摘要:Seule une écriture infiniment attentive aux ombres des mots saurait en éclairer les blessures sans toutefois en exposer et en expliquer les intimes secrets. C’est ainsi avec une admirable alliance de sensibilité et de respect que Marc Amfreville aborde les « écrits en souffrance » de la littérature américaine — la manière dont les mots disent et taisent la douleur, en diffèrent la manifestation, mais aussi en dessinent les contours, comme dans un « champ » de recherche commun. Dans sa structure même, le livre met en œuvre la théorie novatrice que l’auteur ne cesse d’élaborer, avec rigueur et délicatesse, afin d’ajuster son discours à la nature insondable de son objet. Comme un fil tendu au dessus d’une béance, l’ouvrage tisse des liens entre les intuitions sur les manifestations de l’inconscient qui hantent la littérature américaine naissante, au xix e siècle, et les indices de souffrance qui, pour être reconnus par la science, n’en demeurent pas moins diffus et affleurants dans la littérature contemporaine. Tout en montrant une connaissance experte des essais de Freud, mais aussi de Ferenczi ou d’Agamben sur le « trauma » (la « trouée » étymologique, née d’un choc, d’une effraction), l’auteur souhaite néanmoins se garder des postures critiques visant à « appliquer » les théories de la psychanalyse à des textes de fiction. Faisant « cheminer de concert » la littérature et la science, il suit les méandres de l’écriture — les brisures, les rimes mémorielles, les récurrences métaphoriques, les neutralisations ou les entrelacements narratifs — afin de montrer comment les écrivains ouvrent la voie vers un « savoir poétique de l’inconscient » (Paul-Laurent Assoun). Loin des « euphémismes » qui ne relèvent jamais que le caractère « indicible » et « incompréhensible » d’un événement traumatisant, et loin des discours généralisateurs qui considèrent la littérature comme un « réservoir » d’informations historiques, Marc Amfreville s’adonne à une série de mises en regard qui, dans leurs obsessions et dans leurs silences, annoncent combien le trauma demeure « en souffrance , c’est-à-dire en attente de remémoration et de représentations, mais aussi en attente d’être souffert » (Simone Korff-Sausse). Comme ces rochers affleurant à la surface d’une mer devenue peau, dans le roman d’Anne Michaels, Fugitive Pieces , ses écrits en souffrance montrent simultanément la nature fictionnelle de leur élaboration et la profondeur abyssale d’où ils émanent. Car face à un événement « incomparable », seule la réticence avouée du discours réussit à nommer la douleur sans jamais offenser la mémoire.