摘要:La métropole mondiale : un carrefour pour de nouveaux enjeux politico-économiques La mise en place de processus et de marchés d'envergure planétaire dans les principales métropoles a eu pour conséquence une très forte croissance de toute la partie internationalisée de leurs économies, mais elle a du même coup imposé une nouvelle série de critères pour apprécier l'apport des diverses activités économiques et de leurs productions et pour leur assigner une valeur. De nombreux secteurs de l'économie de ces métropoles ont énormément souffert de cette évolution qui ne saurait être appréhendée exclusivement en termes quantitatifs. Les tendances à la polarisation qu'il est possible d'observer se manifestent sous trois formes bien distinctes : premièrement, dans l'organisation spatiale de l'économie des métropoles, deuxièmement, dans les structures qui assurent la reproduction des groupes sociaux et enfin, troisièmement, dans l'organisation du travail. Par ailleurs, ces tendances qui engendrent des formes très diverses de polarisation portent également en elles les conditions nécessaires, d'une part à l'émergence d'une pauvreté et d'une exclusion générées par la situation du marché de l'emploi et, d'autre part, à l'apparition de nouvelles classes sociales. La domination exercée par cette économie de services à forte valeur ajoutée dont j'ai parlé donne en fait naissance à ce que l'on pourrait appeler un nouveau « régime » économique ; elle permet en effet à cette économie de s'imposer à la totalité de l'économie des métropoles alors qu'elle n'en représente elle-même qu'une petite partie. Cette domination est notamment le fait de nouveaux groupes proposant tout un ensemble de services organisés autour de leur activité dans le secteur de la finance. Elle a par ailleurs un effet de polarisation dans la mesure où la capacité des entreprises du secteur de la finance à générer des bénéfices considérables tend à dévaloriser les entreprises industrielles et celles produisant des services à faible valeur ajoutée qui sont incapables de faire de même. En fait, c'est une combinaison complexe d'évolutions récentes qui autorise les entreprises évoluant dans les secteurs de pointe à réaliser de tels bénéfices, à savoir : des technologies permettant aux capitaux de circuler avec une extrême facilité d'un bout à l'autre de la planète, la déréglementation de nombreux marchés qui permet justement de profiter de cette hypermobilité, l'invention d'outils financiers tels que la titrisation qui en rendant disponibles des capitaux qui ne l'étaient pas jusqu'alors leur permet de circuler et ainsi de générer des profits supplémentaires et enfin, une demande de services sans cesse en hausse dans tous les secteurs de l'industrie qui va de pair avec une complexité et une spécialisation de plus en plus grandes de ces services, complexité et spécialisation qui ont pour conséquence d'en accroître la valeur et souvent de la surestimer comme l'ont montré les hausses exceptionnelles qu'ont connu les salaires des cadres supérieurs et des présidents de société au début des années 801. De plus, le phénomène de mondialisation concourt à rendre ces services de plus en plus complexes, à accentuer leur dimension stratégique et à accroître la fascination qu'ils exercent, participant ainsi à la surenchère dont ils font l'objet. Le nombre des entreprises capables de générer des bénéfices extrêmement élevés ayant atteint un seuil critique, il contribue désormais à faire monter les prix des locaux commerciaux, des services destinés aux différents secteurs de l'industrie et plus généralement de toutes les ressources nécessaires à l'ensemble de l'activité économique ; la survie des entreprises dont la capacité à générer des bénéfices est plus incertaine se trouve dès lors de plus en plus menacée. Ces dernières assurent pourtant un rôle essentiel pour le bon fonctionnement de l'économie des métropoles et pour la satisfaction des besoins quotidiens des citadins mais malgré cela, la capacité à générer de considérables bénéfices qui caractérise les entreprises de services financiers et les entreprises de services à forte valeur ajoutée menace leur viabilité. Les entreprises de l'économie internationalisée, et celles qui en dépendent directement, telles que les restaurants et des hôtels haut de gamme, pratiquent des prix élevés et génèrent d'importants bénéfices ; aussi est-il de plus en plus difficile pour les autres acteurs de l'économie de rivaliser en matière d'acquisition de locaux et d'investissements. En conséquence, nombre d'entre eux ont vu le niveau de leurs prestations se dégrader considérablement ou ont du être délocalisés : on assiste par exemple au remplacement de magasins de proximité, destinés à satisfaire les besoins des habitants d'un quartier, par des boutiques et des restaurants de luxe à destination des revenus élevés des nouvelles élites des métropoles. Certes il y a toujours eu des secteurs de l'économie plus rentables que d'autres. Mais la situation à