupuis et Farinas 2009; LeMoine 2016). Les
premieres sont privilegiees par les repondants (Grace, Coventry, et
Batterham 2012; LeMoine 2016). Le manque de temps ou de disponibilite
rend les contacts telephoniques plus frequents. Les soutiens varies de
leurs collegues (par le partage de contacts, les echanges et discussions
de cas, etc.) et de leurs gestionnaires (par la defense de leurs
decisions, la mise en place de ressources necessaires, etc.)
s'averent essentiels a la realisation de ces partenariats (LeMoine
2016; Farinas 2016).
En 2008-2009, cette coordination de premiere ligne se deroule dans
des conditions structurelles et organisationnelles particulieres a
Montreal (Farinas 2016). Le nombre d'itinerants s'accroit et
leurs problematiques de sante physique et mentale s'aggravent et se
conjuguent souvent avec des problemes de pauvrete, de dependance, de
vieillissement ou encore de judiciarisations a repetition (Roy et
Hurtubise 2007). Les organisations publiques et communautaires (souvent
nommees <<ressources>>) entretiennent des rapports marques
frequemment par la mefiance, une inegalite reconnue dans la distribution
des ressources financieres et d'expertises et une certaine
interdependance en termes de realisation des taches. La culture des
premieres serait de nature plus bureaucratique, plus rigide, moins
portee a respecter la globalite des personnes que celle des secondes.
Cependant, ces organismes communautaires constituent un groupe varie qui
ne partagent, ni les memes philosophies d'intervention ni les memes
missions ou regles de fonctionnement (Roy et Hurtubise 2007). Les
compressions dans le filet de securite sociale, 1'acces difficile
aux urgences hospitalieres, la rarete des services psychiatriques et
celle des logements abordables de meme que la pregnance des stereotypes
face aux sans-abri ne simplifient pas la tache des praticiens. De plus,
dans de telles conditions, ces derniers ne demeurent pas tous longtemps
en poste, comme en temoigne un taux de roulement eleve tant chez le
personnel public que communautaire.
Pour composer avec un tel contexte ambigu et incertain, ainsi
qu'aider les sans-abri qui le souhaitent, ces praticiens essaient
de construire des liens avec certains partenaires en adoptant au moins
trois perspectives pour se coordonner. II s'agit de
l'ouverture et l'engagement, du reseautage et de la procedure.
Ces perspectives sont exposees de facon idealtypique : leurs differences
sont accentuees afin de mieux saisir leur specificite tout en etant loin
d'etre mutuellement exclusives dans les propos des repondants.
Elles peuvent orienter le travail relationnel tant des intervenants
publics que communautaires. Le tableau 1 en esquisse les principales
dimensions tout en les associant aux trois discours tires de la
documentation sur les praticiens de premiere ligne.
La perspective de l'ouverture et de l'engagement et ses
particularites relationnelles
Cette perspective, qui est la plus frequemment mentionnee, met de
l'avant une posture collaborative ou les intervenants privilegient,
d'un cote, l'ouverture d'esprit, la possibilite
d'echanger ou de partager des idees tout en respectant autrui et en
repondant a ses questions ou demandes. De 1'autre cote, ils misent
aussi sur le respect de leurs engagements en le demontrant par leur
disponibilite, leur flexibilite ou par une aide mutuelle. Ils accordent
aussi beaucoup d'importance a la <<cause>> d'aider
les sansabri. L'ouverture et l'engagement s'imbriquent,
d'ou son appellation. La logique des echanges et sa reciprocite
(Dupuis et Farinas 2009) s'y associe a une logique du care et son
souci face a autrui ou les acteurs visent la creation et le maintien de
liens de qualite (Mol 2008). Tel un ideal, cette perspective parait
guider bien des conduites et des relations de ces praticiens. Elle
ressemble au discours de l'agent du citoyen marque par sa volonte
d'aider les usagers qui le meritent (Maynard-Moody et Musheno
2003). On peut en trouver aussi des elements dans des enonces de valeurs
de praticiens de premiere ligne qui se coordonnent par leurs
interactions : <<Trust, flexiblity, mutual respect, understanding
each other's roles and mandates, and supporting each other were
also described as essential to these relationships.>> (LeMoine
2016 : 139). Une intervenante communautaire illustre bien une telle
perspective :
[Les membres de l'Equipe Itinerance] ceux avec qui nous on est
habitues de travailler, en general, je te dirais que ca va assez bien.
