期刊名称:Variations : Revue Internationale de Théorie Critique
电子版ISSN:1968-3960
出版年度:2007
卷号:9/10
出版社:Variations : Revue Internationale de Théorie Critique
摘要:Hannah Arendt a été accusée d’être une nostalgique de la cité grecque, accusée aussi d’un irénisme imputable à sa notion d’action opposée à la domination et à la violence. Ses détracteurs s’empressent de prétendre qu’elle a manqué de réalisme. Des disciples, qui ne lui rendent pas un meilleur hommage, réduisent sa pensée au propos politiquement correct et passe-partout du « vivre-ensemble ». Quant à ceux qui ne sont ni pour ni contre, ils ont le droit de se demander à quoi bon parler de « vivre-ensemble », d’autant que le problème réside justement dans le fait de ne pas avoir le pouvoir de « vivre-séparé » (séparé de la toute-puissance des dominants, de la corruption, des rapports autoritaires). Enfin, lorsque nos mœurs politiques sont secouées par la violence des émeutiers de banlieue – fatigués, eux, de la part qui est la leur dans l’« ensemble » du « vivre – ensemble » – nous avons du mal à nous convaincre, nous et les autres, de la pertinence de penser avec Arendt. Car nous avons l’intuition que, dans cette violence exaltée extra-muros, le politique est en jeu tandis que l’on sait l’opposition arendtienne entre politique et violence. Tous ces regards (pour, contre, réservés) convergent dans une seule et même question : à quoi bon revenir sur Arendt ? Il faut, tout d’abord, savoir qu’Arendt a été confrontée de son vivant à ce type de regards ainsi qu’à des réalités aussi frappantes que celles que nous connaissons. Il faut également se méfier aussi bien des critiques des détracteurs au nom du réalisme que des éloges des porte-parole de la solution du vivre-ensemble. Il n’y a pas là deux lectures opposées d’Arendt, mais deux appels à l’abandon de sa pensée. Les uns et les autres partagent un refus d’Arendt, dénonçant le fait que l’action politique deviendrait soit impuissante à l’égard de la réalité, soit superflue car nous sommes tous invités à délibérer ensemble afin d’arriver à un consensus (et voilà, personne ne peut se dire exclu !). Méfions-nous de cet accord entre frères ennemis exigeant l’abandon d’une pensée qui a revendiqué autant les révolutions que la désobéissance civile et qu’on peut lire aussi comme une pensée du « vivre-contre ». C’est cet aspect du vivre-contre que nous tâcherons de récupérer, cette récupération étant possible en relevant les ambiguïtés qui sont au sein de la conception arendtienne du pouvoir. Car, chez Arendt, il se peut qu’on lise parfois que le pouvoir dépend du nombre, parfois qu’il en est indépendant ; de même qu’un petit nombre peut être aussi puissant qu’un grand nombre, mais que, dans une certaine mesure, le pouvoir du petit nombre dépend en fait de la quantité de ceux qui partagent une opinion ; encore, que la violence est indépendante du nombre et opposée au pouvoir, mais que, en dernier ressort, elle dépend des deux.