Historienne de la société et de la culture, Sylvie Kandé a choisi de décrire une « Odyssée noire », en s'attachant à mettre en lumière l'impact du « retour » sur un pays et sur des hommes. Il s'agit, en effet, et c'est quasiment une première dans les travaux de sciences sociales en francophonie, de décrire, d'analyser, d'élucider les phénomènes sociaux et culturels qui ont provoqué, accompagné et suivi le rapatriement en Afrique de fractions de populations déplacées par la violence de la grande traite esclavagiste atlantique. Cette démarche concerne un système inscrit dans une dynamique spatiale multiple, complexe, dont on peut figurer ainsi les pôles essentiels : des lieux de « capture initiale » -- en l'occurrence la côte ouest-africaine entre Guinée, Sierra Leone et Nigeria, avec un « épicentre sierra-léonais ». De là sont partis, aux XVII e et XVIII e siècles, des convois négriers en nombre vers l'Amérique. Le second pôle est figuré par le territoire colonial anglais du Nouveau Monde, que la guerre d'Indépendance américaine émancipera dans sa plus grande partie en 1783. Les anglais vaincus se replient vers le Canada, entraînant une population d'anciens esclaves attirés vers eux par l'engagement de les affranchir. Dans cet espace canadien (Nouvelle-Écosse), les récents affranchis doivent recevoir des terres qu'on leur octroie avec extrême parcimonie et réticence. La Jamaïque se joint à cet ensemble sous contrôle britannique où les esclaves « marrons » réfugiés dans les hauteurs posent de graves problèmes.