II y a un bon partage des taches, une belle ouverture d'esprit et
on fait ce que l'on dit. Nous, on donne du jus autant qu'eux
autres. Ils ont de la facilite a faire entrer quand ils referent des
gars ici. Ils ont des assez bonnes chances de le faire enregistrer. Ils
les accompagnent en general aussi assez bien. Mais nous, quand on
demande un service, on a la meme reponse de l'autre cote. Done, je
te dirais qu'on en fait des entourloupettes ... si eux autres
jugent que [c'est necessaire]. On a confiance en leur jugement. Et
eux de meme.
Ancree dans un historique relationnel positif, une experience de
travail partagee et un rapport de confiance, cette perspective se
demarque ici par une norme de reciprocite imbriquee au care, des
ententes sur l'organisation du travail, des arrangements
d'exception (au sens de contournement des regles et procedures
organisationnelles habituelles), ainsi que d'une strategie
relationnelle de discussion marquee par des demandes de services.
L'ouverture et l'engagement s'accompagnent aussi de
strategies comme poser et repondre aux questions, reflechir ensemble,
assurer un suivi, aider de differentes facons a <<ven
tiler>> (c.-a-d. evacuer un surplus d'emotions par la
parole), et d'ententes telles que prendre le reiais d'autrui
afin de realiser une tache, ou encore alterner les roles pour laisser
une place aux preoccupations et besoins des interactants. D'autres
chercheurs signalent l'importance de l'aide et du suivi
(Grace, Coventry, et Batterham 2012; LeMoine 2016; Hurtubise et Rose
2016).
Ces differentes strategies relationnelles permettent de preciser le
contenu de la communication (Grace, Coventry, et Batterham 2012; LeMoine
2016) propice a cette coordination par les interactions et de comprendre
pourquoi les liens associes a cette perspective sont forts. Loin de
n'etre qu'un simple echange d'information, elle se
concretise aussi par la discussion, l'aide, la reflexion ou la
<<ventilation>>. Ces strategies participent a une
personnalisation et a un renforcement des liens ressemblant a celui qui
est decrit par LeMoine (2016). Sur la base d'un partage de
conditions de travail souvent difficiles et d'experiences de
travail conjointes repetees, ces intervenants, souvent qualifies
d'<<interessants>> ou de <<privilegies>>,
se connaissent par leurs prenoms (ce qui peut impliquer aussi parfois
plus d'intimite), savent comment ils travaillent, echangent des
idees et des conseils et se posent des questions (Farinas 2016). Une
telle <<personal touch>> (Grace, Coventry, et Batterham 2012
:147) peut renforcer les liens. Comme l'indique une intervenante
communautaire : <<On sent bien que les intervenants de divers
services ont besoin de lieux pour reflechir, echanger, puis garder la
flamme allumee, garder le poele au chaud>>. Habituellement concu
de nature intraorganisationnelle et reposant sur celui des pairs
(Maynard-Moody et Musheno 2003), le jugement se distribue parfois entre
des intervenants d'organisations et secteurs d'activites
varies (Dupuis et Farinas 2009).
Deux figures (5) du partenaire paraissent associees a cette
premiere perspective et ses liens forts, celles de l'ami et du
collegue. Les relations entre les interactants relevent parfois du
registre de l'amitie. Selon un gestionnaire communautaire, le
<<vrai partenaire, c'est un peu comme des amis>> avec
qui on partage un lien profond et frequent, un engagement et la cause
d'aider les sans-abri. Les intervenants communautaires peuvent
aussi etre consideres comme des collegues par des praticiens publics. La
proximite, la possibilite de discuter, d'echanger des conseils et
de <<ventiler>> ainsi que l'egalite fondent alors cette
collegialite. Cette perspective et ses deux figures sont marquees du
sceau de la proximite des liens forts.
