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文章基本信息

  • 标题:Gestion Integrale de la Qualite: univers des acteurs et contexte d'innovation.
  • 作者:Harrisson, Denis
  • 期刊名称:Labour/Le Travail
  • 印刷版ISSN:0700-3862
  • 出版年度:1999
  • 期号:March
  • 出版社:Canadian Committee on Labour History
  • 摘要:Denis Harrisson, "Gestion Integrale de la Qualite: univers des acteurs et contexte d'innovation," Labour/Le Travail, 43 (Spring 1999), 147-69.

    Introduction:

    La Qualite a la source des transformations de l'entreprise

    DANS LE ROMAN-CULTE de Robert M. Persig, Traite du zen et de l'entretien des motocyclettes, (1) le personnage principal, Phedre, poursuit une quete incessante de signification logique de la Qualite. Pour ce heros romanesque, la Qualite n'est ni un ensemble de proprietes materielles attribuees a un objet, ni une concordance au gout des gens. Phedre en arrive alors au constat suivant: "...certains ne s'appuient que sur leurs reactions immediates, tandis que les autres appliquent au probleme la totalite de leurs connaissances." (2) Ainsi, il y a une Qualite romantique fondee sur la sensation et une Qualite classique basee sur le raisonnement. Phedre ne se contente pas de ce dilemme et cherche une troisieme voie qui l'engage alors dans une reflexion abyssale ou la Qualite restera une entite non definie.

    Dans les ecrits non-fictifs, la Qualite est une notion imprecise et vague, neanmoins elle legitime maintes transformations. Compte tenu de l'ampleur du phenomene conduisant les entreprises vers la Qualite totale, celle-ci n'a pas fait l'objet de beaucoup de recherches, ni theorique, ni empirique. (3) En effet, peu de travaux de recherche ont ete realises sur les applications, le processus d'implantation ou la signification de la Qualite. La recherche d'une definition uniforme de la Qualite a conduit jusqu'ici a des resultats inconsistants. Reeves et Bednar en ont regroupe les definitions selon qu'elle signifie la conformite aux specifications de la demande, l'adequation a l'usage, le controle des pertes ou encore la rencontre des besoins des clients. La notion de Qualite decrit une variete de phenomenes qui se precisent au gre de la demande changeante et constante des entreprises. Pour Hackman et Wageman, les idees qui gagnent en popularite tant dans les cercles universitaires que manageriaux comme la Gestion integrale de la Qualite (GIQ) en viennent a designer differentes choses pour differentes personnes. Certains ideologues de la Qualite proposent une definition qui s'enracine de plus en plus dans les pratiques manageriales des firmes industrielles. Ainsi pour Crosby, (4) la Qualite c'est la "conformite a ce qui est demande," pour Deming, (5) c'est "l'adequation a l'usage et a l'utilite" ou il s'agit de mettre en place des "pratiques de travail uniformes et fiables". Ces propositions partagent l'idee d'une conception de la Qualite par l'implication de chaque employe responsable de l'amelioration continue du processus de production, notamment en elimiminant les duplications de l'effort par des changements dans la conception du travail ou des procedes.

Gestion Integrale de la Qualite: univers des acteurs et contexte d'innovation.


Harrisson, Denis


Gestion Integrale de la Qualite: univers des acteurs et contexte d'innovation.

Denis Harrisson, "Gestion Integrale de la Qualite: univers des acteurs et contexte d'innovation," Labour/Le Travail, 43 (Spring 1999), 147-69.

Introduction:

La Qualite a la source des transformations de l'entreprise

DANS LE ROMAN-CULTE de Robert M. Persig, Traite du zen et de l'entretien des motocyclettes, (1) le personnage principal, Phedre, poursuit une quete incessante de signification logique de la Qualite. Pour ce heros romanesque, la Qualite n'est ni un ensemble de proprietes materielles attribuees a un objet, ni une concordance au gout des gens. Phedre en arrive alors au constat suivant: "...certains ne s'appuient que sur leurs reactions immediates, tandis que les autres appliquent au probleme la totalite de leurs connaissances." (2) Ainsi, il y a une Qualite romantique fondee sur la sensation et une Qualite classique basee sur le raisonnement. Phedre ne se contente pas de ce dilemme et cherche une troisieme voie qui l'engage alors dans une reflexion abyssale ou la Qualite restera une entite non definie.

Dans les ecrits non-fictifs, la Qualite est une notion imprecise et vague, neanmoins elle legitime maintes transformations. Compte tenu de l'ampleur du phenomene conduisant les entreprises vers la Qualite totale, celle-ci n'a pas fait l'objet de beaucoup de recherches, ni theorique, ni empirique. (3) En effet, peu de travaux de recherche ont ete realises sur les applications, le processus d'implantation ou la signification de la Qualite. La recherche d'une definition uniforme de la Qualite a conduit jusqu'ici a des resultats inconsistants. Reeves et Bednar en ont regroupe les definitions selon qu'elle signifie la conformite aux specifications de la demande, l'adequation a l'usage, le controle des pertes ou encore la rencontre des besoins des clients. La notion de Qualite decrit une variete de phenomenes qui se precisent au gre de la demande changeante et constante des entreprises. Pour Hackman et Wageman, les idees qui gagnent en popularite tant dans les cercles universitaires que manageriaux comme la Gestion integrale de la Qualite (GIQ) en viennent a designer differentes choses pour differentes personnes. Certains ideologues de la Qualite proposent une definition qui s'enracine de plus en plus dans les pratiques manageriales des firmes industrielles. Ainsi pour Crosby, (4) la Qualite c'est la "conformite a ce qui est demande," pour Deming, (5) c'est "l'adequation a l'usage et a l'utilite" ou il s'agit de mettre en place des "pratiques de travail uniformes et fiables". Ces propositions partagent l'idee d'une conception de la Qualite par l'implication de chaque employe responsable de l'amelioration continue du processus de production, notamment en elimiminant les duplications de l'effort par des changements dans la conception du travail ou des procedes.

Dans cette recherche, la Qualite est une cle permettant de saisir les changements dans l'entreprise notamment au plan des rapports sociaux et de l'organisation du travail. Le client est dorenavant pris en consideration dans la determination des rapports internes a l'entreprise et la cooperation entre les acteurs se presente comme le principe organisateur des liens sociaux. Ce qu'il y a d'interessant pour les etudes sur le travail dans ce projet, c'est que la Gestion integrale de la Qualite (GIQ) mobilise les agents de l'entreprise dans un processus de changement et qu'il y a plusieurs facons de les y conduire selon ce qui est inclu. Apres un bref examen de la conception de la Qualite, nous analysons les pratiques et les representations de la Qualite des gestionnaires et des salaries de quatre etablissements manufacturiers du Quebec qui ont ete impliques dans un processus de transformation par la GIQ. L'etude comparative des representations met en lumiere les modalites de construction de la Qualite et les formes de cooperation qui en decoulent. Les pratiques et les representations de la Qualite manifestent des significations variables selon les agents et selon les etablissements. Cette variation de sens s'explique par: a) le contexte de production et les technologies afferentes; b) la volonte des acteurs a traduire la GIQ en des modes de connaissances et des formes specifiques; c) la dynamique des relations entre les gestionnaires et les employes de l'etablissement.

La Qualite en tant que notion propre au systeme de production remonte au XIXieme siecle. Pour les premiers penseurs de la Qualite comme Shewart et Radford, la Qualite consistait a atteindre des resultats exacts, precis et justes dans la fabrication des objets en acceptant une tolerance dans la variation car la precision absolue est irrealisable. La GIQ reprend ces principes fondateurs et les integre dans un mode de gestion globale de la firme. La GIQ possede un fondement conceptuel identifiable que W.E. Deming a synthetise. (6) Sa methode et surtout son influence se comparent a celles de F.W. Taylor un siecle auparavant. (7) Bien que fondamentalement differentes, les theses de Deming et de Taylor attribuent des merites scientifiques a la gestion de l'organisation devant conduire au progres industriel. Les deux positions sont des syntheses des principes et des techniques qui catalysent le mouvement industriel de leur epoque respective. La Qualite est presentee comme l'antithese du taylorisme, les travailleurs elargissent leurs competences et ils assument le controle de leur propre production loin de l'inspection externe. La GIQ est d'abord concue comme un systeme de gestion qui vise a optimiser l'integration organisationnelle fondee sur des relations non-conflictuelles entre la direction et les employes. Cependant, ces derniers sont consideres en tant qu'individus ou membres de petits groupes de travail et non a titre de membres individuels de collectivites elargies tels les syndicats.

