摘要:Diaspora – dissémination, dispersion, destitution d’identité ? – ou recomposition fébrile d’une « singularité » assujettie à la mémoire d’une parole reconstruite en son ritualisme, et la nostalgie d’un sol dépossédé ? L’ouvrage de D. et J. Boyarin s’inscrit dans un mouvement plus large de critique de cette double conception « négative » du « fait diasporique ». La thèse autour de laquelle s’organisent leurs analyses fonde la « condition d’apatride » comme ouverture à des stratégies de « régénération ». Et « régénération » ne doit pas s’entendre ici comme retour à une « pureté » essentielle à la judéité, non plus qu’une restauration de la primauté du sol, mais comme ré-engendrement, renaissance : nouvelle naissance. « Les stratégies d’identité culturelle et politique, fondées sur un contrôle exclusif d’un territoire, sont destructrices et condamnées », dans la mesure où elles oblitèrent la possibilité d’une « créativité des pouvoirs » propres à toute diaspora. Non seulement sur le terrain de la culture proprement dite, mais, comme on le verra, sur le terrain politique aussi bien. Car toute diaspora, par définition met en crise la conception même de l’État-nation, par son installation au cœur de cet État. La diaspora s’offre comme « ressource positive pour penser à nouveaux frais les modèles politiques dans l’actuelle érosion de l’État-nation moderne ». Les auteurs ne contestent pas la capacité déstabilisatrice d’autres ensembles « diasporiques ». Aucune centralité, ni « priorité logique » ne qualifient la diaspora juive. Mais, en toute rigueur, celle-ci sert de référence à toute autre, plongeant dans le long temps d’une « expérience la plus précise et la plus complète ». Au principe de cette expérience, la sagesse des rabbins, livrée dans le Talmud de Babylone : accepter de n’être rien, reconnaître l’importance du « néant », du « sans rien », ainsi qu’en témoignèrent Abraham, Moïse et Aaron – et, sur cette « reconnaissance d’un manque », devenir « quelque chose ». Mais on peut, on doit, renverser les termes de l’équation : « vous devez être quelque chose afin de n’être rien ». C’est ce retournement qui fonde la diaspora en ses pouvoirs. Et en son équivoque même.