首页    期刊浏览 2025年12月25日 星期四
登录注册

文章基本信息

  • 标题:La Nouvelle Italie: un cas singulier de bilinguisme dans le théâtre français du XVIIIe siècle
  • 本地全文:下载
  • 作者:Francesca Pagani
  • 期刊名称:Elephant & Castle : Laboratorio dell'immaginario
  • 电子版ISSN:1826-6118
  • 出版年度:2007
  • 期号:0
  • 出版社:Università degli Studi di Bergamo
  • 摘要:La Nouvelle Italie de Jean Galli de Bibiena n’est pas le tout premier cas de bilinguisme franco-italien dans le panorama théâtral français; déjà au XVIIe siècle les deux langues partagent la même mise en scène, notamment à l’Hôtel de Bourgogne ont lieu des représentations proposant une pièce en français suivie d’une comédie en italien1. C’est vers la fin du siècle qu’on observe les premiers exemples de véritable métissage linguistique: en fait, au sein de quelques comédies jouées en italien apparaissent des scènes et des airs chantés en français; la première pièce ainsi caractérisée que l’on connait de nos jours est le Regallo delle Damme, représentée en 16682. En 1681 la troupe du Théâtre Italien s’installe à Hôtel de Bourgogne et fait appel de plus en plus régulièrement à des acteurs français, qui dans les années suivantes, en particulier dès 1716 sous la direction de Riccoboni, sont reçu à pension et deviennent par cela des éléments stables de la compagnie théâtrale. Cette innovation se motive par le désir de se conformer au goût du public, qui privilégie la comédie à la française, et témoigne la sensibilité d’une époque qui perçoit le lien intime existant entre le style et la langue: le <<goût français>> d’une pièce théâtrale ne peut pas s’exprimer en oubliant sa propre langue d’origine. Ce qui en découle pendant une période assez longue c’est un idiome hybride où l’italien, langue maternelle des <<Comédiens du roi>>, l’emporte sur le français. Les acteurs ne manquaient de plaider l’indulgence du public à cause des difficultés qu’ils rencontraient en jouant dans les deux langues3 et les témoins de l’époque relatent les expédients utilisés pour réaliser et mettre en scène ces métissages. On lit dans les Lettres historiques sur tous les spectacles de Paris (1719) de Nicolas Boindin : <<Ils [les Comédiens Italiens] n’ont ancore joüé que deux ou trois de ces nouvelles Pieces, & ne les joüent pas toutes entieres en François, parce que tous les Acteurs ne le sçavent pas parlermais les Auteurs ont soin d’arranger leur Scenes & de distribuer leur rôles de façon que ce sont ceux qui possedent le mieux cette langue qui disent les choses les plus necessaires pour donner l’intelligence de la piece4>>.Quant à l’impression suscitée par cette nouveauté, Boindin commente que la fusion des deux langues lui paraît peu musicale et par là désagréable, mais ce défaut s’estompe rapidement grâce aux autres points forts de la représentation.<<L’oreille a d’abord de la peine à s’accoûtumer au mélange de ces deux langues, la premiere impression n’étant point agréable; je ne puis mieux la représenter qu’à celle que feroient deux instrumens mal d’accord ensemble; mais insensiblement on s’y accoûtume, & l’oreille relâche un peu de ses droits en faveur de l’esprit5>>. C’est un bilinguisme au but <<programmatique>> qui fait le caractère innovateur de la Nouvelle Italie de Jean Galli de Bibiena, en fait on ne choisit pas de conjuguer la langue italienne et française pour le désir de se conformer au goût du public ou pour s’adapter aux capacités ou recourir aux manques des acteurs, qui d’ailleurs avaient beaucoup changé par rapport à ceux de la troupe des premières années du siècle. Bibiena dit de Mademoiselle Piccinelli, qui interprète Emilia dans la Nouvelle Italie et à laquelle la pièce est dédiée, qu’elle est <<Actrice Françoise>> aussi bien qu’<<Italienne>> et c’est sous ce double caractère qu’il faut qu’elle montre son talent au public. Arlequin, joué par Carlin (Bettinazzi), ne ressemble plus au personnage des années dix du siècle, auquel Boindin recommandait: <<il faut qu’il se tienne à son bergamasque, jusqu’à ce qu’il se soit rendu intelligible dans nôtre langue; il est étonnant que depuis qu’il est à Paris, il n’ait pas encore appris à jargonner le François6>>. D’autre part la fusion du Théâtre Italien avec l’Opéra-Comique, contemporaine à la création et à la mise de la Nouvelle Italie (les deux en 1762), donnait la possibilité à la troupe italienne d’engager des acteurs français bien expérimentés. Par conséquent, ce n’est pas une nécessité d’ordre pratique qui motive le bilinguisme de la pièce; il s’agit d’un véritable programme littéraire, que Bibiena annonce dans la Préface à l’édition de la Nouvelle Italie: <<[…] je n’espérois que celui [le succès] d’avoir donné l’idée d’un nouveau genre de Piéce théâtrale, où se trouvent alliés & amenés à propos les deux Langue Françoise & Italienne, la Musique & le Spectacle.