La GIQ indique un ensemble de principes d'integration par le consentement plutot que par la coercition. Elle emerge comme une composante centrale des nouvelles formes de controle deployees a travers le processus de construction du consentement. Cette approche manageriale est caracterisee par trois preceptes: l'attention au client, l'amelioration continue, le travail en equipe. Cette nouvelle autorite demeure neanmoins une prerogative manageriale presentee comme la seule voie du progres economique de la firme. En effet, la GIQ est un modele de gestion de la production industrielle qui a ete principalement adopte dans les pays anglo-saxons dont le Canada, afin de faire face a la concurrence des entreprises japonaises. Dans la foulee du liberalisme economique, les transformations organisationnelles s'effectuent de facon volontaire en l'absence d'un modele centralisee. Ainsi, le processus d'implantation des programmes de qualite n'est pas homogene, il est plutot eclectique et pluraliste. (8)

Dans les etudes sur le travail, deja trois tendances analytiques des consequences de la GIQ emergent. La premiere tendance voit dans la Qualite une voie vers la democratie industrielle selon certaines limites posees par l'equilibre des pouvoirs dans l'entreprise. (9) Ici, le modele organique, espace de l'environment competitif et de la mise en accord des strategies d'acteurs, est parfaitement concu pour la GIQ en tant que projet d'un nouvel ordre productif. Dans ce contexte, les syndicats peuvent imposer leurs orientations et influencer les choix par une negociation des procedures bien que les principaux ouvrages sur la Qualite n'y font aucune place dans le processus d'implantation. Les barrieres organisationnelles dorenavant plus ouvertes, le flux horizontal du travail, les equipes multi-fonctionnelles, la responsabilisation des employes conduisent a une redistribution du pouvoir, bien qu'asymetrique, au plan de l'information, de la formation, de la consultation et de la prise de decision dans le processus de travail.

La seconde tendance est plus critique. Ici, les transformations par la Qualite conduisent a un controle plus raffine des ouvriers par la responsabilisation et le travail d'equipe mais sans reel transfert de pouvoir entre les acteurs de l'entreprise. (10) La GIQ propose une "revolution mentale" dans laquelle l'autonomie et le controle du travail sont contres par de nouveaux moyens panoptiques de surveillance. (11) Les acteurs dominants cherchent a integrer les nouveaux procedes de travail a la chaine de commandement vertical par le controle statistique des activites et par la mesure de l'efficience, en portant attention aux processus plutot qu'aux agents, aux qualifications pratiques de la production plutot qu'aux relations humaines. Ce courant critique voit donc dans les preceptes de la Qualite la recherche de l'allegeance des salaries dans la lutte competitive de l'entreprise par l'enrolement des salaries aux objectifs de performance de l'entreprise dans une representation mecaniste de la firme. La Qualite est une tentative d'incorporer la main-d'oeuvre dans les projets du capital sans qu'ils puissent en controler ni la strategie et ni les profits. Une ambigute fondamentale se pose la ou les pertes de pouvoir et de controle sont reequilibrees par des gains a d'autres niveaux. Daniele Linhart (12) ne voit aucun changement profond dans la structure d'organisation du travail ni dans les taches. Par contre, les communications plus ouvertes, la participation institutionnalisee, la prise de decision consensuelle traduisent bien une nouvelle maniere de coordonner le travail. Le probleme fondamental de la GIQ consiste a proposer des changements sans toucher aux assises de l'organisation, a la structure du travail, a la distribution des gains et de l'autorite.

Comment expliquer que sous l'ordre de la Qualite puissent s'exprimer deux tendances en apparence contradictoire? La reponse se trouve peut-etre dans une troisieme tendance qui emerge des critiques precedentes. Pour Rolland Munro, (13) la Qualite est un espace de representation qui est non seulement forme par les interets mais qui forme aussi les interets des acteurs. Definie en termes relatifs, la Qualite est un espace de representation dans lequel les identites et les affiliations sont a creer non plus dans la fonction, la tache, le metier, les structures ou les systemes mais dans les reponses que chacun peut donner aux attentes du client a travers les contributions individuelles et collectives. Le flou de la definition de la Qualite ouvre la porte a la decentralisation de la discussion et dissemine la prise de decision parmi les acteurs. La Qualite est "enrolee" dans les considerations reciproques des gestionnaires et des employes sans presumer de l'universalite des formes organisationnelles ni des espaces de representations. La Qualite est amorphe, elle ne vit que sous l'action des membres de l'organisation. Representee comme une philosophie de changement, la GIQ a beaucoup en commun avec le modele culturel, celui de l'univers construit et interpretatif. Les modalites sont negociees entre les acteurs afin d'integrer leurs besoins a ceux de l'organisation. La Qualite est constitutive d'un nouvel ordre productif. Notre demarche analytique emprunte cette direction ou la Qualite est d'abord un espace de representation. Il est admis des le depart que les acteurs ne disposent pas des memes ressources et ne partagent pas les memes interets. Dans l'espace de representation, le pouvoir est une ressource qui se presente aux acteurs de maniere asymetrique.

Les processus d'implantation des programmes de qualite sont structurees selon deux grandes dimensions: a) une dimensioin technique fondee sur la mise en place d'outils de mesure des rendements; b) une dimension sociale basee sur des transformations relationnelles entre les agents. Dans les quatre cas que nous presentons, l'implantation de la GIQ est representee dans deux etablissements comme une approche technique d'ingenierie, le courant techno-managerial, (14) qui ne requiert que peu de modifications a la structure de prise de decision. Deux autres etablissements se servent de la GIQ comme un moyen de transformer radicalement les rapports entre les acteurs notamment les relations de travail et les rapports a l'organisation du travail. C'est le courant rationaliste-responsabilisant. Dans notre etude, nous evoquons ce dilemme qui departage les pratiques et les representations des acteurs durant le processus d'implantation selon lequel la Qualite s'impose d'abord par le developpement d'outils techniques ou par la mobilisation des membres de l'organisation.

Presentation de l'etude et methodologie

L'heterogeneite culturelle et sociale de l'entreprise fait obstacle a la theorie du choix rationnel comme si chaque agent produisait la meme reponse a un meme stimuli. Les acteurs evoquent des representations qui sont des prises de connaissances sur le phenomene et leurs interactions sur la realite seront influencees par ces savoirs. La representation est un processus cognitif d'une activite permettant d'orienter et d'organiser les conduites sociales ou individuelles. C'est aussi une production symbolique par laquelle les personnes organisent la perception et la confrontation du reel dans le but d'engager l'action. (15) Il s'agit de construire un rapport etroit et reciproque entre action et structure dans un "schema d'interpretation" ou les agents sociaux competents (16) puisent l'information afin de produire leurs relations et les formes organisationnelles dans lesquelles ils interagissent. L'agent ne fait pas que choisir mais il invente, il maintient ou il transforme les regles du jeu. (17) Les innovations comme celles induites par la Qualite ne sont pas uniquement le resultat de leurs attributs intrinseques mais elles sont l'object de negociations implicites ou explicites entre les acteurs. Dans l'entreprise, les representations sont donc socialement elaborees et concourent a la construction d'une realite


[Part 1 of 2]

 Tableau I - Les entreprises a l'etude

Etablissement Nb employes Secteur Demarche suivie
 industriel


 Comtel 425 Micro- Techno-managerial
 (1971) electronique

 Microcom 925 Micro- Techno-managerial
 (1973) electronique

 Primetal 109 Metallurgie Rationaliste-
 (1909) responsabilisant

 Acfan 135 Metallurgie Rationaliste-
 (1918) responsabilisant

[Part 2 of 2]

 Tableau I - Les entreprises a l'etude

Etablissement Mobilisation des Role du syndicat
 acteurs


 Comtel Selective Non-syndique
 (1971)

 Microcom Selective Passif
 (1973)

 Primetal Active Pro-actif
 (1909)

 Acfan Active Pro-actif
 (1918)


commune a une collectivite. Elles annoncent des possibilites de structuration et non des certitudes lorsque situees en contexte.

Les questions auxquelles nous repondons ci-apres sont: 1) Que signifie la Qualite pour les differents agents? 2) Ou'est-ce qui permet d'interpreter les differentes significations? 3) Comment ces pratiques et representations influencent le processus d'implantation de la Qualite? Dans cette demarche constructiviste, les objets et les evenements n'ont de significations que celles qu'assignent les agents dans le cours des interactions quotidiennes. Nous nous interessons aux contenus sociaux et cognitifs des pratiques des acteurs qui resultent des negociations humaines observables. Les agents engages dans un processus definissent la situation selon leur place dans ce processus, l'influence des autres, les evenements contingents et le contexte local. Les agents constituent les realites qu'ils prennent pour acquises.

