摘要:Dès les années quatre-vingt, la Grèce a connu un changement socio-économique de plus en plus important car, à l’instar des autres pays de l’Europe du Sud, elle a passé de l’état de pays d’émigration à celui de pays d’immigration, le nombre d’immigrés et notamment d’immigrés clandestins présents sur son territoire étant devenu particulièrement élevé dans les années quatre-vingt-dix. L’étendue limitée du phénomène dans le passé rendant compréhensible le fait que l’immigration n’a attiré l’intérêt des scientifiques que dans la deuxième moitié des années quatre-vingt, ce n’est que dans les années quatre-vingt-dix que nous assistons à une production abondante d’études en la matière. Mais, à l’exception de quelques rares travaux, ces études consistaient notamment en des approches partielles car soit elles se limitaient à l’examen de l’impact de l’immigration sur l’économie grecque soit elles se focalisaient sur certains aspects particuliers de la question, tels que les réfugiés, les Pontiques et les réfugiés politiques grecs. Malgré donc le nombre croissant de publications sur l’immigration en Grèce, nous ne disposions pas ces dernières années d’une étude globale du phénomène. L’ouvrage de Petrinioti est alors bien original à cet égard car l’auteur, entreprenant la formation d’une image de synthèse, examine l’étendue actuelle de l’immigration, classifie les immigrants et présente leur profil socio-économique, met en évidence les facteurs qui contribuent à la hausse de l’immigration et étudie son impact économique et social sur la société grecque en vue d’avancer certaines propositions sur la politique à suivre. Plus précisément, prenant en considération les particularités de l’immigration en Grèce, Petrinioti structure la présentation de l’étendue du phénomène autour d’un axe administratif (immigrés en situation régulière ou irrégulière, réfugiés), auquel se greffe un axe ethnique (immigrés d’origine grecque ou étrangère). Le tableau ainsi dressé contient des informations intéressantes surtout en matière d’immigration clandestine et peut être divisé en cinq parties portant sur : a) les immigrés d’origine grecque en situation régulière qui, dans les vingt dernières années, ont atteint 167.000 personnes. Ce chiffre comprend d’une part des Grecs de la diaspora dans les pays développés et, d’autre part, des Chypriotes, des Pontiques et des membres des minorités grecques en Turquie et en Albanie ; b) les immigrés étrangers en situation régulière qui, en 1989, s’élevaient à 173.500 personnes, dont 123.500 étaient originaires notamment des pays du tiers-monde et de l’Europe de l’Est. Les ressortissants des pays membres de la Communauté ne correspondant qu’à 29% des étrangers en situation régulière, ce taux est nettement inférieur à la moyenne communautaire ; c) les immigrés d’origine grecque en situation irrégulière, à savoir les membres de la minorité grecque en Albanie qui, jusqu’au milieu des années quatre-vingt-dix, étaient considérés par l’Etat grec comme des demandeurs d’asile. En 1993, ils étaient estimés à 20.000 personnes ; d) les immigrés étrangers en situation irrégulière qui, en 1993, étaient estimés à 260.000 personnes, dont 150.000 Albanais ; e) les réfugiés qui, en 1992, atteignaient 5.000 personnes, dont 2.000 étaient sous le mandat du HCR. Ces réfugiés ne sont en principe autorisés qu’à séjourner provisoirement en Grèce, jusqu’à ce qu’ils obtiennent un visa pour un autre pays. Définissant enfin les tendances futures en matière d’immigration, Petrinioti signale l’existence d’un grand nombre d’immigrants potentiels, qu’ils soient membres de la diaspora grecque dans l’ex-URSS ou originaires des pays balkaniques, qui immigreraient en Grèce à cause des conflits ethniques et politiques déclenchés dans ces régions. L’examen des facteurs qui contribuent à la hausse de l’immigration s’appuyant sur la division classique en facteurs d’attraction et d’éloignement, il ressort qu’en ce qui concerne les immigrés d’origine grecque les facteurs d’attraction sont de nature sentimentale et, le cas échéant, liés à la recherche d’une amélioration de leur niveau de vie tandis que les facteurs d’éloignement sont liés au déclenchement d’hostilités ou à une modification radicale de la politique adoptée à leur égard dans leur pays d’installation. Les étrangers originaires des pays sous-développés ou en voie de développement sont essentiellement attirés par les conditions du marché du travail grec. Les immigrés clandestins occupent en général des emplois subalternes, provisoires, demandant peu ou guère de qualifications et mal rémunérés. Les demandeurs d’asile enfin choisissent la Grèce à cause surtout de sa position géographique, le pays se trouvant près du Moyen Orient, de l’Europe de l’Est et des pays balkaniques. Le bilan de la présence sur le territoire grec des immigrés étrangers en situation régulière étant incontestablement positif tant sur le plan économique que sur le plan social, l’examen de l’impact de l’immigration clandestine sur la société grecque révèle certaines ambivalences mais, faute d’études antérieures, Petrinioti limite ses conclusions à un nombre de remarques générales qui, quoique plausibles, sont peu ou guère fondées sur des sources précises. Ceci dit, l’auteur constate que si la hausse de la délinquance et de la xénophobie paraît effectivement liée à celle de l’immigration clandestine, l’association faite fréquemment entre la hausse du chômage et celle de l’immigration clandestine paraît moins évidente dans la mesure où les immigrés clandestins exercent le plus souvent des emplois que les Grecs ne souhaitent plus exercer. Evaluant l’impact de l’immigration clandestine sur l’économie grecque, Petrinioti estime enfin que cette abondance de main d’œuvre à bon marché qui, à court terme, rend plusieurs produits grecs compétitifs dans le marché international aura, à long terme, des conséquences néfastes puisqu’elle prolonge la viabilité de petites entreprises peu organisées et retarde la modernisation de l’équipement et de l’infrastructure logistique de nombreuses entreprises grecques. La présentation des réponses étatiques suscitées par l’immigration constituant le point le plus faible de cet ouvrage, nous constatons que l’auteur se contente de nous offrir un aperçu de la législation en vigueur et, évitant toute analyse critique des mesures policières, se limite à souligner le faible degré de cohérence des mesures adoptées et à observer que, face à la hausse de l’immigration clandestine, les autorités tendent à réduire le nombre de permis de séjour et de travail délivrés. Cette position impliquant l’absence de toute critique quant aux logiques sous-tendant la conception et la mise en application de la politique grecque sur l’immigration et, éventuellement, quant aux enjeux politiques sous-jacents, les propositions de l’auteur s’intègrent en fait dans une approche essentiellement pragmatique. Considérant en effet la connaissance approfondie de l’étendue et de l’impact réel de l’immigration en Grèce comme condition indispensable à la planification et à la mise en œuvre de toute politique efficace en la matière, Petrinioti insiste sur l’élaboration de statistiques plus complètes, qui couvriraient toutes les données relatives aux immigrés, et propose l’adoption d’une politique plus réaliste, susceptible d’anticiper l’aggravation du phénomène dans les années à venir, qui, loin de consister en un renforcement des contrôles, impliquerait la mise en application d’une véritable politique d’intégration. Si alors nous pouvons regretter la portée relativement limitée de l’ouvrage de Petrinioti, son étude constitue incontestablement une étape nécessaire à la compréhension du phénomène et des réponses qu’il a suscitées. Mise à jour jusqu’au début de l’année 1993, elle comprend de nombreuses statistiques et, complétée par une riche bibliographie, elle est suivie d’un résumé en anglais.