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文章基本信息

  • 标题:« Catégorisations, territoires et individu : quelle place pour le pauvre ? »
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  • 作者:Dominique VIDAL
  • 期刊名称:cultures & conflits
  • 印刷版ISSN:1777-5345
  • 出版年度:1999
  • 期号:35
  • 出版社:L'Harmattan
  • 摘要:La place qu’une société réserve à ses pauvres révèle un mode majeur de l’articulation des liens social et politique. Dans les sociétés où l’inégalité est tenue comme fondée en nature, l’allégeance à un maître ou à un pouvoir, politique ou religieux, assure souvent à celui qui se trouve en situation d’infériorité une position qui, pour subalterne et fragile qu’elle soit, lui permet de se construire une identité sociale positive. Source d’échanges et de relations en tous genres, l’existence d’obligations réciproques entre dominants et dominés, codifiées ou non par le droit ou la coutume, y constitue une forme de gestion de l’inégalité et garantit une certaine cohésion sociale. La question de la place du pauvre se présente sous un tout autre jour dans les sociétés qui se réclament de la démocratie. Comme l’a bien montré Philippe d’Iribarne dans un essai récent, le projet d’une société d’individus égaux en droit interdit de penser sur fond de hiérarchie et de dépendances mutuelles la condition de ceux qui ne correspondent pas aux idéaux de souveraineté individuelle qui marquent la modernité politique occidentale1. Il n’empêche : celui qui ne peut subvenir à ses besoins sans secours publics ou privés s’y voit communément considéré en inférieur, relégué au rang de citoyen de seconde zone quand il n’est pas tout simplement rejeté dans une sorte de hors-jeu social. Devant cet écart entre nos conceptions politiques et la prosaïque réalité des pratiques sociales, ne faut-il pas se demander, plus fondamentalement encore, s’il y a une place possible pour les individus et les groupes que l’on considère ou qui se disent « pauvres » dans les démocraties contemporaines ? Identifier ou revendiquer une place pour les pauvres, n’est-ce pas reconnaître l’incapacité de ces sociétés à être ce qu’elles voudraient être : des sociétés de mobilité sociale qui rejettent toute forme d’assignation identitaire ou territoriale ? C’est ce que semblent dire la plupart des enquêtes sur les populations à bas revenus quand elles soulignent le refus fréquent des plus démunis à utiliser le mot « pauvre » pour dire leur condition. C’est aussi en ce sens que vont souvent les critiques des politiques sociales qui voient dans la désignation de leurs bénéficiaires un processus qui conduit à leur stigmatisation par imposition d’une identité sociale négative. C’est encore cela que font apparaître les nombreuses études qui mettent en évidence les risques pour la cohésion sociale représentés par l’élargissement des zones de pauvreté dans les grandes villes. Les articles réunis dans ce numéro fournissent des éléments de réponse à ces interrogations. En n’envisageant pas exclusivement la question du rapport social à la pauvreté à partir du seul contexte européen comme cela est trop souvent le cas en France, ils invitent à considérer la diversité des modes possibles de relation entre lien social et lien politique et à ne jamais oublier combien le politique est constitutif du social tout comme le social constitutif du politique. On verra ainsi comment une même matrice traverse les formes de l’intervention sociale en Angleterre depuis les premières décennies du dix-neuvième siècle, sous quelles formes se rencontrent la référence à l’imaginaire de la démocratie moderne et les phénomènes de pauvreté là où le changement socio-politique bouleverse les hiérarchies anciennes (Brésil, Inde) ou différencie fortement des sociétés où existait une relative égalité économique entre les membres du corps social (Russie) et, encore, combien peut être différent le vécu du vagabond dans la France du tournant du siècle et celui des sans-abri dans l’Old Delhi d’aujourd’hui ? Mais il ne s’agit pas seulement d’une approche comparée des rapports entre pauvreté et politique. Chaque contribution participe également à sa manière à une réflexion plus générale sur les transformations de l’État et des formes de gouvernementalité dans le contexte actuel de mondialisation2. Autrement plus féconde est en revanche l’étude de l’impact socio-politique des catégorisations savantes et ordinaires liées aux phénomènes de pauvreté. Elle nous entraîne dans « la sphère du politique » comprise par Pierre Rosanvallon comme « le lieu d’articulation du social et de sa représentation » 3. Territoires C’est en ville où les interactions interindividuelles sont les plus imprévues et les moins codifiées que la présence des pauvres se fait la plus manifeste. Qu’il s’agisse de contrôler leurs déplacements ou d’améliorer l’insertion urbaine des territoires où ils résident, la question de la place du pauvre y est alors également celle de son rapport à l’espace. La recherche urbaine a montré que le quartier populaire a historiquement tout aussi bien pu être pour les citadins les plus défavorisés un lieu d’identification et de solidarités qu’une zone de relégation et d’isolement4. Dans les quartiers organisés autour d’une identité professionnelle, nationale ou ethnique, le partage de valeurs communes et de pratiques collectives ont souvent compensé la précarité des conditions d’existence5. Dans les espaces récemment peuplés par des individus aux origines diverses, ou dont l’organisation sociale a été bouleversée par les mutations du système productif et la modernisation culturelle, la méfiance à l’égard du voisinage, à l’inverse, a fréquemment limité l’établissement de sociabilités locales et d’un rapport identitaire au lieu de résidence6. L’article de Gabriel Kessler sur la paupérisation de la classe moyenne argentine fait ressortir une autre forme d’inscription spatiale des phénomènes de