La perspective du reseautage et ses particularites relationnelles
La perspective du reseautage, moins frequente que la precedente,
releve davantage d'un souci pragmatique permettant de realiser des
taches dans des conditions ardues, une preoccupation aussi exploree par
Grace, Coventry, et Batterham (2012). Apparaissant ancree dans le
discours de l'agent du citoyen et de l'entrepreneur civique,
cette posture ressemble au reseautage tel que concu par Considine et
Lewis (2012 : 4) : <<The ongoing interactions of officials in
different agencies who use professional contacts to resolve problems,
trade information, get resources and help clients>>. On en
retrouve des traces dans les enonces de valeurs deja mentionnees par
LeMoine (2016). Cette perspective se demarque par une volonte explicite
de travailler en reseau, de creer des liens significatifs ou encore de
<<tisser un filet de securite autour des personnes qui le
souhaitent>> en vue de les aider (une intervenante communautaire).
Etroitement associee a un souhait d'avoir de bons contacts
(Considine et Lewis 2003), elle s'ancre dans la logique des
echanges et leur reciprocite (Dupuis et Farinas 2009) et se teinte
parfois de la logique du care. Elle se distingue par une logique
instrumentale ou les liens representent un moyen pour parvenu a ses
fins, soit realiser le travail (Grace, Coventry, et Batterham 2012). De
nombreux repondants adoptant cette perspective signalent aussi que la
creation et le maintien des liens necessitent du temps (LeMoine 2016),
sont centrees sur les besoins du client (Grace, Coventry, et Batterham
2012; Hurtubise et Rose 2016) et dependent des resultats obtenus en
intervention. Un intervenant public illustre bien cette perspective ou
les contacts s'averent un <<investissement>> :
Quand tu vas dans des endroits, tu te fais connaitre. Puis quand tu
te fais connaitre ilya des gens qui peuvent te referer aussi des
personnes. Ca va sur les deux bords ... Un des defis interessants et
importants a faire, c'est vraiment d'aller sur le terrain, de
se faire connaitre, de connaitre c'est quoi le mandat de ces
ressources-la, de parler de notre propre mandat, puis c'est comme
ca qu'on va creer des liens ... Mais, ecoute, c'est payant
puis c'est rentable aussi [de le faire malgre des horaires
charges].
Comme l'ouverture et l'engagement, le reseautage repose
sur des discussions reciproques ou les interactants apprennent a
connaitre autrui, son mandat et font connaitre le leur. La coordination
par les interactions repose sur cette connaissance approfondie des
mandats, des procedures organisationnelles ou encore, des facons de
travailler d'autrui (Dupuis et Farinas 2009; Hurtubise et Rose
2016). La communication, de nature plus professionnelle, ressemble
davantage a une transmission d'informations. Les liens crees
apparaissent plus faibles. Mais ce n'est pas toujours le cas. Cet
echange d'informations peut aussi se rapprocher du care
lorsqu'associe a des strategies comme expliquer, rassurer ou
valider le travail d'autrui, qui constituent autant d'ententes
sur les roles des interactants. Une intervenante communautaire signale
que <<Creer des liens avec les partenaires, je ne veux pas dire
que ca nous sauve la vie, mais en meme temps, ca valide beaucoup le
travail qu'on fait. Ca nous rassure enormement dans les
interventions qu'on fait>>. Cette praticienne, disposant de
moins d'une annee d'experience, valorise particulierement la
contribution de ces partenaires qui jouent un role de mentor. Cela peut
entrainer des liens plus forts.
Deux figures semblent liees a cette perspective du reseautage et a
ses liens d'intensite variable, le seducteur civil et l'allie.