Les evenements sont des consequences des actions des etres humains dans le cadre de structures qui a la fois limitent et creent les ouvertures necessaires a des ententes negociees. Tout comme chez Goffman, la perspective que nous adoptons ici est situationnelle, c'est-a-dire:

qu'on s'interesse a ce dont un individu est conscient a un moment donne, que ce moment mobilise souvent d'autres individus et qu'il ne se limite pas necessairement a l'arene co-pilotee de la relation de face-a-face. (18)

L'etude repose sur une comparaison des pratiques et representations de la qualite dans quatre etablissements du secteur manufacturier. Notre approche methodologique adopte le point de vue des agents afin d'etablir les aspects de convergence et de divergence autorisant la comprehension et la construction des faits sociaux. Apres un examen de la documentation fournie par chaque etablissement sur ses programmes de Qualite, les informations ont ete obtenues par entrevues traitant des transformations de l'entreprise. Nous avons demande a tous les repondants: "Pour vous, qu'est-ce que la Qualite totale?" Selon la reponse obtenue, nous pouvions demander "Est-ce cela que vous faites ici?" "Qu'est-ce qui en permet ou en empeche le developpement?" En aucun moment avons-nous cherche a influencer le repondant en proposant une definition de la Qualite ou de la GIQ. Il revient alors au repondant d'organiser lui-meme sa reponse en puisant parmi ses connaissances, son experience, sa comprehension de l'organisation et des enjeux sous-jacents a la Qualite.

Dans les quatre cas, 114 entrevues ont ete effectuees aupres des gestionnaires, representants syndicaux, superviseurs, personnel technique et employes. Les entrevues ont porte sur le travail effectue, l'organisation du travail, les communications, la coordination du travail, le processus de transformation, les difficultes soulevees par le changement, la resolution des tensions et l'avenir de l'etablissement. Dans le present texte, l'analyse repose sur la codification et la classification d'extraits significatifs d'entretiens de recherche portant sur la Qualite. Pour ce faire, nous avons retenu 134 extraits d'entrevues de Primetal (20 entrevues); 58 extraits de Microcom (36 entrevues); 164 extraits de Acfan (24 entrevues); 135 extraits de Comtel (34 entrevues).

Afin de comprendre le sens que revet la Qualite pour les agents, nous proposons une analyse situationnelle dans laquelle nous regroupons les extraits d'entrevues significatifs en fonction d'analogie des situations dans chaque cas observe. (19) Nous avons decoupe les grandes categories classificatoires que l'on retrouve dans chaque cas et nous les avons regroupees parmi deux groupes d'acteurs:

a) les gestionnaires, incluant les ingenieurs, dont les pratiques et les representations sont regroupees en deux categories classificatoires:

1-la Qualite est un ensemble de procedures techniques et fonctionnelles (mise en place de regles, d'outils, de mesures techniques)

2-La Qualite est un alignement socioculturel (modification du systeme socioculturel et des comportements d'agents en fonction des nouvelles normes de travail et de production).

Ces categories classificatoires refletent les deux courants de la Qualite (technomanagerial ou rationaliste-responsabilisant) qui sont des outils d'analyse. Par ailleurs, il y a des differences marquees quant a l'importance d'un courant par rapport a l'autre dans chaque cas. Ces differences sont identifiees a l'etape suivante de l'analyse qui consiste a aligner les extraits d'entrevues a une sous-categorie discernant le type de strategies employees par les acteurs dans le processus d'implantation. (20) b) les employes, incluant tous les groupes socioprofessionnels dont les pratiques et les representations sont rassemblees en trois categories classificatoires:

1-La Qualite est la conformite aux regles (modele un comportement en fonction des nouvelles regles du travail ou du processus y conduisant),

2-La Qualite est une ambiguite (traduit un malaise, une opposition ou un conflit vis-a-vis la Qualite),

3-La Qualite est une valeur du travail (valeur reflexive de l'effet global de la Qualite sur le travail).

Le poids relatif des ces grandes categories classificatoires varie selon les cas, ce sont les sous-categories qui en fixent l'importance. Ces categories renvoient aux principes de la GIQ exposes ci-haut qui consistent a ameliorer les capacites de performance organisationnelle, a produire de meilleures connaissances sur les procedes de travail et a satisfaire les membres de l'organisation par la mobilisation de tous les agents et non seulement des experts.

A la derniere etape de l'analyse, nous formulons le sens plus general que revet la Qualite pour les agents de chaque entreprise. C'est le resultat de cette derniere analyse que nous presentons ici.

i) Dans les deux premiers etablissements que nous examinerons ci-apres, Microcom et Comtel, la Qualite est concue et evaluee comme un ensemble de normes techniques et de parametres mesurables au moyen d'une technologie appropriee et/ou de regles de conduite auxquelles la conformite sans compromis est exigee. La dimension normative de la Qualite domine les representations: constitution de normes par les gestionnaires; adhesion aux regles pour les employes. La mobilisation des employes est instrumentale, elle est associee aux moyens de faire accepter les normes et les regles. Les projets d'innovation ne s'inscrivent pas dans un cadre negocie mais ils sont definis et imposes par les gestionnaires. Les marges de manoeuvre consenties aux salaries sont tres minces.

ii) Dans les deux autres etablissements Primetal et Acfan, la Qualite est concue et evaluee comme un ensemble de normes socioculturelles dont les modalites sont negociees. Les aspects socioculturels de la Qualite dominent les representations: mobilisation des gestionnaires dans un projet innovateur; participation ou consultation des ouvriers. Les aspects techniques ne sont pas percus comme etant prioritaires bien qu'ils ne soient pas absents. Les projets sont concus et presentes par les gestionnaires mais rien n'est impose car les modalites de leur implantation sont l'objet d'un accord. Les marges de manoeuvre consenties aux salaries sont alors plus grandes que dans les deux premiers cas.

La Qualite est une realite mesurable: le courant techno-responsabilisant

Les deux etablissements retenus pour cette partie de l'etude, Microcom et Comtel, evoquent l'univers de la haute technologie. Dans l'industrie de la micro-electronique, le produit est fabrique en plusieurs etapes complexes dont les mesures instrumentalisees du controle et de la coordination son essentielles. Ces entreprises representent le monde des ingenieurs presents a toutes les etapes de la production, s'appropriant le merite de la conception du travail. Les employes affectes principalement a des travaux d'assemblage sont assujettis a ces regles mais le travail informel et les connaissances tacites qui structurent les comportements de groupes sont autant de manieres d'evoquer l'identite au travail.

Microcom: la Qualite comme ressource conforme a la structure preetablie

A Microcom, la Qualite est technique et normative. Les Equipes d'amelioration continue (EAC) sont la cle du decloisonnement des groupes de travail ou, dans cette entreprise fortement hierarchisee, les ingenieurs concoivent les procedes, les techniciens preparent l'instrumentation et les operatrices non-syndiquees executent les procedures. Ces groupes socioprofessionnels sont culturellement fermes et ne communiquent entre eux que par voie hierarchique. Cependant, pour les gestionnaires, il est devenu essentiel d'uniformiser les procedures de travail et de mettre un terme a des pratiques de travail informel qui seraient la source d'un taux de rejet eleve des produits non conformes.

L'objectif de ces equipes creees au gre des priorites dans les phases de fabrication consiste a traiter des difficultes, a trouver des solutions et a les transmettre a l'ensemble des agents concernes. Les operatrices sont choisies parmi celles qui peuvent apporter la meilleure contribution aux discussions dans les EAC. La structure hierarchique n'est donc pas mise a l'epreuve mais elle sert au contraire a developper la Qualite. La participation des employes est associee au desir de collaborer aux initiatives de l'entreprise. En effet, le processus de developpement de la Qualite centralise la prise de decision: les cadres et les ingenieurs decident des priorites, choisissent les salaries qui participent aux EAC, selectionnent les solutions en fonction de leur valeur instrumentale. Le processus ne contribue pas a l'enrolement des salaries. Il consiste a developper les procedures de travail conformes a des normes productives telles que concues par les ingenieurs. La Qualite est d'abord percue comme etant la concordance du travail reel a ces normes sinon la conformite a des regles prescrites.

Aussi, les operatrices partagent le sentiment d'etre utilisees plutot que d'etre de veritables partenaires de la restructuration techno-organisationnelle amenee par la Qualite. De leur cote, les ingenieurs affirment qu'il peut etre risque de "laisser aller les choses sur la ligne de production puisque les operatrices ne maitrisent pas assez les concepts associes a la productioin de semi-conducteurs." L'element cle de la Qualite ne peut etre obtenu que par le developpement d'outils techniques mis a la disposition des operatrices pour mesurer et produire des lots conformes selon la regle du "zero defaut."

