期刊名称:E-rea : Revue Électronique d’Études sur le Monde Anglophone
电子版ISSN:1638-1718
出版年度:2004
卷号:2
期号:1
页码:1
出版社:Laboratoire d’Etudes et de Recherches sur le Monde Anglophone (LERMA)
摘要:“Il y a du Rembrandt dans Shakespeare, et du Corrège en Michelet, et du Delacroix dans Victor Hugo, et puis il y a du Rembrandt dans l’Évangile ou de l’Évangile dans Rembrandt, comme on veut, cela revient plus ou moins au même.” (Van Gogh 94. Lettre de juillet 1880). Cette affirmation surprenante a été faite par un peintre amoureux de Shakespeare qui se nourrissait de mots autant que de couleurs. Elle émane de Vincent Van Gogh qui l’a consignée dans une lettre adressée à son frère Théo le 15 octobre 1879. La mise en parallèle de la littérature et de la peinture n’a toutefois rien d’original : il s’agit là d’un lieu commun de la pensée renaissante, un “jeu humaniste” (Baxandall 58), et nombre de penseurs italiens en ont fait la démonstration bien avant que le hollandais arlésien en ait rappelé etoute la richesse. “Il y a, comme tu le sais, entre les peintres et les poètes, une sorte de grande affinité. De fait, une peinture n’est autre qu’un poème silencieux,” écrivait par exemple Bartolomeo Fazio1 en 1456 dans son De Pictoribus. Mots silencieux d’un côté, images sonores de l’autre, la littérature et la peinture se répondent en un dialogue qui rappelle étrangement les jeux de renversement des miroirs. Ces objets à la magie discrète font partie intégrante de notre quotidien. Nous les utilisons tous les jours et les murs de nos maisons en comptent invariablement quelques uns devant lesquels nous passons sans toujours nous émouvoir de ce qu’ils peuvent nous apprendre. Et pourtant, il suffit de se dire, par exemple, que nous ne pourrons jamais voir véritablement un miroir pour que le rapport à cet objet s’enrichisse considérablement et nous plonge dans une certaine perplexité. En effet, nous sommes condamnés à ne voir que le reflet qui l’habite. L’objet lui-même est, pour ainsi dire, invisible. De plus, il ne nous permet de nous voir que nous regardant, ce qui implique qu’il ne peut y avoir de reflet sans mise en scène. Cet “objet sans objet”, ce prolongement du regard, va nous servir de trait d’union entre la peinture flamande dite “primitive” (au sens étymologique du terme, “qui naît le premier”) et le théâtre de Shakespeare. Même si les analyses interdisciplinaires bénéficient actuellement d’un regain d’intérêt, elle peuvent devenir quelque peu “suspectes” (Roston 3), lorsqu’il s’agit de mettre en relation des artistes que plusieurs siècles et un bon millier de kilomètres séparent. Mais les Flandres du début du XV ème siècle ont produit des artistes dont les préoccupations semblent trouver dans l’œuvre du dramaturge élisabéthain, un écho troublant. Dans les deux productions, les effets de miroir occupent une place centrale : au delà du goût des XV ème et XVI ème siècles pour cet objet nouveau aux pouvoirs fascinants (goût remarqué par Vicor Hugo, qui disait “L’esprit du XVI ème siècle était aux miroirs”, 380), on peut lire dans les œuvres en question une véritable ubiquité du reflet. Je me propose, en paraphrasant Van Gogh, de démontrer qu’il y a du Jan Van Eyck et du Robert Campin (Le Maître de Flémalle) dans Shakespeare. Après avoir analysé brièvement les jeux de reflets dans les Époux Arnolfini de Jan Van Eyck (1434) et l’un des Volets Werl du Maître de Flémalle (1438), nous nous intéresserons aux effets de miroir contenus dans 1 Henry IV (1596-7) de Shakespeare. La différence de nature entre les peintures flamande et italienne nous permettra ensuite de proposer une lecture du lien qui se tisse entre des œuvres que le temps et l’espace éloignent mais que l’art réunit.