laquelle nous sommes confrontés aujourd'hui est d'une autre ampleur ; elle engendre en effet de très importantes distorsions entre les opérations qui ont lieu sur des marchés de toutes sortes, depuis le marché du logement jusqu'au marché du travail. Pour donner un exemple, les conséquences de la polarisation sur les entreprises et les ménages ainsi que sur l'organisation spatiale de l'économie contribuent selon moi à développer le caractère informel d'un nombre croissant d'activités économiques qui participent aux économies de pointe des métropoles. Lorsque des entreprises qui structurellement ne sont pas en mesure de réaliser d'importants bénéfices sont confrontées à une demande suivie pour leurs produits ou leurs services, voire à une hausse de cette demande, de la part des ménages ou des autres entreprises il ne leur sera souvent pas possible de rivaliser, et donc de répondre à cette demande, si elles évoluent dans un environnement économique au sein duquel un important secteur est capable de réaliser des bénéfices largement supérieurs à la normale. Le recours à des pratiques informelles est souvent l'une des rares solutions qui puisse permettre à ce type d'entreprises de s'en sortir ; elles utiliseront par exemple des locaux qui ne sont pas habilités pour abriter des activités commerciales ou industrielles, comme par exemple les sous-sols de locaux d'habitation, ou encore des locaux ne répondant pas aux normes d'hygiène, de sécurité ou autres. Et de la même façon, ce sont des pratiques informelles qui permettront à de nouvelles entreprises de pénétrer sur un marché où leurs produits ou services sont très recherchés bien qu'elles ne soient capables de dégager que des petits bénéfices. Une autre solution s'offre cependant à elles : sous-traiter une partie de leur travail à des acteurs qui eux, auront recours à ces pratiques informelles2. La recomposition du paysage des sources de la croissance et du profit consécutive à toutes ces évolutions contribue également à réorganiser certaines composantes des schémas de reproduction des groupes sociaux et des schémas de consommation. Si les classes moyennes restent majoritaires, les conditions qui ont présidé à leur essor et leur ont assuré un pouvoir politico-économique dans les décennies qui ont suivi la fin de la deuxième guerre mondiale, à savoir le rôle central joué par la production et la consommation de masse dans la croissance économique et dans la formation du profit, ces conditions donc ont été grandement modifiées par les nouvelles sources de la croissance. Les secteurs de l'industrie dans lesquels on trouve une forte concentration d'emplois très rémunérateurs et d'emplois qui au contraire sont très faiblement rémunérés, ont connu une croissance rapide qui s'est traduite par des modifications des schémas de consommation qui, à leur tour, ont eu des répercussions sur l'organisation du travail et sur les types d'emploi créés. Le développement d'une classe de travailleurs à hauts revenus et l'apparition simultanée de nouveaux repères culturels ont conduit à la constitution d'une forme de petite noblesse dont l'existence ne repose en dernière analyse que sur l'abondance d'une main-d'œuvre prête à travailler pour une faible rémunération. Dans les métropoles, une grande part des besoins en biens de consommation des ménages à faibles revenus sont satisfaits par de petits ateliers de production ou par des petits magasins de vente au détail, souvent tenus par les membres d'une même famille et rarement conformes aux normes de sécurité et d'hygiène. Ainsi par exemple, des vêtements produits dans des ateliers clandestins où le droit du travail n'est pas respecté seront suffisamment bon marché pour rivaliser avec les produits importés d'Asie dont les coûts de production sont particulièrement faibles. De plus en plus de produits et de services, tels que du mobilier à bas prix fabriqué dans des sous-sols, des taxis sans licence ou des familles assurant des gardes d'enfants permettent de répondre aux besoins des ménages à faibles revenus dont le nombre ne cesse d'augmenter. Afin de conceptualiser le rôle que jouent aujourd'hui les pratiques informelles dans les économies de pointe des métropoles, il est possible de les envisager comme l'équivalent systémique de ce que l'on appelle la déréglementation qui, elle, est à l'œuvre dans les parties nobles de l'économie3. On observe en effet que d'un côté, la déréglementation touche un nombre grandissant des branches les plus en pointe du secteur de l'information tandis que de l'autre, les pratiques informelles séduisent un nombre de plus en plus grand de secteurs qui n'ont pas la capacité de dégager des bénéfices substantiels ; en fait, ces phénomènes peuvent tous les deux être appréhendés comme des ajustements consécutifs à la tension de plus en plus forte existant entre les nouvelles évolutions que connaît l'économie et les anciennes règles qui la régissent4. Le concept de « fractures régulatrices »5 me permet de caractériser cette situation.