Les pratiques et les representations de la Qualite sont fortement influencees par une double structure de la dynamique des relations entre les acteurs: a) d'une part un processus centralise ou tout est decide par le haut et converge vers le bas; b) d'autre part la polarisation entre les normes techniques concues par les ingenieurs et les normes informelles du travail des operatrices.

Pour les cadres et les ingenieurs, les valeurs dominantes de la Qualite se rapportent a un ensemble de procedes et d'outils techniques au service des employes afin de fabriquer un produit conforme sans variation. Pour les employes et les techniciens, la diversite des representations reflete une variete de pratiques de la Qualite en fonction du role que chacun joue dans sa mise en oeuvre. Ainsi, il y a une minorite d'employes qui participent aux travaux des EAC et qui se representent la Qualite de facon instrumentale et conforme aux normes prescrites par les EAC. Ensuite, il y a une majorite d'employes qui se conforment a ces procedures mais pour qui la Qualite est aussi un ideal non-atteint qui se rapporte aux valeurs du travail.

Les normes procedurales dominent la representation de la Qualite. Les aspects socioculturels y sont assujettis comme un passage oblige dans un cadre de subordination plutot que de negociation. Dans la realite des ateliers, la Qualite est celle souhaitee par les cadres et les ingenieurs qui concoivent les procedes. Il y a ici un alignement entre ce qui est concu et prescrit et ce qui est attendu en matiere de conduites et de comportements standardises. Mais les concepteurs doivent considerer les aspects non conformes de la Qualite en integrant par une negociation implicite les composantes ambigues de la Qualite afin d'aligner les langages et les comportements. Enfin, pour les salaries, les representations idealisees de la Qualite s'imposent davantage a terme comme un moyen d'accepter et d'internaliser les processus qui y conduisent en beneficiant des retombees positives ou en trouvant quelques avantages pour soi. La Qualite est plutot concue comme un imperatif individuel, un effort personnel devant conduire a un alignement hierarchise des comportements et des conduites d'acteurs.

Comtel: la Qualite comme norme structurante de l'organisation

A Comtel, la strategie de transformation est centralisee. Les gestionnaires concoivent la structure d'implantation de la Qualite et force son application de facon a ce qu'elle soit identique d'un etablissment a l'autre. Les salaries de Comtel sont tous membres d'un syndicat independant qui ne participe ni au processus de conception ni a l'implantation de la Qualite. Seules les consequences qui se repercutent sur la convention collective de travail sont l'objet d'une negociation officielle entre les parties. Les salaries syndiques de Comtel sont interpelles par la Qualite a titre individuel comme membre d'une organisation.

 Tableau II: representations de la Qualite a Microcom

A) les cadres et les ingenieurs B) les employes


a) La Qualite est un a) La Qualite est la
ensemble de procedures conformite aux regles
techniques et fonctionnelles

Standard de Qualite Prescriptions normatives
[...]<<[ISO 9000] [...] <<C'est d'appliquer
c'est l'ecriture de les regles et les procedures qui
differentes procedures, [...] tout sont etablies, qui sont claires,
est documente, les il faut les
procedures de calibration, appliquer le
l'etalonnage d'equipements, plus strictement possible et
le processus de controle de la d'etre le plus exigeant
 possible>>.
Qualite, on doit etablir
et ecrire des procedures
et les recettes sous le
format ISO>>.
 Conformite au processus
Responsabilisation balisee [...] <<Sur les procedes on n'a
 pas a etre consulte car
 ils savent ce qu'ils
 ont a faire[...], des fois
[...] <<la c'est le temps de on nous consulte des
donner la responsabilite a fois, non. On est que
l'operation on a mis des simples operatrices>>.
les outils en
place pour controler
la ligne de production>>.
 b) La Qualite est
 une ambiguite
b) La Qualite est un
alignement socio-culturel
 Difference
Mobilisation absente [...] <<La Qualite pour
 eux-autres, ce n'est pas pareil
 comme nous-autres>>.
[...] <<Ici, on se fixe des
objectifs mais on ne cherche pas
a les faire partager, ni meme
a impliquer les gens...>> Hierarchie justifee
 [...] <<On n'a pas
 de contacts avec les
 autres employes, ici tout
 se fait par hierarchie>>.
Decision hierarchisee
[...] <<C'est par Travail reel
consensus qu'on decide, ou prescrit
les ingenieurs et les
directeurs mais pas les
employes>>. [...] <<mais les vieilles
 mains font a leur
 tete sur les appareils>>.

Alignement du langage c) La Qualite est une
 valeur du travail
[...] <<je pense
que premierement, on s'est donne
un langage commun pour se parler,
les mots veulent dire Valeur personnelle
la meme chose aux memes
gens[...] il y avait un
besoin d'avoir
un lexique mutuel a [...] <<la Qualite
travers toutes les couches tu l'as ou tu l'as pas. Tu veux
dans l'usine...>>. faire de la Qualite[...] tu
 fais quelque chose
 comme il faut la premiere
 fois. Pour moi
 c'est ca la Qualite>>.

 Pragmatisme
 [...] <<C'est bon pour moi,
 je garde ma job pour
 etre competitif sur le
 marche, sortir ce que le
 client veut>>.

 Humanisme
 [...] <<Il y a eu quelque
 chose de positif a partir
 de ca et ca a change [...]
 la philosophie de bien
 du monde [...] ca m'a
 sensibilise et deja la je trouve
 que c'est positif>>.


Dans cette strategie centralisee de la Qualite, deux axes structurent les representations: l'axe technique et procedural et l'axe comportemental et culturel. Bien que les agents soient conscients de la complementarite des deux axes de changement, certaines valeurs de la Qualite sont representees differemment selon les roles dans la mise en place de la Qualite. La ou certains voient de la complementarite, d'autres y voient plutot une tension. La recherche d'une plus grande uniformite de production passe par la conformite des conduites et des comportements aux procedures normatives concues par les ingenieurs et quelques employes selectionnes. De facon particuliere, la Qualite est percue par les cadres de l'entreprise comme la mise en place de systemes de verification qui "structurent notre approche vers la Qualite totale." Les salaries sont selectionnes pour leur connaissance pratique du travail et leur volonte a traduire les normes informelles du travail en langage comprehensible pour tous, avant de les traduire aupres des autres. La participation est selective et ne sert qu'a des fins procedurales et fonctionnelles.

La Qualite est centralisee, bureaucratisee et formalisee. Elle n'est pas l'objet de negociation mais plutot de persuasion. Pour les gestionnaires, la Qualite est un tournant majeur de la competitivite de la firme. Cependant, la representation economique n'est pas en accord avec les salaries qui percoivent la Qualite comme un nouvel ordre productif qui interpelle les savoir-faire et les relations entre les acteurs sans reciprocite nouvelle.

La Qualite s'inscrit dans une vision de l'entreprise, une philosophie corporative. La Qualite est un processus de changement qui opere en mode selectif et qui ne progresse que lorsque les objectifs avances par les cadres superieurs sont assures d'etre rencontres. Les ingenieurs se consacrent ainsi a la creation d'outils de mesure et de verification de la Qualite selon des parametres prealablement determines.

La participation des employes est limitee, balisee par l'ingenierie et normee par la documentation. La Qualite est ainsi percue comme une nouvelle forme d'autorite dissimulee dans un cadre qu'imposent des imperatifs externes.

La Qualite et la negociation: le modele rationaliste-responsabilisant

Les deux entreprises suivantes evoquent l'univers traditionnel des ouvriers. Dans l'industrie de la metallurgie, l'image de syndicats voues a la defense des interets socio-economiques des membres domine. C'est egalement le monde des travaux lourds, des ouvriers experimentes ayant appris des compagnons de travail, s'identifiant a leur syndicat et s'appropriant le merite du travail bien fait. Les traditions et le cloisonnement des savoir-faire et des connaissances structurent le comportement des groupes. Aussi, les transformations ne peuvent s'effectuer sans leur consentement sinon les resistances au changement sont immuables. Ici, les syndicats sont pro-actifs. (21) La Qualite mobilise, les acteurs doivent s'accorder.

Primetal: la Qualite consolide la survie de l'entreprise

A Primetal, la Qualite est objet de negociation entre le syndicat et les dirigeants locaux. Non pas que sa definition revete un caractere different des normes habituellement prescrites mais les priorites d'action, le cheminement des activites, l'ampleur des transformations et les consequences de la mise en application d'activites de Qualite forment la substance des accords entre les representants syndicaux et les gestionnaires. (22) La Qualite devient un processus qui transforme les relations de travail $$ Illegible Word $$ rapports fonctionnels entre les salaries et les gestionnaires.