Avec la premiere figure, comme l'indique un intervenant public, la
creation de liens s'apparente a une <<operation de charme et
de seduction>> visant la mise en place de liens
<<privilegies>> : <<Une petite operation d'avoir
un lien et de bien travailler ensemble ... C'est un peu de prendre
le temps de donner la main aux gens, de sourire, de dire
bonjour>>. La figure de l'allie decrit un soutien mutuei par
la conjugaison des efforts pour aider les sans-abri en repondant aux
questions d'autrui, en se rendant des services ou encore en faisant
circuler 1'information necessaire. Cette figure se rapproche
beaucoup de celle de l'ouverture et de l'engagement et peut
mener au renforcement des liens deja mentionne. Cette perspective du
reseautage et ses deux figures oscillent entre la distance des liens
faibles et la proximite des liens forts.
La perspective procedurale et ses particularites relationnelles
La perspective procedurale se fait plus rare dans les propos des
repondants et dans la documentation sur la CI dans l'aide aux
sans-abri. Etroitement liee au discours de l'agent du gouvernement
(Maynard Moody et Musheno 2003), elle ressemble a la logique
bureaucratique et a sa predilection pour les regles ou procedures
(Considine et Lewis 2003). Egalement guidee par un souci pragmatique
facilitant la realisation des taches et la cause de facon plus
superficielle, elle revet trois facettes ancrees dans une logique
instrumentale. Cette derniere teinte alors autant les strategies
relationnelles, que les ententes et la communication entre les acteurs.
Les liens apparaissent plus faibles. Avec la premiere facette, de nature
plus formalisee, la procedure implique la realisation d'une
sequence d'activites pour la mise en place de liens et repose sur
un langage plus officiel, comme l'expression corridor de services.
Avec la seconde facette, elle revet davantage la nature d'un truc
du metier comportant des etapes particulieres. Finalement, la troisieme
facette s'apparente a un defi pour les praticiens.
Une intervenante publique propose une bonne illustration de la
premiere facette plus formalisee : <<On a vraiment un corridor de
services avec telle organisation publique [nom modifie] lorsqu'on
en a besoin. Les medecins ont fait des trous dans leurs plages horaires
pour accueillir notre clientele. Elle est vraiment priorisee>>.
Une entente de priorisation entre les intervenants constitue le cceur de
ce corridor de services. Cette entente s'actualise par des
discussions ou les references sont preparees selon les besoins et
preoccupations de chacun et ou un suivi est realise. Ces praticiens y
jouent aussi un role plus formalise, l'un envoie les references et
l'autre les recoit (une autre entente). Le bon fonctionnement de ce
corridor a fait en sorte que les liens se sont graduellement renforces
entre les praticiens (LeMoine 2016). Cela rapproche ces praticiens
d'une perspective d'ouverture et d'engagement.
La deuxieme facette de cette perspective procedurale met en lumiere
des trucs du metier. Des repondants publics et communautaires ont
indique comment des strategies comme la discussion ou l'explication
pour presenter leurs services ou poser des questions s'inserent
dans des sequences d'activites regulierement utilisees pour tisser
des liens. Par exemple, une intervenante publique signale un de ses
trucs :
Moi, c'est toujours la premiere question que j'ai quand
un partenaire m'appelle : <<Est-ce que la personne est jugee
apte ou inapte?>> <<Elle a ete jugee apte.>>
<<Ok, qu'est-ce qui fait que c'est toi qui
m'appelles? Ou est-ce que vous en etes dans le dossier.>> La
je fais un peu mon circuit. <<Qui souffre le plus dans cette
situation-la?>> ... Moi, c'est tout le temps.
<<Qu'est-ce que tu fais toi, qu'est-ce que moi je fais.
Qu'est-ce que la cliente veut que toi tu fasses puis qu'est-ce
qu'elle veut que moi je fasse.>>
Ce true s'apparente a une routine de travail (Lipsky
1980/2010) ou un ensemble de questions regulieres, son
<<circuit>>, encadrent ou structurent les premiers contacts
et negociations de cette repondante avec un partenaire. Ces questions
s'averent autant des activites de connaissance que de mise en place
d'ententes sur les roles et la nature des taches a realiser. De
telles discussions suivant un script apparaissent plus rigides et
predeterminees que celles d'interactants adoptant une perspective
d'ouverture et d'engagement.