>> Ce nouveau genre théâtral, que Bibiena voyait bien exploité et raffiné par l’esprit de Goldoni, déjà actif à Paris, conçoit le bilinguisme comme caractère constitutif de la pièce: le sujet de celle-ci le justifie et l’exige, car il met en scène des personnages d’origine italienne ayant colonisé et ensuite habité une île, appelée la Nouvelle Italie, et des personnages français qui débarquent sur cette même île à cause d’un naufrage. L’emploi des deux langues se légitime par la caractérisation des personnages, qui se répartissent en trois typologies de parlants: les <<nouveaux italiens>>, parmi lesquels on trouve la princesse Emilia, Rosaura et le fidèle Rodolfo, qui ne parlent et ne comprennent que leur langue maternelle; le peuple français, dont le seul locuteur effectif est Lisidor, qui de même ne s’exprime et n’entend que le français, et pour finirles deux personnages bilingues de la pièce, les serviteurs Camilla et Arlequin.Cependant le bilinguisme de la Nouvelle Italie ne se tient qu’à la cohérence du sujet, mais il agit comme élément dramaturgique qui est en mesure d’actionner et modifier l’intrigue de la pièce, car il motive les actes de communication manqués entre les personnages de langue italienne et française et il occasionne et il explique les manipulations des serviteurs bilingues. L’action théâtrale évolue à partir de ces événements: l’incapacité communicative d’Emilia et de Lisidor, contraints à ne s’exprimer que dans leur propre langue maternelle, et le piège de Camilla et d’Arlequin son complice, font en sorte que les amoureux n’arrivent pas à se déclarer dès leur rencontre, en laissant la place à la proposition de mariage du traître Gernando et à son action politique et guerrière. La pièce s’ouvre avec deux scènes entièrement consacrées aux personnages néo-italiens: leur langage et leur ton grave et solennel s’inscrivent immédiatement dans le cadre du théâtre de Métastase, auquel Bibiena se réfère de manière explicite dans la Préface de l’ouvrage. L’italien de Bibiena apparaît tout à fait conforme à celui du théâtre italien du XVIIIe siècle et on peut dire de même de son français; Bibiena, qui avait déjà écrit plusieurs romans en français et qui avait traduit les pièces des bouffons de l’italien au français, maîtrisait parfaitement cette langue. Son Lisidor, seigneur français, utilise cependant le langage et le ton d’un amoureux qui ne correspond pas à la typologie linguistique du sigisbée, qui était très à la page dans le théâtre de l’époque alors que l’on représentait un jeune gentilhomme. L’auteur de la pièce nous dit que Clerval (ailleurs Clairval), n’était pas persuadé de la bonté de cette caractérisation, mais Bibiena motive ainsi sono choix <<[…] jouer un rôle françois, un rôle de Seigneur, & ne pas y trouver cette fleur de galanterie, naturelle à la nation & plus que jamais de mode, lui paroissait un personnage manqué & absolument opposé aux usages.Mais que l’on se représente un jeune homme, entrainé par la fureur des vents dans une Isle inconnue, où il ne s’attend qu’à rencontrer des sauvages ou des bêtes féroces, & qui voit dans un jardin délicieux la Princesse la plus aimable, fût-il le Petit-maître le plus frivole, il ne peut que demeurer interdit, enchanté, transporté d’admiration; son cœur doit naturellement s’ouvrir à la passion la plus vive; il ne sçauroit parler que le langage du sentiment, c’est-à-dire, celui qui approche le plus du tragique & même du romanesque […]>> Quant aux serviteurs, le bilinguisme qu’ils adoptent montre deux personnages aux natures profondément différentes: Camille est double comme son langage, car elle est apparemment dévouée à la Princesse et en réalité elle est complice de l’usurpateur, alors que le Arlequin passe du français à l’italien comme il mélange la vanité à la naïveté; ce personnage, totalement incapable de distinguer la vraie valeur de l’acte verbal, crée le côté comique qui lui est propre.Camilla parle en français en trois occurrences: pendant les <<à part>>, quand elle communique au public ses intentions et par conséquent elle manifeste sa vraie nature; au cours de la tentative de séduction-corruption d’Arlequin, qui devient en fait son complice, et pendant les fausses