Les relations de travail ont toujours ete tendues a Primental, la confrontation dominant les rapports syndicat/employeur. Les relations salaries/superviseurs ont ete constituees par un mode de commandement caracterise par des affrontements verbaux et des mauvaises communications. La production etait limitee par des quotas informels regules par les ouvriers.

Le project de Qualite est initie par le syndicat des ouvriers a la suite d'une femeture temporaire de l'usine pendant trois mois, resultat des difficultes economiques. Les ouvriers, craignant de perdre leur emploi, voient dans la Qualite une facon d'assurer le sauvetage de l'entreprise et de maintenir les emplois. Pour le syndicat, la Qualite est egalement un moyen de s'integrer dans la gestion quotidienne de l'entreprise. Apres trois mois, la reouverture de l'entreprise ne s'est pas faite sans heurts. En effet, seulement 96 des 160 salaries ont ete rappeles en vertu de l'anciennete, puis la structure bureaucratique a ete delestee de plusieurs cadres de premier niveau (-45%). La Qualite apparait aux survivants comme une necessite. Ce contexte structure les representations.

La Qualite n'est pas un ensemble d'activites prealablement definies. Les representants syndicaux siegent au comite directeur. Des comites paritaires de resolution de problemes sont formes dans chaque atelier. Les solutions aux problemes identifies sont debattues pour leur merite fonctionnel mais egalement en raison des valeurs collectives des equipes de travail.

Les aspects socioculturels de la Qualite tels que la valeur de la participation, de la consultation, la transparence des informations, la prise en compte des idees des ouvriers dominent les pratiques et les representations de la Qualite par rapport aux aspects techniques et les normes ISO dont peu d'ouvriers connaissent les implications. La Qualite est aussi une uniformisation socio-technique des procedures du travail mais non sans l'accord des participants.

 Tableau III: representations de la Qualite a Comtel

A) les cadres et les ingenieurs B) les employes

a) La Qualite est un a) La Qualite est la conformite
ensemble de procedures techniques aux regles et aux processus
et fonctionnelles

Conformite Procedures et Standardisation
[...] <<La Qualite, c'est [...] <<Le moins d'erreur possible,
vague et c'est matiere a de la bonne documentation [...]
interpretation, c'est pourquoi C'etait tous des gens qui
il y a des regles
ecrites>>. savaient tout par $$ Illegible Word $$,
 ils n'utilisaient jamais
 leur papier pour travailler>>.

Procedures de controle [...] <<la Qualite c'est juste
 une standardisation [...] parce
 que pour deux personnes differentes, la
[...] <<On a mis en place une Qualite est differente [...]
feuille de verification qu'on j'ai toujours fait un
appelle une feuille travail de Qualite, on
d'excellence qui n'avait pas besoin d'ecrire ca
demande a l'operateur a tous pour que je le fasse>>.
les jours de verifier certains
points. [...] Tout est controle>>.

Mesure quantifiable b) La Qualite est une ambiguite
[...] <<On en a enormement
[des criteres d'evaluation].
On suit ca a tous les
jours. Autant au
point de vue de l'assemblage, au Rendement
point de vue de la verification,
au point de vue du service a la
clientele, on est mesure [...] <<La Qualite permet une
sur tout ca>>. amelioration de la productivite>>.

b) La Qualite est un alignement
socio-culturel
 Controle technique/responsabilisation
Excellence [...] <<[la Qualite] j'en ai
 toujours faite mais la
 c'est standardisee et controlee
 par l'ingenieur, ca
[...] <<c'est un processus continu fait que ca change mais
de changement qui s'effectue je ne suis toujours pas
dans une continuite>>. [...] C'est responsabilise...>>.
l'excellence, c'est-a-dire
chaque personne a sa place,
a son poste, a sa fonction>>.
 Communication
Participation limitee [...] <<ici, on ne fait
 pas de Qualite totale
 d'apres ce que j'en sais
 car la communication est
[...] <<A ce moment-la on seulement verticale ici>>.
implique les gens selon le
type de probleme pour que
les gens qui
soient la se sentent impliques
au lieu d'etre juste spectateurs>>.
 c) La Qualite est une valeur du travail
Nouveau pouvoir non negocie
[...] <<Tu peux leur donner Pragmatisme
une certaine responsabilite,
mais au bout de la ligne,
s'ils veulent la
responsabilite, il faut qu'ils <<[La Qualite] c'est un bon
fournissent l'effort, puis travail, la Qualite me permet
qu'ils fournissent le resultat>>. de conserver mon emploi>>.

La technique et conscience Competition
individuelle
[...] <<il y a du controle, [...] <<c'est d'etre meilleur
de la discipline et de la mesure. que l'autre, [...]
Avec la Qualite, c'est de tout faire pour etre
rien n'est laisse au le meilleur et ca cadre bien
hasard et il ne faut rien avec la philosophie de
prendre pour acquis >>. la compagnie>>.

Autorite nouvelle
[...] <<il faut coordonner par
la competence plutot que
par hierarchie>>.

Controle et informatisation
[...] <<La formation est donnee
uniformement a tout le monde [...]
la formation est structuree par
ISO, les employes ne decident rien
[...] on informatise pour
controler [...] ISO structure les
procedes et elimine le flou...>>.

Processus selectif
[...] <<Le plus gros theme qu'on
avait, c'etait evidemment la
participation du personnel. [...]
Mais
toujours dans un cadre des
resources humaines; notre
personnel, c'est notre force,
notre
element, donc... [...]
On a decide d'aller chercher
la creme>>.
 Tableau IV representations de la Qualite a Primetal

A) les cadres et les ingenieurs B) les employes
 a) La Qualite est la
 conformite aux regles
a) La Qualite est un ensemble
de procedures techniques
 Autorite des pairs
Procedures democratisees [...] <<la Qualite totale,
 [...] peu importe qui tu es
 c'est que tu sois capable
 de donner le rendement
[...] <<pour la procedure de maximum. [...]en cooperation avec
chargement des fours, j'aurais pu ISO [...]avant ca c'etait le
prendre un papier et puis toute contremaitre qui disait tu vas me
l'ecrire mais si les gens ne faire ca[...] la ce sont
se sentent pas implique[...], les hommes [...] ca s'en a
tu vas nulle part[...], ete un gros changement>>.
c'est encore revenir
a l'ancien style si tu veux>>.
 Methode standardisee
b) La Qualite est un alignement [...] <<la facon de charger
socio-culturel le four, est uniformisee pour les
 operateurs au complet donc la Qualite
 totale pour nous-autres c'est toute
 une reorganisation de travail>>.
Mobilisation
[...] <<Nous autres on a gagne la b) La Qualite est
Qualite par les employes...>>. une ambiguite

Democratisation Paradoxe syndical
[...] <<Ils ont le meme droit de [...] <<la Qualite
parole que les autres autour de totale c'est d'essayer
la table [...] le de sauver le plus possible,
probleme le plus [...]tu laisses la convention
serieux a travailler la-dessus [collective] de cote un peu c'est
bien tout le monde va aller vers pour ca que je te dis ca peut
celui-la. C'est pas necessairement devenir un couteau a deux
le probleme que la direction tranchants>>.
va apporter>>.

 Intensite du travail
 [...] <<C'est quoi cette Qualite
 totale avec ca c'est de couper
 du personnel. Toi y faut que tu
 fasses un peu plus un peu
 plus et un peu plus>>.

 Perte d'emploi
 [...] <<Pour les gens la Qualite
 totale c'etait les mises a
 pied deguisees>>.

 c) La Qualite est une valeur du travail

 Nouveau pouvoir
 [...] <<le chargeur de four est
 rendu responsable de sa fournaise
 c'est lui qui dirige la facon de
 mettre le materiel dans le four>>.

 Espertise
 [...] <<ce que la Qualite totale nous
 apporte c'est qu'on est
 ecoute et puis en fait
 c'est nous autres
 qui l'a l'experience, tu
 sais comment c'est fait>>.

 Pragmatisme
 [...] <<Bien la compagnie sauve
 et puis moi c'est nos jobs dans
 le fond tu sais>>.

 Mode relationnel
 [...] <<la Qualite totale ce qu'elle
 a apporte c'est [...]
 tout le monde tire sur
 le meme bord
 comparativement a quelques annees
 ou le syndicat tirait sur
 son bord et puis le
 patron tirait sur
 son cote c'est la
 principale force>>.