Trois figures du partenariat relevent de ces trues du metier, soit
l'intervenant comme ressource, vendeur et avocat. Un intervenant
public adopte la figure de ressource aupres de praticiens communautaires
pendant ses visites d'outreach. En plus d'aider les sans-abri,
elle consiste a offrir un soutien sous la forme de discussion de cas aux
intervenants qui en font la demande (voir LeMoine 2016). Cette forme
d'aide represente la contrepartie des praticiens publics dans un
echange ou les intervenants communautaires reperent et leur referent les
sans-abri necessitant leurs services. La figure du vendeur est
particulierement explicite dans les propos de cette intervenante
publique : <<II faut vendre cette personne-la au systeme. Et
dependant sur qui tu tombes, ta strategie de vente va changer>>.
Cette strategie de vente repose sur une strategie relationnelle de
persuasion et une connaissance du langage et du mandat d'autrui.
Cette persuasion adaptee a son interlocuteur fonde aussi la figure de
l'<<avocat>> defendant les droits des sans-abri.
Oscillant entre l'explication et la confrontation, deux autres
strategies relationnelles, elle vise a convaincre autrui.
Finalement, la perspective procedurale constitue aussi un defi pour
les partenariats. Les interlocuteurs adoptant une approche
<<rigide>> dans leur recours aux regles et procedures
bureaucratiques, les <<gens by the book>> peuvent entra ver
les liens (une intervenante publique). Cette figure du praticien
<<rigide>> se trouve a l'oppose de la perspective
d'ouverture et d'engagement. Cette perspective procedurale et
ses quatre figures s'ancrent essentiellement dans la distance
propre aux liens faibles, tout en pouvant parfois aboutir a des liens
forts.
Des defis dans la coordination de l'aide aux sans-abri
Cette coordination de premiere ligne ne va pas necessairement de
soi dans l'intervention aupres des itinerants. Les difficultes
relationnelles relevent principalement de cinq defis. En premier lieu,
des praticiens publics et communautaires denoncent la taille, la nature
bureaucratique et le fonctionnement par specialisation du reseau
sociosanitaire montrealais (Dupuis et Farinas 2009). Par exemple, des
etablissements publics peuvent refuser 1'acces aux sans-abri,
surtout ceux qui ont un profil <<multi-problematique>>, qui
ne correspondent pas a leurs missions et specialisations souvent
uniques. Cela donne aussi lieu a une dynamique de relance en termes de
responsabilites ou les praticiens <<se lancent la baile>>
qu'est ce sans-abri aux besoins complexes (voir aussi Romzek et
coll. 2014). Une telle rigidite se produit parfois dans le secteur
communautaire, sous la forme d'un repli sur la mission specifique.
Deuxiemement, les differences de philosophies et de modes de
fonctionnement entre les intervenants et les organisations compliquent
frequemment les liens entre ces acteurs (Dupuis et Farinas 2009; LeMoine
2016). Elles necessitent du travail relationnel pour parvenir a un
accord, ce qui est souvent perqu comme une surcharge de travail.
Troisiemement, le roulement eleve des praticiens communautaires et
publics entrave cette coordination par les interactions (voir aussi
Romzek et coll. 2014; LeMoine 2016). Comme le mentionne un intervenant
public, <<Tout est tout le temps a recommencer>>, en termes
de travail de connaissance, de presentation de son mandat et
d'ententes sur les facons de proceder. En quatrieme lieu, ce
travail sur les liens est parfois invisible pour les systemes publics
devaluation de la performance et la gestion par indicateurs (Dupuis et
Farinas 2010; Romzek et coll. 2014). Une intervenante publique indique
qu'une activite d'arriere-plan, comme un soutien ad hoc a un
partenaire pendant un coup de telephone, ne compte pas comme
intervention si elle n'est pas liee a <<un dossier
ouvert>>. Finalement, l'approche adoptee par son
interlocuteur peut nuire aux liens. En plus de la rigidite, le fait de
se faire imposer des ordres ou de s'entendre dire quoi faire
constitue une difficulte a tisser des liens. II en va de meme des
reproches ou des plaintes d'inaction. Le dumping (reference
sauvage) de la part des praticiens publics et le manque de
reconnaissance de la contribution du secteur communautaire entravent
aussi les relations entre ces praticiens de premiere ligne (Dupuis et
Farinas 2009).
