Au livre 4 des Géorgiques, Virgile, qui conçoit la figure d'Orphée en référence au poète élégiaque Gallus, propose de voir, dans les amours et la poésie du musicien thrace, l'illustration des effets néfastes de la passion et met, plus particulièrement, l'accent sur l'antagonisme qui existe entre pietas et furor. Ovide répond, dans les Métamorphoses, à cette mise en cause de la poétique gallienne, en élaborant un ensemble narratif complexe, dans lequel les différents traitements de l'inceste engagent à une réévaluation de l'opposition pietas/furor. L'essentiel de cette réponse consiste dans le chant en catalogue qu'Ovide attribue à Orphée, chant dont les différents récits, à lire en rapport avec l'expérience amoureuse du musicien, ne prennent tout leur sens qu'à partir de leurs mises en relation réciproques. On peut voir un dernier signe de cette volonté de défendre la poétique gallienne dans la localisation choisie pour le chant d'Orphée : la forêt exceptionnellement luxuriante, qui se forme autour de l'amant d'Eurydice, renverrait au bois de Grynium, dont Gallus aurait chanté l'origine en évoquant les métamorphoses en arbres d'hommes et de femmes victimes des souffrances amoureuses.