摘要:Il y a peu était soutenue en Sorbonne une thèse sur le fondement « rationnel » et l’efficacité cognitive de l’astrologie – grand bond en arrière. Aujourd’hui – grand bond en avant – Joyce et Hubert Bost rééditent ces Pensées diverses, premier écrit de Pierre Bayle (1647-1706), rédigé dès 1681, lors de son professorat de philosophie et d’histoire à l’Académie de Sedan, publié à Rotterdam en 1682, après la fermeture de cette Académie. Cette réédition critique, à partir de la version définitive de 1727, permet de révéler le membre de l’École illustre de la cité d’emblée maître d’une écriture, d’une stratégie argumentaire, et d’une capacité à bouleverser les positionnements acquis, dans l’ordre de la religion, de la morale et de la politique. Sous forme de lettres écrites par un catholique anonyme sur la question des influences de phénomènes que l’on tenait pour présages et signes de Dieu, Bayle le protestant « masqué » dénonce implacablement les crédulités, croyances et autres « superstitions » attachées au mouvement naturel des objets célestes. Le passage d’une comète visible fin 1680 – début 1681 lui donne occasion de régler son compte à toute une rhétorique puissante de la manifestation des signes divins au travers d’événements de nature, et, par élargissements et digressions successifs, de trancher le nœud gordien qui subtilement, et depuis des siècles, entrelace politique et religion. Rude défi, même si l’on sait le combat de Calvin contre les astrologues et autres devins. De ce combat, la Réforme dans son ensemble était héritière. Mais se présentant catholique, Bayle peut donner libre cours, bien au-delà d’une démystification de la croyance en des effets néfastes de la comète, ou annonciateurs de malédictions divines, à une mise en question du fait de croyances, d’idolâtrie, et de tout ce qui tend à la vision d’un monde en enchantement. Il convient, écrivent J. et H. Bost, de « désenchanter le monde pour garder à la raison son potentiel de critique lucide ». À ce titre, Bayle n’annoncerait pas seulement les Lumières – il fonderait la figure de l’« intellectuel critique », aux prises avec les défis de son temps, portés au seuil de l’universel. Les ouvrages que H. Bost a consacrés au philosophe de Rotterdam vérifient cette hypothèse et ce jugement. Ainsi de Pierre Bayle (2006, Arch., 134-14) et de Pierre Bayle historien, critique et moraliste (2006, Arch., 136-18).