Analyse
En cherchant a aider les sans-abri, les intervenants de
l'Equipe Itinerance et ses partenaires se coordonnent parfois pour
realiser cette tache. La frequence de cette articulation des conduites
reste a preciser, cet article visant surtout a en approfondir la nature.
Cette coordination parait facilitee par le fait que les membres de ce
collectif, en occupant un rang peu eleve dans la hierarchie medicale et
organisationnelle, peuvent comprendre les preoccupations et le besoin de
reconnaissance d'autres intervenants publics et communautaires,
tout en partageant la cause d'aider les sans-abri. En cotoyant
quotidiennement une population marginale (Godrie, Fournier, et McAll
2017), I'aide revet un caractere plus concret et urgent. Elle se
produit aussi dans des conditions difficiles affectant tous ces
intervenants.
Deja perceptible a Montreal en 2003-2004 (Dupuis et Farinas 2009),
cette coordination par les liens constitue une pratique
d'organisation adaptee aux circonstances (Hutchins 1991), encore
observable en 2008-2009 et probablement aujourd'hui. Dans la mesure
ou les situations rencontrees par les sansabri demeurent complexes et ou
les repondants encore en poste y participent toujours en y sensibilisant
les nouveaux intervenants, l'accomplissement actuel de cette
articulation des conduites laisse peu de doute. Elle meriterait tout de
meme une validation empirique avec les praticiens en place. Cette
coordination ne se retrouve pas qu'a Montreal. C'est ce que
laisse croire un sondage pancanadien ou des intervenants du domaine
insistent sur l'importance des relations de collaboration et de
partenariats pour faciliter la realisation de leur travail (Kerman et
coll. 2017). De plus, des dimensions de ce tissage de relations peu
formalisees et souvent personnalisees apparaissent aussi a l'ceuvre
dans d'autres villes comme l'indiquent des recherches recentes
realisees a Toronto (LeMoine 2016), a Washington (Simpson 2015), a Paris
(Cefai 2015) ou encore dans differentes municipalites de l'Etat de
Victoria en Australie (Grace, Coventry, et Batterham 2012).
Cet article contribue a ces travaux, d'un cote en precisant
les fondements microsociologiques de cette coordination de premiere
ligne grace a la notion de travail relationnel. De l'autre, il
permet de depasser un de leurs ecueils. Au-dela de leurs qualites
intrinseques, certaines de ces recherches peuvent laisser
l'impression que ces praticiens n'adoptent qu'une seule
posture pendant leurs relations (Dupuis et Farinas 2009; Grace,
Coventry, et Batterham 2012; LeMoine 2016). Par exemple, LeMoine (2016:
138) signale qu'a Toronto des intervenantes offrant des services a
des femmes sans-abri enceintes <<sought relationships with service
providers in the external service community who were like-minded,
flexible and open to working with the complexities of homelessness and
pregnancy compassionately.>> Cet article expose surtout trois
perspectives, l'ouverture et l'engagement, le reseautage et la
procedure, qui coexistent a Montreal en 2008-2009. La persistance
actuelle de ces dernieres constitue une question difficile a repondre
sans un retour sur le terrain. Ce ne sont probablement pas les seules
postures possibles. Les 8 figures du partenariat du Tableau 1
s'averent des candidates a explorer.
Ces perspectives, partie integrante du travail relationnel de ces
praticiens, devoilent trois facons de se coordonner, ou modeles
d'organisation pour tisser des liens dans l'intervention
aupres des itinerants. Elles considerent les principales dimensions de
la coordination (conditions facilitantes, mecanismes ou pratiques)
mentionnees dans la documentation. Surtout, elles les articulent et
montrent comment elles se manifestent pendant les taches quotidiennes.