 Implication individuelle
 [...] <<la Qualite totale va commencer
 par moi ici, [...] si je donne
 pas mon rendement je sais
 qu'au bout de la ligne
 ca marchera pas>>.


La Qualite est une notion qui cristallise les positions des acteurs vers des rapports plus harmonieux tant au plan des relations de travail que de l'organisation du travail. A Primetal, les considerations techniques, les mesures et les moyens de controle de la Qualite ne sont pas au centre des preoccupations des acteurs, ni meme de la direction et du service de l'ingenierie. La transformation organisationnelle passe d'abord par l'implication, la consultation et la participation des ouvriers et de leur syndicat. Les aspects sociaux de la Qualite tels que la prise de decision conjointe, la discussion des methodes de travail, la prise en compte des conditions de travail dominent la representation de la Qualite. Mais encore ici, ce changement se traduit aussi par des modifications aux methodes de travail, a l'echange coordonne entre les unites fonctionnelles et par des considerations economiques et productives de la Qualite. Il en resulte certains paradoxes de la Qualite entre, d'une part, les elements constitutifs de nouveaux liens de solidarite entre ouvriers, incluant parfois les gestionnaires et, d'autre part, les elements de desapprobation des pertes d'emploi, des modifications a la baisse de gains collectifs et des rendements productifs a meme l'intensification du travail.

Le mode de relations entre les acteurs est transforme. C'est le gain majeur de la GIQ. Il y a transparence de l'information et echange frequent entre les ouvriers, les gestionnaires, les ingenieurs; chacun prend conscience des consequences pour l'autre de l'adoption d'une norme ou d'une methode de travail. L'harmonisation et la standardisation des methodes de travail sont toujours l'objet d'une entente.

Acfan: tension entre les considerations techniques et socioculturelles

A la suite des difficultes economiques d'Acfan, deux faiblesses majeures sont constatees: la gestion de l'etablissement et le controle de la Qualite. Des le depart, le syndicat et les ouvriers sont impliques dans la transformation des relations de travail et des communications entre les paliers hierarchiques. A la volonte de transformation reelle manifestee par les gestionnaires, le syndicat aspire a une place dans la gestion du changement. C'est une occasion de maintenir le niveau d'emploi et de democratiser la gestion de l'etablissement.

La structure de mise en forme de la Qualite est constituee d'un comite directeur qui coordonne les activites et les priorites d'intervention auxquels s'ajoutent des comites de resolution de problemes dans les differents departements. La participation des ouvriers est sollicitee pour resoudre les problemes de la Qualite et de la productivite. Pour les acteurs d'Acfan, les ameliorations de la Qualite sont essentiellement le resultat de l'application des solutions provenant de ces comites. Mais l'implication des ouvriers, sans Etre ouvertement contestee par les ingenieurs de la firme parce que mobilisatrice, est neanmoins evaluee comme etant incomplete si des mesures de controle de la Qualite ne sont pas adoptees. Pour ce dernier groupe, la Qualite se mesure par des parametres techniques sans lesquels la Qualite restera partielle et donc, improbable. Les aspects sociaux tels que l'implication, la conscientisation, la discussion sur les methodes de travail les plus efficaces ne sontelles

 Tableau V: representations de la Qualite a Acfan

A) les cadres et les ingenieurs B) les employes


a) La Qualite est un ensemble a) La Qualite est la conformite
de procedures techniques et aux regles et aux processus
fonctionnelles

L'autre Qualite Standardisation
[...] <<montrer aux gens du [...] <<Essayer d'amener tout le
comite-directeur et a tous les monde a travailler de la meme
gens de l'atelier d'usinage que le facon. Pas chaque personne qui
procede n'est pas en controle, travaille differemment,
[...] c'est peut-etre plus difficile [...]Ceux qui prennent 10
parce que les gens du cote [minutes]. c'est parce
 qu'ils font de quoi de
syndical et dans le mieux que ceux qui
comite-directeur, ils disent: font en 30 minutes.
"Comment est-ce que ca se
fait que vous partez
des projets?" [...] puis
on a pas consulte personne.
Mais c'est une autre forme
de Qualite totale,
c'est que partir des projets, b) La Qualite est
c'est pas necessairement la base. une ambiguite
[...] Moi, je peux
dire a l'atelier
d'usinage; "Vous avez trop de
problemes de Qualite au
point de vue dimensionnel". J'arrive
avec des faits et je leur
prouve que c'est vrai>>.
 Intensite du travail
Expertise discutee [...] <<Au debut c'etait
 de trouver un moyen
 pour que la fournaise aille
 plus vite, parce que c'est
[...] <<il faut utiliser un sur que la fournaise,
peu plus de faits observables c'est elle qui donne le <<speed>>.
... pour qu'il y ait reellement Si la fournaise va lentement, tout le
un effet de
controle. [...] avec le controle monde va aller lentement;
statistique des procedes. si ca va vite,
Mais c'est pas tout ca va vite>>.
le monde qui est
convaincu de ca encore.
On a un travail de demonstration
a faire a mon avis>>.
 Continuite
Processus integre [...] <<Moi avant la Qualite totale,
 j'avais la responsabilite que la
 piece soit bonne, et ca n'a pas
[...] <<Moi, j'essaie de ramener ca change, c'est encore
du cote peut-etre plus technique, comme ca>>.
plus formel, avec des outils,
mais tout en conservant la
philosophie de base des groupes qui
travaillent sur la resolution de
problemes>>. Standardisation
b) La Qualite est un alignement [...] <<Il ne faut pas
socio-culturel que tu t'attendes a avoir
 un standard d'individus.
 Il a faut avoir une
 moyenne. [...] Le gars, c'est
 un etre humain; [...] la
 Qualite, ca devrait etre
 tout pareil. [...]Mais
 du cote productivite, c'est
 sur que tu ne peux pas
 t'attendre a la meme
 productivite de tout le
Ressources humaines monde>>.
[...] <<la Qualite totale,
je pense qu'ici on a realise que
notre equipement principal
c'est les gens,
que notre ressource premiere Perte d'autonomie
c'est les gens. Alors, on a
axe beaucoup notre
Qualite totale sur
les gens[...]>>. [...] <<Si tu leur donnes
 toutes les procedures d'usinage,
 tu leur donnes tout...>>.

Methode normee c) La Qualite est une
 valeur du travail
[...] <<on veut avoir rien
qu'une methode, [...]
une seule methode qui va
etre enseignee par des
gens du milieu, avec Pragmatisme
le langage du milieu, et en
qui les gens vont
avoir confiance>>.
 [...] <<Dans l'intention
 toujours de sauver l'usine,
 et c'est pour ca que ca
 a passe plus facilement,
Interdependance parce qu'on etait sur le bord.
 [on] a pas bien bien le
 choix pour sauver sa job>>.
[...] <<Puis la, disons qu'il est
temps de realigner tout ca,
pour que les
harmonisee groupes s'alignent Mode relationnel
vis-a-vis des grandes priorites
de l'usine, puis ensuite
de ca, des
departements qui viennent appliquer [...] <<La Qualite totale?
les priorites de l'usine>>. C'est bien des choses... Tu vas
 avoir une bonne collaboration entre
 employeur et employes>>.

Centralite de la culture QVT
[...] <<D'apres moi, tu peux [...] <<Pour moi, ca
avoir des paquets de procedures serait pour ameliorer la
qui ne sont pas Qualite de vie dans l'usine,
suivies. Tu peux puis apres ca, la Qualite
avoir les signatures au bout, de l'acier, de
[...]. C'est ta mentalite qu'il notre production>>.
faut que tu changes.
Tu as besoin
d'une certaine methode de travail,
c'est une question de culture
et de mentalite>>.
 Confiance
 [...] <<Je pense que c'est de
 se faire confiance entre nous-autres;
 c'est le gros point,
 c'est d'arreter
 de trouver des coupables>>.


elles qu'une entree en matiere de la Qualite devant conduire a une prise en charge technique ou correspondent-elles comme a Primetal a l'unique facteur d'evaluation de la Qualite? La mobilisation des ouvriers, la neutralisation des effets negatifs de l'esprit de confrontation, le decloisonnement des connaissances du travail sont aussi des elements de transformation guides par la Qualite representee par les ouvriers pour ses valeurs democratiques.