pauvreté : celui où l’éparpillement des « nouveaux pauvres » les prive à la fois de l’entraide apportée par des réseaux de proximité et du bénéfice d’une politique sociale territorialement ciblée, la forme dominante d’intervention en direction des plus démunis en Amérique latine. Différente est encore la situation du sans-abri. Figure emblématique de l’individu socialement désaffilié, il est celui qui ne parvient à s’inscrire sur aucun territoire : ni ceux, abstraits, constitués par les collectifs professionnels dispensateurs d’une assurance sociale, ni ceux, géographiquement identifiables, qui bénéficient de la protection d’une église, d’un seigneur ou d’un patron7. Sans doute, comme l’observe Jacques Rodriguez dans sa lecture de l’ouvrage de Jean-François Wagniart sur les vagabonds et le vagabondage à la fin du dix-neuvième siècle, y a-t-il plus loin qu’il n’y paraît de prime abord entre cette figure de l’errant et le SDF de notre fin de siècle, la suppression de dispositions répressives et la mise en place de régulations étatiques ayant depuis partiellement amélioré le sort de celui qui n’a pas de toit. Sans doute aussi, comme le rappelle Véronique Dupont dans son travail sur les sans-abri d’Old Delhi, vivre dans la rue ne correspond pas toujours à une situation de désaffiliation sociale et de marginalisation économique, mais peut fort bien s’inscrire dans le cadre d’une stratégie individuelle ou familiale dont les contraintes limitent toutefois considérablement la rationalité. Mais il n’en demeure pas moins que, en ces temps et ces lieux différents, la condition de sans-abri apparaît toujours bien peu propice à l’exercice de la citoyenneté démocratique. C’est en ce sens que Dominique Vidal interprète l’importance accordée au droit à la propriété d’une maison dans une favela de Recife au Nordeste du Brésil. Parce que le stigmate qui l’afflige l’expose à la répression policière, parce qu’il ne peut s’inscrire sur les listes électorales faute d’adresse personnelle et parce qu’il ne saurait bénéficier d’une action sociale territorialisée, le vagabond ne peut en effet guère espérer jouir des droits civils, politiques et sociaux attachés au statut de citoyen. Individu Dans les sociétés modernes, l’individu ne reçoit plus son identité de la structure sociale, mais doit lui-même produire le sens de son existence dans la distance à soi et aux rôles institutionnels8. S’il n’y a plus de positions originairement assignées dans une totalité intangible comme dans les sociétés d’ordres ou de castes, aucune place n’y est jamais définitivement assurée. Et c’est pourquoi la construction de l’identité personnelle prend souvent dans nos sociétés contemporaines la forme de pénibles épreuves, surtout pour ceux qui ne disposent pas des ressources nécessaires à l’exercice de l’idéal d’autonomie individuelle promu par la modernité. Que peut bien alors signifier être assuré de sa place dans un monde fondamentalement instable où faire sa place tend justement à se présenter comme un travail permanent pour l’individu ? Là où l’identité a longtemps pu se définir dans la relation de patronage ou l’appartenance à un groupe statutaire, les formes anciennes d’inscription dans l’ordre social peuvent encore parfois apparaître comme une solution préférable aux incertitudes de la modernité. Pour les pauvres de Brasília Teimosa étudiés par Dominique Vidal, l’exigence de respect renvoie ainsi aussi bien à un code de comportement censé régler les relations entre dominants et dominés dans le cadre d’une représentation hiérarchique de la société qu’à l’idée d’une égalité fondamentale entre les individus au cœur de la conception moderne de la citoyenneté démocratique. Dans l’Inde contemporaine, un communautarisme fondé sur la caste peut servir de cadre à l’intervention sociale en direction des plus démunis, mais il va à l’encontre d’une participation politique effective des pauvres qui, comme le souligne Marie-Caroline Saglio, permettrait de restaurer leur dignité bafouée9. Dans ces deux cas, on le voit, la reconnaissance de l’individu comme valeur apparaît en définitive moins limitée par la persistance des structures d’un ordre traditionnel que par l’incapacité du politique à instituer un imaginaire social démocratique dans des sociétés en crise. Mais les souffrances entraînées par les incertitudes identitaires peuvent être encore plus durement ressenties quand des bouleversements économiques frappent de plein fouet des individus jusque là dotés d’une identité socialement valorisée. Ce thème est au centre des contributions de Karine Clément et de Gabriel Kessler. La première nous montre des ouvriers russes qui vivent leur appauvrissement sur le mode de la honte dans une société où l’idéologie du marché valorise désormais un individu dégagé de tout collectif et maîtrisant seul son existence. À propos des appauvris de la classe moyenne argentine, le second décrit l’expérience d’individus dont les repères cognitifs qui les assuraient de leur place dans la société se sont effondrés. Ne disposant pas de cadres pour donner sens à la nouvelle situation, ils éprouvent alors un sentiment de perdition que l’absence d’intervention sociale transforme en sentiment d’abandon. L’analyse socio-historique du rapport social à la pauvreté en Angleterre proposée par Jacques Rodriguez rappelle néanmoins que l’idée de laisser à l’individu la responsabilité de son sort qui sous-tend la limitation des secours offerts aux plus démunis peut aussi constituer un trait culturel d’un pays à la tradition démocratique établie. Un rappel, s’il le fallait, de la nécessité de ne pas oublier la spécificité des dynamiques nationales dans l’analyse des effets de ce phénomène tenu comme mondial qu’il est convenu d’appeler le « néo-libéralisme ».
  • 关键词:pauvreté; sociologie; territoire(s) et territorialité; exclusion;Top of page
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