Elles competent bien les travaux de Dupuis et Farinas (2009) en exposant
la complexite des ajustements mutueis des intervenants. Ce sont ces
ajustements qui peuvent permettre la mise en place de <<plans de
match>> flexibles et adaptes aux situations des sans-abri
rencontres, tout en incluant les preoccupations des intervenants en
presence. De tels plans peu formalises se concretisent dans des
strategies relationnelles comme la discussion, l'explication, le
questionnement ou l'aide ainsi que les ententes qui leur sont
associees. Cela elargit le repertoire de strategies de Strauss (1993)
tout en precisant leur application dans l'aide aux sans-abri. La
communication entre ces acteurs parait osciller entre l'echange de
l'information et la mise en place d'un espace d'aide et
de dialogue (Farinas 2016), privilegiant la reflexion, le questionnement
et les discussions collectives. Selon LeMoine (2016) et Bland (2017), le
dialogue permet une coordination etroite. De plus, comme le mentionnent
Dupuis et Farinas (2009), ces praticiens deploient un code socioculturel
dans leurs liens. L'elaboration et le maintien de ces plans
reposent bien sur l'utilisation de divers savoirs peu formalises, a
savoir la cause d'aider les sans-abri, des normes
(l'honnetete, la reciprocite, le souci d'autrui, etc.) ainsi
que des sanctions possibles lorsqu'elles ne sont pas
respectees--l'exclusion ou l'arret de la relation (Romzek et
coll. 2014; LeMoine 2016). Cet article precise aussi la dynamique des
liens forts et faibles en exposant l'existence de deux
trajectoires. Avec le cycle vertueux du renforcement des liens, certains
praticiens orientes par trois perspectives, qui se connaissent,
s'apprecient et se font confiance tendent a intervenir de nouveau
ensemble par la suite (LeMoine 2016). Par contre, le cycle vicieux des
portes closes designe une trajectoire ou ces acteurs se butent
frequemment a des obstacles entravant la coordination et l'aide.
Ces trajectoires precisent des dimensions de la dynamique de reseaux peu
formalises tout en devoilant l'importance d'une convergence de
postures pour que le tissage de ces liens se deroule bien (LeMoine
2016). Les divergences semblent plutot les freiner. Cela meriterait
davantage d'attention pour eviter une conception trop harmonieuse
de ce travail relationnel.
Ces trois perspectives precisent aussi les facons dont les
praticiens de premiere ligne peuvent participer a des relations
interorganisationnelles. Sans se substituer aux discours de l'agent
du citoyen, de l'agent du gouvernement ou de l'entrepreneur
civique, elles s'ancrent davantage dans I'aide aux itinerants.
Elles competent egalement les travaux sur les praticiens de premiere
ligne en signalant que le jugement des acteurs peut se distribuer
au-dela des frontieres organisationnelles et sectorielles. En outre, non
seulement ces praticiens peuvent categoriser les usagers en
<<clients>> meritants ou non, mais ils paraissent aussi
faire de meme avec leurs partenaires. Ces perspectives devoilent une
hierarchie de liens ou certains partenaires s'averent plus
<<importants>>, plus <<interessants>>, plus
<<privilegies>> que d'autres. De tels adjectifs peuvent
marquer la facilite de travailler avec quelqu'un, son utilite ou sa
Habilite (Dupuis et Farinas 2009; LeMoine 2016). Ils materialisent une
pratique de selectivite (c.-a-d. les partenaires sont choisis) qui est
propre aux reseaux peu formalises d'acteurs (Dupuis et Farinas
2009; LeMoine 2016). Ces termes peuvent aussi designer 1'existence
de cliques difficiles d'acces pour de nouveaux arrivants dans le
secteur (Dupuis et Farinas 2009). Les repercussions causees par ces
cliques sont a etudier davantage.