Le processus combine des dimensions techniques et fonctionnelles a des dimensions socioculturelles portees par des groupes socioprofessionnels differents. Pour les ingenieurs d'Acfan, les controles mesures des procedes s'imposent mais il y a risque de heurts avec les ouvriers pour qui ces controles menacent leur autonomie. Pour ces derniers, les discussions sur les methodes de travail standardisees sont liees aux conditions de travail, elles ne sauraient etre subordonnees aux procedures normees que des ingenieurs seraient tentes d'imposer. Mais l'enjeu de la Qualite ne tient pas uniquement a la mobilisation des acteurs. Il reside aussi dans l'etablissement de procedures de controle ou la participation des ouvriers a la prise de decision ne serait certes plus une dimension centrale. Ce qui domine alors, c'est la conformite comportementale, valeur faible chez les ouvriers. Il serait illusoire de subordonner des valeurs democratiques que les ouvriers identifient fortement a la Qualite a des mesures techno-manageriales. A defaut d'etre negociees pour leur valeur intrinseque, ces dernieres devront etre etablies quant a leurs consequences pour le processus et la mobilisation des ouvriers dans l'organisation du travail. Ce cas illustre bien l'etat de tension entre proprietes techniques et aspects sociaux du travail. La frontiere est difficile a tracer entre ces deux dimensions particulierement lorsque vient le moment d'effectuer des transformations qui ont comme effet de polariser les pratiques et les representations.

Discussion et conclusion

La GIQ ne s'impose pas comme une reforme rapide de la gestion, (23) il s'agit d'un lent processus dont les manifestions concretes dependent: a) du contexte de production et des technologies afferentes, b) de la volonte des acteurs a traduire la GIQ en des modes de connaissances et des formes specifiques, c) de la dynamique des relations entre les gestionnaires et les employes de la firme. Nous degageons ici les principaux elements qui structurent et sedimentent les representations. En depit des divergences contextuelles, il existe une convergence de certaines representations d'agents des quatre etablissement notamment en ce qui a trait a certaines ambiguites et valeurs du travail.

Contexte de production, connaissances et dynamique des acteurs

a) La comparaison des demarches techno-manageriale et rationaliste-responsabilisante reproduit a grands traits le parallele entre les etablissements de production de haute technologie et ceux utilisant des technologies etablies, comme si la dichotomie social/technique induite par la comparaison des demarches est reconduite sans autres considerations que celles degagees par les technologies de production. La demarche techno-manageriale est adoptee en majorite par les acteurs desirant un plus grand controle des procedes de production alors que la demarche rationaliste-responsabilisante est l'apanage de ceux qui ne craignent pas d'ouvrir a la discussion le modele traditionnel d'organisation du travail. Les technologies et les procedes de production participent egalement au processus de changement dans le cadre de la mise en place des programmes de Qualite. La taille de l'entreprise et les innombrables etapes de production complexifient la coordination du travail. Les exigences des controles des procedes influent certes sur les modes d'implantation, les formes de participation et les representations de la Qualite.

Les aspects techniques de la Qualite enferment les construits d'acteurs dans une logique d'experts que dissimule mal une forme de participation etriquee au profit d'une autorite qui demeure tres centralisee. Au contraire, les aspects sociaux de la Qualite attenuent les construits d'acteurs dans une logique du consensus qui laisse en plan certains aspects techniques sans lesquels l'amelioration des rendements du travail n'est possible. Cependant l'opposition entre deux logiques portees par des acteurs differents masque d'autres facteurs qui influencent le type d'implantation.

b) Les pratiques et les representations recoivent l'empreinte du type de mobilisation des employes. Les acteurs des etablissements ou les syndicats imposent leur participation a l'elaboration des projets adoptent une demarche de negociation. (24) Les accords qui en decoulent font accepter plus aisement les transformations de la gestion du travail aupres des differentes categories de salaries. La demarche est ouverte et consensuelle, elle s'impose la ou les syndicats projettent l'image d'une forte cohesion interne des membres. Ces derniers peuvent inflechir la demarche vers des objectifs visant une plus grande transparence, une participation directe des salaries au processus.

La ou les salaries ne sont affilies a aucun syndicat ou a un syndicat a faible mobilisation, la definition des objectifs s'effectue de facon unilaterale ou, au besoin, par une participation selective des salaries. L'interet des salaries vise la conformite aux regles, sans recherche d'un consentement volontaire. La ou les traditions de travail sont plus fortement etablies, une demarche de changement non negociee serait vouee a l'echec. La presence syndicale impose ici un processus ouvert plutot que prescriptif et centralise. Pour reprendre le dilemme evoque par Park et Burgess, precurseurs de l'Ecole de Chicago, il y a conformite et acquiescement des salaries aux exigences qu'imposent les nouvelles regles du travail dans les deux premiers cas et, engagement et consentement dans les deux autres.

c) Consequemment aux facteurs structuraux precedents, une troisieme dimension emerge: la dynamique des acteurs eu egard a la centralisation ou la decentralisation du processus. La demarche des etablissements qui favorisent la mise en place de criteres techniques de mesure des activites de la Qualite est concue et implantee par une equipe d'experts. Ces derniers elaborent et normalisent les regles du travail tout en se conformant aux orientations socioculturelles qu'impose la direction de l'entreprise. Seuls quelques salaries selectionnes pour leur savoir-faire et leur connaissance de l'organisation du travail participent aux travaux des experts. Les autres experimentent puis acquiescent ou resistent aux procedures.

La demarche decentralisee se manifeste par l'enrolement des categories professionnelles. Bien sur quelques agents cle coordonnent les priorites et les activites qui en decoulent. Les gestionnaires, les ingenieurs et les representants syndicaux sont au centre de cette demarche ouverte et transparente. Les salaries sont mobilises a leur tour pour leurs connaissances explicites des procedes de travail et a titre d'agents de transformation des regles du travail. Les acteurs comprennent les actions de chacun et partagent leurs attentes respectives. D'une certaine facon, l'incertitude est reduite et les acteurs interagissent plus efficacement.

La dynamique des acteurs se manifeste differemment dans le processus. Dans la demarche techno-manageriale, seuls quelques acteurs directement impliques dans la conception du project imposent les regles du travail. Ces agents innovants imposent des modeles normatifs aupres d'une majorite d'employes. Au contraire, dans la demarche rationaliste-responsabilisante, la dynamique des acteurs trace la voie aux echanges sur les priorites et les activites. Il n'y a pas de modele impose a priori.

Convergence des ambiguites et valeurs du travail

Dans aucun des quatre cas que nous avons examines, la demarche Qualite ne donne lieu a un mouvement d'opposition clairement identifie et organise. Les principes qui president a la demarche sont generalement acceptes. Seules quelques modalites sont a la source des critiques, plus acerbes a certains endroits ou parmi certains groupes socioprofessionnels (notamment les ouvriers d'entretien, les techniciens et les contremaitres dont les differences n'ont pas ete abordees dans ce texte). Cependant, le contexte socio-economique de l'entreprise ou l'emploi est severement menace guide les representations qui sont generalement positives. La Qualite s'impose avec une certaine resignation, une passivite que meme les elements positifs comme la participation et la transparence des echanges n'effacent pas. Les acteurs sont aux prises avec l'objectif d'etre constamment efficaces economiquement, et bien que la rhetorique de l'autonomie et de la democratie soit renforcee, les finalites sociales y sont assujetties. Les nouveaux "liens sociaux" se developpent a coup de "procedures a visees integratives" qui ne vont pas sans paradoxes ou ambiguites. (25)

Les employes des quatre etablissements enoncent leur accord aux transformations emanantes de la GIQ en regard du contexte economique mondial qui ne laisse guere de choix. Cela conduit a une vision pragmatique de la GIQ, le changement est apprecie pour ses effets sur le maintien de l'emploi. Ainsi les relocalisations, les fermetures d'etablissements, les pertes d'emplois et le chomage ambiant conduisent a une logique du court terme qui font accepter des transformations qui, dans un autre contexte, auraient pu etre contestees. (26) Ces representations pragmatiques insufflent-elles un certain nombre de malaises que traduisent les ambiguites enoncees? L'acquiescement et le consentement sont attenues par une ambivalence quant aux effets negatifs du travail: intensite plus grande du travail, licenciement de compagnons de travail, partage des savoir-faire et, malgre tout, avenir incertain.

L'ambiguite est d'autant plus manifeste que les transformations induites par la Qualite conduisent a des representations positives de la part des employes quant a l'engagement personnel au travail, un humanisme dans les relations harmonisees entre les agents, une plus grande autonomie (bien que controlee), une nouvelle influence ouvriere sur la coordination du travail, et des relations de travail qui incluent l'organisation du travail aux negociations habituelles des conditions de travail.

