摘要:L’Université Libre de Bruxelles (U.L.B.), fondée en 1834, est une des plus vieilles institutions de la laïcité belge, qui fonctionne en référence au « libre-examen ». On savait notamment grâce aux travaux des historiens John Bartier, André Uyttebrouck, Jean Stengers que cette notion de libre-examen a elle-même une histoire, et que plus largement, il n’y avait pas eu à l’U.L.B. depuis l’origine une unité d’inspiration philosophique stable à travers le temps, en dépit d’une constante opposition au cléricalisme. La même évolution semble d’ailleurs avoir affecté aussi les autres composantes (associative, politique) de la laïcité en Belgique au cours du XIXe siècle. Les premiers fondateurs de l’U.L.B. cherchaient – seulement, pourrait-on dire ! – à se démarquer de l’ultramontanisme dont ils soupçonnaient les inspirateurs de l’université catholique qui allait bientôt se fixer à Louvain. Proches des milieux libéraux, ils étaient parfois bons catholiques dans leur vie privée, tout en voulant constituer un lieu où la recherche et l’enseignement seraient « libres » de toute allégeance à l’égard des dogmes confessionnels. Philosophiquement, cette fondation intervient dans un horizon de pensée nettement spiritualiste, l’influence déterminante étant ici celle, originale, méconnue en France, du panenthéisme de l’Allemand Krause, représenté à l’U.L.B. par les personnalités marquantes de quelques enseignants comme Ahrens et surtout Guillaume Tiberghien, ce dernier exerçant un magistère moral et intellectuel jusqu’en 1897. L’hégémonie du spiritualisme, qui menait une sorte de combat sur deux fronts – externe contre le dogmatisme romain, interne contre le matérialisme et l’athéisme – ne céda qu’à l’extrême fin du siècle. En 1890, le refus de la faculté de philosophie (à l’instigation de Tiberghien) de recevoir la thèse d’agrégation d’un certain Dwelshauvers, qui paraissait mettre à mal la métaphysique en se réclamant de la psychologie expérimentale de Wundt, provoqua une vive polémique. On estime généralement que c’est cette « affaire » qui permit une ouverture de l’U.L.B. au pluralisme philosophique, des courants de pensée matérialistes étant alors amenés à se faire reconnaître une légitimité croissante.