Conclusion
En se penchant plus sur ce qu'Hambrick et Rog (2000 : 362)
nomment le <<point-of-delivery coordination>>, la creativite
et l'innovation (Borins 2001) des praticiens de premiere ligne
apparaissent plus clairement. Les <<diagnostics>> de
fragmentation ou d'incoherence souvent evoques (p.ex. Vos et
Wagenaar 2014) peuvent masquer une coordination de premiere ligne qui se
produit deja dans les activites quotidiennes et hors des structures
formalisees de concertation. Afin d'organiser, de gerer ou
d'evaluer des services humains complexes comme l'aide aux
sans-abri, il s'avere essentiel de comprendre cette tache (Dupuis
et Farinas 2009). Cet article sur la coordination par les interactions
quotidiennes documente la complexite interorganisationnelle et souvent
intersectorielle de ce travail. Les trois perspectives ou modeles
d'organisation discutes peuvent aussi inspirer et enrichir
l'imaginaire managerial. D'ailleurs, comme l'exposent
bien Vos et Wagenaar (2014), les gestionnaires, souvent d'anciens
intervenants, peuvent participer a de telles coordinations peu
formalisees par les interactions. Une precaution s'impose face a
ces trois perspectives. Bien qu'elles comportent une resonance avec
certains ecrits recents sur cette coordination peu formalisee, elles
concernent essentiellement des praticiens de Montreal en 2008-2009. II
faudrait voir si elles sont encore en vigueur dans l'etat actuel du
reseau sociosanitaire montrealais. En outre, la frequence de cette
coordination par ces postures, les repercussions des convergences et des
divergences de perspectives, des glissements de l'une a
l'autre et de la mise en place d'une hierarchie de partenaires
meriteraient plus de recherches.
Luc Farinas est Stagiaire postdoctoral a l'Ecole de travail
social a l'Universite de Montreal et a l'Equipe Regards du
Centre de recherche et de partage des savoirs InterActions (CRPSI) du
CIUSSS du Nord-de-l'ile-de-Montreal.
Notes
(1) Pour alleger le texte, l'expression sans-abri ou celle
d'itinerant est retenue alors que celle de personnes en situation
d'itinerance serait preferable.
(2) L'auteur remercie les participants, le Conseil de
recherches en sciences humaines (CRSH) du Canada pour son soutien
financier, ainsi que Luc Bernier et Alain Dupuis pour leur soutien
essentiel a la realisation de cette recherche. II remercie aussi les
evaluateurs anonymes ainsi que l'equipe de la redaction de la revue
pour leurs commentaires constructifs.
(3) C'etait le Centre de sante et de services sociaux
Jeanne-Mance en 2008-2009 avant la reforme mettant en place les CISSS et
les CIUSSS. Depuis 2015, il y a cinq CIUSSS et reseaux locaux associes
sur l'ile de Montreal.
(4) De facon complementaire, une observation formalisee de huit
heures aupres d'un praticien de l'EI a ete realisee. Quarante
heures d'observations peu formalisees et des conversations
informelles se sont deroulees en cours de recherche. Une analyse
documentaire a aussi ete accomplie (voir Farinas 2016).
(5) Les figures designent des postures moins frequentes que les
trois perspectives exposees mais qui s'averent importantes dans le
tissage des liens.
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Tableau 1. Les trois perspectives et leurs dimensions relationnelles
L'ouverture et
l'engagement Le reseautage
Les discours * L'agent du * L'entrepreneur civique
citoyen * L'agent du citoyen
* L'entrepreneur
civique
Les strategies * Demander un * Discuter, expliquer
relationnelles service, un * Rassurer, valider
conseil le travail
* Discuter,
echanger,
ensemble
reflechir
* Poser et repondre
aux questions
* <<Ventiler>>
Les figures du * L'ami * L'allie
praticien * Le collegue
Le type * Des liens forts * Des liens forts
de liens et faibles
La procedure
Les discours * L'agent du
gouvernement
Les strategies * Discuter,
relationnelles expliquer
* Poser des
questions
* Negocier
* Persuader
Les figures du * La ressource
praticien * Le vendeur
* L'avocat
* Le rigide
Le type * Des liens faibles
de liens et parfois forts
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