Les courants techno-managerial et rationaliste-responsabilisant sont les deux faces d'une meme piece tout comme la Qualite classique et la Qualite romantique evoquees par Phedre. La priorite donnee a l'un ou l'autre de ces courants resulte des processus sociaux. Notre etude montre qu'il y a une dualite de la GIQ, soit elle renforce le rapport de subordination fondee sur l'autorite manageriale; soit, au contraire, elle repose sur une entente negociee par laquelle syndicats et ouvriers se font entendre.

Cet article s'inscrit dans le cadre d'une recherche sur les transformations organisationnelles dans l'entreprise manufacturiere realisee avec l'appui financier du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada et du Fonds pour la formation de chercheurs et de l'aide a la recherche du Quebec.

(1) R.M. Persig, Traite du zen et de l'entretien des motocyclettes (Paris 1978).

(2) R.M. Persig, Traite du zen et de l'entretien des motocyclettes, 200.

(3) J.W. Dean et D.E. Bowen, "Management theory and total quality. Improving research and practice through theory development," Academy of Management Review, 19, 3(1994), 392-418; P. Dawson et G. Palmer, "Total quality management in Australian and New Zealand companies: Some emerging themes and issues," International Journal of Employment Studies, 1, 1(1993), 115-136; C.A. Reeves et D.A. Bednar, "Defining quality: alternatives and implications," Academy of Management Review, 19, 3(1994), 419-445; A. Wilkinson, A. et H. Willmott, "Introduction," dans A. Wilkinson, H. Willmott et A. Marchington, eds., Making Quality Critical. New perspectives on organizational change (New York et Londres 1995), 1-32; R.J. Hackman et R. Wageman (1995) "TQM: Empirical, Conceptual and Practical Issues," Administrative Science Quarterly 40 (1995), 309-342.

(4) P. Crosby, La Qualite, c'est gratuit: l'art et la maniere d'obtenir la Qualite (Paris 1986).

(5) E. Deming, Out of the Crisis (Cambridge 1986).

(6) Quelques principes dominent selon B.A. Spencer, "Models of Organization and Total Quality Management: A Comparison and Critical Evaluation," Academy of Management Review, 19, 3(1995), 446-471.a) toute initiative d'amelioration de la Qualite commence par la comprehension des besoins des clients; b) les entites externes, clients et fournisseurs, sont integrees aux processus organisationnels; c) les gestionnaires ont la responsabilite de creer un climat et un systeme propices a l'amelioration du produit et du service; d) les employes sont responsabilises afin de prendre des decisions et de developper les activites necessaires a l'amelioration de la Qualite a l'interieur du systeme concu par les gestionnaires; e) la structure organisationnelle est reconfiguree dans un cheminement horizontal qui commence avec le fournisseur et qui se termine avec le client; f) les equipes sont organisees par ce processus pour faciliter l'accomplissement des taches; g) le changement, l'amelioration continue, l'apprentissage sont encourages. Idealement, les membres de l'organisation sont motives pour deconstruire le statu quo.

(7) J.C. Anderson, M. Rungtusanatham et R.G. Schroeder, "A theory of quality management underlying the Deming management method," Academy of Management Review, 19, 3(1994), 472-509.

(8) L aspect historique de la qualite et de sa diffusion au Canada est presente dans notre article: D. Harrisson et N. Laplante, "TQM, trade-unions and co-operation: The emerging patterns in Quebec manufacturing plants," Economic and Industrial Democracy: An International Journal, 17, 1(1996), 99-129.

(9) D. Harrison et N. Laplante, "Confiance, cooperation et partenariat: un processus de transformation dans l'entreprise quebecoise", Relations industrielles, Numero thematique Syndicats et restructuration economique, 49, 4(1994), 637-670; S. Hill, "Why quality circles failed but total quality management might succeed," British Journal of Industrial Relations, 29, 4(1991), 541-568; A. Wilkinson, A. Marchington et J. Goodman, "Total quality management and employee involvement," Human Resource Management Journal, 2, 4(1992), 1-20.

(10) G. Sewell et B. Wilkinson, "Someone to watch over me: Surveillance, discipline and just-in-time labour process, Sociology, 26, 2(1992), 271-291; P. Dawson et J. Webb, "New production arrangements: the totally flexible cage?," Work, Employment and Society, 3, 2(1989), 221-238; R. Delbridge, P. Turnbull et B. Wilkinson, "Pushing back the frontiers: management control and work intensification under JIT/TQM factory regimes," New Technology, Work and Employment, 6, 1(1992), 97-106.

(11) L. McArdle, M. Rowlinson, S. Procter, J. Hassard et P. Forrester, eds., "Total quality management and participation," dans A. Wilkinson, H. et H. Willmott, Making Quality. Critical. New Perspectives on Organizational Change, 156-253; A. Tuckman, "Ideology, quality and TQM," dans A. Wilkinson et H. Willmott, Making quality critical. New perspectives on organizational change, 54-81.

(12) D. Linhart, La modernisation des entreprises (Paris 1986).

(13) R. Munro, "Governing the new province of quality. Autonomy, accounting and the dissemination of accountability" dans A. Wilkinson et H. Willmott, eds., Making Quality Critical. New Perspectives on Organizational Change, 127-155.

(14) H. Giroux et S. Landry, "Qualite totale: courants et contre-courants," Gestion, 18, 4(1993) 51-58.

(15) C. Thuderoz, "Le bagne et le requin: syndicalisme et espaces productif," Sociologie du travail, 1(1993), 1-23.

(16) A. Giddens, La constitution de la societe (Paris 1987).

(17) J.D. Reynaud, Les regles du jeu. L'action collective et la regulation sociale (Paris 1989).

(18) E. Goffman, Les cadres de l'experience (Paris 1991), 16.

(19) L'analyse a ete effectuee a l'aide du logiciel d'analyse de contenu Non-Numerical Unstructured Data Indexing, Searching, and Theorizing (NUDIST) qui gere et organise les donnees qualitatives selon les principes de la theorie de l'enracinement, en colligeant les documents, indexant par categorie les segments d'un texte et en recherchant les mots, les phrases et les extraits significatifs d'un concept indexe. Le logiciel a ainsi retrace parmi les quatre cas toutes les donnees concernant la qualite soit sous la forme de mots-cle exprimes par les repondants ou d'extraits codifies par categorie analytique creee par l'auteur. Cela nous a permis d'etablir des associations avec d'autres categories ou de les situer dans un contexte particulier de production du concept. Les enquetes ont ete effectuees en 1992, 1993, 1994, et 1995.

(20) La codification a ete effectuee selon la methode de A. Strauss et J. Corbin, Basics of Qualitative Research (Newbury Park 1990). Une premiere etape, la codification ouverte, consiste a separer, comparer et categoriser les donnees. Les categories sont comparees l'une a l'autre et sont rassemblees quand elles se rapprochent d'un phenomene semblable. La codification inferentielle est la deuxieme etape qui consiste a etablir des liens entre les categories et a les situer en contexte qui represente l'ensemble particulier des conditions dans lesquelles les strategies d'actions sont prises. Ces strategies que devoilent les representations repondent au phenomene sous un ensemble specifique de conditions percues en tenant compte bien sur des conditions structurelles de l'etablissement qui facilitent ou contraignent ces strategies.

(21) La pro-activite fait reference a la place qu'occupent les syndicats dans le mouvement de transformation industrielle. Confrontes a la vague de qualite, les syndicats quebecois tentent d'integrer leur propre vision de l'entreprise a celle des gestionnaires en promouvant la securite d'emploi, la qualite de vie au travail et la democratie industrielle dans un nouveau compromis.

(22) Les ententes consensuelles entre les gestionnaires et le syndicat portent sur le droit d'acces a l'information sur le bilan de l'etablissement, les resultats d'operations, les mouvements de tresorerie; la formation professionnelle; les horaires de travail; la formation des equipes de travail; la coordination du travail.

(23) J. Webb, "Quality Management and the Management of Quality," dans A. Wilkinson et H. Willmott, eds., Making Quality Critical. New Perspectives on Organizational Change, 105-126.

(24) N. Laplante et D. Harrisson, "La Qualite totale: une demarche conjointe partronale-syndicale dans des entreprises quebecoises," Gestion, 20, 2(1995), 34-41.

(25) C. Thuderoz, "Du lien social dans l'entreprise. Travail et individualisme cooperatif," Revue francaise de sociologie, XXXVI (1995), 325-354.

(26) Un auteur australien, M. O'Donnell, "Into the Mystic: Cultural Change and TQM Teams in the NSW Public Sector," Journal of Industrial Relations, 38, 2(1996), 241-263, a montre que la GIQ echoue quand on assiste en meme temps a des reductions d'emplois, au manque d'engagement des cadres dans les programmes de Qualite et a la marginalisation des syndicats dans le processus.
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