traductions qu’elle donne au détriment de la Princesse Emilia. Arlequin, de sa part, se pavane en affirment qu’il ne veut parler que français car il s’agit de <<sa langue préférée>> (I, 3) et il ne parle italien que quand on touche à sa vanité: "Si, Signora, gentiluomo d’anticamera" (Oui, Madame, Gentilhomme d’antichambre, I, 5), il précise quand il entend dire de lui qu’il ressemble à un singe. Arlequin revient à sa langue maternelle aussi quand il doit agir en tant qu’interprète: c’est en cette occurrence qu’il montre que pour lui chaque énonciation se lie à un acte performatif; chaque fausse traduction, en fait, correspond à un des dons promis par Camilla.ARLEQUIN à Lisidor.Oui, Monsieur, peu de chose. La Princesse vous a dit qu’elle vous remercioit de votre reconnoissance, qu’elle étoit bien aise de vous avoir sauvé la vie, & que vous pouviez, comme vous jugeriez à propos, rester dans cette Isle ou partir. à part. Allons, j’ai bien commencé, je tiens déjà la gloire.[…]LISIDOR d’un air encore plus interdit à Arlequin.Mais il y avait plus de mots dans ce qu’elle m’a dit.ARLEQUIN à Lisidor.C’est que les paroles Italiennes sont plus longues. à part. Bon, l’argent est à moi, je le mets déjà dans mes poches.[…]ARLEQUIN à Lisidor.Ah! Mon cher Maître que vous vous trompez! les yeux des Italiennes sont tous menteurs. à part. Courage, voilà que j’ai fait le bonheur des peuples.[…]ARLEQUIN à Lisidor.Enfin, Monsieur, ou vous voulez que je vous trompe ou que je vous parle vrai; si je dois être sincere, je ne puis que répéter ce que j’ai déjà dit. à part. Pour le coup tout est fini, j’aurai la Dame d’honneur, & moi, que ferai-je?... Je serai l’Homme d’honneur de la Princesse. (II, 4) Le bilinguisme des serviteurs se différencie par un décalage de tons et de registres, à tel point que l’on peut parler de deux langages différents; comme dans une sorte de mise en abyme, le bilinguisme se dédouble: le langage de Camille a toujours des accents dramatiques, aussi bien dans la première phase de la trahison jusqu’au repentir final, alors que celui d’Arlequin ne cesse de susciter le comique. L’exemple le plus évident de cet écart se retrouve dans la traduction de la lettre de Camille, où à la gravité de la servante correspond un commentaire inopportun, et par cela ridicule, d’Arlequin. CAMILLA explique la lettre haut, d’une voix tremblante, entrecoupée de soupirs & qui annonce le repentir & la confusion.Venez promptement, Seigneur, avec vos troupes; attachée à vos intérêts par inclination & par la reconnoissance de vos générosités, je vous ai délivré d’un fâcheux contre-tems.ARLEQUIN.Oui, fâcheux contre-tems; c’est fort bien.CAMILLA.Un certain Lisidor, Seigneur & Général françois, a abordé ce matin sur ce rivage.ARLEQUIN.Sur ce rivage; c’est encore bien.CAMILLA.Les agrémens de sa figure ont charmé la Princesse; il a été ébloui de sa beauté, & la surprise de leurs cœurs en peu d’instans est devenue la passion la plus vive.ARLEQUIN.La plus vive; bien interpreté.[…]CAMILLA.Ainsi trompés l’une & l’autre par nos fausses interprétations, la Princesse m’a ordonné de dire à Lisidor que son intention étoit qu’il partît, & Lisidor va bientôt faire mettre à la voile.ARLEQUIN.Oui, à la voile; bien expliqué.CAMILLA.Venez; le cœur de la Princesse est outré de dépit, il vous sera facile de l’engager à d’autres sentimens; & en feignant de la soumission & de l’amour, oui, Seigneur, vous obtiendrez sa main. ARLEQUIN.Sa main; c’est à merveille. (III, 6) Si le bilinguisme crée un langage double et parfois paradoxal et un registre tragique et comique à la fois, l’italien d’Emilia e le français de Lisidor semblent pouvoir se traduire par le moyen d’un troisième langage, celui de l’amour. Les regards et les gestes de l’amoureux/amoureuse, qui contrastent avec les traductions proposées par les serviteurs dans le premier acte, laisse passer la langue étrangère comme un <<dolce suono>> (Emilia, I, 4), "doux sons" (Lisidor, ibidem).Le langage de l’amour devient un maître incontournable, à tel point que la Princesse arrive à prononcer quelques mots dans la langue de son amoureux: dans le tout dernier acte de la pièce, en fait, Emilia, qui connaît désormais l’amour de Lisidor, s’exprime en français et c’est pas par hasard que cette langue devient le trait d’union dans lequel le couple se retrouve.Et Arlequin ne peut que commenter ainsi ce prodige: ARLEQUIN à part.Oh! que l’Amour est un habile maître! La Princesse a prononcé comme si c’était moi qui lui eût enseigné.
国家哲学社会科学文献中心版权所有