Antoine Boustany est Chef du département psychiatrie à la faculté de médecine de Beyrouth, et Médecin chef du centre médical spécialisé (toxicomanie-alcoolisme) à l'hôpital Saint Charles de Beyrouth.
2C&C : .A partir de quand est apparu l'usage de la drogue au Liban ? Quelles furent les catégories sociales touchées et la guerre a-t-elle modifié la situation ?
3AB. : Oui, la guerre a modifié la situation et si l'on s'en tient à l'entendement étroit du terme "drogue", l'immense majorité des drogués se recrute parmi les combattants. En effet, c'est au sein des milices de tous bords, quelles que soient leur appartenance religieuse, politique, sociale et idéologique, que le phénomène s'est amplifié. Je ne dirais pas que c'est là qu'il a pris naissance, car quoique d'importance négligeable avant la guerre, les drogues avaient des adeptes et des consommateurs : très peu d'héroïnomanes, quelques cocaïnomanes recrutés dans le milieu intellectuel, artistique et parmi la bourgeoisie nantie, et un peu plus d'usagers de haschich parmi les autres catégories de population. Mais dès avant 1975 ce qui est à noter, c'est la disproportion qui existait au Liban entre une production importante et une consommation modérée. En revanche, si l'on confère un sens large, et d'ailleurs plus exact, au terme drogué, alors synonyme de dépendant, en y incluant les alcooliques, les pharmacomanes et surtout les "drogués de la violence" ou les "toxicomanes sans drogues" qui pullulent lors des périodes de guerre, notamment pendant les guerres civiles qui durent, les "drogués" se diversifient et se retrouvent dans toutes les couches et les catégories de la population.