摘要:La traduction en 2014 aux éditions La Dispute de l’ouvrage de Leonore Davidoff et Catherine Hall intitulé Family Fortunes, Hommes et femmes de la bourgeoisie anglaise (1780-1850) relève en quelque sorte d’un fructueux anachronisme. Publié en Grande-Bretagne en 1987, ce texte est rapidement devenu un classique outre-manche, mais il est resté très peu connu du public français. Sa traduction aujourd’hui, « dans une conjoncture où la “classe”, après avoir quasiment disparu du vocabulaire politique et académique, revient de nouveau au-devant de la scène » permet de « faire apparaître des perspectives qui auraient pu passer inaperçues lors de leur première édition » (p. 8) écrit Eleni Varikas dans l’avant-propos. C’est en effet la très grande actualité de ces réflexions sur la co-construction du genre et de la classe qui frappe à la lecture, l’hypothèse principale de l’analyse étant qu’il faut toujours se rappeler que « la classe est genrée et le genre est classé ». Comme le pointe Eleni Varikas, les deux chercheuses ont démontré magistralement que les « modes d’articulation genre/classe ne sont ni universels, ni donnés d’avance, ayant leur spécificité et leur historicité propre qu’il s’agit à chaque fois de comprendre et d’expliquer » (p. 15). Catherine Hall et Leonore Davidoff, l’une historienne et l’autre sociologue, s’attachent donc à décrire un modèle de co-construction bien particulier, qui donne progressivement naissance à la bourgeoisie anglaise entre 1780 et 1830 et qui est ensuite mis à mal par le féminisme victorien à partir des années 1860. La période choisie est celle de la révolution industrielle à laquelle on a longtemps lié mécaniquement l’émergence de la bourgeoisie protestante. Les auteures, loin d’une vision téléologique, s’attachent à montrer que ce processus n’a rien de linéaire et n’était pas inéluctable. Elles démontrent surtout magistralement que cette montée en puissance de la bourgeoisie est conditionnée par la formation d’un certain rapport de genre qui repose sur la séparation des sphères publiques et privées, sur l’exclusion des femmes de la sphère du travail productif et sur un modèle bien particulier de famille très nombreuse.