Quatre niveaux d'analyse
2L'idée d'un nouveau paradigme est donc confortée par l'examen des changements qui renvoient aux significations, aux perceptions et aux modes d'approche de la violence. Elle n'est pas pour autant totalement établie ou démontrée, ne serait-ce qu'en raison des inflexions et des renversements de tendance qui peuvent toujours survenir dans une évolution historique. C'est pourquoi elle appelle des investigations complémentaires, à commencer par celles qui peuvent porter sur les changements relatifs aux principales sources de la violence depuis les années soixante-dix.
1 Pierre Hassner, op. cit., p. 11. 2 Michel Wieviorka, Sociétés et terrorisme, op. cit., chap. 2 de la Première partie.3Il est classique, dans l'analyse de la violence, de distinguer des niveaux. Dans les années soixante, par exemple, Pierre Hassner demandait que l'on en différencie trois. Le premier était celui du système international, dont il dit qu'il renvoyait alors " à l'équilibre bipolaire de la dissuasion et, en Europe, à la division territoriale des deux blocs "1 ; le deuxième était celui des Etats, avec leurs préoccupations intérieures et diplomatiques, et le troisième celui des sociétés, à l'intérieur des Etats, avec chacune son système politique, ses structures et leur dynamique. Cette distinction, que nous avons déjà utilisée dans des travaux portant sur le terrorisme des années soixante-dix et quatre-vingt2, permet de réfléchir aux conditions générales du changement de paradigme de la violence, et nous la reprendrons ici, en ajoutant simplement un quatrième niveau, celui de l'individu, non pas pour introduire une quelconque psychologie dans nos analyses, mais pour insister sur un phénomène contemporain majeur, et qui pèse lourdement sur la production de la violence contemporaine : la poussée de l'individualisme moderne. A chacun de ces quatre niveaux, les changements récents sont considérables, et en les envisageant, on apporte déjà un éclairage utile sur les phénomènes de violence. Cet éclairage est complété et précisé si l'analyse prend en compte, de surcroît, les transformations qui affectent les relations entre les niveaux, leurs articulations, leur correspondance, ou, si l'on préfère, leur intégration