摘要:Quand après la défaite de Persée à Pydna, Polybe, ancien hipparque de la Confédération achaienne, est déporté à Rome en 167 av. J.-C.1, il fait partie des mille notables de la Confédération envoyés en Italie comme otages, alors que se renforce le pouvoir du parti entièrement dévoué à Rome (Histoires XXX, 13 et XXX, 32, 12), et il attend, dix-sept années durant, une réponse positive du sénat aux ambassades achaiennes qui demandent avec constance le retour des otages. Il est aussi expert en poliorcétique — c’est du reste à titre de conseiller qu’il sera, en 146, appelé par le consul M’. Manilius à Troie (XXXVI, 11) —, expert en cryptage de signaux, avec le succès qu’aura ce qui est ensuite appelé « le carré de Polybe » (X, 45, 6-46)2, auteur d’un traité de tactique qui lui fait aussi bien décrire le camp romain que comparer la phalange macédonienne et la formation romaine3. C’est donc, comme Thucydide, en homme d’action écarté d’une carrière politique brillante dont il gardera toujours le regret (III, 59, 4) et à laquelle, sans y avoir du reste jamais vraiment renoncé (XXXV, 6, 3-4), il reviendra comme médiateur (XXXIX, 3-5) qu’il se consacre à l’étude des bouleversements de son temps, cherchant à comprendre l’efficacité des mécanismes de la conquête et les conditions du maintien de l’hégémonie romaine. Il procède à partir de sa connaissance de l’histoire grecque et d’une réflexion sur l’exercice du pouvoir, mais fort aussi de sa double expérience de la vie politique comme de sa condition d’otage avec, à la différence de Thucydide, une perception interne des dispositions des peuples soumis à l’égard de la puissance dominante. Car certes, il est retenu à Rome chez Paul-Émile lui-même, très proche de Scipion Émilien (XXXI, 23-24), et en relation avec les milieux dirigeants romains ou les princes étrangers comme Démétrios que, non sans prudence sans doute4, il aide même à fuir (XXXI, 12, 7-14) ; certes, il dispose de toute la documentation nécessaire à ses recherches ou peut y accéder et, malgré sa captivité relative, il est suffisamment libre de ses mouvements pour pouvoir vérifier les données sur le terrain, en Afrique, en Espagne et en Gaule (III, 59, 7-8)5. Mais Polybe ne se départit pourtant jamais vraiment d’un regard étranger — que l’on pense, par exemple, aux lignes sur les œuvres d’art arrachées à leur pays d’origine (IX, 10, 7-10), à ses remarques sur le double langage des sénateurs, selon qu’ils réagissent en personnes privées ou en membres d’un corps institutionnel d’abord soucieux des intérêts romains (XXXI, 2, 5-8), aux commentaires que suscite la politique extérieure de Rome (XXXVI, 9) ou, plus anecdotiquement, à sa propre satire des travers de la société romaine qu’il découvre (XXX, 22). Rome, en effet, est certes dans son œuvre un magnifique objet d’étude qu’il sait admirer comme tel ; elle n’est cependant pas le seul sujet des Histoires, mais l’élément dominant d’une histoire universelle où chaque pièce du puzzle peut changer l’ensemble, et Polybe sait être critique quand il le faut.